Les mystérieuses études du professeur Kruhl

Posté le 6 janvier 2010

« Les mystérieuses études du professeur Kruhl » Publié dans la revue « Je sais tout » Septembre 1912

Le héros de cette aventure,en vacances prés du village de Cauville est fortement intrigué autour d’une rumeur concernant une étrange propriété  « le donjon rouge »

Renseigné par les habitants du village, il apprend que la sinistre demeure est louée depuis 3 ans par un individu que tout le monde surnomme « Le charcutier du diable »

IL s’agit en réalité d’un professeur Allemand de l’université de Magdebourg, affublé de cet étrange sobriquet en raison de ses achats de centaines de cochons depuis qu’il s’est installé au village.

Poussant un peu plus loin ses investigations, il va se rendre une nuit prés de la propriété où il entend une étrange plainte, celle d’un cochon que l’on est entrain d’égorger.

Se faisant passer pour un admirateur des travaux du Professeur, il tente de pénétrer dans la demeure,il se heurte à une défense farouche,la place est bien gardée.

Un soir il rencontre l’étrange personnage, mais celui-ci refuse le dialogue, aucune menace n’a de prise sur lui, le narrateur s’interpose tente de le retenir et Kruhl suppliant de lui dire « Elle va mourir….et si elle meurt je ne pourrai cette fois plus la ranimer…si elle meurt….si elle meurt… toute est perdu…perdu… »

Un soir finalement il parvient à pénétrer dans la maison, déjouant les systèmes de surveillance, à l’intérieur un bruit régulier et puissant vient troubler son esprit, un bruit mécanique mais tellement « vivant » mais qui pourtant ne lui était pas complètement inconnu.

Lorsqu’il découvre enfin l’origine de se rythme régulier, il est subitement saisi d’effroi. Un machine gigantesque, faite de tuyaux de cylindres et de rouages qui dans un mouvement horriblement humain alimentent à la fréquence des battements du cœur, une tête posée sur un socle.

IL s’agit comme il se doit, de la tête d’un infortuné guillotiné servant aux effroyables expériences du Pr Kruhl.

Ecoutons pour ce faire le compte rendu de la malheureuse victime Prosper Garuche :

« Depuis longtemps les anatomistes ont essayé de ranimer le chef d’un guillotiné : ils partent de ce principe que c’est uniquement le sang qui entretient la vie  et de ce fait, tous les organes du corps humain n’ont d’autres fonctions que de purifier et de régénérer le sang .Par la distillation des aliments, l’estomac le renouvelle et l’enrichit, les poumons l’épurent en l’oxygénant, le foie et les reins le filtrent, enfin le cœur le fait mouvoir et circuler. Or,comme d’autre part c’est le cerveau qui fait fonctionner cœur,estomac,poumon et que c’est le sang qui anime le cerveau tu vois bien que c’est lui le sang qui engendre la vie. Alors on a pensé que si l’on parvenait à baigner l’encéphale d’une tête coupée avec du sang injecté dans les vaisseaux du crâne à la température et à la pression normales on la ferait ressusciter .On a essayé : on a réuni les carotides ‘un chien vivant à celle d’une tête de supplicié et la face s’est animée,les lèvres ont remué,les yeux ce sont ouverts,seulement les conditions de l’expérience étaient imparfaites ; il n’y a au monde que Siegfried Kruhl qui soit parvenu à la réussir et c’est moi,Prosper Garuche,qui lui servi de sujet. »

Ainsi donc les cochons, utilisés depuis toute ces années, servaient à alimenter cette infernale machine mais le précieux liquide devait être remplacé tous les jours en raison de « l’usure » trop rapide du sang de l’animal.

Répondant aux supplications de l’infortuné,dont cette vie mécanique lui est insupportable ( ayant la « conscience » de son corps sans pouvoir faire le moindre mouvements ) le témoin de cette horrible expérience sort un révolver de sa poche et vise sur la partie la plus délicate,la plus riche en engrenages,pistons et leviers et tire trois balles.

« La pulsation sonore s’arrêta net ; au milieu des roues brisées, des tiges tordues, du liquide gicle, des gouttes nombreuses et rouges dégoulinérent sur le sol en ruisseau, la machine saignait ! »

De retour à son domicile, il sombrera dans une forte fièvre. Sorti de sa congestion, il apprendra la destruction du « Donjon rouge » rayé de la carte par un formidable incendie.

 En guise de commentaire

La production de textes relevants de l’imaginaire fut, faute de revues spécialisées, très abondante au début du XX éme siècle et il serait vraiment difficile d’en répertorier la totalité à l’heure actuelle.

De plus, c’est une époque où le genre  « Science- fiction » n’est pas encore bien déterminé et le terme de « Fantastique » était une espèce de « fourre tout » ou de nombreux textes appartenant à cette zone crépusculaire entre la SF et le Fantastique, étaient alors rangés.

Un genre il faut le reconnaître  assez méprisé, car en marge de la « vraie » littérature mais qui  abritait donc sous son aile une foule de textes d’origine conjecturale.

Bien souvent d’ailleurs la différence entre les deux domaines se base souvent sur des critères assez difficiles à définir.

Je pense par exemple au thème da la régénération des tissus morts et à un texte que j’avais réédité dans la défunte revue « Planète à vendre ».

L’exemple typique de cette époque est le texte de Paul Arosa « Les mystérieuses études du Professeur Kruhl » paru dans la revue « Je sais tout » ou ce dernier rassemble plusieurs genres : Policier,Fantastique,Science-fiction et même Grand Guignol.

Cette œuvre d’ailleurs, comme nous le fait remarquer fort justement Jacques Van Herp, ressemble curieusement à un texte de jean Ray et intitulé « La tête de Mr Ramberger ».

Dans les deux textes nous sommes en présence de la résurrection d’une tête décapitée, toutefois Arosa apportera une explication scientifique alors que jean Ray laissera planer un doute à la limite du surnaturel, tout en insistant sur le coté morbide de la situation (l’auteur Gantois était avant tout un conteur fantastique)

Dans le texte qui nous intéresse le procédé utilisé pour l’époque est assez innovent.

En effet tout repose sur un appareillage sophistiqué, énorme machine fonctionnant au moyen d’un cœur artificiel, envoyant en permanence du sang de porc (le plus proche de l’homme) dans le système vasculaire cérébral.

Toutefois, si l’idée est séduisante sa créature reste tributaire de son statut de « Tête vivante » et reste condamnée à ne pas bouger du socle sur lequel elle est posée.

Il faudra attendre un roman tout à fait rarissime et passionnant des pères de « Fantômas », Souvestre et Allain pour que le pas soit enfin franchi avec le passionnant « Le rour » (écrit à la gloire de l’automobile et des pneumatiques Ducasble)

Il s’agit à mon avis du tout premier roman Français (publié en 1909) où il sera question d’une créature semi mécanique et mue par un cerveau humain.

Les auteurs nous en présenterons juste une ébauche audacieuse car le savant diabolique de l’histoire ne parviendra pas à mener son projet à terme et pour cause, le héros neutralisera l’inventeur, le cerveau de la future créature étant celui de sa fiancée.

Par la suite G.Palowski en 1913 et son « Voyage dans la quatrième dimension » ébauchera ce concept toutefois cette date est tout aussi importante car elle marque une étape décisive dans notre domaine.

En effet à Bruxelles sera édité ce qui constitue d’après Versin dans son « Encyclopédie » la « Première collection spécialisée de science-fiction »

« Le secret de ne jamais mourir » Roman fantastique de A.Pasquier et illustré par De Cuyck va ainsi constituer le seul et unique volume d’une série fort prometteuse des éditions « Polmoss »

L’ouvrage renferme en réalité deux textes consacré aux « automates » mais celui qui nous intéresse plus particulièrement est le premier donnant le titre au recueil.

Ici la donne est différente car ce n’est pas un cerveau que l’on va ajouter à une machine (ou faire fonctionner un cerveau artificiellement grâce à un appareillage) mais on va intégrer des éléments mécaniques en remplacement d’organes défectueux ou vieillissants : L’ancêtre de Robocop venait de voir le jour !

Celui qui franchira de nouveau le pas sera Gaston Leroux en 1924 avec la parution de son célèbre roman « La machine à assassiner ».

Dans ce texte, Gabriel est un mannequin automate sur lequel on a greffé le cerveau d’un guillotiné.

Il se répare et se remonte tout seul, doué en quelque sorte d’une immortalité « mécanique » qui en fera presque le summum de la créature artificielle parfaite.

Signalons également une petite plaquette éditée en 1928 à la « Librairie théâtrale » et intitulé « L’homme qui a tué la mort » de René Berton. Il s’agit d’un pièce dramatique en deux actes ou la tête d’un décapité est rendue à la vie au moyen d’une machine complexe envoyant électricité et sang de bœuf afin de refaire fonctionner le cerveau du malheureux.

Lucien Bornert en 1953 avec son roman « Robots sous-marins » dans la collection  » Grand roman science anticipation » éditions le Trotteur (pré-originale dans la revue « Robinson » du 10 Mars au 1er Décembre 1940) et  Pierre Devaux dans son roman « Uranium » Editions « Médicis » 1946,mettront également en scène des créatures mi-machineS,mi-humaines dans lesquelles seront logées un cerveau humain.

Comment terminer enfin sans oublier le roman de de Marcel Thiry « Le concerto pour Anne Queur » où un grand médecin noir à trouvé un moyen de vaincre la mort.Les cadavres sont ainsi vidés de leurs tissus charnels,à l’exception du cerveau et sont appareillés avec un coeur électrique qui diffuse un sang couleur or.Ces étranges créatures sont appelées les « Secs »constituent ainsi un nouvelle race de surhommes,mais pour combien de temps?

 

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