Un beau matin, le gardien de nuit de la tour Eiffel se réveille et constate avec stupéfaction que toute la ville est endormie: les gens dans les rues sont figés comme des statues, leur conférant une allure fantomatique, irréelle, parfois drôle, souvent cocasse. Les passagers d’une avion qui vient de se poser à l’aéroport semblent aussi échapper à la mystérieuse léthargie .
Nous assistons alors à des scènes incroyables ou, dans les rues d’un Paris incroyablement calme, le groupe se livre à de gargantuesques ripailles, forcent les coffres de la banque de France et, du haut de la dame de fer, contemplent tout un monde qui désormais leur appartient. Mais, comme le dit si bien un personnage « A quoi sert autant d’argent lorsque l’on s’ennuie? »
Un appel de détresse vient soudainement rompre la monotonie de leur retraite. Une voix féminine se fait attendre, qui leur donne rendez-vous dans une rue de la capitale. Il s’agit de la fille d’un célèbre personnage, le professeur « Ixe », qui vient de mettre au point une redoutable invention: Le rayon lourd. C’est ce dernier qui est responsable de ce mal mystérieux et après une discussion très animée, les naufragés finissent par le convaincre d’inverser les effets du funeste rayon.
Tout revient à la normale, mais les protagonistes se rendent compte qu’ils n’ont pas pensé à mettre suffisamment d’argent de coté. Le gardien décide de retourner chez le professeur et profitant d’un moment d’inattention de celui-ci actionne l’appareil : Paris se fige de nouveau ! Alors qu’il s’apprêtait à détrousser l’agent d’une banque, Ixe inverse de nouveau l’effet de l’onde paralysante. Le voleur sera pris la main dans le sac, mais il a beau parler de son incroyable aventure et que le temps s’est figé pendant 48 heures sur la capitale, on l’éconduit gentiment dans un asile psychiatrique où Il va d’ailleurs retrouver tous ces anciens compagnons. Finalement ils ressortiront, fauchés mais heureux de pouvoir à nouveau profiter pleinement de leur liberté.
Un film de René Clair certes muet mais absolument merveilleux où le réalisateur, profitant de l’argument conjectural, nous livrera des scènes absolument savoureuses, parfois même surréalistes avec ces personnages figés dans des positions qui prêtent souvent à l’amusement (un policier poursuivant un malfrat, un suicidé voulant se jeter dans la Seine, dans le groupe il y a un homme qui découvre que sa femme est chez lui avec son amant, complètement figé….) Sans oublier les plans inoubliables de la capitale avec ses rues désertes et surtout les passages savoureux de cette bande de joyeux drilles qui, voulant charmer l’unique femme du groupe, se livrent sur les structures métalliques,à des acrobaties défiant les lois de l’équilibre.
Les vues de Paris réalisées en camera plongeante sont véritablement merveilleuses et l’on se dit que de nos jours, une telle prouesse technique, à savoir vider complètement les rues de la capitale, semble pratiquement impossible à réaliser. Le film est tourné avec une décontraction évidente et il est tout a fait plaisant de constater que pour une fois, et contrairement à ce que nous pouvons lire dans notre domaine en matière de « Rayons », René Clair opta pour la version édulcorée, où ce dernier sera le fruit d’un savant fou, pas du tout intéressé et dont l’expérience ne servira pas le crime, mais une bande de potaches en goguette et ce pour notre plus grand plaisir.
Il est à préciser que quelques années plus tard il réalisera un autre film « A nous la liberté » en 1932, publié sous forme de roman par Lucien Allina chez Tallandier dans la collection « Ciné Bibliothèque » Il s’agit d’une satyre du monde moderne. Le réalisateur y dénonce l’industrialisation à outrance et le fait que la machine, loin de servir l’homme ne fait que l’entraîner vers sa propre destruction. En 1937, les producteurs du film accusèrent Charlie Chaplin d’avoir plagié dans « Les temps modernes » certaines scènes du film de René Clair. Le réalisateur très flair-play avoua qu’il en était très honoré et que de toute manière il devait beaucoup à Chaplin. Toute une époque !
René Clair publiera en 1926 un roman utopique « Adams » aux éditions Grasset.
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