Avant de parler de se personnage récurant de l’œuvre d’André Couvreur, il me semble nécessaire de parler un peu du thème du « savant fou » dans les textes de conjectures anciennes.
Historiquement, il est nécessaire de remonter à l’ouvrage de Mary Shelley et son « Frankenstein ou le Prométhée moderne » afin de commencer la véritable ébauche de ce scientifique un peu « illuminée » qui, faisant fi de mettre en cause sa réputation, poursuivra obstinément son œuvre afin d’affirmer ses hypothèses les plus audacieuses. Même si la description du procédé permettant de « ranimer » les tissus morts reste très succincte, (le cinéma sera plus généreux en la matière) l’idée était toutefois lancée, la voie venait de s’ouvrir. Une voie dans laquelle bon nombre d’écrivains vont s’engouffrer, créant ainsi, un genre dans le genre pour le plus grand plaisir des lecteurs que nous sommes.
L’histoire du savant « fou » puise ses origines dans un passé moyenâgeux où il était un peu la représentation de cet alchimiste solitaire qui passait le plus clair de son temps à rechercher la pierre philosophale, le secret de la transmutation du fer en or ou le sérum de vie éternelle. Bien souvent associé à une forme de magie noire, car fortement suspecté de fourvoyer avec le malin, il fut chassé, traqué et persécuté par l’église et la terreur superstitieuse qu’il inspirait aux hommes.
Il deviendra par la suite homme de science, celui qui connaît les secrets de la vie car se passionnant pour les mystères de l’homme et de sa composition, c’est la nouvelle ère de l’association de la science et de la médecine, le savant est généralement l’érudit qui se penche sur les secrets de « l’alchimie corporelle » il sera respecté bien que craint car il inspire fascination mais répulsion. Le malaise à l’égard de cette élite se trouvera renforcée lorsque ce médecin cherchera quelques réponses à toutes ces questions fondamentales, dans le magnétisme et l’hypnose. C’est la grande époque du « fluide vital »des « ondes magnétiques » et des « courants psychiques » : L’homme de science redevient une sorte de « mage » retournant à ses anciennes amours et cherchant des réponses dans des voies beaucoup plus occultes.
Puis arrive le temps de la révolution industrielle, de l’électricité et de la vapeur. Toute une nouvelle technologie que le scientifique, bien souvent médecin de formation, va s’efforcer de percer afin d’assouvir sa soif intellectuelle mais aussi afin de concrétiser ces hypothèses les plus folles, ses théories les plus insensées. Tout va très vite, trop vite et cette frénésie du savoir et du pouvoir que celui-ci peu lui procurer développe en lui un sentiment de supériorité qui le mènera bien souvent à des recherches certes audacieuses mais bafouant toutes les règles éthiques de sa corporation. La connaissance conduit souvent sur des chemins interdits pouvant mettre à mal le respect et l’intégrité de l’espèce humaine.
Au départ, le savant est un personnage brillant par définition, un peu en marge de la société et qui travaille dans l’ombre pour le bien de l’humanité .C’est lui qui, par sa vision toute nouvelle d’un futur idéal, va s’employer à découvrir les nouvelles technologies permettant à l’humanité d’accéder à un monde meilleur. En fait c’est ce qu’il y a de marqué sur le « papier » mais la réalité en matière de littérature est tout autre.
Bien souvent, le savant est un solitaire un peu égocentrique qui ne se soucie guère de l’humanité .Au contraire, régulièrement laissé pour compte, raillé par ses semblables car trop audacieux ou en avance sur son temps, cet homme de génie n’aura d’autre alternative que de se replier sur lui-même et passer le reste de sa vie à ourdir un moyen pour détruire un monde trop ingrat. Rejeté, bafoué, incompris de son entourage, le brillant homme de science basculera alors vers « le coté noir de la force » pour devenir « Savant Fou »
Mais si ce dernier met toute son âme et sa dignité pour arriver à ses fins il est important de classer ce génie du mal en plusieurs catégories. En effet il n’est pas nécessairement un esprit malfaisant, le terme « fou » désignant également certaines de ses projets qui, de part leurs caractères insensés et audacieux, ne peuvent relever que de la pure folie. Le savant fou ne pourra servir que ses propres ambitions et prouver au reste du monde qu’il possède un certain génie et que l’on a eu tort de mettre sa parole en doute. D’une manière générale il mènera son expérience à terme sans aucune rancœur envers l’humanité.
L’autre catégorie est beaucoup plus dangereuse car là, sa folie est à la mesure de la haine qu’il éprouve pour ses semblables et sa seule ambitions sera de détruire le monde d’incrédules dans lequel il vit. Mais il pourra mettre également sa science au service de la patrie, ce type d’individus se rencontrant surtout dans le roman de « Guerres futures » et où toute la panoplie du sadisme humain sera mise en exergue. ( « La guerre infernale » de Giffard et Robida, « La guerre au XXéme siècle » toujours de Robida, « La guerre est déclarée » du Colonel Royet, « L’héroïque aventure » A.De Pouvourville , « Elisabeth Faldras » O.De Traynel…) En fait les prémisses de la tuerie scientifique au nom de la science et de la liberté.
Quoiqu’il en soit, il usera surtout son énergie à faire avancer ses propres hypothèses sur un sujet qui le préoccupe plus particulièrement : L’être humain ! Il va donc s’efforcer de le « modifier » de façon aussi incroyable que tragique et pour cela les techniques ne manquent pas :
– Le rendre invisible (« Mr rien aventure d’un homme invisible » de Boussenard, « L’homme qui voulait être invisible» de M.Renard, « Joe Rollon, l’autre homme invisible» de Edmond Cazal, alias Jean De La Hire, « Le maître du monde » de Pierre Desclaux)
– Le rendre plus petit (« L’homme élastique » de Jacques Spitz, « Les petits hommes dans la pinède » de Octave Béliard, « La chute dans le néant » de Marc Wersinger).
– Le rendre immortel (« L’immortel » nouvelle de Régis Vombal, « La maison des hommes vivants » de Claude Farrère, « L’élixir de longue vie » de Krijanovskaia, « Les immortels de Rock-island » de Leprince, « Les mystères de Lyon » de Jean de la Hire…)
- Le rendre plus « résistant » en modifiant ou remplaçant des parties de son corps (« Le concerto pour Anne Queur » de Marcel Thiry, « Le Rour » de Souvestre et Allain, « Le secret de ne jamais mourir » de Pasquier, « Les mystérieuses études du professeur Kruhl » de Paul Arosa).
– Le rendre plus intelligent et en faire un surhomme ( « Tréponème » de Marc La Marche, « Trois ombres sur Paris » de H.J.Magog, « Satanas » de Gabriel Bernard, « On vole des enfant dans Paris »de Forest, « Le sceptre volé aux hommes » de H.J Proumen)
- En fait, modifier,le transformer et le charcuter sous toutes les formes ( « L’homme qui peut vivre dans l’eau » de Jean de la Hire, « Le docteur Lerne,sous dieu » et « L’homme truqué » de Maurice Renard, « L’homme qui devint gorille » de H.J.Magog)
Mais le savant s’attaque de façon globale à tout ce qui bouge, et sa soif de connaissance et surtout d’assouvir ses propres fantasmes, le conduiront à des débordements inimaginables. L’anticipation ancienne regorge littéralement des exploits de ces êtres d’exceptions qui d’un revers de main sont capables de balayer une ville entière. Car le savant est capable d’inventer toutes sortes de machines diaboliques :
- Fabriquer des typhons (« Un monde sur le monde » de Perrin et Lanos )
– D’assécher les océans (« Les buveurs d’océans » de H.J.Magog).
– De réveiller les volcans (« L’éveilleur de volcans » de G.G Toudouze).
– De provoquer des séismes (« A deux doigts de la fin du monde » du colonel F.Royet).
– D’envoyer un fragment du pôle dans l’espace (« L’évanouissement du pôle » de H. Debure).
– Des machines capables de percer le globe de part en part (« Ignis » du comte Didier du Chousy)
– De désintégrer toute forme de vie à distance (« Elisabeth Faldras » de O.de Traynel).
– Des machines à lire dans les pensées. (« La machine à lire les pensées » de André Maurois)
– Des machines à voyager dans l’espace (« Le docteur Oméga » D’Arnould Galopin, « Aventures merveilleuses de Serge Myrandhal » de H.Gayar)
- Des machines à voyager dans le temps. (« Aventures d’une voyageur qui explora le temps » D’octave Béliard)
– Des îles volantes ou artificielles (« L’île aérienne » de Max André Dazergues, « Les robinsons de l’île volante » de R.M.Nizerolles)
Le savant est capable de créer des pilules nutritives, des substances qui régénèrent, qui font grossir les animaux,qui vous empêchent de vieillir, de mourir….bref ils sont capables de tout,ou presque ! Le savant (fou ou non) est donc une figure emblématique de l’anticipation ancienne, un élément clef de l’intrigue, le pivot central sur lequel s’articulera un nombre incalculable de romans. Il est d’ailleurs assez intéressant de voir la quantité de ces illustres cervelles qui perdirent pied et basculèrent du « mauvais coté ».
Cette catégorie de l’élite intellectuelle dans bien des cas n’utilisera pas son magnifique potentiel pour aider ses semblables, bien au contraire elle en fera son instrument de mort. Les seuls qui tenteront de l’exploiter à des fins plus humanistes se retrouveront débordés par leurs inventions, soit par distraction (le savant est un grand distrait) soit par volonté d’en faire trop.
L’imagerie populaire n’est pas avare de représentations de ce singulier individu et il est surprenant de le voir toujours affublé d’une trogne assez ingrate, le front très proéminent, le cheveu rare, le regard vif parfois sadique, un corps plutôt malingre et peu habitué aux exercices physiques, en conclusion un aspect souvent des plus déplaisant.
Dans cette première partie du XXéme siècle, on se méfie de la science, on la regarde d’un œil assez sceptique, le pays de Voltaire et de Hugo est assez pragmatique et peu enclin à accorder sa confiance à une élite d’excentriques à l’esprit dérangé. Il en résulte alors toute une production assez incroyable par sa diversité où le thème du savant sera utilisé avec plus ou moins de brio mais au final pour accoucher d’œuvres singulières desquelles se détachent des individus assez marquants sorte de «anti-héros » du « merveilleux scientifique ».
Dans toute cette production aussi riche qu’inventive, de grands noms se détachent nettement et leur génie malfaisant en font des figures inoubliables, la tête de liste de la science au service du mal : Maurice Renard et son « Docteur Lerne » (« Le docteur Lerne sous dieu » Mercure de France 1908) André Couvreur et l’inoubliable « Caresco » (« Caresco surhomme ou le voyage en Eucrasie » Librairie Plon 1904 avec de superbes illustrations de Edmond Malassis),H.G.Wells et sont diabolique « docteur Moreau » (« L’île du docteur Moreau » Mercure de France 1901 pour l’édition Française) le professeur Wolmar de Guy de Teramond (« L’homme qui peut tout » Editions M.Vermot 1910)
Toutefois cette thématique bien qu’utilisée à maintes reprises, ne semble pas avoir suscitée l’envie aux auteurs qui en usèrent de s’en servir comme un support récurant pour toute une série d’aventures. Il suffit de faire le compte pour mettre en évidence l’absence quasi-totale de la réapparition systématique du savant, qu’il soit docteur ou professeur, dans tout un cycle où il en sera le héros. Pourtant, cette rareté existe, un personnage assez atypique qui ne cessera au cour de ses trente années d’existence de nous émerveiller et de nous amuser avec sa façon tout à fait décalée de concevoir la science ainsi que les bienfaits de la médecine et de la chirurgie : Le professeur Tornada !
Avant de s’attaquer à la création de cette figure légendaire du « merveilleux scientifique » André Couvreur était déjà coupable d’avoir imaginé un autre prototype du savant fou, le docteur Caresco. Sa première apparition date de 1899 « Le mal nécessaire » ( Plon Nourrit & Cie) qui entame le cycle « Les dangers sociaux ». Avec cette œuvre Couvreur inaugure les prémices de « L’anticipation médicale », avec ce chirurgien peu scrupuleux, décrit comme un être vil et cupide, un monstre assoiffé de sang ! (tout comme le Professeur Flax de la chanson)
Le sinistre héros de cette aventure reprendra du service quelques années plus tard dans l’extraordinaire « Caresco, surhomme ou le voyage en Eucrasie, conte humain ». Dans ce chef d’œuvre superbement illustré par Edmond Malassis, Le redoutable chirurgien installé sur une île en forme de corps humain, se livre à de redoutables expériences, faisant jouer allégrement son bistouris à des fins pseudo scientifiques mais qui ne sont que le prétexte à un sado masochisme exacerbé, un moyen de laisser libre cour à ses fantasmes les plus fous. Baigné dans une atmosphère où érotisme et décadence sont les maîtres mots, l’auteur ne nous livra pas moins un incroyable roman où l’inventivité est reine avec toute une succession de brillantes idées : Esquif aérien, machine à satisfaire les besoins essentiels, créatures télépathes, humain à qui l’on implante une longue vue à la place de son œil, engins se déplaçant dans des tubes sous vide, greffes de toutes sortes, vies artificielles, les inventions se succèdent à un rythme effréné.
Avec ce « petit bijoux » qui reste à mon avis son œuvre maîtresse, il posait là toutes les bases de sa future production, se révélant ainsi la référence en matière de « conjecture médicale » Il faut dire qu’il était lui-même médecin et que son père était ancien interne des hôpitaux de Paris. Né le 4 août 1863 à Seclin, toute son enfance baignera dans cette ambiance médicale et il n’est pas étonnant qu’avec son frère aîné, il embrasse cette carrière. Il obtiendra son diplôme en 1892, exercera sa profession, mais c’est vers l’écriture que se portera toute son attention et ce pour notre plus grand bonheur. 1909 marque l’année de sa création la plus fameuse, le professeur « Tornada » qui sur 6 romans nous fera découvrir les aspects les plus cocasses et les plus malicieux de cet excentrique savant.
Sa première aventure « Une invasion de macrobes » était déjà en elle-même une douce folie puisque ce curieux scientifique que ses pairs considèrent comme un charlatan, décide pour se venger de mette en application une de ses trouvailles, à savoir augmenter de façon considérable la taille des microbes et de les lâcher sur Paris. Fort heureusement rongé par le remord, il trouvera un parade…la capitale sera épargnée !
Dans cette première aventure,Tornada,télépathe,occultiste,biologiste et astronome…entre autre, nous y est détaillé avec précision et cette description mérite de s’y arrêter un instant :
« C’était un petit bout d’homme simiesque, dont on ne remarquait d’abord que la barbe noire, si fournie qu’elle s’allongeait en deux tortillons très soignés jusqu’au niveau des jambes. Par contre la tête était chauve presque en totalité ; et le crâne poli permettait de remarquer la conformation anormale de la tête, qu’un eût dite pétrie à la diable, ondulée de bosses excessives qui devait loger une intelligence particulière. Le reste de la physionomie, quand on la détaillait, n’atténuait en rien la surprise provoquée par ces premières impressions. Les oreilles surgissaient comme des appendices de loup, mobiles aux moindres sonorités. Les yeux très sombres, très petits et très mobiles, s’emplissaient d’éclairs par moments ; et à d’autres ils s’égaraient sous les paupières. Enfin des tics, plus singuliers, les uns que les autres, secouaient à tout propos la tête, les bras et les jambes, avaient des convulsions incessantes sous cet extérieur Hoffmannesque. »
Voilà une description des plus exacte qu’il soit, magnifiquement accompagnée d’une composition de André Devambez, qui ne manque pas de réalisme. Après cette singulière aventure nous retrouverons le professeur en 1922 avec « L’androgyne », une savoureuse histoire où Tornada, devenant de plus en plus malicieux au fil de ses aventures, transforme une homme en femme, avec toutes les conséquences que cela implique.
On plonge dans l’humour le plus délirant dans son aventure suivante « Le Valseur phosphorescent » où l’incorrigible professeur va soumettre aux passions amoureuses sa créature « Adam »,la déconvenue de la promise sera grande lorsqu’elle s’apercevra que son créateur n’a pas complètement « terminé » son travail. Une œuvre au fort relent érotique, la plus « détendue » de toute la série.
La quatrième aventure « Les mémoires d’un immortel » sera plus classique, un sérum qui une fois injecté donnera l’apparence de la mort et permettant ainsi au sujet de connaître les véritables sentiments qu’éprouvent ses proches à son égard. Ici le professeur se fera le bras armé de la science qui utilisera son génie pour le bonheur d’une seule et unique personne, révélant ainsi son coté philanthropique.
Avec le « Biocole » c’est le retour à une œuvre à la thématique plus fouillée, avec un sujet encore neuf pour l’époque. Tornada trouve le moyen de prolonger la durée de vie en remplaçant les organes « usagés » par des neufs et de soumettre ainsi ses patients à un traitement spécial et revitalisant. La terre se sur-peuple, la misère apparaît, les guerres civiles éclatent. Ses découvertes se succèdent, dont une super « pilule nutritive » mais conscient du mal que sa technique d’immortalité génère il décide de mettre fin à cette douce utopie qu’il avait créée sous le nom de « Biocolie ». Un texte vraiment réussi, reprenant également de nombreuses thématiques chères à l’auteur, un texte phare dans sa bibliographie.
Avec « Le cas de la baronne Sasoitsu » sixième et dernière aventure du cocasse professeur, il nous régale cette fois de l’invention d’un curieuse machine à rayons « Ultra verts » générant ce qu’il appelle une « onde Tornadienne » et capable de régénérer les tissus et de redonner jeunesse et beauté à un visage. Une histoire « conjecturo-policiére » où une fois de plus la science de Tornada sera remise en question.
A l’age de 76 ans Couvreur entame la prochaine aventure du génial savant « La mort du soleil ». Je reprends le résumé réalisé par Claude Deméocq dans sa passionnante étude consacrée au personnage :
« Dans l’atmosphère de la débâcle, un couple et leurs enfants se réfugient chez Tornada. Les Allemands ont gagné la guerre. Le soleil est obscurci par les effets nocifs des bombes. Tornada va tenter d’être le maître du monde….. »
Nous ne connaîtrons pas la suite, Couvreur va décéder des suites d’une mauvaise chute, seul et dans l’indifférence totale en 1944. Sa dernière œuvre semblait empreint d’un grand pessimisme, une histoire tragique et négative marquée semble t-il par le traumatisme de la guerre. Au moment de sa rédaction, il ignorait probablement le tournant qu’allait prendre la conflit et dans ses heures sombres que traversa la France peut-être voyait-il dans le génial Tornada la seule alternative possible pour sauver l’humanité.Il est touchant de voir à quel point le désespoir peu vous amener à fuir la réalité et vous conduire aux frontières de l’imaginaire.
Personnage pittoresque, mégalomane, quelque fois un peu dérangé mais génial créateur de toute une quirielle d’inventions faite pour le bien être de l’humanité ou de son ambition personnelle, Tornada est l’incarnation même du savant pour qui la fin justifie les moyens. L’œuvre de Couvreur, sans cesse baignée dans une atmosphère d’un érotisme toujours de bon aloi, est d’une grande originalité et reste toujours extrêmement plaisante à lire. Son excentrique personnage, hélas pratiquement ignoré de nos jours est une figure incontournable du paysage du « merveilleux scientifique » qu’il serait grand temps de réhabiliter par une intégrale de ses exploits et qui à l’époque ne connurent qu’une modeste publication dans « Les œuvres libres ».
Il est regrettable de constater le manque d’intérêt que lui portent une fois de plus une grande majorité d’éditeurs, renforçant d’une manière encore plus évidente ce mépris affligeant à l’égard d’un genre d’une richesse inouïe.
Les créatures du Professeur sont lâchées sur Paris
Bibliographie des aventures du Professeur Tornada
– « Une invasion de macrobes » Première apparition de Tornada. Supplément à l’illustration : 6, 13,20 et 27 Novembre 1909. Magnifiques illustrations intérieures de Devambez.
– « Une invasion de macrobes » Editions Pierre Lafitte 1910. Édition revue et corrigée. Couverture couleur de Devambez.
- « Une invasion de macrobes » Éditions Tallandier collection « le lynx » N°7 (vers 1940) Couverture de Maurice Toussaint. Texte identique à celui de « L’illustration »
- « Un invasion de macrobes » Éditions Apex collection « Périodica » N°20. Gonfaron 2001. Réédition en fac- similé du supplément à « L’illustration ».
- « Une invasion de macrobes » Editions Ombre « Les classiques de l’utopie et de la science-fiction ».1998. Avec une passionnante introduction de Claude Deméocq « André Couvreur et les fantaisies du Professeur Tornada ». Cette introduction est en fait une reprise d’une article réalisé par le même auteur pour la revue « Le visage vert » (N°2 Janvier 1997) intitulée « André Couvreur ou le Merveilleux Scientifique Médical »
- « L’androgyne » Deuxième aventure du Pr. Tornada. Editions Arthème Fayard « Les œuvres libres » N°7, Janvier 1922. Réédition chez Albin Michel 1923. Edition revue et corrigée sous le titre « L’androgyne, les fantaisies du Pr. Tornada ».
- « Le valseur phosphorescent » Troisième aventure du Pr. Tornada. Arthème Fayard « Les œuvres libres » N°30, Décembre 1923.
- « Les mémoires d’un immortel ». Quatrième aventure du Pr. Tornada. Arthème Fayard « Les œuvres libres » N°42, Décembre 1924.
– « Le Biocole ». Cinquième aventure du Pr. Tornada. Arthème Fayard « Les œuvres libres » N°72, Juin 1927.
– « Le cas de la baronne Sasoitsu » Sixième aventure du Pr. Tornada. Arthème Fayard « Les œuvres libres » N°214, Avril 1939.
Bibliographie des œuvres Conjecturales ou Fantastiques
– « Le mal nécessaire » Premier volume du cycle « les dangers sociaux » Première apparition du Docteur Caresco. Editions Plon-Nourrit. 1899.
- « Caresco, surhomme ou le voyage en Eucrasie. Conte humain ». Deuxième apparition du Docteur Caresco. Illustrations en N&B et couleurs de Malassis. Editions Plon-Nourrit. 1905.
- « Le lynx » en collaboration avec Michel. Ecrivain à qui l’on doit également quelques œuvres conjecturales. Première publication dans la revue « Excelsior » du 21 Février au 18 Avril 1911. Réédition en volume, éditions Pierre Lafitte. 1911.
- « En au-delà »Editions Arthème Fayard « Les œuvres libres » N°178, Avril 1936. Contrairement aux références faites par Claude Deméocq dans la revue « Le visage vert » cette aventure n’est pas la sixième du Pr. Tornada, puisque le personnage est absent du roman.
Il est à mentionner la passionnante étude actuellement encore disponible sur André Couvreur et réalisée par Claude Deméocq :
– « André Couvreur, ou le merveilleux-scientifique médical ». Par Claude Deméocq, dans la revue « Le visage vert » Nouvelle série N°2. Janvier 1997. Avec bibliographie et documents inédits. Ce texte sera en partie repris dans l’édition de la « Petite bibliothèque ombres »
Les « Macrobes » sont en action….pas pour longtemps!
Récurrence du thème du « savant fou » et autres dans la littérature d’imagination scientifique
« Robur » de Jules Verne :
-« Robur le conquérant » Editions Hetzel ,1886. Nombreuses éditions.
- « Le maître du monde » Editions Hetzel, 1904. Nombreuses éditons
« Le Professeur Synthés » de Léon Boussenard :
- « Les secrets de Monsieur Synthés » Editions C.Marpon et F.Flammarion. Illustration CH.Clerice, 1888.
– « Dix mille ans dans un bloc de glace ». Editions C.Marpon et F.Flammarion. Illustration CH.Clerice, 1889.
« Le docteur Faldras » de O.de Traynel :
- « La découverte du Dr Faldras » Librairie Paul Ollendorff. Illustrations de José Roy, 1908.
– « Elisabeth Faldras ». Librairie Paul Ollendorff. Illustrations de Géo Dupuis, 1908.
« Le docteur Fu-Manchu » de Sax Rohmer (pseudo de Arthur Sarsfield Wade) :
« Imaginez-vous un homme de haute taille, maigre, félin, haut d’épaules, avec le front d’un Shakespeare, à la face de Satan,au crâne rasé,aux yeux bridés,magnétiques,verts comme ceux d’un chat. Supposez-lui la cruelle intelligence de l’Asie entière, accumulée dans un puissant cerveau, décuplée par une souveraine connaissance de la science passée et présente, par les possibilités infinies d’un gouvernement riche qui, cela va sans dire, à jusqu’ici dénié toute connaissance de sa réalité. Imaginez cet être terrible et vous aurez le portrait du docteur Fu-Manchu, le péril jaune incarné en un seul. » Un des personnages les plus emblématiques du savant au service du mal, incarnation de toutes les peurs de cette époque qui voyait dans l’Asie un peuple mystérieux, mais perfide et sournois, le fameux « péril jaune ».
Un personnage fascinant dans des aventures à (re)découvrir de toute urgence Je ne mentionne ici que les principales éditions.
– « Le Dr Fu-Manchu » Librairie des champs élysées « Le masque collection de romans d’aventures » N°94. 1931.
- « Le diabolique Fu-Manchu »Librairie des champs élysées « Le masque collection de romans d’aventures » N°107. 1932
– « Le masque de Fu-Manchu » Librairie des champs élysées « Le masque collection de romans d’aventures » N° 139. 1933.
- « La fille de Fu-Manchu » Librairie des champs élysées « Le masque collection de romans d’aventures » N° 185. 1935.
– « Sur la piste de Fu-Manchu » Editions Gallimard « Détective ».1936
- « Le mystère du Dr Fu-Manchu » Editions Gallimard « Détective ».1936
- « L’ombre pourpre, la fiancée de Fu-Manchu » Les éditions de France « À ne pas lire la nuit ».1937. Réédition édito service « Les chefs-d’oeuvre du roman policier »,1972. Rééditions Editions Opta « Club du livre policier » 1968 contient « Le docteur Fu-Manchu » et « Le diabolique Dr Fu-Manchu » Réédition
Jacques Glénat collection « Marginalia » 1976 : « La colère de Fu-Manchu » contient : – La nuit de Chinatown – Le coffre de Fu-Manchu – Les yeux de Fu-Manchu – La parole de Fu-Manchu – Le cerveau de Fu-Manchu
Intégrale de la série « Fu-Manchu » Editions Alta en 7 tomes :
Tome 1 (1978) – Le mystérieux Dr Fu-Manchu » – La résurrection de Fu-Manchu.
Tome 2 (1978) – Le mystère de Si-Fan – Le singe bleu. – La marque du singe – La fille du Fu-Manchu
Tome 3 (1978) – Le Yatagan Turc – Le prophète au masque d’or – La fiancée de Fu-Manchu
Tome 4 (1979) – La piste de Fu-Manchu – Le président Fu-Manchu
Tome 5 (1979) – Les tambours de Fu-Manchu – L’île de Fu-Manchu
Tome 6 (1979) – L’ombre de Fu-Manchu – Fu-Manchu rentre en scène
Tome 7 (1979) – Fu-Manchu empereur
Réédition Librairie des champs élysées « L’intégrale du masque » 1996. Contient : – « Le mystérieux Dr Fu-Manchu » - « La résurrection de Fu-Manchu » – « Les Mystères du Si-Fan » – « La fille de Fu-Manchu » – « Le prophète au masque d’or »
Rééditions U.G.E collection 10/18 : – « Le mystérieux Dr Fu-Manchu » 1988 – « La résurrection du Dr Fu-Manchu » 1988 – « Le diabolique Dr Fu-Manchu » 1988 – « Les mystères du Si-Fan » 1988 » – « La fille de Fu-Manchu » 1988 Réédition de l’intégrale ( ?) aux éditions Zulma « Romans noirs) – « Les mystères du Si-Fan » – « Les créatures du Dr Fu-Manchu » - « Le mystérieux Dr Fu-Manchu »
« Le mystérieux Docteur Cornélius « le Sculpteur de chair humaine » de Gustave Le Rouge » :
Maison du livre moderne. Série en 18 facsicules.1912.
- L’énigme du Creek sanglant.
- Le manoir aux diamants.
- Le sculpteur de chair humaine.
- Les lords de la main rouge
- Le secret de l’île des pendus.
- Les chevaliers du Chloroforme.
– Un drame au lunatic asylum.
- L’automobile fantôme.
- Le cottage hanté.
- Le portrait de Lucrèce Borgia.
- Cœur de gitane.
– La croisière du gorille club.
- La fleur du sommeil.
- Le buste aux yeux d’émeraude.
- La dame aux scabieuses.
- La tour fiévreuse.
- Le dément de la maison bleue.
- Bas les masques !
Réédition en 1918.Editions Jules Tallandier « Les romans pour tous »
- « Le mystérieux Dr Cornélius » Fascicule 1&2
- « Le sculpteur de chair humaine » Fascicule 3&4
- « Les chevaliers du Chloroforme » Fascicule 5&6
- « Le secret de Miss Ophélia » Fascicule 7&8
- « Le cottage hanté » Fascicule 9&10
- « Cœur de gitane » Fascicule 11&12
- « Le buste aux yeux d’émeraude » Fascicule 13&14
- « La dame aux scabieuses » Fascicule 15&16
- « Le dément de la maison bleue » Fascicule 17&18.
– Réédition Jérôme Martineau « Collection « Gustave Le rouge » contient les six premiers fascicules de la série. 1966
- Réédition U.G.E, Collection 10-18 Série « L’Aventure insensée » en cinq volumes 1975.
- Rééditions Robert Laffont collection « Bouquin » 1986.
- Réédition de l’intégrale en 8 volumes aux éditions Manucius « Aventures et Mystères » (2006/2007)
« Le Professeur Fringue de H.J.Magog » :
– « Trois ombres sur Paris » Librairie Gallimard « Les chefs-d’oeuvre du roman d’aventures ». 1929. Réédition Chez Tallandier collection « Le Lynx » N°27, 1941. Puis réédité à la « Bibliothèque Marabout » N° 555, 1975. Préface de Jacques Van Herp.
– « L’homme qui devint gorille » Deux fascicules aux éditions Tallandier « le livre de poche » : « La fiancée du monstre » N°46, 1917 et « Le gorille détective » N° 47,1917. Editions Ollendorff en 1921. Editions Rouff « Grande collection nationale N° 196. Tallandier Editions Cosmopolites, 1930 avec une superbe jaquette couleur. Editions Jacques Glénat collection « Marginalia » 1977.
« Le professeur Daniel Dorteuil Dit « Miraculas »de H.De Volta :
« Aventures prodigieuses de Miraculas, l’homme aux mille et une merveilles » Série en 20 Fascicules. Editions Jules Tallandier « Bibliothèque Cadette » 1921.
- L’art d’escamoter les gens.
– Le tonnerre dans une boite.
- Milliardaire en une minute.
- Au pays de la peur.
- La taupe d’acier.
- Cinq cents lieues sous la terre.
- Ressuscités…après cent mille ans.
- Les miroirs qui trahissent.
- Le mystère de Franklin-Hill.
- La découverte de l’Atlantide.
- La fin des guerres.
– L’obus hanté.
- Au secours d’une vie humaine.
- L’attaque du convoi d’or.
- Vers les mondes inconnus.
- Les hélices paralysées.
- Le taureau pétrifié.
– Invulnérable.
- Une révolution géographique.
- Scientific- city.
« Le professeur Flax monstre humain de Jean Ray »:
Bien qu’il s’agisse d’un génie du crime il n’en capturera pas moins 31 enfants âgés de six mois et particulièrement intelligents afin de leur inoculer le « Flaxium » substance extraire du radium. Le résultat de cette expérience, la fabrication de petits génies spécialisés dans différentes disciplines.
- « Le professeur Flax monstre humain »Fascicule N° 18.Sociéte anonyme Roman-, Boek- en Kunsthandel imprimeur éditeur. Amsterdam Juin 1930.
- « Une poursuite à travers le désert »Fascicule N° 19.Sociéte anonyme Roman-, Boek- en Kunsthandel imprimeur éditeur. Amsterdam Juin 1930.
- « Le repaire aux bandits à Corfou » Fascicule N° 21.Sociéte anonyme Roman-, Boek- en Kunsthandel imprimeur éditeur. Amsterdam Juin 1930.
- « La prisonnière du clocher » Fascicule N° 22.Sociéte anonyme Roman-, Boek- en Kunsthandel imprimeur éditeur. Amsterdam Juin 1930.
- « Le Rajah rouge » Fascicule N° 26.Sociéte anonyme Roman-, Boek- en Kunsthandel imprimeur éditeur. Amsterdam Juin 1930.
- « Le bourreau de Londres » Fascicule N° 27.Sociéte anonyme Roman-, Boek- en Kunsthandel imprimeur éditeur. Amsterdam Juin 1930.
Rééditions chez « Corps 9 », Tome 1 avec les trois premières aventures. Tirage limité 1000 exemplaires. 1983. Tome second les trois dernières aventures. Tirage limité 1000 exemplaires. 1983.
« L’ingénieur Sweeney de Jules D’ottange » :
Saga de « La chasse aux milliards » en quatre volumes, P.Lethielleux, libraire éditeur. :
- « Fin tragique d’un milliardaire, l’héritier du milliardaire » 1925.
- « All right ! » 1926.
- « Le poisson d’acier » 1928.
- « Electroville » 1931.
« Fu-Mandchou Le futur maître de l’univers » par le Capitaine Ricardo.
– « La montagne noire » Les nouvelles aventures de Victor Vincent. Fascicule N°154. Editions G.Van Loo Anderlecht. (s.d cers 1950).
- « S.O.S ici la terre » Les nouvelles aventures de Victor Vincent. Fascicule N°155. Editions G.Van Loo Anderlecht. (s.d cers 1950).
- « L’anéantissement » Les nouvelles aventures de Victor Vincent. Fascicule N°156. Editions G.Van Loo Anderlecht. (s.d cers 1950).
L’élégance de Caresco La truculence de Tornada
La Superbe couverture de chez « Lafitte » La « trogne » Typique du savant dans les années 30
« Un manuscrit trouvé dans une bouteille. Mémoires de l’ingénieur Paolo Roberto Liviani, recueillis par Yambo »
Editions Albin Michel. 1931. Traduit et adapté de l’Italien par la comtesse de Gencé. (Bulletin des amateurs d’anticipation ancienne et de littérature fantastique N°20, Pâques 1998 ,140 exemplaires)
Ce fameux texte trouvé comme son nom l’indique dans une bouteille, nous relate l’extraordinaire aventure de l’ingénieur Paolo Roberto Liviani. Le manuscrit offert à Yambo lors d’une nuit de beuverie, fut trouvé accidentellement dans le ventre d’un requin. Le récit, bien qu’incomplet, relate des faits de natures effroyables.
Liviani est un homme dynamique mais sa petite concession minière prés de San Juan bat dangereusement de l’aile. Ne pouvant supporter de mettre son personnel à la rue, il décide de contacter un riche propriétaire afin de trouver de nouveaux capitaux. Ce dernier, lui donne un rendez-vous trois jours après, dans une petite ville du nom de Maypo. Le seul moyen de s’y rendre rapidement est le bateau. Malheureusement, depuis quelques jours une tempête fait rage interdisant tout transport par voie maritime. Le désespoir procure à notre homme une bonne dose de courage et avec l’aide d’un de ses ouvriers, parvient à embarquer sur un navire de très mauvaise réputation, un rafiot maudit aux allures de vaisseau fantôme. En compagnie de son fidèle chien Lampo, commence alors une traversée de cauchemar. Mais comment pourrait-il en être autrement dans un tel repère de brigands ?
L’horreur ne fait qu’augmenter lorsqu’il découvre fortuitement qu’avec la complicité de Gustave Fuentes son propre contremaître et dénué de tout scrupule, le capitaine se livre à un commerce immonde : enlever des enfants dont l’age varie entre le berceau et l’adolescence afin de les transporter dans une île au large de la Patagonie. Là, des docteurs déments accomplissent sur leurs corps des opérations étranges et cruelles et en font des « prodiges de souplesse et de monstruosité » Par de savantes et douloureuses injections sous-cutanées et d’ingénieux instruments de tortures,ils produisent des monstres ridicules et difformes,préparant ainsi ces pauvres déchets de l’humanité à remplir les cirques ou les baraques foraines,que la foule avide de sensations fortes vient contempler.
Fort heureusement l’ingénieur parvient à se faire un allié, un jeune garçon prisonnier à bord de la « Whale » et qui lui sera d’une aide très précieuse. Dés lors, la résistance s’organise, les deux « mutins » réussissent à voler deux armes avec quelques cartouches. Dans la cale ils organisent une barricade. L’équipage va tenter rapidement de maîtriser les insurgés, l’assaut est donné, la bataille fait rage….Malgré leur courage ils seront très vite submergé par le nombre, si bien que les résistants capitulent. Liviani est jugé à la hâte et condamné à mort. Par Chance, au moment où la sentence allait être exécutée, le capitaine est frappé d’un mal mystérieux. C’est la peste qui vient de s’inviter à bord et compte bien emporter son lot de vies humaines. Les hommes tombent comme des mouches, la panique s’empare de l’équipage. L’ingénieur profite de la confusion qui règne à bord, il possède quelques notions de médecine qui lui accordent un peu de répit. Petit à petit tout l’équipage vient à succomber, les deux « mutins » seront les seuls épargnés, pour une mystérieuse raison.
Mais pour l’heure il y a une autre préoccupation, privé de son équipage, le voilier dérive de plus en plus vers les mers du Sud. Un jour, comble de malchance, une formidable tempête se lève et le bateau chahuté par les éléments fait naufrage sur une île volcanique. Seuls survivants, ils partent à la découverte de cette nouvelle terre d’exil. Le sol y est aride, le paysage des plus lugubre. Leur exploration va les mener dans une petite crique où ils découvrent une frêle embarcation, une petite baleinière portant le nom de « Le Clairville Québec ». Comment une si petite embarcation a-t-elle pu se retrouver là, loin de tout et de son lointain port d’attache. Que peut bien justifier ici sa présence, alors qu’il n’y a personne sur cette île ? Autant de questions qui ne font qu’augmenter leur trouble et leur inquiétude. Mais une autre surprise les attend, désagréable cette fois ci.
Dans la falaise où « les roches formaient un petit escalier digne des titans de la fable » ils découvrent l’entrée d’un passage, port ouverte béante sur une nouvelle abomination. A l’intérieur, il n’y a que mort et désolation. Dans la grotte des cadavres sont amoncelés, dans un état indescriptible. Les corps ne portent aucune trace de violence,mais leur visage exprime une grande peur et une terrible souffrance. Que s’est-il passé ? Un document arraché à la main de l’un d’eux, vient épaissir encore plus le mystère. Il est question d’une exploration vers le pole sud, de mutinerie, d’un mal mystérieux….. Une aura d’effroi et de désolation semble alors recouvrir ce singulier îlot volcanique et plutôt que de céder à la peur,nos infortunés naufragés décident alors de tenter le tout pour le tout et de partir à bord de la baleinière. Au moment de partir, un rocher attire leur attention. A ses pieds ils aperçoivent un squelette humain un doigt pointé vers l’avant, comme un avertissement et sur la roche une inscription gravée : « Ile de la mort »
Leur périple maritime se poursuit, nouvelle tempête, nouvelle destination, l’ultime et la plus effroyable. Ils dérivent sans fin et un matin, après une errance dans un mystérieux courant, éclairés par une lumière jaunâtre ils abordent un autre rivage, de glace celui-ci. Un fracas épouvantable laisse tout à coup la place à un silence de mort. A l’endroit ou ils pensaient trouver un peu d’espoir, ils vont vite se rendre compte que le cauchemar ne fait que commencer. Le paysage semble doté d’une force maléfique, invisible, sournoise, le mal à l’état pur. Une présence redoutable, malfaisante se fait ressentir dans toute chose. Ce calme apparent n’est là que pour faire éclater l’horreur d’une manière aussi brutale que soudaine. En face d’eux un spectacle incompréhensible et qui dépasse leurs sens des réalités, car c’est une « foret qui semble vivante » qui s’approche d’eux et dont chaque arbre est la personnification de vos plus terribles cauchemars :
« Sans feuille, au tronc lisse, tiède et dont le tissu ligneux avait une inexplicable souplesse ou plutôt une certaine élasticité. A l’endroit du tronc d’où partaient les rameaux, existait une protubérance, une espèce de nœud. Le fait qu’il ne s’agissait pas d’une protubérance ni d’un nœud ordinaire. Au centre brillait une lueur spéciale, je dirais presque cristalline…c’était bien un œil, un œil véritable, dans lequel on lisait la vie, la force et l’expression d’un organisme qui pense et veut. »
Ils feront les frais de leur témérité. Capturés par ces monstres,enlacés par une multitude de rameaux flexibles et prêts à être vidés comme de vulgaires poulets,les deux hommes ne doivent leur salut qu’à l’intervention inespérée de trois autres naufragés,échoués sur l’île depuis plusieurs semaines. Ce long séjour leur permirent d’observer et de déjouer la technique de ce qu’ils appellent le « Lively Wood » (Forêt mouvante).
Dick, Ellen et Pablo narrent leur naufrage, les journées d’angoisse et cette forêt mouvante quasi présente et qui ne cesse de les harceler. Séjourner plus longtemps sur le « Warm-Land » c’est aller vers une mort certaine. La décision est prise de construire une embarcation de fortune avec les restes de l’ancien bateau. Mais le temps presse, le sol est agité de fréquentes et violentes secousses, des fissures s’ouvrent faisant jaillir le feu de toute part. Une force irrésistible s’acharne à vouloir les retenir sur l’île. La « Lively Wood » s’approche inexorablement de leur fragile retraite. En catastrophe, le semblant d’esquif est mis à l’eau, plus le temps de fignoler. Mais un nouvel élément inattendu vient encore retarder le départ, la barque ne veut avancer comme si quelque chose voulait la retenir à la rive. Le pire reste à venir :
« Du fond des ondes obscures, une chose informe, longue, verdatre, hérissée d’épines, une chose qui ondoie une seconde dans l’air et disparaît prés de la quille de la barque avec un frémissement sourd. »
Les arbres gagnent du terrain, dans l’air s’agitent de longs tentacules, des corps vermiformes, des mandibules titanesques. L’effroyable légion des monstres hideux, répugnants se dirige vers les infortunés, pour les absorber, les anéantir…ou peut-être pire encore ! Tout semble perdu…dans un ultime sacrifice, Liviani prend sa toute dernière décision :
« Je vais me jeter à la mer et j’accepterai la lutte avec l’être mystérieux et formidable qui nous retient prisonnier, comme s’il était secrètement d’accord – alliance infâme ! – avec cette armée de chimères qui s’avance lentement, inexorablement vers nous en faisant un bruit à peine perceptible »
Fin du manuscrit !
Citons pour conclure l’auteur qui en toute dernière page déclare :
« Les heureux mortels qui atteindront le pôle sud du monde,nous dirons ensuite si le petit continent volcanique peuplé de monstres horribles et qui devrait se trouver au centre même de la mer du Sud,existe réellement ou s’il n’a existé…que dans l’imagination de l’infortuné navigateur. »
Dans le mystère des pôles
Ce texte fut publié en 1926 et relate des faits survenus à Liviani peu après 1900. Admunsen puis l’explorateur Scott avaient atteint le 90° respectivement vers 1911 et 1921. L’auteur utilisera cette toute nouvelle géographie du pôle afin de se l’approprier et donner une vision très personnelle et pour le moins terrifiante de ces nouvelles contrées jusqu’à ce jour inexplorées.
« Où Roald Admunsen ne vit qu’une étendue de glace uniforme et désolée, l’ingénieur Liviani trouva des mers libres et tempétueuses, des terres sauvages et fantastiques, une zone Antarctique parsemée d’îles et de rochers volcaniques qui gardent encore les troublants secrets de nos origines : Quand la terre commençait à se peupler d’organismes rudimentaires, hideux et fantastiques, hésitant entre l’immobile forme végétale et l’esthétique rampante et lourdes des reptiles. »
Un sujet en or, une thématique des plus audacieuse qui ne pouvait laisser indifférent un bon nombre d’écrivains. Digne de figurer dans un recueil de « Weird Tales » avec son ambiance imprégnée d’une menace permanente et invisible, son île mystérieuse, ses êtres cauchemardesques et tentaculaires, ce roman trop peu connu à mon avis, aborde pourtant plusieurs thèmes essentiels de notre genre de prédilection : Roman d’aventure et d’exploration et ce dans la plus pure tradition, roman fantastique et bien sur roman conjectural.
Si le premier thème est une constante tout au long de l’ouvrage (le prétexte de l’histoire se trouve dans ce voyage involontaire sur le navire avec force de descriptions et de toutes les conséquences que cela entraîne), venons en au second qui plus que tout autre, marque cette effroyable aventure d’une manière indélébile.
L’ombre de W.H.Hodgson est quasi permanente (« Les canots du Glen Garrig » et « L’horreur tropicale » des sommets de la littérature d’épouvante) avec cette présence permanente et obsessionnelle de la mer et de ses mystères. Elle y est décrite comme une véritable entité vivante, souvent cruelle et impitoyable, pouvant à tout moment lâcher tout un cortége de monstres et d’abominations. L’auteur joue parfaitement bien avec toute cette aversion qu’elle peut susciter et nous plonge de façon continue dans un état de crainte et de méfiance. Tout dans le récit de cette aventure respire l’angoisse et la peur.
Je me rappelle d’un autre texte tout aussi terrifiant, de la main d’un grand conteur, pour qui la mer était souvent représentée comme un élément terrible et fascinant à la fois : Jean Ray ! Sa longue nouvelle « Le psautier de Mayence » nous apporte la preuve du talent de l’écrivain mais également du lien étroit qui pouvait unir toute cette catégorie de romanciers pour qui la mer était une porte ouverte sur des horreurs pouvant dépasser l’imagination, « un lieu maudit, géométrie de toutes les terreurs ».
Pour en revenir à ce fameux « manuscrit », la deuxième partie, outre ses relents « Hodgsonien » mérite toute notre attention car non seulement elle est de loin la plus « délirante » mais nous rapproche également d’un autre auteur pour qui la mer était tout aussi monstrueuse, H.P.Lovecraft. Si le style de « Yambo » y est plus dépouillé et moins percutant que « le maître de Providence » il n’en reste pas moins d’une grande efficacité. Départ sur un rafiot « maudit » à l’équipage douteux, ce monstrueux trafic d’enfants que l’on transforme en « Freaks »,la mutinerie, la peste ,l’île de la mort puis ce « passage » fait de manière incompréhensible vers le sud ,ce « Warm-Land » et sa foret vivante.
Ce lieu de perdition et d’épouvante abritant cet être terrible vivant dans les profondeurs de l’océan serait-il l’incarnation de ce dieu monstrueux dont parlent les légendes ? L’île serait-elle une entité vivante, un des derniers bastions des Grands anciens ? Une fois de plus des questions qui resteront sans réponse, le récit du dernier survivant tournant court.
La partie conjecturale est tout aussi passionnante car l’auteur n’est pas avare d’audacieuses hypothèses avec cette théorie d’un passage existant dans un mystérieux endroit et conduisant les marins du « Le Clairville » dans les glaces du pole du sud à bord d’une aussi frêle embarcation. Vient ensuite l’existence d’une terre chaude située dans les régions polaires, habitée par une race ancienne (végétale, animale, humaine ?) existant semble t-il bien avant l’apparition de l’homme (thème récurant dans l’œuvre de Lovecraft).
La lecture de ce texte m’a souvent fait penser au roman de E.A.Poe intitulé « Les aventures d’Arthur Gordon Pym » où l’on retrouve un peu la même trame, avec ce voyage en mer, la description de la vie à bord et la découverte dans les îles antarctiques d’une faune et une flore plutôt déstabilisante.
Il faut également se rappeler d’un article paru dans le Fiction N° 74 (Janvier 1960) intitulé « Tekéli-li, la postérité littéraire d’Arthur Gordon Pym » de Demetre Ioakimis et Pierre Strinati. Dans cet article il est question d’une mise au point de la dette de certains auteurs à l’égard du texte de Poe. Les textes analysées sont ceux de Jules Verne « Le sphinx des glaces », de H.P.Lovecraft « Les montagnes hallucinées », et de André Dominique « Conquête de l’éternel ».
Visiblement ces auteurs tentèrent d’apporter une continuité aux aventures de Pym, avec cette même approche de tout le mystère qui semble envelopper les immensités immaculées de la calotte glaciaire. C’est le fameux cri de ces étranges oiseaux blanc « Tekéli-li » qui fera le lien entre les différentes œuvres et même si ce dernier reste absent dans ce « Manuscrit trouvé dans une bouteille », il existe cependant beaucoup de similitudes avec le roman de Poe et il est clair que l’hommage au maître est incontestable, sans toutefois le plagier.
Ecrit en 1926, ce qui lui confère une certaine antériorité face aux ouvrages de Lovecraft ou de Dominique, ce Manuscrit est un plaisant ouvrage aux thématiques passionnantes, une œuvre qui mériterait un peu plus de reconnaissance.
L’auteur et son œuvre
Yambo est le pseudonyme d’un auteur Italien, Enrico Novelli (1876 1943), qui écrivit de nombreux ouvrages pour la jeunesse et d’œuvres conjecturales. Il illustra souvent ses textes et ses dessins sont toujours caractérisés par une imagination des plus farfelue. La liste qui va suivre est loin d’être exhaustive et il est fort probable, par manque de références, que pour certains titres Novelli n’en soit que l’illustrateur.
- Dalla terra alle stelle viaddio atraverso l’infinito. 1890
- La guerre del XX século (la guerre au XXéme siècle) 1899.
- Due anni in velocipede. 1899.
- Gli eroi del gladiator.1900
- I miracoli del professeur Walton.1904.
- I fratelli de la mano rossa.1904.
- Capitan Fanfara. Il giro del mondo in automobile. 1904
- Gli esplorati dell’ infinito. 1906. Illustré par l’auteur et inspiré du roman de Jules Vernes « Hector Servadac ». Ce roman raconte l’aventure de deux Américains qui, profitant du passage d’un astéroïde, s’y installent et parcourent ainsi tout le système solaire avant de revenir sur la terre.
- Le avventura del capitaino Bombax.1907.
- La colonia lunare. 1908.
- Il mammouth. 1909.
- La rivincita di lissa.1909.
- Fortunato per Forza !1910
- El re dei mondi (Roi des mondes) 1910.
- La banda di Carlo Bousset.1911.
- Atlantide- I figli dell’Abisso .1912.
- L’atomo.1912
- Un viaggio al centro dell’ universo invisibile. 1919.
- I figli dell’ abisso.1921
- Manuscritto trovato in una battigli (Manuscrit trouvé dans une bouteille) 1926.
Références des textes cités dans l’analyse
- « Aventures d’Arthur Gordon Pym » de Edgar Allan Poe. Traduction de Charles Baudelaire. Paris Michel Lévy Fréres.1858. Il existe de nombreuses rééditions.
- « Le sphinx des glaces ». Edition Hetzel et Cie, Bibliothèque d’éducation et de récréation « Les voyages extraordinaires ». 1897. Nombreuses autres rééditions.
- « Les montagnes hallucinées » Howard Phillips Lovecraft. Dans le recueil de nouvelles « Dans l’abîme du temps » Editions Denoël « Présence du futur » N° 5. 1954.
- « Conquête de l’éternel » de André Dominique. Librairie Gründ.1947.
- « Les canots du Glen Carrig » de William Hope Hodgson. Nouvelles éditions Oswald.1979.
- « L’horreur tropicale » de William Hope Hodgson. Nouvelles éditions Oswald N°69.1983.
- « Le psautier de Mayence » de Jean Ray. Dans le recueil « La croisière des ombres » Les éditions de Belgique 1931.Rééditions Nouvelles éditions Oswald. N° 106. 1984.
Jean Marc Lofficier, éditeur dynamique tant pour son travail sur l’exhumation de classiques de la SF que pour la découverte de jeunes talents, recherche dans le cadre d’un futur projet, les photocopies de deux romans d’un auteur surtout connu pour avoir rédigé « La cité de l’or et de la lèpre » publié dans la célèbre revue « Sciences et Voyages ». Ces textes furent publiés dans la revue « L’intrépide » :
- « Les géants du lac noir » du N° 1065 ( 18 Janvier 1931) au N° 1089 (5Juillet 1931).
- « Les troglodytes du mont Everest »du N° 961 (20 Janvier 1929) au N° 985 (7Juillet 1929)
Je suppose que parmi les nombreux rats de bibliothèque qui consultent ce blog, il en existe qui seront probablement en possession de ces raretés. Si c’est le cas, vous serait-il possible de contacter Jean Marc soit au moyen de son forum (voir lien à droite de la page)
Soit par ce blog et je me chargerai de lui communiquer vos coordonnées afin de vous arranger directement. En vous remerciant par avance, je compte sur votre participation.
« L’homme élastique » de Jacques Spitz. Éditions de la nouvelle revue Française collection « Les romans fantastiques ».1938.
Profitant d’une publicité trouvée dans un des volumes de cette collection consacrée à Jacques Spitz, voici donc le résumé de ce singulier roman ou l’auteur aborde avec brio le thème de « L’homme modifié »:
« Dans la nouvelle collection de « Romans fantastiques » où l’on s’efforce de remettre en faveur un genre qui fit le renommée de Wells et de Jules Verne, « L’homme élastique » vient prendre place après « La guerre des mouches », « Les évadés de l’an 4000 » et « L’agonie du globe ». Un savant assez original, le docteur Flohr, découvre le moyen de dilater ou de comprimer les atomes, ce qui lui permet de faire varier les dimensions des organismes vivants et en particulier des hommes. La chose paraîtrait incroyable si le docteur Flohr, dont on nous donne le journal, n’indiquait avec une grande précision les moyens qu’il emploie et la façon dont il se trouve conduit cette sensationnelle découverte. Il commence à emmener un nain à des dimensions normales, mais serait assez gêné pour trouver de nouveaux sujets d’expérience, si une guerre Européenne n’éclatait fort opportunément. Le docteur Flohr va mettre son invention au service de la défense nationale, et, devant le succès des expériences de contrôle, le haut commandement n’hésite pas à lui confier une division de 7000 hommes qu’il devra tous réduire à cinq centimètres de hauteur. Ces petits soldats, presque invisibles, font merveilles, remportent la victoire, et voilà l’invention lancée. Peu à peu, l’humanité qui commençait à se lasser de l’uniformité de sa taille depuis l’age des cavernes, se laisse tenter par la variété des nouvelles dimensions qu’elle peut acquérir. Elle entre dans les autoclaves du docteur pour en sortir avec des tailles qui s’échelonnent entre quelques centimètres et trois cent mètres de haut. Les nouveaux pouvoirs qu’elle acquiert ainsi sur la nature sont extraordinaires. Mais la chose ne va pas – on le pense bien – sans de grands bouleversements politiques, sociaux et moraux, et l’humanité nouvelle ne conserve pas grand’chose de tous les préjugés ou croyances où se complaisait la vieille humanité de jadis».
Jacques Spitz est sans conteste le chef de file de la science fiction Française où du moins d’un genre qui dans les années trente n’avait pas encore de véritable « étiquette » et que les éditeurs, faute de mieux, affublaient du titre de « romans fantastiques ». Si notre pays connaissait un passé riche en fantômes, revenants, histoires macabres et autres contes insolites, le terme de « merveilleux scientifique » n’était pas encore au goût du jour, bien que d’illustres prédécesseurs comme Rosny Aîné ou Maurice Renard, pour ne citer qu’eux, avaient déjà enrichis le genre d’œuvres mémorables.
Ce n’est pas un hasard si en évoquant ici Jacques Spitz, je pense de façon simultanée à Maurice Renard. Ces deux auteurs sont pour moi des références essentielles dans l’anticipation ancienne et si le plus ancien des deux connaît encore une gloire fragile grâce à l’intérêt que lui portent quelques éditeurs ayant un goût certain,le second quand à lui était à deux doigts de sombrer dans l’oubli le plus total si deux ou trois éditeurs n’avaient eu la présence d’esprit de refaire découvrir ce pionnier de la science-fiction Française à un jeune public.
Homme de science et de talent, Spitz était un ancien polytechnicien, un érudit qui publia dans les années trente une étude sur la physique quantique et ses implications philosophiques. On a souvent l’impression à la lecture de ses œuvres « imaginaires » qu’il ne prenait pas tout cela très au sérieux et qu’il s’agissait là d’un moyen d’affirmer son goût pour la satyre et exprimer un humour souvent des plus noir. Ce diable d’homme possède un sens de l’imagination tout à fait exceptionnel, la désinvolture et le ton ironique qu’il utilise bien souvent dans ses nombreux écrits nous force à reconnaître l’empreinte d’un écrivain de génie. Il faut jeter un œil sur sa bibliographie où, en dix ans et en l’espace de huit romans il aborde un grand nombre de thèmes majeurs de la science fiction : La fin du monde, la révolte des animaux (des mouches en l’occurrence), expérience sur l’homme et sa modification, Attaque de créatures extra-terrestres, Pouvoir surhumain etc.…. Un catalogue impressionnant dont pas mal d’auteurs pourrait prendre de la graine.
Le drame avec cet auteur est l’indifférence quasi-totale dans laquelle il manqua de tomber. Fort heureusement il me faut ici remercier la présence d’esprit d’un éditeur comme « La petite bibliothèque ombre » pour la réédition de « La guerre des mouches », Mr Serge Lehman d’avoir eu la bonne idée d’inclure dans sa formidable anthologie « Les chasseurs de chimères » un des romans le moins connu de l’auteur « Les signaux du soleil » sans oublier « L’arbre vengeur » de nous avoir gratifié de « L’œil du purgatoire ». Enfin un grand merci aux éditions Bragelonne qui dans sa collection des classiques de la SF, après nous avoir gratifié des textes de la sublime Julia Verlanger, propose dans le volume consacré à Jacques Spitz « Joyeuse apocalypse » (un titre très évocateur) deux textes essentiels dans sa bibliographie : « L’homme élastique » un must que je vous recommande fortement et surtout un inédit que l’on attendait depuis plus de cinquante ans « La guerre mondiale N°3 » Espérons que tout ce superbe travail réalisé avec amour et conviction parviendra à rallier un nouveau public qui se devait absolument de découvrir ce maître incontesté et incontestable de l’anticipation ancienne.
Il reste encore à faire découvrir à la nouvelle génération ces héros de l’ombre qui dorment depuis trop longtemps à l’abri de nos bibliothèques. Je vous conseille également de vous rendre sur le site de la « Brigade chimérique », dans son introduction «La brigade : Origines » Serge Lehman nous propose une passionnante analyse sur les héros Français de la littérature populaire au début du XXéme siècle. La bande dessinée du même nom dont il est l’un des scénaristes et dédiée à « J.H.Rosny, Wells, Jean De La Hire, Zamiatine, Jean Ray, Messac, Fritz Lang, Papini et tous les ancien de L’Hypermonde » en dit long sur le contenu de ce petit « bijou ».
Les 6 volumes que compose cette saga, sont traversés par toute une quirielle de héros de l’ombre et en amoureux inconditionnels du genre, les auteurs parviennent à nous entraîner à la (re)découverte de tout un pan de notre littérature de l’imaginaire.
A noter puisque nous parlons de Jacques Spitz, ce brillant petit hommage à « L’homme élastique » puisque dans le premier volume « La dernière mission du passe muraille » on découvre avec ravissement les expériences pour le moins incroyables du docteur Flohr.
Bibliographie de ses œuvres « Fantastiques »
- « L’agonie du globe » NRF Gallimard. 1935.
- « Les évadés de l’an 4000 » NRF Gallimard « Les romans fantastiques » 1936. Ouvrage réédité chez le même éditeur toujours dans la série « Les romans fantastiques » sous couverture couleur en 1948
- « La guerre des mouches » NRF Gallimard « Les romans fantastiques » 1938.
- « L’homme élastique » NRF Gallimard « Les romans fantastiques » 1938.
- « L’expérience du docteur Mops » NRF Gallimard « Les romans fantastiques » 1939.
- « La parcelle Z » Jean Vigneau Éditeur « Les romans fantastiques » 1942.
- « Les signaux du soleil » Jean Vigneau éditeur « Les romans fantastiques » 1943.
- « L’œil du purgatoire » Éditions de la nouvelle France « Collection chamois » 1945. Dans cet ouvrage dans la rubrique « Du même auteur, romans fantastiques » est mentionné sous presse « Alpha du centaure » qui à ma connaissance n’est jamais paru.
En revues
- « L’homme d’affaire de l’an 3000 a du travail pour sept» Reportage anticipé de Jacques Spitz Illustré par Guy Sabran. Paru dans la revue « V » N°297,11 Juin 1950.
- « L’énigme du V51 » V magazine. Supplément au N°326. 1951.
- « Sport de printemps sur Vénus » V magazine. Supplément au N° 445.1953
A noter également l’hommage que lui fait Claude Elsen dans la revue « Fiction » du mois d’Avril 1963 (L’année de son décès) N° 113 et intitulé « Les romans fantastiques de Jacques Spitz ». Article qui sera hélas le seul consacré à ce prolifique et talentueux écrivain.
Réédition
– « La guerre des mouches » Editions Marabout série « Fantastique » N° 349. 1970. Réédition « « Petite bibliothèque ombre » 1997
- « L’œil du purgatoire » et « L’expérience du Dr Mops » Editions Robert Laffont « Ailleurs et demain Classiques » Collection dirigée par Gérard Klein. 1972
- « L’homme élastique » Éditions Marabout série « Science-fiction » N° 483. 1974.
- « l’agonie du globe » Éditions Septimus, Science Fiction N°1. 1977.
- « L’œil du purgatoire » Éditions Presse Pocket collection « Science Fiction » N° 5068. 1980
- « Les signaux du soleil » dans l’anthologie de Serge Lehman « Les chasseurs de chimères », l’âge d’or de la science-fiction Française » Omnibus 2006.
- « Dernier exil » de Jean Michel Ponzio. Bd en deux volumes, adaptée du roman de Jacques Spitz « L’œil du purgatoire » Éditions Carabas. 2007
- « L’œil du purgatoire » Éditions « L’arbre vengeur » 2008
- « Joyeuse apocalypse » Éditions Bragelonne « Les trésors de la SF » contient les romans suivants : « La guerre des mouches », « L’homme élastique », « La guerre mondiale N°3 ». ainsi que 6 nouvelles inédites : « Après la guerre atomique », « Le nez de Cléopâtre », « L’interview d’une soucoupe volante », « L’énigme du V.51 », « Les vacances du martien », « Le secret des microbes ». Le volume se termine par une passionnante postface de notre éminent spécialiste en la matière, Joseph Altairac « De la guerre des mondes à la guerre des mouches».
« Un monde sur le monde »
Roman inédit de Jules Perrin et Henri Lanos. Parution dans la revue « Nos Loisirs » du N°46 à 51 (13 Novembre au 18 décembre 1910) et du N°1 au N°6 (1er Janvier au 5Février 1911) illustration de H.Lanos et P.Carrey. Réédition, Edition Apex collection « Périodica » 1993.
Dans les plaines de la Champagne, se dressent les assises d’une inconcevable et prodigieuse ville de fer, plus vaste que Paris et d’une hauteur vertigineuse. L’opinion publique s’alarme, la presse s’interroge, le gouvernement commence à paniquer : Que signifie donc cet étalage de puissance ? Le promoteur de cette colossale entreprise n’est autre que le milliardaire Goldfeller le « roi des pierreries » un excentrique plein « aux as ». Mais que cache exactement le projet démesuré de cet original ?
Le gouvernement dépêche alors une délégation qui sous couvert d’une visite officielle, compte bien y faire une enquête officieuse. Dans le groupe, un homme de l’information, un journaliste du nom de Bayoud qui loin d’être impressionné par ce projet insensé ira même qualifier Goldfeller de « Roi du bluff »…dans l’ombre des hommes vielles ! Profitant de l’inattention des guides qui assurent la visite, le journaliste commence son enquête. Celui-ci est intrigué par une gigantesque lanterne en forme d’hippocampe qui à son avis sert à autre chose que d’éclairer les recoins de cette ville de fer. Il s’égare dans les entrailles de la cité et découvre un petit havre de paix où il aperçoit de façon très fugace, les contours d’une créature de rêve. Il n’a pas le temps de pousser plus en avant son exploration, deux « malabars » l’attrapent par le collet pour le conduire sans ménagement devant le maître des lieux.
Après l’avoir conduit tout en haut de la tour centrale (1900 mètres tout de même) et de le menacer de le faire disparaître s’il refusait d’être son prisonnier, Goldfeller l’entraîne alors dans une visite personnalisée de sa création « Aéria » A bord d’un curieux véhicule fait de verre et reposant sur un monorail, Bayoud mesure l’immensité du projet :
« Dans cette clarté blanche, on voyait à l’infini s’agiter les petites ombres noires des hommes, tourner, en girations majestueuses, les ailes et les bras des machines dans une espèce d’apothéose de cette féerie du travail humain ; les gémissements retentissants du métal déchargé sans trêve pour être assemblé et battu par l’outil montaient dans ces lueurs de fournaise vers le ciel plein d’étoiles. »
– « Ainsi, pensais-je, tout ce monde d’ouvriers rassemblé ici par la volonté de cet homme y demeure, y couche, y vit, s’y distrait en dehors des heures de travail ; déjà ce colosse informe recèle dans ses flans une ville entière… »
Le but de ce diable d’homme est donc de peupler sa gigantesque mégapole avec les ouvriers qui l’on construite. Tout est prévu pour leur confort et leur bien être :
« Nous étions au centre d’une immense place,en forme de rotonde,qui me donna l’impression de la place de l’opéra,avec ses candélabres électriques,son mouvement de foule,ses magasins éclata,ts et la perspective de vastes rues qui en rayonnaient ; tout un peuple circulait sur les trottoirs,patientait aux refuges,se hâtait pour traverser la place,s’éparpillait dans les voies adjacentes ;des cars mu par des trolleys passaient pleins de voyageurs,dans de brèves sonneries de cloches et de timbres ; à l’angle de deux rues,la façade haute d’un théâtre annonçait en lettres lumineuses le spectacle du soir. »
Cette formidable entreprise, convainc le journaliste, il se laisse charmer par cet ambitieux challenge mais aussi par la gracieuse silhouette aperçue l’espace d’un instant. C’est alors une nouvelle captivité qui commence pour lui et qui va lui permettre de sa déplacer plus ou moins à sa guise dans ce « monde sur le monde » et rencontrer tout son lot de personnages singuliers, se vouant corps et âmes au milliardaire : Rassmuss le président de cet étrange « club », Kandy le préparateur spécialiste en toxicologie et en magie, Hatwig le scientifique sans scrupule :
« Eux-mêmes étaient donc autant d’espions attachés à mes pas. Néanmoins en leur compagnie, je visitai leurs laboratoires, leurs bibliothèques, leurs cabinets d’études et d’expériences et je les assistai dans l’installation des appareils merveilleux dont la destination n’avait cessé de m paraître inexplicable. »
Mais au dehors, dans les campagnes la révolte commence à gronder, cette ville gigantesque mobilise une quantité incroyable d’eau potable, sans parler des scientifiques qui se livrent à des expériences assez néfastes pour l’environnement :
« Votre œuvre fait ombre sur les campagnes, cache le soleil, dévore l’eau des pluies et des fleuves, l’autre jour vos essais de pluies et des fleuves on noyé les pauvres récoltes des paysans et vos explosions de dynamite pour le forage des nouveaux puits ont tué des enfants qui revenaient de l’école de Montepreux. Voilà la révolte ! »
Goldfeller va agir promptement et pour la première fois depuis son séjour, conduit le journaliste dans une immense salle, véritable laboratoire entièrement recouvert de manettes et de boutons à l’usage mystérieux et terrifiant. Probablement le cerveau central de la ville, le lieu des futures exactions à l’encontre des opposants à sa folie mégalomane. Aidé par Kositch, un expert des drogues et de la chimie, il commande à distance une véritable « pulvérisation » d’un gaz asphyxiant dont il observe les effets au moyen d’ingénieux écrans « vidéo ».
Le résultat de se fait pas attendre, les corps gisent inanimés dans la campagne environnante (morts ou étourdis ?). L’affaire fait bien évidemment grand bruit et l’on détache le sénateur Massicot, le préfet et tout son cabinet afin de demander des comptes. Le milliardaire les prend de haut et malgré les menaces de ces derniers sur un embargo possible de l’approvisionnement et du gel de ses capitaux boursiers et bancaire, celui-ci ne voit dans ces propos qu’une déclaration de guerre et une ouverture des hostilités. Il en profite alors pour leur révéler la puissante machine de guerre dont il est équipé, une redoutable armada de dirigeables au revêtement indestructible, armés jusqu’au dent et d’une vélocité incroyable. Mais il garde le meilleur pour la fin en leur dévoilant une autre de ses armes, la plus terrible : une machine à fabriquer les typhons !
« A ce signal convenu, un mugissement effroyable répondit. On eût dit que vingt bouches monstrueuses, s’ouvrant au dessous de nous dans les profondeurs de la tour, aspiraient l’air comme autant de ventouses. En quelques secondes, l’horizon se noircit de nuages noirs : en bas, dans la campagne, les arbres commencèrent à ployer sous un souffle de tempête ….. Sous les clameurs de l’orage,aux lueurs fulgurantes des éclairs,le vent hurlait,balayant tout sur son passage,tordant et déracinant les arbres qui voltigeaient comme de feuilles arrachant les toitures des maisons,balayant comme des mouches les curieux rassemblés et attendant au bas de la tour. Nous vîmes un escadron de cuirassiers qui manoeuvrait dans la campagne soulevé de terre et les cavaliers voltiger dans ma tourmente, avec leurs culottes rouges on eût dit des feuilles sanglantes que le vent d’automne arrache aux vignes vierges. »
Encore sous le choc de cette vision terrifiante, Bayoud est convoqué dans le cabinet de Goldfeller.En l’attendant ? il ne peut s’empêcher d’activer une manette située sous un immense écran. Emerveillé, il découvre l’image d’un magnifique jardin occupé par la charmante créature qui ne cesse de l’obséder depuis le début de son aventure. Comme il va l’apprendre par la suite, c’est la fille du milliardaire, d’une santé très délicate mais de charmante compagnie comme il pourra s’en rendre compte après une invitation faite par celle-ci. Il en tombe bien évidemment amoureux. Ainsi l’homme aux nerfs d’acier, capable des menaces les plus viles et qui gouverne son « état » d’une main de fer aurait un cœur ?
Pendant que nos deux tourtereaux roucoulent dans leur coin, en ville une autre menace ce fait de plus en plus pressante. Dans sa folie des grandeurs, le « roi de pierreries » n’avait pas prévu qu’il ne suffit pas simplement de donner des loisirs et de la nourriture à toute une population d’ouvriers. Car ces gens du peuple, intègres dans la grande majorité, abrite en son sein une minorité de fauteurs de trouble qui n’hésitent à semer la discorde dans cette société d’apparence idéale. Des rixes commencent à éclater, des assassinats même. Dans cette oisiveté survenant après des mois d’un intense travail, germait un péril inconsidérément imprévu. Une police assez brutale, hâtivement organisée et conduit un peu sans mesure, vint augmenter le désordre au lieu d’y remédier. Il fallait trouver une parade.
C’est Rassmuss qui propose la parade. En effet dit-il la construction de la ville à monopolisée des milliers de travailleurs alors que les femmes ne sont que quelques centaines, si nous voulons calmer ce peuple de travailleur, il faut leur offrir des femmes. Mais comment procéder ! Le moyen est radical et on va calmer la révolte en anesthésiant tout le monde, et pour leur réveil on leur prépare une nouvelle sensationnelle : Le lendemain soir la ville sera ouverte à toutes les femmes qui désireront en faire l’ascension. Toutes seront admises à visiter le trésor des gemmes fabriquées par le roi des pierreries, et en souvenir de cette soirée une distribution gratuite de diamants de rubis et des saphirs sera proposée :
« Depuis deux jours,disaient les journaux d’une puissance de Paris,des projections lumineuses d’une puissance inconnue promenèrent sur les trottoirs et sur les murs des maisons les annonces de cette nouvelle fantaisie de Goldfeller ;des millions de prospectus imprimés volent en l’air,tombent des rues dans toutes les mains frémissantes ;la lecture de ces folles promesses détraque les cerveaux de toute les femmes et l’on dit que déjà il y en a des milliers en route de tous les coins de France vers la tour dont le roi des pierreries semble avoir fait le pandémonium de l’extravagance et de la perversité… »
C’est alors une véritable nuit de frénésie, des bacchanales aux proportions démesurées à l’image de cette ville qui est entrain de vivre ces derniers instants de liberté. Dés le lendemain, les premières rumeurs commencent à arriver, à l’extérieur, la populace demande des comptes, tout le monde vient pour réclamer ces femmes « enlevées » la veille et retenues prisonnières. Cette fête n’a pas été au goût de tout le monde et des rumeurs de séquestration en masse, enflent de plus en plus. Aux portes de la ville les gens de l’extérieur s’amassent, vite balayés par un cyclone créé par le maître des lieux. La réplique ne se fait pas attendre, on coupe l’accès à la ville,le ravitaillement est interrompu ,le gouvernement isole Aëria : cette fois c’est la guerre ! Kositch, Hartwig, Rassmuss et Kandy sont aux anges ….L’avis est de s’enquérir au plus tôt des mouvements d’attaque possible contre la tour. A cet effet deux dirigeables sont envoyés en éclaireur, à trente kilomètres à peine le premier corps d’une armée Française est en marche. Les troupes se rapprochent est c’est face à un telle menace que les mystérieux globes observés par le journaliste lors de sa première visite, entrent en action. Situés aux quatre coins cardinaux de la ville, ils se révèlent bien plus que des simples lampes gigantesques :
« Et, brusquement, d’un seul bond, dans une détente définitive de leur organisme mystérieux, les quatre monstres s’élancèrent comme des vivants au dessus des campagnes dont ils semblaient sonder la profondeur avec des ondulation de sauriens des époques préhistoriques. Presque aussitôt une lumière implacable fut projetée au loin par les globes cerclés de feu de ces lanternes quasi vivantes qui se mirent à se tordre dans tous les sens ; dans les rayons qu’elles se lancèrent ainsi que de l’une à l’autre, on put voir qu’en arrière de ses globes, au fond d’une petite cage logée au dessus de la tête du monstre, un homme était assis. A chacune de ces bêtes, une intelligence vivante et audacieuse avait été assignée pour une œuvre encore mystérieuse de destruction et de mort. »
De destruction et de mort il va en être question car le mugissement d’une sirène se fait entendre et à ce signal infernal les globes lumineux s’entrouvrent et c’est le souffle de l’enfer qui se déchaîne dans la vallée :
« Au contact de l’air, la lumière se faisait flamme, allumait tout sur son passage, incendiant au lieu d’éclairer, brûlant instantanément tout ce qui se trouvait dans son champ. Sous l’ardeur de ces projections, l’atmosphère prit feu dans un rayon de vingt lieues : des villages entiers se mirent à flamber en avant, en arrière et tout autour de l’armée quelques instants auparavant endormie à une journée de marche d’Aëria. Jusqu’au plus lointain de l’horizon la campagne catalaunique,la Brie et L’île de France,illuminées,apparaissaient aussi nettement que l’orbe lunaire dans la clarté d’une nuit d’Orient ;sur le fond d’or de l’air en feu une multitude de points commença de s’agiter,de courir de ci de là. Surpris dans leur sommeil,les hommes et les bêtes tentaient de fuir et presque tout de suite prenaient feu à leur tour,flambaient comme des étincelles rouges,finissaient par tomber et disparaître dans la fournaise. »
C’est un paysage d’apocalypse, un massacre d’une barbarie sans précédent. C’est non sans fierté que l’on clame le pouvoir de la « Fulgurite »une invention des plus folle, une substance révolutionnaire dont la propriété est de s’enflammer au contact de l’air. C’est la première grande victoire d’Aëria et l’on se prépare à recevoir les héros, ces « Fulgurants » comme on les appelle ici.
« Ils étaient revêtus d’une espèce de costume de scaphandrier en toile d’amiante et leur tête était protégée par un casque vitré en forme de bec d’oiseau de proie dans lequel l’air respirable leur était distribué pendant out le temps de la dangereuse manœuvre qui, ouvrant la lanterne au contact de l’atmosphère, rendait celle-ci brûlante et mortelle. »
Mais il semble que Goldfeller ne semble pas vouloir arrêter là ses sinistres forfaits, un nouveau plan est mis à exécution et cette fois c’est une flottille de dirigeable qu’il envoie sur Paris afin de larguer des bombes incendiaires. La capitale réplique est c’est Aëria qui est à son tour bombardée détruisant par la même occasion un des redoutables globes. Dans la ville la colère gronde, les habitants se sentent menacés et veulent quitter la place, le « roi des pierreries »sent une perte de contrôle face à la peur qui les anime. Il leur propose un marché, lui accorder vingt quatre heures, le temps de mettre au point son ultime et coup décisif contre le gouvernement Français.
Sachant que l’armée prépare une ultime attaque, réunissant toute sa flotte aérienne disponible, Goldfeller va tout simplement gazer l’atmosphère se trouvant aux alentours de la ville. Prévenant à l’avance la population de se terrer dans les entrailles de la capitale, afin d’éviter les effets mortels de ce gaz plus léger que l’air il espère ainsi mettre toute cette armada en déroute et priver ainsi l’armée de sa force de frappe la plus dangereuse. Mais l’homme n’est pas dupe et craignant que son plan ne puisse arriver à son terme il charge Bayoud d’une bien délicate mission. Sa fille est d’une santé fragile et il craint que c’est état de siége ne la mette encore plus en dangers. Yella sera donc confiée à ses bons soins, tout a été organisé,un tunnel souterrain les conduisant à l’aide d’une voiture dans une ferme située à quelques kilomètres d’Aëria, l’hébergement à Troyes par des gens dignes de confiance, leur avenir à l’abri du besoin….
Lui qui avait tant rêvé de ce moment, se retrouve le cœur un peu serré à l’extérieur de sa prison d’acier et de la fenêtre de sa chambre regarde la flotte tricolore, tel un immense nuage noir chargé des armes les plus terrifiantes qu’il soit, se diriger vers cette Babel des temps modernes, mais un pouvoir de destruction encore plus puissant les attends
« A quel moment les émanations meurtrières commencèrent elles à agir sur les équipes qui dirigeaient les ballons ? Cela personne ne l’a jamais su ;mais il m’est permis de présumer,d’après ce que j’avais entendu dire de Goldfeller lui-même,que l’intoxication fut progressive,allant de la stupeur au sommeil pour aboutir à la mort. En tout cas,quand les aérostats passèrent au centre d’Aëria,il sembla que la vibration de l’air se fît plus forte,comme si les courants de vapeurs délétères avaient augmenté d’intensité : en même temps il y eut dans la course des dirigeables un temps d’arrêt ,un flottement ;et,brusquement,ensemble,tous se mirent à dériver dans le vent qui soufflait de l’est et,faisant demi-tour par courbes,ils reprirent leur route en sens inverse ;même il y en eut deus qui s’entrechoqérent et s’en allèrent serrés l’un contre l’autre pour l’étonnement de ceux qui regardèrent cette scène sans en comprendre le mystère. Deux heures plus tard,cette flotte désemparée,sans âme,passait au dessus de Paris,traversait l’ouest de la France pour aller avec ses pilotes morts,se perdre dans l’océan Atlantique ou le premier cyclone venu des Antilles devrait achever de l’anéantir »
La suite des événements qui se déroulèrent à l’intérieur de la ville sera décrite dans les journaux du lendemain. Visiblement la population, ne supportant plus la dictature de leur maître, se révolta, cherchant par tous le moyens à fuir ce lieu de désolation. Les scènes de paniques se succédèrent, chacun essayant de fuir par ses propres moyens, les dirigeables de la ville seront pris d’assaut, une émeute épouvantable où les morts se comptent par centaines. Yella s’inquiète sur le sort de son père, dont elle ignore les agissements. Une lettre lui sera remise, ou il s’excuse des erreurs passées tout en lui donnant sa bénédiction pour son éventuel mariage. Il est temps pour lui de payer ses lourdes fautes. Mais avant de tirer sa révérence, il a préparé une toute dernière surprise à ses agresseurs de l’intérieur, ses fous qui ont organisé cette catastrophique émeute, détruisant 0 jamais son rêve d’un monde nouveau. Bayoud se rappelle alors les dernières phrase de son geôlier : « J’anéantirai tout s’il le faut, plutôt que de Céder »
« Un spectacle effrayant et grandiose me cloua sur place : la tour d’Aëiai, se découpant carrément sur le ciel de presque toute sa hauteur, dominait la campagne comme un bloc de feu ;sillonnée d’éclairs dans tous les sens,elle s’érigeait dans la nuit comme une prodigieuse escarboucle dont le rayonnement,grandissant de seconde en seconde,se fixait par place en passant du bleu au rouge. Bientôt la masse entière fut en ignition, ce cube de métal rougeoya jusqu’à la transparence d’un colossal rubis, rayonnant jusqu’à nous une chaleur insupportable. En même temps son faite se prit à flamber comme une torche : au dessus de cette montagne de métal portée au rouge, Aëria venait de prendre feu ! »
La fin d’un monde
« Un monde sur le monde » est sans contexte un des grandes réussites des textes publiés dans les revues d’avant guerre. Annoncé à paraître dans la revue « Je sais tout » en Janvier 1907, c’est finalement la revue « Nos loisirs » qui eut l’honneur de publier ce court roman de Perrin et Lanos.
Perrin est déjà connu des amateurs du genre puisqu’il rédigea toujours pour la même revue « Je sais tout » un curieux roman « L’hallucination de Mr Forbes » (de Novembre 1907 à Février 1908). L’ouvrage paraîtra en volume la même année aux éditions Fasquelle « bibliothèque Charpentier » sous le titre « La terreur des images » :
« Un peu partout, les gens sont frappés de visions et rapidement les phénomènes s’amplifies et se multiplient partout dans le monde et comme ses « visions » sont essentiellement des faits se produisant réellement mais projetés un peu partout sur la terre il en résulte drames et bouleversements. Ce qui est de plus terrible c’est que lorsque vous pensez a quelqu’un, il « vous voit ». Le président des Etats-Unis va ainsi s’accrocher avec le Kaiser par vision interposée et va suivre une guerre, bien réelle, entre les deux pays. »
La force de ce roman, qui reste fortement fantastique,vient certainement des magnifiques compositions faites par Lanos dont celle entre autre où l’on voit le peuple Parisien assister terrifié à une gigantesque bataille navale entre cuirassiers Américains et Allemands et se projetant dans la ciel.
En ce qui concerne Lanos, je ne voudrais pas trop m’étendre sur le sujet car je compte lui réserver un jour un article complet, mais il faut signaler qu’il fut avant tout un artiste de génie, un des plus grands illustrateurs de science fiction Français du début du XXéme et qu’il effectua pour de nombreuses revues, de splendides compositions qui hélas de nos jours se retrouvent éparpillées dans des dizaines de magazines mais dont une bonne partie se trouve dans la revue « Je sais tout ». Il est regrettable que « Un monde sur le monde » fût édité par « Nos loisirs » car malheureusement la qualité du papier est vraiment exécrable et je pense que si Lanos eût été édité par « Laffitte » ses dessins auraient bénéficié d’un meilleur traitement.
Lanos, dont presque personne ne se souvient, accorde toujours à la machine un coté titanesque, une espèce de monstre créé par l’homme et qui semble à tout instant vouloir l’avaler. L’être humain est toujours écrasé par son gigantisme et si ce dernier en est le concepteur, l’illustrateur semble vouloir nous rappeler que tout n’est qu’illusion et que l’homme dans son pouvoir de conquête et sa soif de domination n’est que l’instrument vulnérable et mortel de sa toute puissance. Avec ce roman écrit en collaboration avec Perrin, il nous démontre une fois de plus que la machine conduit toujours l’espèce humaine à sa destruction.
Mais je pense que pour se donner une idée encore plus renforcée de son immense talent il faut se reporter semble t-il aux planches qu’il réalisa pour le roman de Wells « When The Sleeper Wakes » publié en 1899 pour la revue Britannique « Graffic » et dont nous ne possédons qu’une seule et unique illustration, chaque fois utilisée pour citer cette référence. Lanos collabora également comme auteur et illustrateur pour le roman « L’aérobagne 32 » avec E.Laumann (Editions Hachette « Bibliothèque de la jeunesse » 1923), illustra les hors textes du roman de Pierre Vernou « Le pirates de l’air » (Paris Librairie Hachette et Cie 1913). Pour terminer cette bibliographie sélective il écrivit et illustra deux autres romans, un peu plus destiné pour la jeunesse, tant son coup de crayon se métamorphosa de manière radicale, avec un trait plus léger et l’utilisation de la couleur ajoutant un peu plus de douceur à ses personnages :
- « Le grand raid Paris la Lune » paru dans la revue « Pierrot le journal des garçons » du N°115 au N°122 (Dimanche 14 Mars 1928 au Dimanche 22 Avril 1928).
- « Les hommes de fer du Docteur Hax » paru dans la revue « Pierrot, le journal des garçons » du N° 37 au N° 44,septième année (Dimanche 11 Septembre 1932 au Dimanche 30 Octobre 1932).
Avec le roman dont vous venez de lire le résumé, il se place à mon avis dans le groupe assez restreint des écrivains conjecturaux d’avant guerre de talents et permettant encore de nos jours de légitimer un genre qui ne fit pas toujours l’unanimité. Je ne vous cache pas que ce roman reste sans contexte un de mes préférés car il est le résultat parfait de équilibre entre l’aspect littéraire et artistique. Les thèmes abordés sont toujours effectués avec une grande imagination et un sens de la démesure assez incroyable et l’importance que donnèrent ces deux écrivains au thème de la ville, leurs permirent de nous livrer une œuvre unique et novatrice dans le genre.
Dans « Un monde sur le monde » on retourne un peu au fondement de l’utopie où le Milliardaire rêve de créer une société idéale, certes selon ses propres critères, mais s’articulant sur le principe d’un monde harmonieux et parfait. Le seul problème à sa chimère est qu’il n’avait pas prévu le facteur humain et que l’on ne dirige pas la classe ouvrière par la force et la terreur. A travers ce roman, les auteurs dénoncent le danger de la science et de la folie destructrice qu’elle peut engendrer lorsqu’elle est placée entre des mains guidées par la soif du pouvoir.
Lorsque Jean pierre Moumon réédita ce chef- d’œuvre dans sa collection « Périodica » il y voyait à raison une « anti-utopie technologique » mais là ou je ne suis pas tout à fait d’accord c’est lorsqu’il parle de « dénonciation de la prolifération urbaine incontrôlée et la dégradation des sites naturels qui en résultent » saluant même « Une œuvre écologiste avant la lettre ». Je ne pense pas que les auteurs voulaient dénoncer une urbanisation croissante, je pense que leur discourt était beaucoup plus politique, car on assiste à une véritable exploitation de la classe ouvrière par le pouvoir du capitalisme,symbolisé par un Goldfeller complètement aveuglé par son désir de puissance. Peu lui importe le destin de sa population d’ouvriers, il pensait, grâce à sa technologie asservir tout un peuple qu’il jugeait incapable de se soulever. Au final, c’est la cupidité qui va mettre une fin à ce rêve idéaliste, car les hommes qui le soutinrent dans ce projet, eux aussi contrôlés par la peur suscitée par ce maître despotique finiront par se révolter et organiser le soulèvement final.
Ce roman est une véritable analyse négative de l’âme humaine, du pouvoir corrupteur de l’argent et de la science. Car ici, la science a un rôle prépondérant et son utilisation nous démontre une fois de plus à quel point les écrivains, les intellectuels, avaient en elle une méfiance toute particulière. Je dirais même pour être moins catégorique, que lorsqu’elle est confiée à des esprits retors, elle est l’instrument idéal pour asseoir sa folie destructrice. La science en soi n’est pas malfaisante, c’est la main qui l’utilise qui détermine sa véritable fonction. Goldfeller n’hésita pas à créer des machines capables de générer des typhons et des machines produisant des rayons ardents d’une capacité destructrice inimaginable, dans le seul but d’arriver à ses fins et de s’affirmer en maître absolu. Il n’a cure des milliers de vies que vont prendre ses inventions, il veut imposer son pouvoir selon ses propres règles.
La fin est de ce fait est toute tracée et les auteurs gardant un certain optimisme quant à la nature humaine, trouve une solution non pas dans une montée graduelle du rapport de force,mais dans un final historiquement éprouvé,par la révolte du peuple. Saluons les scènes apocalyptiques de destructions en masse, rédigées par les auteurs dont certaines reprises plus hautes sont d’une violence et d’une démesure rarement rencontrée à l’époque.
Je regrette toutefois que le soulèvement de la population, ne fût pas décrit de manière plus détaillée et que les seules descriptions de la fin d’Aëria,proviennent d’un compte rendu réalisé par la presse. La ville En effet si la ville est une constante dans les œuvres d’imagination scientifique, elle ne servira bien souvent que de toile de fond au roman. Ici, le milieu urbain n’est pas un simple décor, il devient l’élément de l’action, les enjeux de l’histoire.
La ville représente le symbole d’une société, le modèle, le lien qu’utilise l’écrivain afin de donner libre cour à son imagination. En fonction du cadre dans lequel elle se situe, elle sera soit le symbole d’une technologie triomphante, le progrès au service de tous et dont tout le monde pourra bénéficier sans restriction, ou alors le reflet d’un univers technologiquement froid et impitoyable, une énorme machine gouvernée par une minorité très puissante et exploitant une majorité misérable. Ce n’est pas par hasard si Théa Von Harbou, épouse de Fritz Lang, désigna sa ville sous le nom de Métropolis. En effet dans ce nom on retrouve le mon « Métropole » et dont la racine est constitué du mot « mère ».
La ville est le reflet du progrès,d’une société sans cesse en évolution,véritable « matrice » qui enfante toute la science de l’humanité,sera le lieu privilégié d’une multitude de roman. Je repense notamment à un autre texte publié dans une autre revue « Lecture pour tous » et signé de la plume d’Octave Béliard « La journée d’un Parisien au XXI éme siècle » (Décembre 1910) et qui n’est pas sans nous rappeler les mêmes délires architecturaux d’un autre écrivain et illustrateur de génie : Albert Robida. Robida, dans un grand nombre de ces écrits et dessins, accorda à la ville une importance capitale. Sa verve complètement décalée pour l’époque, donne à toute son œuvre une impression de franche rigolade qui sera une constante tout au long de sa carrière.
L’optimisme de ses premiers ouvrages nous montre qu’il avait une certaine foi en la science, propos qui changeront du tout au tout par la suite avec son œuvre la plus pessimiste, « L’ingénieur Von Satanas ».Du reste la partie de ses écrits ou il est question de la science au service de l’armée n’est qu’une longue description de massacres à l’échelle scientifique (« La guerre au vingtième siècle » librairie illustrée 1887 et la série « La guerre infernale » avec P.Giffard Méricant 1908). Son pavé « le XXéme siècle » suivi de « La vie électrique » est un brillant exemple de la technologie future et de ces diverses applications. C’est un véritable catalogue que nous livre l’auteur où rien ne sera négligé :
L’architecture démesurée avec des immeubles immenses dont les toits font office de pont d’envol à des engins de toutes sortes, transports aériens avec son cortége d’aérocabs, aérochalets, omnibus aériens et le fameux « tube » propulsant un cylindre rempli de passagers à une vitesse folle au moyen de puissantes machines électriques. Les télécommunications avec le téléphote, le téléphonoscope, un ancêtre de la vidéo (que nous retrouverons chez Béliard et chez Verne dans son ouvrage « La journée d’un journaliste Américain en 2889 »).Les loisirs, l’armée, la politique, l’alimentation où il est question d’une « compagnie générale de l’alimentation », expédiant au moyen de tuyaux, votre nourriture à domicile. La fameuse « pilule » n’est pas encore d’actualité et il faudra attendre Boussenard et son ouvrage « Les secrets de Mr Synthés » (Marpon et Flammarion 1888) afin de voir son apparition.
Mais sa plus grande prophétie est sans contexte sa perception du rôle de la presse et de la publicité dans les années à venir. A cette époque, le journaliste est le symbole de l’homme aventureux, un être un peu sans cervelle capable d’affronter toutes les situations car de nature très curieuse et téméraire : il est le héros des temps moderne !
Quand à la publicité, Robida comprit très tôt les avantages et les inconvénients du « matraquage publicitaire ». En effet, les grandes villes sont les endroits idéaux pour le conditionnement du futur consommateur et les exemples dans ce domaine sont innombrables : « Le XXéme siècle » où les toits sont recouverts de panneaux publicitaires, « Le triomphe des suffragettes » de J.Constant où des inscriptions gigantesques sillonnent le ciel,dans « la journée d’un journaliste Américain en 2889 », ce sont les nuages qui serviront de cinéma aériens,viendront ensuite les télés géantes placées dans les rues dans le roman de Cyril et Berger « La merveilleuse aventure de Jim Stappleton ». Toutefois si les transports aériens font preuve d’une grande inventivité, au sol tout sera très banal avec la classique voiture électrique et l’indétrônable tapis roulant. L’habillement sera également des plus simple,les auteurs de ses anticipations n’étant pas de grands couturiers, se montrèrent peu inventifs avec soit des tenues très fin 19éme en plus excentrique,soit le sempiternel juste au corps très sellant.
Pour ne citer que les romans les plus célèbres, « Dans 1000 ans » de E.Calvet , un magnifique cartonnage de 1884 où l’auteur exploite également tous les domaines possible (agriculture,transport…..), « Un ville de verre » de A.Brown,ici « Cristallopolis « a été créée comme une sorte de phalanstère, Bleunard et sa « Babylone électrique »« Electropolis », qui transforme un coin du désert en oasis au moyen de l’électricité, Graffigny utilisera la même source énergétique pour alimenter son Gabriel de Tarde qui avec son « Fragment d’histoire future » situe la ville des derniers descendants de l’humanité sous terre,comme le fera d’ailleurs Pellos dans son extraordinaire « Futuropolis », l’incontournable Régis Messac,notre père spirituel à tous qui nous décrit dans sa « Cité des asphyxiés » une ville abritant un monde fait de paradoxes.
Malgré tout cela, dans ces œuvres, la ville est un centre d’activité fébrile, nécessaire à la survie de l’homme car elle symbolise soit son bien être soit sa survie où il profite de tout ce que la science à de bon à lui donner. Un centre de bienfaits et de plaisirs ouvert à tous.
Mais toute sa médaille a son revers et si bon nombre de romans respirent la gaieté et la joie de vivre, d’autres par contre nous plongent dans les entrailles de cités où la noirceur de ses artères nous fait frémir de désespoir. Les villes décrites au fil de ces contres utopies nous accablent, nous submergent d’un flot de tristesse.
Un texte qui sous des apparences trompeuses pourrait nous faire croire au triomphe de la science pour le bien de l’humanité est de celui de Pierre Souvestre avec son « Le monde tel qu’il sera » (1846). Voilà encore un texte remarquable qui mériterait une réédition ! Pratiquement introuvable, ce roman laisse déjà transpirer la crainte de l’automatisme et la peur du progrès. L’homme devient une véritable marionnette victime du progrès qui le submerge. Ville et modernisme sont étroitement liés, elle est la matrice qui engendre tout ce dont la société à besoin. Le point culminant de l’histoire venant avec la description de « L’institut pour les jeunes gens et les jeunes demoiselles non sevré ». Bien avant Huxley,Souvestre nous décrit ici un véritable centre de conditionnement où les enfants,une fois sevrés,sont dirigés en fonction de leurs protubérances crâniennes et les besoins de la ville,vers telles ou telles spécialités. Procédés qui sera réutilisé par Xavier de Langlais en 1946 dans son roman « L’île sous cloche ».
L’univers décrit est une incroyable société de consommation où, pour avoir le mieux il faut travailler plus (Bizarre cela me rappelle quelque chose..). Il faut travailler, travailler, enrichir l’état, consommer à outrance, dans un monde ou plutôt le « meilleur des mondes » où héla les inadaptés sont déportés dans l’île des réprouvés.
Dans le même style et afin de noircir encore plus le tableau, voyons un peu l’ouvrage de E.Zamiatine « Nous autres » (1920). Peut-il exister un monde plus noir, une ville plus triste que cette véritable cité de verre, aux appartements transparents, pour mieux espionner les gens, non je veux dire les numéros. Car toute identité est ici refusée, tout est contrôlé, étiqueté et surveillé. La technologie y est implacable, utilisée afin de rendre encore plus esclave sa population.
Idem pour « La Kallocaïne » (1940) de Karin Boye où les villes sont divisées par spécialités. L’histoire se déroule dans la ville des chimistes, cité dortoir servant à des fins expérimentales. L’œil et les oreilles de la police sont partout, les enfants dénoncent leurs propres parents, un chimiste inventera un sérum permettant le contrôle de la pensée : Un état policier, pour une population vivant dans la crainte…l’ombre de Big Brother n’est pas loin. Il se peut d’ailleurs que l’importance de l’ouvrage de Orwell écrit pourtant en 1949 ait complètement « étouffé » les qualités de celui de Boye.
« 1984 » possède de grandes qualités, sans qu’il soit toutefois mon préféré mais il,fait reconnaître qu’il reste un modèle du genre qui a un peu « démocratisé » la signification de l’anti-utopie avec la description de cet état totalitaire,souvent à la limite du supportable. Jamais roman ne m’avait donné une telle sensation d’étouffement (superbement porté à l’écran en…1984 par Michael Radford et une bonne interprétation de John Hurt et de Richard Burton).
Je ne vous ferai pas l’offense de vous parler du « Meilleur des mondes » de A.Huxley (1932), cette société heureuse( ?) où chacun possède une place dans un monde citadin bien confortable,peut-il être le meilleur qui soit ? (Thématique reprise avec brio dans « Quand ton cristal mourra » de William F Nolan 1967 qui donna le film « L’age de cristal »« THX 1138 » (1976) et du superbe mais glauque de Georges Lucas en 1970)
Jetons un petit coup d’œil rapide sur un autre texte moins connu de Marcel JeanJean « La merveilleuse découverte de l’oncle Pamphile ». Dans une cité de l’an 2000, les deux jeunes héros du roman découvrent tous les bienfaits du progrès et de la science. Tout ce bien être cache cependant sous de trompeuses apparences une humanité soumise à d’énormes contraintes et à un gouvernement cupide qui règne en une véritable dictature.
Un autre roman également fort intéressant, nous décrit une autre ville monstrueuse et abjecte, « L’age Alpha ou la marche du temps » de Ben Jackson (pseudo de M.Gerbault). Texte important dans le domaine mais hélas complètement oublié de nos jours. « Chrome 76 » est une ville champignon, l’apogée d’un des plus grands consortiums de la planète. Ville de plaisirs, de loisirs mais aussi de haine et de souffrance. Etat policier, peuple opprimé, elle offre ce qu’elle a de meilleur à une minorité dirigeante. Viendra le jour où une nouvelle philosophie, le « Tellurisme », renversera le pouvoir en place. Encore un gros volume excellent, difficile à trouver car extrêmement fragile, à quand une réédition ?
Comment ne pas terminer par un dernier texte, à mon avis trop mésestimé de l’excellent Claude Farrère. « Les condamnés à mort »:
Le Gouverneur, un roi du blé, règne sur un gigantesque complexe agro-industriel de six cent vingt-six usines. Homme froid et sans pitié, partisan des thèses du darwinisme social, il cherche à remplacer tous ses ouvriers par des « machines mains » nouvellement créées et qui assureront le travail à moindre coût.
Les Condamnés à mort, qui parut en 1920, est une véritable anticipation sociale, une contre utopie qui aborde les très sombres questions du devenir humain face à la mécanisation et à la toute puissance des lois économiques. Comparable en bien des points au talent d’un Wells, ce roman trop peu connu de cet auteur, nous offre la vision d’un monde terrifiant et froid rendu implacable car dominé par le pouvoir de l’argent et du pouvoir. Il y est question afin de « mater » les ouvriers qui vont tenter de se révolter contre la classe dominante d’un « rayon » qui désagrège instantanément la matière et qui calmera toutes formes velléités. Il existe une superbe édition de ce chef-d’œuvre méconnu, agrémenté de superbes compositions pleines pages de André Devambez.
Au final, une grande majorité de textes où les auteurs dénoncent les dérives de la science et des hommes peu scrupuleux qui l’utilise comme un moyen radical afin d’assouvir leur soif de puissance. Il est d’ailleurs intéressant de voir toute la différence qu’il existe entre la SF Européenne et celle produite par le continent Américain au cour de la première moitié du XXéme siècle. La science n’y occupe absolument pas la même place. Bien souvent négative et sournoise pour le premiers, triomphante et indispensable pour les seconds. Un gouffre culturel qui n’en rend pas moins le débat passionnant.
« Quand la ville dort »
Petite esquisse d’une bibliographie sélective des villes dans la conjecture ancienne.
Le sujet pourrait être vaste car bon nombre d’auteurs utilisèrent la ville comme un élément mineur du sujet de leurs histoires. Cette liste met surtout en évidence les œuvres où elle est un élément clef de l’intrigue ou tout simplement le reflet confirmé d’une certain progrès technologique et utilisée comme modèle de référence. J’ai également supprimé tous les ouvrages purement utopiques où la ville y est décrite comme le symbole d’un progrès social. Idem également pour toutes les « Atlantides » justifiant à elles seules toute une rubrique. Cette liste n’a aucune prétention d’exhaustivité car vous le savez tout autant que moi, l’anticipation ancienne est un travail de recherche de longue haleine où l’on découvre sans cesse de nouvelles références. Celle-ci évoluera donc au fil du temps, en fonction de mes propres découvertes mais également grâce à votre participation tout aussi généreuse qu’érudite.
- « Le monde tel qu’il sera » de Emile Souvestre. Edité par W.Coquebert. Illustré par MM.Bertall, O.Penguilly, St-Germain.1846.
- « Paris au XXéme siècle » De Jules Verne. Rédigé en 1863 et refusé par l’éditeur attitré de Verne (P.J.Hetzel), le manuscrit que l’on croyait perdu fut retrouvé plus d’un siècle après. Hachette « Le cherche midi éditeur » 1994.
- « Le XXéme siècle » de Albert Robida. Illustré par l’auteur. In-4. Edition G.Decaux 1883. Existe de nombreuses éditions
- « Dans 1000 ans » de E.Calvet. Librairie CH.Delagrave. Avec 140 illustrations de V.Nehlig. 1884.
- « Perdus dans les sables » de A.Brown. Librairie d’éducation de la jeunesse. Illustrations d’Albert Robida. S.d (vers 1885)
- « La Babylone électrique » de A.Bleunard. Illustré par De Montader. Paris Maison Quantin.1888.
- « Le XXéme siècle et la vie électrique » de Albert Robida. Illustré par L’auteur. In-4. Librairie illustrée 1890.
- « Une ville de verre» de Alphonse Brown. Paru dans la revue « La science illustrée » du N° 131(1 Juin 1890) au N°193(8 Août 1891. Réédité en volume La librairie Illustrée ( illustrations de Clérice).1891
- « La terre dans 100 000 ans, Roman de mœurs » Tome 1 « L’île enchantée » de A.Vilgensofer. H.Simonis-Empis éditeur.1893.
- « Fragment d’histoire future » de Gabriel De Tarde. Edition V. Giard et E. Brière à Paris, en 1896. Réédition « Ressources, Slatkine » 1980
- « Mystére-ville, Aventures Fantastiques » de William Cobb (analysé dans ce blog) Paru dans le « Journal des voyages » du N°418 (Dimanche 4 Décembre 1904) au N°434 (Dimanche 26 Mars 1905). Illustrations de Albert Robida.
- « Les découvertes de demain » Article paru dans la revue « Je sais tout » N°2 15 Mars 1905. Superbement illustré par Lanos
- « Au XXIXéme siècle : La journée d’un journaliste Américain en 2889 » de Michel Verne paru dans le recueil de nouvelles « Hier et demain contes et nouvelles » Hetzel 1910.
- « La journée d’un Parisien eu XXIéme siècle » de Octave Béliard. Paru dans la revue « Lecture pour tous » Noël 1910. Illustré par Arnould Moreau.
- « La ville aérienne, Roman scientifique d’aventures et de voyages » de H.De Graffigny. M.Vermot Editeur. Illustrations de José Roy. S.d (vers 1910).Réédité sous le titre « Les naufragés du Sahara » éditions Ferenczi « Romans d’aventures » 2éme série N5.1933
- « Le triomphe des suffragettes » de Jacques Constant. Librairie unverselle.1910
- « La merveilleuse aventure » de Cyril-Berger. Librairie Paul Ollendorff.1911
- « La cité des suicidés » de Munoz Escamez (analysé dans ce blog). Méricant « Les récits Mystérieux » s.d (vers 1912)
- « Les condamnés à mort » de Claude Farrère. Edition Edouard-Joseph et L’illustration. Paris 1920. Illustrations de André Devambez. Réédition Ernest Flammarion 1921.
- « Scientific-City » de H.DeVolta. 20éme et dernier fascicule de la série « Miraculas ».Editions Jules Tallandier « Bibliothèque Cadette ». 1221
- « La fin d’Illa » de José Moselli. Parution dans la revue « Sciences et Voyages » N° 283 (29 Janvier 1925) au N°306 (9 Juillet 1925). Illustré par André Galland. Réédité dans la revue « Fiction » N° 98 (Janvier 1962) et N°99 (Février 1962). Repris en volume aux éditions « Rencontre » en 1970
- « Métropolis » de Thea Von Harbou (épouse de Fritz Lang).Librairie Gallimard « Le cinéma romanesque » Illustré d’après le film. 1928.
- « La cité de l’or et de la lèpre » de Guy D’Armen. Parution dans la revue « Sciences et Voyages » du N°453 (3 Mai 1928) au N°479 (1 Novembre v1928). Réédition en volume dans l’anthologie de Gérard Klein « Sur l’autre face du monde et autres romans scientifiques de sciences et voyages. Robert Laffont éditeur. Collection « Ailleurs et demain Classiques » 1973
- « La cité tempérée » de Gaston Calzadilla. Editions Argo 1929.
- « Le maître de la banquise » de Pierre Agay (pseudonyme de Moselli ») Parution « Système D » (journal hebdomadaire illustré du Débrouillard) du Dimanche 8 Décembre 1929 N° 286 au Dimanche 3 Août 1930 N°320
- « Nous autres » de E.Zamiatine. Librairie Gallimard « Les jeunes Russes » 1929.
- « Electroville » de Jules D’ottange. Quatrième volume de la série « La chasse aux milliards ».P.Lethielleux éditeur 1931.
- « Le miroir du monde » Revue spécial XXXéme siècle. Noël 1933.
- « Le meilleur des mondes » de Aldous Huxley. Librairie Plon collection « Feux croisés, âmes et terres étrangères ».1933.
- « Radiopolis » de O.Hanstein. Editions Fernand Nathan. Illustrations de Maurice Toussaint. 1933.
- « Sur l’autre face du monde » de A.Valérie. Parution dans la revue « Sciences et voyages »du N°805 (31 Janvier 1935) au N°826 (27 Juin 1935). Réédition en volume dans l’anthologie de Gérard Klein « Sur l’autre face du monde et autres romans scientifiques de sciences et voyages. Robert Laffont éditeur. Collection « Ailleurs et demain Classiques » 1973
- « La cité des asphyxiés » de Régis Messac. Editions la fenêtre ouverte, collection « Les Hypermondes » 1937.Réédition « Edition spéciale » 1972.
- « Tritopolis » de Paul Bay. Editions Labor.1937
- « Futuropolis » de Pellos. Parution dans la revue Junior (1937/1938) Réédition Jacques Glénat en 1977
- « La guerre des forces » de Henri Suquet. Paru dans « Jeunesse magazine » du N° 9 (26 Février 1939) au N°14 (2 Avril 1939) Illustrations de Pellos. Réédité en volume sous le titre « Panique sur le monde » Les éditions du Clocher collection « Pour la jeunesse » 1939. Dernière édition en date Apex collection « Périodica » Association Regards « Les amis de Pellos » 1994
- « L’age Alpha ou la marche du temps » De Ben Jackson. Editions du Méridien. Avec 16 dessins de Raymond Gid. 1942.
- « L’le sous cloche » de Xavier de Langlais. Editions « Aux portes du large » 1946.
- « La Kallocaïne » de Karin Boye .Edition Fortuny « Ecrivains du monde » 1947. Réédité dans la collection « Les Hypermondes » éditions Oréa, dirigée par Francis Valéry.1988. Contient un excellent « Panorama des utopies et anticipations Scandinaves des origines à 1940 » en fin de volume et rédigée par F.Valéry.
- « Le gratte-ciel des hommes heureux » de Lucien Corosi. Fasquelle Editeurs. 1949.
Une vision de la ville du futur dans les années trente qui n’a rien à envier aux illustrateurs des « Pulps »
« La Joconde retrouvée »
Roman de Jean De Quirielle .Editions Méricant « Les récits mystérieux ». 1913 ,208 pages. Couverture illustrée couleur de Ch.Atamian. (Bulletin des amateurs d’anticipation ancienne et de littérature fantastique N° 6 bis Mars/Avril 1991)
Enquêtant sur le vol mystérieux de la Joconde au musée du Louvre, Pierre José Manoël un jeune et dynamique journaliste va se retrouver impliqué dans une fort bien étrange aventure. En compagnie de son fidèle ami, Georges De Hagre, passionné de sciences occultes, il pense bien se faire une solide réputation en récupérant le précieux tableau. Leurs différentes recherches les mèneront à soupçonner un étrange personnage, le baron Liederberg toujours accompagné de son plus fidèle ami ; l’énigmatique Melzi. Cette méfiance à leur égard est renforcée sur des rumeurs les suspectant de l’enlèvement et de la séquestration d’une jeune fille, Margot et dont la disparition remonte à plusieurs jours. N’écoutant que leur courage, ils organisent une expédition nocturne chez le baron, mais la déception est à la hauteur de leur audace, ils feront « choux blanc ».Le suspect n’est qu’un vieil original, amateur de magie noire et en possession d’une bien curieuse machine dont ils ignorent l’utilisation.
Toute l’histoire se déroulera par la suite dans une étrange atmosphère où les indices ne cesseront de s’accumuler sans pour autant permettre d’arriver à une conclusion satisfaisante : Découverte d’un faux tableau de la Joconde, d’un local transformé en bloc opératoire, photo d’une « vraie » fausse Mona Lisa dans un décor actuel. Quelque chose leur échappe, mais quoi et que conclure de tout cela ? Sans oublier les apparitions de cette troublante créature au parfum d’iris et dont la ressemblance avec le personnage du tableau trouble au plus haut point nos deux héros……est-ce la réalité ou le produit fantasque d’une enquête qui affecte de plus en plus leurs sens ?
Toutes les réponses vont surgir de façon inattendues grâce à aux témoignages de Margot, échappée de manière inespérée des griffes de ses ravisseurs et de l’énigmatique créature, cette apparition fantomatique qui troubla tant l’esprit des audacieux détectives. Son origine extraordinaire sera la clef de toute l’énigme. Melzi, dont les origines illustres remontent à la nuit des temps, appartient à une famille qui hérita d’un manuscrit légué par Léonard De Vinci. A l’origine le précieux document fut « codé » par l’illustre maître et il est le seul, en tant que dernier descendant de la lignée, à pouvoir le déchiffrer. Intitulé « La peinture vivante », il parle d’une peinture composée d’une formule spéciale et qui permettrait à celle-ci de « survivre » à travers les siècles, à condition toutefois de lui insuffler l’âme de son modèle. Mona Lisa victime du génial mais perfide Léonard fut emprisonnée dans une toile et condamnée à sourire pour l’éternité.
Cette découverte fait le bonheur de Liederberg, immensément riche et amoureux fou du célèbre portrait, mais surtout de son modèle. Appuyé par la promesse d’une forte somme d’argent,Melzi décide alors de mettre en œuvre tout son savoir,aidé en cela du précieux manuscrit afin de donner vie au célèbre modèle. De Vinci était un méticuleux et les plans de sa machine sont soigneusement rédigés ce qui facilite le travail de reconstruction.
Mais l’hypothèse est des plus folle, défiant toute logique. En effet les atomes de cette peinture vivante chargés de l’âme de la victime sont par un système de miroir projetés par un rayon lumineux de manière à obtenir un spectre, première forme initiale propulsée à son tour au travers d’une lentille géante contenant un plasma vivant. Cette deuxième projection grâce à un procédé magique réussit alors à prendre un aspect physique. Bien évidemment, il nE reste qu’un tas de cendres du tableau ayant servi de support. L’infortunée Margot ayant assistée de façon involontaire à cette expérience fut donc emprisonnée et relâchée avec la complicité du modèle ressuscité. Cette dernière, après avoir assassiné le baron s’enfuira avec Melzi, pas du tout reconnaissante envers son bienfaiteur qui dépensa sans compter pour faire revivre son amour de toujours.
Héla,il y a toujours un « hic » dans les histoires un peu extraordinaires,l’auteur n’utilisera pas comme subterfuge le classique « ce n’était qu’un rêve » mais un procédé qui décevra les amateurs inconditionnels que nous sommes. En effet, « Mona Lisa » sera découverte quelques temps après, ombre d’elle-même et à moitié folle. Il ne reste plus que sur son visage, souffrance et déformation. Melzi voyant le profit qu’il pouvait tirer de la naïveté du baron, en véritable « sculpteur de chair humaine » charcuta une pauvre fille de la rue, de façon à lui donner l’apparence du modèle tant adulé. Après une ingénieuse mise en scène, il fait croire à cette résurrection tant espérée. Une fois les poches pleines, il ne lui restait plus qu’à disparaître et de se débarrasser désormais de ce « chef d’œuvre en péril »
En guise de conclusion
Deuxième roman de Jean De Quirielle chez Méricant et quatrième titre paru dans cette mythique collection, l’explication finale ne manquera pas de décevoir les inconditionnels du genre car le procédé évoqué par l’auteur est sauf avis contraire une véritable innovation et jamais rencontré dans notre domaine. Basé sur des faits réels, le vol de la Joconde au musée du Louvre (21 Août 1911), l’histoire est pourtant fort plaisante et l’idée de cette « peinture vivante » assez originale. Même si la première explication est un mélange d’invention extraordinaire et de magie, cette thèse d’une rematérialisation d’une image projetée, véritable mémoire imprimée, reste unique.
Le thème de la peinture reprenant vie ou de personnages projetés dans un tableau vivant est en général un sujet essentiellement abordé en littérature fantastique (« Le portrait » de Nicolas Gogol, « Le portrait de Dorian Gray » de Oscar Wilde, « Le portrait du mal » De Graham Masterton….). Bien souvent il s’agira de spectres ou de fantômes et donc n’impliquant aucune utilisation de machines ou d’inventions révolutionnaires.
Classique roman mystérieux de l’époque où le genre peinait encore à trouver ses marques, cette « Joconde retrouvée » est assez symptomatique de la collection « Les récits mystérieux »avec une explication plus ou moins rationnelles, avec des textes qui oscillaient bien souvent entre roman policier, fantastique et invention merveilleuse, et le sempiternel jeune et courageux journaliste qui ne reculait devant rien pour secourir une jeune fille en détresse. Il faudra les deux autres textes de l’auteur « L’œuf de verre » et « Les voleurs de cerveaux » pour se convaincre de son véritable talent d’écrivain de « merveilleux scientifique ».
Mais je reste toujours très enthousiaste lorsque je me plonge dans la lecture de ce type de roman même si arrivé en fin de volume je peste en constatant que l’auteur n’assume pas jusqu’au bout son sens de la démesure. Dernier petit détail amusant qui à l’époque ne pouvait être pris en considération et concernant l’appartenance plus que probable du modèle à la gente masculine. En effet imaginons la tête du baron Liedeberg si la fameuse machine avait fonctionnée et se trouvant face à une « femme » étalant toute sa virilité. Comme quoi à toute chose, malheur est bon. Au fait j’allais oublié, depuis cette regrettable aventure, les spécialistes restent discrets à ce sujet, le portrait que tout le monde admire avec respect……est une copie ! L’original se trouvant réduit à l’état de cendres.
Bibliographie
– « Deux romans d’angoisse » Edition Méricant s.d (vers 1912),contient les deux textes cités par Versins dans son encyclopédie : « L’homme qui fit parler les bêtes » et « L’homme qui ne pouvait pas mourir » .
- « L’œuf de verre » Méricant collection « les récits Mystérieux » 1911 d’après la BnF.
– « La Joconde retrouvée » Méricant collection « Les récits mystérieux » 1913
- « Les voleurs de cerveaux ». Paru dans « Lecture pour tous » Avril/Mai/juin 1920.Illustration De Lorenzi
- « Celui qu’on n’attendait pas » paru dans la revue « Lecture pour tous » en Avril 1925 ( Nouvelle purement fantastique)