« Pourtant homme sublime, un jour tu seras beau et tu présenteras le miroir à ta propre beauté.
Alors ton âme frémira de désirs divins. Il y aura de l’adoration dans ta vanité. Car ceci est le secret de l’âme :
Quand le héros a abandonné l’âme, c’est alors seulement que s’approche d’elle en rêve…..le Super Héros ! »
Les origines
Il est des mythes qui peuvent au fil des décennies s’essouffler et de bûcher devenir simple brasero pour s’éteindre complètement et disparaître ainsi dans la nuit des temps oublié des dieux et des hommes. Car pour entretenir une légende et lui permettre de vivre, seul le souvenir compte et de la transmission qui doit s’effectuer au fil des générations, c’est la mémoire qui va permettre au mythe de durer : Tous les pays qui n’ont plus de légendes seront condamnés à mourir de froid !
C’est ce qui faillit arriver à nos super-héros français, cette lente déliquescence pour devenir une vague idée dans l’histoire de notre pays et nous étions à deux doigts de perdre complètement la trace de cette surhumanité s’il n’y avait pas eu un événement d’une portée considérable pour nous rappeler que la France a connu une période faste où l’imagination au service des romanciers fut mise à l’honneur pour créer probablement le concept le plus incroyable de l’histoire de notre littérature : le super-héros !
Dans ce terreau formidable qu’est la vieille SF , a germé depuis ses origines, tout un monde peuplé d’êtres extraordinaires aux pouvoirs parfois surprenants. Humains hors du commun, sorte de héros de l’ombre qui à l’inverse du savant fou agiront de façon totalement désintéressée pour retourner dans l’anonymat le plus complet. Leurs caractéristiques seront presque toujours les mêmes, jeunes, athlétiques et faisant preuve d’un courage et d’une témérité exemplaire.
Si toutefois leur spécificité provient d’une force physique au-dessus de la normale, les pouvoirs dont ils seront parfois les détenteurs, proviennent dans la majorité des cas de la magie, du spiritisme ou du savoir accidentellement retrouvé de quelques brahmanes Hindous. Ce concept de super héros , qui ne prend tout son sens que dans la bande dessinée Américaine, avait pourtant entamé ses premiers balbutiements dans les fascicules populaires, dont la prolifération fut relativement conséquente dans le premier quart du XXème siècle. Mais l’accouchement sera difficile, car le concept n’est pas une des priorités de nos écrivains de l’époque qui choisiront, et cela peut se comprendre culturellement, un autre type de héros.
La genèse du justicier remonte à l’époque où de nombreux écrivains comme Féval, Alexandre Dumas, Xavier de Montepin, Eugène Sue, Frédéric Soulié, Zévaco….créèrent un concept littéraire tout à fait innovant qui avait l’art de rassembler des genres aussi variés que le roman de mœurs, le roman sentimental, social, exotique. Mais ce qui le caractérisait le plus, c’était son côté sensationnel, qui foisonne de situations imprévues, de rebondissements incroyables, souvent baignés dans des contrées exotiques et mystérieuses.
Curieusement, ce qui fascinait le plus le lecteur, et qui le fascine toujours autant, c’est la galerie de types louches, de malfrats, de confréries diaboliques, de génies du mal que l’on peut rencontrer dans ce genre d’ouvrages. Les exemples dans ce domaine sont légion et si l’on fait l’inventaire des trognes patibulaires, il faut reconnaître que nos romanciers firent pencher la balance plutôt du mauvais côté.
Afin que l’équilibre soit parfait, car de nature, l’homme doit être bon , il était nécessaire d’y inclure l’autre face du côté obscur , un personnage à qui tout le monde pourrait s’identifier, un sauveur qui n’hésitera pas à défendre la veuve et l’orphelin et mettre sa vie en danger pour sauver les valeurs fondamentales de l’humanité : Le héros !
Il faut dire que ce dernier ne manque pas de panache, aristocrate, reporter ou jeune sportif le jour, dès que tombe la nuit il revêt une tout autre apparence. Affublé d’un simple loup sur le visage ou d’une inquiétante cagoule, d’un chapeau à large bord ou d’une immense cape noire doublée à l’intérieur d’un rouge des plus vif, il sillonne la ville, investit d’une mission vengeresse des plus impitoyable. Souvent aidé par de petits gadgets, résultats des progrès scientifiques de son époque, il est rare que ce singulier personnage soit doté de pouvoirs surhumains. Les moyens qu’il utilisera pour arriver à ses fins, seront toujours à l’échelle humaine et ne dépassent que rarement le cadre de sa simple force physique ou de son agilité. Toutefois, comme nous le verrons plus loin, il existe quelques exceptions.
Dans notre domaine de recherche, la majorité des cas où nous avons affaire à un surhomme bien souvent celui-ci sera le résultat de recherches interdites qui ne vont, non pas créer un super héros , mais un être complètement dépassé par des pouvoirs qu’il utilisera essentiellement pour faire le mal. Produit d’expériences douteuses, il terminera son existence de façon lamentable, détruit par son propre créateur ou par une humanité qui n’est peut-être pas encore prête à assumer une telle évolution.
Le super-héros sera dans la littérature d’imagination scientifique souvent un simple justicier, un détective aux pouvoirs d’investigations exceptionnels, ou un savant génial dont les inventions seront mises au service d’une justice visant à contrecarrer les agissements de quelques sociétés secrètes ou autres génies du mal. Pour voir naître ce super héros au super pouvoir il fallait une vision toute neuve du héros et du justicier.
Notre littérature était trop dépendante d’une certaine tradition et d’un courant populaire, certes très inspiré, mais tributaire des contraintes d’une tradition romanesque bien en place. Pas ou peu de récurrences, à l’image du thème du Savant fou .Ce thème fort peu abordé sous l’aspect que nous lui connaissons actuellement, ne sera traité que de façon très dispersée, dans une littérature pourtant fort généreuse en ce qui concerne les inventions extraordinaires, les surhommes, les voyages dans l’espace, les invasions extra-terrestres, j’en passe et des meilleures.
La littérature dite de genre d’avant-guerre ne semblait pas très généreuse en ce qui concerne les « gentils » alors qu’à l’opposé, comme je le signalais précédemment, elle avait un faible pour camper des figures maléfiques et tournées vers le mal. Zigomar de Léon Sazie, Les vampires de Meirs et Feuillade, Fantômas de Souvestre et Allain, Férocias et Fatala de Marcel Allain, Démonax de Robert Lortac, Fantax le héros BD de Pierre Mouchotte, Mme Atomos de André Caroff, L’ombre Jaune de Henri Vernes autant de méchants qui participent à la consécration d’un genre qui continue encore de nos jours à rassembler de farouches partisans.
Pourtant, à bien y regarder, quelques auteurs se consacrérent au genre, de façon discrète tout en établissant les bases, parfois à peine ébauchées, de ce super justicier aux pouvoirs formidables. Hélas, si de nos jours ces derniers sont définitivement plongés dans l’oubli le plus total, ce n’est pas faute de leurs exploits hors du commun, mais en grande partie en raison de l’extrême fragilité du papier où furent racontés leurs exploits, de la grande rareté à trouver actuellement la plupart de ces éditions et de leur disparité dans une production fort généreuse sans qu’il y ait eu une réelle concertation entre les auteurs. Autant de bonnes raisons pour que ces héros de l’ombre soient tombés dans l’oubli le plus total, victimes une fois de plus du dédain de nos éditeurs.
Finalement, si nous faisons un petit inventaire de ces super-héros à l’état embryonnaire, la liste peut être très longue ou très courte en fonction du sens que nous accordons à sa définition. Il me plaît à imager le destin splendide qu’aurait pu être cette foule de personnages aussi mystérieux que redoutables, s’il y avait eu un catalyseur pour réunir sous un même bannière d’aussi charismatiques personnages : Jean de la Hire et son Nyctalope, Paul Féval fils et Félifax , Maurice Renard et son Homme truqué Jacques Spitz et L’homme élastique , le Rour de Souvestre et Allain, le Sâr Dubnotal et surtout Fascinax , à mon sens le plus emblématique. Ce personnage, est à lui tout seul non seulement une énigme littéraire, car on ignore avec certitude son auteur, mais il reste à mon avis le personnage type du super-héros, du justicier vengeur aux pouvoirs formidables. Toute cette littérature avait en elle le germe d’un potentiel formidable qui hélas il mourut à l’aube de la Seconde Guerre mondiale et c’est à ce moment qu’il nous faut parler de la Brigade chimérique .
Pour mieux comprendre cette incroyable histoire, il est nécessaire de faire un autre voyage dans le temps plus court celui-ci, et de réaliser qu’en fait, la brigade chimérique fut au départ un canular littéraire bien construit et entretenu . Je dois avouer en avoir été la victime plutôt enthousiaste, car dans toute légende, il est une part de vérité que nous voulons percevoir ou de mensonge que nous nous refusons d’accepter. Notre fonction , en tant que lecteur de l’imaginaire, n’est-il pas de vouloir croire pour que justement perdurent les légendes ? Il y a plus de 10 ans donc, lors de la parution du premier volume de la brigade chimérique Mécanoide Curie et La dernière mission du passe-muraille , je fus intrigué par le second de couverture avec un titre en gras La fin des super-héros européen et précédé d’une note explicative Ils sont nés sur les champs de bataille de 14-18 ; dans le souffle des gaz et des armes à rayon X . Il n’en fallait pas plus pour attiser ma curiosité ! Sensible à cette notion de super-héros à la française , avec au fond de moi le souvenir de cet échec cuisant qu’ils connurent en cette première moitié du XXème siècle, je voulais savoir et surtout croire ! Forte de 6 volumes répartis en 12 chapitres, comment résister à des titres aussi accrocheurs que La chambre ardente , L’homme cassé , Le club des hypermondes ou Le grand nocturne .
Nous voilà donc embarqué dans une vaste fresque historique, d’une dystopie super-héroïque où la France enfanta un grand nombre de protecteurs aux super-pouvoirs issus d’une littérature de genre au potentiel insoupçonné. Comme ils existaient et qu’il fallait un catalyseur pour les placer sous une même et unique bannière, quoi de plus simple que de créer cette manière d’interrupteur pour faire la lumière sur ce fait divers imaginé par un auteur fictif : Georges Spad ! C’est ici que l’intégrale des 6 tomes parue en 2012 nous donne des indices supplémentaires avec ce fameux canular littéraire cité plus haut et intitulé L’homme chimérique : Suite à un accident dans les tranchées, alors qu’il faisait des recherches sur la transfusion sanguine, Jean Brun de Séverac est victime d’une violente explosion. Si l’on ne retrouve pas son corps, car passé à l’état d’homme évaporé, loin de disparaître complètement, il se divise en quatre parties distinctes, créant des entités aux pouvoirs extraordinaires.
Fort de ce scénario, plutôt galvanisant et des suites fictives rares et introuvables éparpillées dans diverses publications populaires, Serge Lehman décida d’utiliser ce concept pour en faire le pilier de sa future histoire. En effet, pourquoi ne pas se servir de cette trame pour en faire les bases d’un univers relatant l’existence de super-héros français et de rassembler toute cette masse éparpillée dans la littérature dite du Merveilleux-scientifique et d’en faire un univers bien distinct ? En quelque sorte une fiction incluse dans une autre fiction ! Ainsi naquit la brigade chimérique.
Chargé de la protection de la nation, cette unité d’élite ne fut plus qu’une rumeur jusqu’au jour où l’institut Curie , centre de l’hyper-science et forte d’une réserve de citoyens aux pouvoirs exceptionnels, se voit abriter dans ces locaux le fameux Séverac plongé depuis de nombreuses années dans un profond coma. L’institut découvre le moyen de le dissocier et de le recomposer à volonté. Telles les nombreuses figures inventées par les dessinateurs américains, nous voici en présence d’un simple humain pouvant à volonté transformer son apparence pour devenir justicier.
Ce fort volume, généreux de 278 pages nous livre ainsi la lutte de la brigade chimérique contre l’obscur Mabuse , la redoutable armée de Gog et de la phalange pendant que Nous autres et ses mécanoïdes attendent, patiemment de quel côté la balance va pencher pour choisir son camp , dans cette Europe dont l’embrasement imminent risque d’opposer les plus redoutables mutants que l’humanité ait générée.
Appuyée par un dessin d’une grande pureté conférant à l’histoire un coté addictif qui à aucun moment ne faiblit ni ne lasse le lecteur, baigné par des couleurs qui impactent la rétine de façon durable pour nous livrer de temps à autre des pleines pages d’une beauté éclatante, on se laisse alors porter dans ce maelström où des forces titanesques se rassemblent pour réécrire le début d’un conflit mondial inévitable et où le scénario manipule avec habileté et brio, une vérité historique qui oscille en permanence sur le fil ténu des hypermondes. Certaines planches aux tons pastel comme autant de flash-back indispensables à la bonne compréhension des origines de certains personnages, sont esthétiquement bluffantes. Bourré de références à toute cette littérature de genre que le scénario nous livre avec toute la nostalgie et le respect qui s’impose sans jamais tomber dans une forme de discours obscur risquant de noyer le lecteur peu habitué à ces personnages d’un autre temps, le véritable tour de force réside dans cette limpidité du fil narratif qui, entre héros d’un autre temps et prémisse d’une nouvelle race de surhommes, joue habilement avec les codes du genre pour nous livrer cette magnifique chronique d’une mort annoncée. La fin d’une période d’un genre mort-né, précipitée par l’approche d’une guerre terrible sonnant le glas du super-héros français condamné à un oubli presque total.
Impossible ici de vous révéler certaines subtilités scénaristiques pour ne pas dénaturer le plaisir d’une future lecture, mais je peux vous assurer que certaines trouvailles sont tout simplement extraordinaires et donnent un véritable sens à cette création non seulement d’une grande originalité, mais qui devait absolument voir le jour afin de donner une véritable ossature à un genre n’ayant pas réussi à l’époque à prendre corps.
L’univers s’étoffe.
Avant de passer à ce nouveau pavé, il est est indispensable de faire le point sur les univers parallèles qui se tissent autour de l’univers de la brigade, publiés entre la parution de ces deux opus, et pouvant parfaitement s’intégrer dans le cycle. En effet, il sera possible au lecteur curieux de se plonger également dans le volume L’homme truqué (1 volume 2013) et la trilogie L’œil de la nuit. (3 volumes 2015-2016)
En reprenant les personnages de Maurice Renard et de Jean de la Hire, , Serge Lehmann et Gess contribuent avec ces albums , à une suite logique et attendue des terribles événements dont Jean Lebris fut la malheureuse victime et de la jeunesse du Nyctalope avant de sombrer dans cette déchéance dont il sera victime dans la brigade chimérique. Les dessins y sont toujours d’un réalisme surprenant, les couleurs bien nuancées, nous nous retrouvons face à un Gess au style plus abouti et plus que jamais fidèle à l’esprit de l’univers. Cette idée de prolonger ainsi leurs incroyables aventures est tout à fait justifiée, non seulement pour donner plus de corps et étoffer ainsi l’univers de la Superscience et continuer l’édification des origines des supers héros Français, mais permet surtout de développer certaines idées et hypothèses à peine esquissées par Maurice Renard dans L’homme truqué. Si l’œil de la nuit , pour des raisons de droits, ne reprend pas l’identité du Nyctalope, le scénariste gardera la trame de certaines de ces aventures lors de la parution en roman préférant toutefois écrire une histoire entièrement inédite pour le dernier volume.
Sorte de Cyclope rétro avec son curieux appareillage de vision, donnant une dimension fort spectaculaire à cet homme truqué , cette idée de changer l’appareillage de vision est assez bien trouvé, lui permettant de se détacher du commun des mortels, de l’identifier plus facilement et surtout de le distinguer d’un autre personnage de L’hypermonde , le Nyctalope. Affublé lui aussi d’une vision nocturne hors du commun, gardien bienveillant d’un Paris sous la menace perpétuelle d’événements étranges, il sait que cet homme peut se révéler un allié utile dont il faudra désormais accepter les extraordinaires propriétés.
De fait, l’univers que nous proposent les deux co-auteurs est un savant mélange, de celui si riche et si complexe du merveilleux scientifique où des éléments épars de cette littérature vont se croiser dans une logique sans faille et faisant appel à des références qui ne pourront que séduire l’amateur du genre avec des éléments propres à cet univers. L’intervention à la fin du volume de L’homme truqué par la fameuse Brigade chimérique est un puissant rappel mis en place lors de la création de cette unité d’un genre spécial.
Pour les puristes et celles et ceux qui veulent approfondir encore plus leurs connaissances sur la brigade chimérique, je vous recommande également de vous plonger dans l’univers du jeu et plus particulièrement sur son encyclopédie. Forte de plus de 250 pages, il vous fournira bien des éléments sur l’hyperscience , le tout agrémenté de magnifiques dessins provenant de la série de BD.
Renaissance
Un mythe peut-il survivre au temps et à la mémoire des hommes ? Il y a-t-il encore une place pour cet opéra de papier au langage désuet qui, face à cette explosion de figures héroïques qui envahissent les kiosques et les écrans, peut avoir une bien triste figure ? Le pari était osé, l’exploit presque inaccessible, mais pourtant fort de la science des hypermondes, nos Savanturiers de l’impossible viennent d’insuffler une nouvelle vie à nos héros de l’ombre afin de donner un lustre encore plus resplendissant à cette patine du temps qui ne semble avoir aucune prise sur ces figures de légende. Dois-je vous dire que nous attendions tous cette renaissance et si les années n’ont pas amoindris tout l’intérêt que nous leur portons, le fort beau volume paru il y a peu frappé aux armoiries du bras ailé est certainement l’objet que nous attendions avec une impatience non feinte.
Contrairement à l’édition précédente, celui-ci est publié chez Delcourt qui marque déjà le coup en nous livrant un magnifique ouvrage avec un dos toilé comme jadis en 2012 chez l’Atalante, mais là où ce nouvel éditeur fait encore mieux, c’est en incluant le livre dans un magnifique écrin sous l’aspect d’une jaquette aux airs de tapisserie! En effet, une fois dépliée, il sera possible, pour le lecteur expert, d’y retrouver une multitude d’allusions à la première série, mais également de forts belles références au merveilleux-scientifique : Félifax , L’affiche du protecteur de Paris, Palmyre dans Baal , Le messager de la planète de José Moselli, L’oeuf de verre de Jean de Quirielle, Mars va vous parler illustré par Robida dans Le journal des voyages , un tableau de Henri Lanos Destruction de la terre par le choc d’une comète pour la revue Je sais tout…… je voulais pour l’occasion remercier Stéphane de Canevas et Serge Lehman d’avoir fait allusion à cet artiste hors pair à la fin de l’ouvrage dans la rubrique Métadonnées . Je suis très ému par l’histoire racontée au sujet de cette inclusion sur la couverture de l’ouvrage et, indirectement, de m’avoir associé à cette référence inespérée. Des références donc, il y en a plein et c’est déjà un plaisir que de se remémorer au travers de ce dessin géant les palpitantes aventures passées et….. à venir !
C’est sur ce point précis qu’il faut saluer l’immense travail du scénariste et de l’illustrateur. En effet, comment remettre au goût du jour les héros de l’ancienne Europe tout en essayant de rallier à sa cause un nouveau public et surtout dynamiser un genre de manière à lui insuffler une toute nouvelle dimension ?
Paris est sous la menace de deux terribles invasions, l’une provenant des sous-sols avec la venue du roi des rats et de sa légion de créatures mutantes et l’autre de l’espace sous la forme d’une redoutable entité cosmique, Chob, un avaleur de monde. Le fil conducteur de l’histoire est Charles Dezniak dit Dex à la tête d’une organisation qui, à l’instar des Américains sous le nom de Facteur X, étudie certaines aberrations provenant de mondes parallèles et/ou occultes. La section française, elle, s’attache aux souvenirs des mondes perdus, les hypermondes, rayés de la mémoire collective lors de la Seconde Guerre mondiale. Chargé par le gouvernement français d’endiguer cette menace, notre chercheur, aidé de précieux collaborateurs, va partir à la recherche de super-héros oubliés depuis des décennies afin de s’opposer à ces forces destructrices. Le lecteur va donc rencontrer , l’homme truqué, modifié pour la circonstance, car un héros de chair est lui aussi voué à la dégradation de la matière, Félifax , le fameux homme-tigre de Paul Féval soumis également à quelques modifications génétiques, la descendante de Palmyre, redoutable sorcière héroïne des premières aventures de la brigade chimérique et surtout Jean Brun de Séverac , l’homme quadripartité, de retour ici pour servir comme jadis de catalyseur aux nouvelles forces en présence.
Cette ultime renaissance nous livre une incroyable histoire qui vient bien se raccorder sur la série précédente avec cette particularité que cela peut se lire de manière indépendante. Outre le fait qu’elle prolonge et bonifie de manière substantielle un univers absolument génial, ce nouvel opus possède la particularité de s’accorder parfaitement aux demandes d’un tout nouveau public. L’œil averti et le passionné, découvriront une fois encore bien des références sur cet univers qui nous passionne tant, avec cette dimension de super-héros moderne et qui probablement trouvera ses adeptes dans un public plus jeune, habitué aux comics américain. D’ailleurs, l’album n’est pas avare de références modernes qui fusionnent parfaitement avec cet aspect plus rétro et j’ai particulièrement apprécié la métamorphose de l’homme truqué dans cette version plus humanoïde. L’histoire de chaque super-héros de la première génération y est racontée de manière originale avec un raccord parfait avec les exigences d’un contexte plus actuel. Les pages fourmillent en effet d’allusions fort sympathiques sous forme d’affiches ou de livres fictifs et nul doute que les auteurs se sont amusés à inventer posters et couvertures relatant les exploits de nos super-héros. C’est avec grand plaisir que nous allons découvrir L’homme truqué ou Félifax à la tête de comics à grand tirage ou dans des éditions française d’avant-guerre tout aussi réelles, mais avec des modifications de circonstances à faire pâlir tout documentaliste qui se respecte. Grand coup de génie également que cette référence à Chob , entité cosmique issue de ce grand classique d’Yves Dermèze qui au final est un des rares écrivains à avoir fait la transition entre la fin du merveilleux-scientifique et la SF moderne.
Outre l’aspect titanesque de ce dieu souvent rencontré dans les comics américains, nous avons la preuve supplémentaire que nos écrivains étaient capables d’oser une telle dimension cosmique et mis ici à l’honneur dans ce final d’apocalypse digne des meilleures séries américaines. Je n’ai pas la prétention de les connaître comme certains peuvent le revendiquer, mais cette ultime renaissance est la preuve que nous avons là tout un monde qui fourmille de références avec un potentiel incroyable et que les auteurs, dans un long travail de réflexion et de concertation, nous ont offert l’aboutissement d’une univers incroyablement riche et possédant une matière première qui faillit nous passer entre les doigts.
Que Serge Lehman me pardonne cet abus de langage et cet enthousiasme qui peut paraître excessif, mais connaissant tout cet amour que je possède pour le Merveilleux-Scientifique, je trouve que ce concept de brigade chimérique fut un sacré coup de poker, mais surtout un sacré coup de génie, car elle est au final la synthèse de tout un univers éparpillé aux quatre coins d’une littérature de genre mal définie et pendant longtemps mal répertoriée. Dans cette masse volumineuse, elle pouvait sembler anecdotique et insignifiante, mais réunie sous un même et unique étendard, se révèle à la fois forte, inventive…..unique!
Dans ces deux volumes, riche d’une partie Métadonnées qui sont autant d’éléments précieux pour le profane comme pour l’érudit sur certaines références, scénariste et artistes ont couchés par l’image, outil de communication de nos jours incontournable, le substrat de cet univers mal connu, pendant longtemps peu exploré, mais qui se révèle une fois encore d’une richesse inouïe. Une masse imposante riche de 500 pages et plus avec les autres albums se rattachant à la série, où les artistes y ont mis toutes leurs tripes dans un maelström d’images souvent à la beauté surréaliste où les couleurs s’entrechoquent de manière sublime pour nous révéler un univers qui oscille de manière constante entre merveilleux- scientifique et comics. Je ne cesse de passer en revue certaines planches qui pendant longtemps, dans mes rêves les plus fous, ont titillé mon imagination en me disant que peut-être, un jour, un artiste assez fou serait dans la capacité de retranscrire par le dessin ces univers de l’hypermonde. Si les dessins de Gess ne cessent d’imprimer ma rétine d’images d’une beauté d’un monde crépusculaire et incroyablement fidèles à cette littérature , ceux de Stéphane de Canevas trouvent quand à eux la fréquence parfaite avec ces nouveaux univers , ce passage de relais entre deux mondes incroyablement complexes et beaux et nul doute que cette ultime renaissance vient de trouver grâce à ce dessin inspiré , une toute nouvelle dimension à la brigade chimérique. Le dessin/photo de la couverture rigide , d’une grand beauté, est en cela très évocateur avec la représentation d’une brigade aux formes inquiétantes car baignée dans une ambiance crépusculaire , sorte de cliché fantôme qui oscille entre réalité et fiction, mais qui pourtant se veut rassurante par la présence de ces créatures super-héroïques qui veilleront sur l’humanité, tant que subsistera en nous ce besoin de croire et d’imaginer.
Lire ces deux beaux volumes, c’est la certitude de pénétrer dans un monde ne possédant nulle autre équivalence et de vous imprégner d’univers insoupçonnés qu’il était indispensable de révéler enfin au public sous une forme universelle. La toute dernière planche de l’album en cela, porte en elle tous les espoirs de cette nouvelle génération, une fenêtre ouverte entre le réel et l’imaginaire face à un jeune public, amusé, émerveillé….!
En souvenir des Hypermondes et des amis de la brigade chimérique , le club des Savanturiers reconnaissant!