Il y a des signes qui ne trompent pas et si depuis quelques mois déjà nous avions quelques signes diffus de la part de certains éditeurs, aujourd’hui le doute n’est plus possible, l’anticipation ancienne reprend du service. Je ne peux que me réjouir, de voir enfin un certain dynamisme dans le monde de l’édition et de constater finalement que certaines œuvres d’apparence désuètes et surannées, suscitent tout de même quelques curiosités.
Voici donc la dernière nouveauté de ce sympathique éditeur « Les moutons électriques » dont le relent très science fiction de son titre ne pouvait que laisser présager d’agréables surprises en la matière. Inutile de vous dire tout le bien que je pense de ses collections, réparties en quatre bibliothèques, dont la diversité et l’éclectisme forcent le respect. Des ouvrages incontournables dans notre domaine et en regard des futures parutions comment ne pas vibrer d’excitation et de plaisir.
Pour l’heure, c’est un ouvrage dans la collection « Voltaïque » qui attire toute notre attention et je dois dire que le choix de cette réédition est tout à fait appropriée. En effet, l’éditeur vient d’avoir le bon goût de ressortir en un seul volume trois œuvres majeures d’un écrivain Français qui, même s’il n’est pas le plus méconnu dans le domaine de l’anticipation ancienne, reste un peu trop injustement oublié par la majorité des lecteurs. Trois textes, trois thématiques différentes, trois œuvres essentielles.
Je ne vous cache pas que cet auteur est pour moi un modèle dans la mesure où ma première découverte dans le domaine fut justement un texte de Léon Groc, « La révolte des pierres » et qu’il est sans contexte un des chefs de file de ce « mouvement » qui dans les années vingt, s’affirmera comme une nouvelle forme littéraire, plus connu sous le nom de merveilleux scientifique. Voici donc un petit résumé du contenu du volume proposé par la « Bibliothèque Voltaïque »
« La cité des ténèbres » publié à l’origine dans la revue « Sciences et Voyages » du N° 239 au N° 247 (du 28 Février 1924 au 30 Mars 1924) sera par la suite réédité chez Tallandier « Bibliothèque des grandes Aventures » N° 119, 1926, dans une édition considérablement augmentée. La thématique en est passionnante puisqu’il combine le thème de la terre creuse et de la civilisation disparue avec la découverte de descendants des Chaldéens qui à force de vivre dans l’obscurité, ont développés une sorte de « toucher à distance »
« La révolte des pierres » paru dans la Nouvelle Revue Critique en 1930 et réédité chez Tallandier « Bibliothèque des grandes aventures, voyage excentrique » 3éme série N°72, 1941, sous le titre « Une invasion de sélénites ». Une passionnante histoire de créatures extraterrestres vivant sur la lune et appartenant à une espèce minérale radioactive. Un savant fou entre en communication avec l’une d’entre elle et sa venue sur terre et son pouvoir d’attraction sur les pierres, entraînent une sacrée panique. Fort heureusement, alors que le dément préparait une véritable invasion de ses minéraux, il sera mis hors d’état de nuire.
« La planète de cristal, roman fantastique » paru eux éditions Janicot en 1944. Une curieuse et passionnante histoire où il sera question d’exploration spatiale et de la découverte d’êtres à plusieurs dimensions. Un texte ambitieux et très original qui sera en quelque sorte l’aboutissement du talent de l’auteur.
Un pavé, essentiel pour les amateurs et simples curieux, enrichi qui plus est par la préface d’un spécialiste du genre Francis Vallery.
Léon Groc est un formidable écrivain qui rédigea plus d’une dizaine de romans relevant de notre domaine et dont certains, font véritablement figure de références en la matière (les « Moutons électriques » vous propose avec cette édition,le « must » de sa production) il n’était donc que justice de lui rendre ainsi hommage dans cette magnifique édition.Il ne nous reste plus qu’à souhaiter que dans cette sublime démarche de réhabilitation, l’éditeur nous propose dans un avenir proche, une autre bonne surprise de ce genre où les noms de André Couvreur,Marcel Roland, Cyril-Berger ou René Thévenin, viendraient grossir les rangs de cette « Bibliothèque Voltaïque » déjà riche d’un Gustave Le Rouge et d’un Maurice Renard.
Comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule il me faut également signaler, toujours chez le même éditeur, la sortie dés le mois de juin d’un texte tout aussi ancien et remarquable : « L’effrayante aventure » de Jules Lermina. Ouvrage rare paru dans la mythique collection « Les romans mystérieux » éditions Tallandier en 1913, ce texte après plusieurs décennies, garde toute sa saveur et son originalité, en mélangeant avec bonheur intrigue policière, aventure mystérieuse et thématique conjecturale.
Un inventeur construit un appareil fonctionnant avec une nouvelle source d’énergie, le Vrilium. Ce dernier suite à un incident s’écrase dans un terrain vague à Paris et alors que le savant tente de l’arrêter, il provoque un éboulement, mettant à jour une immense caverne abritant des monstres antédiluviens prisonniers de la glace. Cette dernière fond, les monstres sont lâchés !
Un texte difficile à trouver, donc relativement cher sur le marché de l’occasion, ce qui augmente d’autant plus notre plaisir de redécouvrir cette réédition inespérée Un pur plaisir de lecture de la part de cet auteur déjà rencontré dans les pages de ce blog au sujet d’un roman tout aussi passionnant « Mystère-ville » et qu’il serait également grand temps de rééditer.
- « La cité des ténèbres, et autres voyages excentriques » de Léon Groc. Editions « Les moutons électriques » collection « La bibliothèque Voltaïque » N°19.
- « L’effrayante aventure » de Jules Lermina. Editions « Les moutons électriques » collection « La bibliothèque voltaïque », Hors Série, Hardcover, tirage limité 50 exemplaires.
Lien de l’éditeur:
http://www.moutons-electriques.fr/
Je viens de terminer enfin le premier volume de la revue « Wendigo » et je dois dire que même en connaissant le bon goût de l’anthologiste, la lecture de ce recueil fut une agréable surprise.
Il faut dire que Richard D.Nolane, au cour de sa carrière, accorda à la littérature fantastique une attention toute particulière, en publiant de nombreuses nouvelles Anglo-saxonnes. Le genre d’initiative des plus réjouissante en regard d’un certain dédain que nombre d’éditeurs éprouvait pour un genre somme toute assez marginal. On se rappellera de son excellent anthologie « Les masques de la peur » paru aux nouvelles éditions Opta en 1983 pour le fiction spécial N°33, et de la collection qu’il dirigea chez Garancière de 1985 à 1987. Avec seize titres au total, la collection « Aventures Fantastiques » fut le moyen au public Français de découvrir des aventures colorées, mystérieuses et envoûtantes avec des auteurs comme Poul Anderson,Jack Williamson ( superbe » Sang doré »), Charles R.Saunders, l’extraordinaire « Dr Nikola » de Guy Boothby (connu en France grâce à son superbe roman fantastique « Pharos l’Egyptien » réédité chez Néo Plus en 1987) et surtout en ce qui me concerne, grand amateur de détectives de l’étrange, le très célèbre « Erasmus Magister » de Charles Sheffield.
Mais son activité des plus fébrile ne s’arrêtera pas à cette simple fonction de « collecteur » de textes essentiels, infatigable il écrira également dans des domaines très variés. Sa plume féconde se rencontrera dans la série des « Blade », rédigera des études sur la Cryptozoologie, rédigera un « Who’s Who » de la littérature fantastique et de l’horreur de 1860 à 1923, auteur du roman « Les démons d’Abidjan » et de nombreuses nouvelles publiées dans les revues « Fiction », « Ténèbres », ou « Solaris » ( l’ensemble de ses textes sont rassemblés dans un volume paru chez Rivière Blanche, « Séparation de corps »), scénariste de nombreuses BD, chez « Soleil », « Harry Dickson », « Les tigres volants », « 20 000 siècles sous les mers », il réalisera enfin une très intéressante étude sur le vampirisme « Vampires, une histoire sanglante ». Traducteur, critique, la liste serait trop longue pour vous faire ici le résumé de la carrière d’un véritable passionné du genre, d’un personnage ouvert et disponible qui malgré sa culture prodigieuse reste d’une grande simplicité et d’une extrême gentillesse.
Alors, comme je ne lis pas que des choses anciennes et surannées et que de temps en temps j’ouvre un livre dont la date n’affiche pas toujours le centenaire sur la page de garde, je me suis dit qu’il serait également sympathique de vous faire part de mes coups de cœur, ou de vous parler d’un ouvrage qui mérite toute notre attention. Aujourd’hui donc, actualité de ce billet oblige, je vais vous parler un petit peu du premier numéro de la revue « Wendigo » que vient tout juste de créer notre ami. Déjà le titre est tout un programme et dans notre mémoire, c’est le nom d’une terrible créature Amérindienne, aux appétits redoutables, une vision cauchemardesque et terrible des terreurs qui se terrent dans les forets du Nord du Canada.
Immortalisée par l’écrivain au nom prédestiné de Algernon Blackwood dans un nouvelle publiée en 1972 aux éditons Denoël « Présence du futur » dans le recueil du même nom, cette créature mystérieuse et redoutable ne pouvait qu’inspirer fascination, mystère et respect. Je crois que l’on ne pouvait pas lui rendre plus bel hommage qu’au travers le titre d’une revue qui renferme en elle toutes les qualités propres au domaine de l’imaginaire.
Avec un sommaire assez varié d’auteurs que nous ne connaissons pour la plupart que de nom, c’est une immense joie que pouvoir enfin découvrir le talent de ces écrivains complètement oubliés ( si ce n’est des spécialistes). D’autant plus que la France, en petite égoïste, ne prête pas facilement son intérêt à cet aspect de la littérature fantastique qui pourtant ne manque pas de talents. Un volume donc dominé par des femmes fatales avec la nouvelle qui débute l’ouvrage « Purification » de Robert Barr, que les « fans de la première heure » comme moi avaient déjà eu la joie de découvrir dans la regrettée « Presses du crépuscule », suivra « La femme de Jackson » de Victor Rousseau, un auteur dont nous avons la traduction d’un de ses romans « L’œil de Balamok » (Editions Antarès collection « L’or du temps » N°1 1991) et pour finir cette thématique « Le médaillon » de D.O.Marrama, l’amour d’une visage peint peut-il vous conduire à la folie ? Trois nouvelles, trois petites perles, de sensibilté, de finesse ou l’horreur est distillé d’une maniére subtile et délictate pour ensuite venir vous exploser à la figure.
Vient ensuite une autre thématique, que j’affectionne plus particulièrement, celle des légendes de la mer. Entre la terrible « Le destin du Hollandais volant » de Georges Griffith et la terrifiante « L’horreur des profondeurs » de Morgan Robertson, je dois avouer que mon cœur balance.La première, avec un style percutant nous raconte les affres du héros qui,en nous faisant vivre la vie difficile des marins et leurs craintes superstitieuses des mystères de la mer, se trouve confronté à la plus terrible des légendes maritimes « Le hollandais volant ». Nous sommes dans un style proche de W.H.Hogdson, une ambiance pesante et méphitique. Cependant l’ambiance de la seconde qui nous raconte quand à elle,la tragique histoire de ses marins prisonniers sur leur propre navire et qui meurent, les uns après les autres victimes d’une monstruosité marine, une pure merveille.Une ambiance lourde et pesante, un huis clos terrifiant ou le tueur n’est autre qu’une redoutable créature des abysses… je me suis particulièrement régalé. De plus, cerise sur le gâteau et concernant cet auteur, j’ai découvert son incroyable histoire à propos de son roman « Le naufrage du Titan » : Incroyable, pour ne pas dire surnaturel ! Si vous voulez en savoir plus, achetez le recueil, c’est passionnant.
Vient ensuite la nouvelle de l’auteur qui nous est le plus familier « Nom d’un bouc vert » puisqu’il s’agit de Seabury Quinn, auteur de l’impossible « Jules de Grandin ». Sa nouvelle « L’idole de pierre » quoique de facture assez classique et qui nous conte l’histoire d’une « statue maléfique », n’en est pas moins savoureuse. « L’étrange cas de Lemuel Jenkins » de Philip M.Fisher Jr., est presque ma préférée du lot. D’une part pour sa thématique un peu conjecturale (l’invisibilité) mais aussi parce que l’auteur est parvenu à retranscrire avec précision, les affres d’un homme qui se « voit » tout d’un coup disparaître aux yeux de son entourage. Métaphore sur la solitude des êtres méprisés ou véritable expérience scientifique ? En tout cas une nouvelle qui ne manque pas de force et de désespoir.
Pour conclure une série déjà bien appétissante, un classique de la littérature fantastique « Terreur » de Achmed Abdullah. Un court récit vraiment terrifiant, un mélange d’aventure et d’horreur comme on aimerait en lire plus souvent avec un final, bien que rationnel, nous plonge dans les abîmes de l’épouvante pure. Une superbe histoire de vengeance et de malédiction.
Au final donc une anthologie à la hauteur de ses ambitions comme on aimerait en voir plus souvent. Mais je gage qu’en regard de la qualité de celle-ci l’accueil du public sera des plus chaleureux, permettant ainsi une suite que nous attendons tous avec impatience.
Pour conclure, je ne connais pas les textes originaux et loin de moi de vouloir les consulter dans le texte, mais je peux dire, mis a part quelques petites coquilles, que la traduction me semble parfaite, le style est léger, agréable à lire, donnant à l’ensemble une envie de s’y plonger avec délectation, pour n’en ressortir que trempé de sueur
Un couverture superbe très inspirée des « Pulp’s »
Je dois dire que cela faisait longtemps que je n’avais assisté à un festival consacré aux littératures de l’imaginaire et, hasard du calendrier aidant, je viens de profiter d’un bref séjour à Paris, pour me rendre au festival Zone Franche « Les Mondes imaginaires» siégeant à Bagneux.
Je n’avais hélas pas beaucoup de temps devant moi et si les deux heures passées sur place furent en grande partie consacrées à discuter avec quelques amis rencontrés sur les pages de mon blog et autres, un chose est certaine, c’est que la convivialité et l’excellence de l’organisation me firent forte impression. Ainsi, au gré de mes errances et au fil des nombreux stands bien achalandés, faisant étalage de livres aux couvertures magnifiques et ô combien appétissantes (j’avais envie de tout acheter), j’ai eu la grande chance de deviser avec auteurs et responsables de collections.
Des gens tout à fait charmants, ouverts et enthousiastes, avec des projets plein la tête et animés d’une foi inébranlable en leur profession, laissant de ce fait présager, après une traversée du désert, un avenir radieux pour cette littérature qui nous passionne tant.
Jean Christophe Thills et sa formidable collection « Malpertuis » qui nous réserve encore bien des surprises, à commencer par cette anthologie consacrée aux musés et que nous avons hâte de découvrir. Si vous ne connaissez pas encore les titres de sa collection, précipitez vous sur « le club Diogène » les « Harry Dickson » et autres anthologies « Malpertuis », c’est un pur délice.
Philippe Ward, un homme charmant et enthousiaste et dont sa désormais incontournable collection « Rivière Blanche », ne cesse de nous étonner pour la qualité et la diversité de ses ouvrages. A noter pour les amateurs « d’anticipations anciennes » qu’il réédita un ouvrage de Arnould Galopin « Le Docteur Oméga » et qu’un début des œuvres mettant en scène le « Nyctalope » le célèbre héros de Jean de la Hire, est prévu en juin, sans oublier la collection « Baskerville » qui se consacre quand à elle, à des textes fantastiques entièrement inédits tout en ciblant des auteurs anciens.
J’ai également eu la chance de rencontrer pour la première fois sur le stand de « L’œil du sphinx », Jean Luc Rivéra un homme tout à fait charmant et dont l’érudition dans le domaine de l’imaginaire, ne semble pas avoir de limite. De ce fait, on ne s’étonnera pas de constater la grande tenue de la collection de « L’O.D.S » qui sous la houlette de Philippe Marlin nous propose également des titres variés, d’une grande qualité et aux thématiques passionnantes (Avec deux ouvrages de références sur R.H.Howard de Fabrice Tortey et A.E.Van Vogt de notre ami Joseph Altairac). Ce fut également l’occasion de retrouver après de longues années Richard D.Nolane, grand passionné de la première heure et créateur de l’excellente revue « Wendigo ». Un recueil de nouvelles absolument indispensable à tout amateur de fantastique qui se respecte. Nous attendons le N°2 avec impatience. Remercions les éditions de « l’œil de sphinx » d’avoir eu l’intelligence et le bon goût d’accueillir cet extraordinaire anthologiste au sein de ses publications.
Je ne voudrais pas terminer ce petit tour d’horizon sans vous parler de mes deux plus belles rencontres du festival, puisqu’il s’agit de celle de l’éditeur du magnifique « Carnoplaste », Robert Darvel. Vous savez, au travers de mes quelques critiques sur les pages de ce blog, à quel point je suis attaché à ce sympathique éditeur que je viens de rencontrer également pour la première fois. Le personnage est à la hauteur du travail qu’il effectue, original, délirant, généreux et d’excellente compagnie. Son travail de réhabilitation de certaines figures de la littérature populaire comme Harry Dickson, Gustave le Rouge, Jean de la Hire et tous les autres qui ne cessent de trotter dans sa cervelle en constante ébullition, est tout simplement extraordinaire. Il en fallait du talent pour dynamiser de la sorte ces héros un peu trop longtemps laissés dans la naphtaline de nos souvenirs.Sa dernière création « Jeanne d’Arc » en est un exemple brillant et savoureux. Soyons vigilants, des projets d’envergures il en a plein en réserve.
Autre première rencontre (un véritable baptême, j’ai vraiment l’impression d’être un ermite) celle de Brice Tarvel que j’avais découvert il y a plusieurs années par l’intermédiaire de la revue « L’impossible ». Non seulement Brice est un digne continuateur des aventures des « Harry Dickson », mais il a vraiment fait preuve d’une extraordinaire originalité en créant ce personnage tout à fait singulier de « Nuz Sombrelieu ». Allez jeter un petit coup d’œil sur mon blog, j’en parle avec beaucoup de convictions mais le mieux à faire c’est de vous précipiter sur le fascicule, toujours édité par le « Carnoplaste », vous m’en direz des nouvelles. Je suis également très heureux et très fier de m’être fait dédicacé un exemplaire de sa nouvelle série « Ceux des eaux mortes » édité chez « Mnémos » (un autre éditeur présent lors du festival) et je puis vous assurer que si le roman est à la hauteur des 100 pages que je viens de dévorer, à coup sûr les nouveaux personnages hauts en couleurs de cette série, feront date dans l’univers parfois un peu trop « coincé » de la Fantasy. Brice est un auteur d’une grande simplicité, d’une grande gentillesse et d’une sacrée bonne compagnie !
Le soir nous avons terminé cette superbe journée dans un restaurant, dans une ambiance festive et détendue, à partager nos impressions, nos passions communes et toutes autres sortes de balivernes. L’occasion pour moi également de rencontrer l’illustrateur du fascicule de « Lady Lace » Emile Fitz, un illustrateur de talent dont j’ai apprécié le travail proche de l’expressionnisme Allemand. Un personnage également passionnant et passionné.
Bien sûr il y avait d’autres « figures » incontournables de l’édition et je voudrais m’excuser de ne pas les citer, tout comme les autres auteurs présents lors de ce festival : Juan Miguel Aguilera, dont je respecte énormément le travail et dont il faut absolument lire « La folie de dieu » et « Rihla », François Darnaudet dont je viens d’acheter « Trois guerres pour Emma », P.J.Hérault, Ayerdhal,Berthelot….. et tant d’autres. Un festival, riche et enthousiasmant et dont la bonne humeur et la générosité me donne envie de recommencer très prochainement. Rendez-vous à la fin de l’année à Sèvres qui nous prépare quelque chose d’assez conséquent et pile poil dans un domaine que j’aime tout particulièrement.
Dans son intéressante et passionnante préface à la réédition du « Le prisonnier de la planète Mars » et « La guerre des vampires » édité en 1966 chez Jérôme Martineau, Pierre Versins dans sa préface intitulée « Qui a copié », essaye de lever le voile sur une « énigme » de la littérature populaire, ou du moins d’expliquer quelques coïncidences troublantes qui relient l’œuvre de Le Rouge à un autre auteur moins connu mais tout aussi fascinant « Les aventures merveilleuses de Serge Myrandhal ». Également publié en deux volumes : « Sur la planète Mars » et « Les robinsons de la planète Mars »chez L.Laumonier & Cie éditeurs « Bibliothèque Métropolitaine » en 1908. Versins fait un comparatif des similitudes existantes entre les deux œuvres. Mais voulant encore un peu plus « enfoncer le clou » il citera également l’ouvrage de Jean de la Hire « La roue fulgurante » paru quand à lui en pré originale dans le journal « Le matin » du 10 Avril au 23 Mai 1908.
En fait ce qui de manière évidente semble relier les trois ouvrages c’est « l’énergie psychique » condensée dans un complexe appareillage et qui permettra de propulser les différents protagonistes dans un engin prévu à cet effet. Tout cela semblerait assez curieux et pourrait relever effectivement d’une simple coïncidence du fait de la parution quasi simultanée des œuvres en question, si d’autres textes n’avaient pas auparavant traités d’un sujet similaire C’est également le cas par exemple pour une autre thématique presque identique, découverte lors d’une de mes lectures, et non mentionnée par l’encyclopédiste.
Il s’agit du roman de Jean Chambon publié chez Georges Carré en 1891 et intitulé « Cybéle, voyage extraordinaire dans l’avenir ». Dans ce curieux roman dont je vous prépare le résumé et l’analyse sur mon blog, l’auteur utilise comme moyen de « propulsion » pour ces déplacements dans l’espace, l’énergie psychique et l’attraction que peut produire l’observation d’une planète pour se diriger jusqu’à elle .Un tel procédé fut utilisé par la suite par Edgar Rice Burroughs pour expédier John Carter sur…la planète Mars. L’utilisation de la « force psychique » depuis l’ouvrage de Th.Flournoy « Des Inde à la planète Mars » fut l’objet d’une source d’inspiration d’une quantité d’œuvres surprenantes qui marquèrent par leur originalité et leur audace les esprits de toute une génération de lecteurs.
De nombreux romans restent encore à découvrir, celui de Chambon n’est pas une exception et il est fort possible que l’on découvrira au fil de nos investigations, de nouvelles preuves irréfutables sur l’antériorité de telle ou telle thématique, tout comme de leur continuité. Pour preuve l’œuvre tout à fait remarquable et passionnante de Robert Darvel qui dans son second opus consacré à « Jeanne D’arc versus Le roi des Boy scouts » et intitulé « Jeanne D’arc au pôle nord » utilise le pouvoir psychique d’hommes cavernicoles, les « Fakirs-Troglodytes » afin de propulser le belle pucelle à bord d’une coracle, aux confins du monde, dans les terres glacées de l’océan arctique.
Je profite d’ailleurs de cette petite parenthèse « Psychique » pour insister sur le travail formidable réalisé par Robert Darvel en créant un univers tout à fait jubilatoire, bourré de références et qui ne peut qu’enthousiasmer les férus de littérature populaire que nous sommes. Avec un style d’écriture qui coule de manière limpide, elle possède toute la saveur à la fois chaude et douceâtre de ce précieux liquide dont s’abreuvent les énigmatiques Erloors . En nous décrivant un Jean de la Hire, maître des cieux, à bord de sa gigantesque « Roue Fulgurante »dont nous ignorons pour le moment ses funestes ambitions, manipulateur et terriblement machiavélique, c’est un rappel sous forme d’hommage à toutes les viles créatures dont cet auteur inonda la majorité de son abondante production.
La saga de « Jeanne D’arc » de Robert Darvel, est d’ores et déjà entrée dans le mythe des héros populaires dont le destin, sublime ou tragique, ne pourra que se bonifier au fil de ses extraordinaires aventures. En mélangeant les thématiques et les références du genre, c’est une plongée jusqu’à l’ivresse dans ce bain délicieusement décalé et surréaliste que nous propose l’auteur.
Du roman maritime en passant par une épique « Robinsonnade », le périple de Jeanne va ainsi nous conduire après un passage dans les entrailles de la terre au rocher de Rockall où, dans un chapitre absolument époustouflant, elle va se retrouver, faisant corps avec son coracle avant d’être propulsée au travers des océans par la force psychiques de ces mystérieux ascètes. Un quête qui se poursuivra aux confins de notre terre, au pôle Nord ou l’attendent de nouvelles et stupéfiantes découvertes et de redoutables épreuves.Jean de la Hire n’aura de cesse de la traquer et de la retrouver, aidé en cela par toute une cohorte de « Boy-scouts », et connaissant l’inspiration de l’auteur, cela ne m’étonnerait pas qu’ils proviennent d’une autre planète, du bistouri hallucinant de quelques sculpteurs de chairs humaines ou autre maniaque de l’horlogerie de précision.
Des idées complètement délirantes mais dans des situations qui gardent toute leur logique, leur équilibre et un sens du rythme que je n’avais rencontré que dans les œuvres de Le Rouge et de Souvestre &Allain.
En plongeant à bras le corps dans tout ce corpus de cette « paralittérature » , il est sans contexte parvenu à dépoussiérer un genre tout en lui conservant sa substantifique moelle et en osant même aller bien au-delà de ses illustres prédécesseurs et inspirateurs. Nul doute que le fondateur du « Carnoplaste, éditeur de fascicules » vient une fois de plus rendre un bel hommage à toute une époque qui nous est si chère et que sa plume inspirée et féconde ne dépareillerait pas dans les pages de l’incontournable série des « Héros de l’ombre ».
Et dire qu’il en existe encore qui n’ont pas encore osé plonger avec frénésie dans toute cette collection passionnante et en tout point remarquable Un seule envie dès à présent : Vivement la suite !
A bientôt donc sur les pages de « Sur l’autre face du monde ».
Un lien « Psychique » très étroit vient ici lier les héros de ces différentes sagas
Extrait d’un article de Léopold Beauval et intitulé « L’homme- vapeur ». Comme quoi le « Steampunk » est une création relativement ancienne et que nos illustres aïeux consacrèrent leur temps et leur matière grise à inventer de curieuses machines pouvant alléger la charge de l’homme.
Nous ne sommes pas très loin des « Atmophytes » de Chousy dans son extraordinaire roman « Ignis »:
« La poitrine toute entière se trouve occupée par la chaudière, dont l’eau est portée a ébullition grâce à un brûleur a pétrole placé à la parie inférieure, et dont la flamme, forcée de traverser tout un système de tubes, se répand uniformément au milieu de la masse d’eau. La fumée s’échappe par la cheminée qui passe par le sommet du casque. La vapeur produite est emmenée par un tube jusqu’à la machine située au-dessous de la chaudière. Cette machine, très petite, mais à grande vitesse, marche à raison de 3000 tours par minute et donne une vitesse d’environ un demi cheval-vapeur Cette vitesse considérable est très réduite, grâce à un système d’engrenage fort simple, de façon à donner à l’automate une allure raisonnable. La vapeur est ensuite conduite par un tube spécial jusqu’au nez de « l’homme-vapeur », par où elle s’échappe. La mouvement de rotation de la machine est ensuite transformé à l’aide d’un excentrique et de leviers en mouvement de sonnette, permettant aux membres de se fléchir et de s’étendre, simulant ainsi la marche humaine.
Depuis 8 ans, l’inventeur travaille à un automate à vapeur beaucoup plus grand et qu’il espère pouvoir faire marcher dans le courant de la présente année. Cette nouvelle machine, dans la pensée de son auteur parcourra les rues en traînant une voiture. C’est cet automate que représente la partie supérieure de notre gravure, avec la manière dont seront attachés les brancards. L’automate actuel, haut de 2 mètres, est capable de résister à l’effort de deux hommes contrariant sa marche ; l’automate plus grand que l’inventeur, construit en ce moment, pourra traîner dix musiciens dans une voiture. »
« La Science Illustrée » N°294. 15 Juillet 1893.
Billet publié dans « Le club des Savanturiers »
Version médiévale de cette curieuse machine à vapeur, la version Frank Reade’s Junior optera pour le haut de forme!
« Celui qui se ressuscita » De Léon-Marie Thylienne. Editions Schaert, Bruxelles 1924. Tiré à 200 exemplaires numérotés et paraphés par l’auteur.(Bulletin des amateurs d’anticipation ancienne et de littérature fantastique N°22 Février 1999, article révisé et augmenté))
Lamersy, un austère chercheur en linguistique vient de terminer après 20 années de dur labeur, un volumineux ouvrage consacré à la classification définitive des sourates du Coran. Et il le savoure cet instant suprême de félicité, ce bénédictin des saintes écritures. Sans contexte un savant spécialiste des ouvrages sacrés, mais le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ? Avec ses 38 ans, le cheveu grisâtre, l’oeil vitreux et le dos voûté de trop ce pencher sur de poussiéreux volumes, il est certes encore jeune mais il a l’impression que ses belles années sont loin derrière lui. A la phase d’euphorie, va suivre un intense moment de déprime, une remise en question sur l’utilité de son travail, qu’un autre chercheur de plus ne tardera pas à démolir. Il est ainsi l’heure de trouver un sens à sa vie, une utilité de son existence.
Son unique ami Laumaille, écrivain décadent dont la vie n’est que plaisirs, tente de lui ouvrir les yeux sur son quotidien terne et morose. Un nouvel lamersy renaît alors de ses cendres. Conscient en cela de l’énorme retard accumulé lors des longues et laborieuses heures passées dans les bibliothèques, à se voûter tel un vieillard sur d’antiques grimoires. Sa curiosité pour le monde qui l’entoure s’éveille enfin, tout y passe, lectures de revues scientifiques, journaux, romans. Il ira même se passionner pour les anciennes études de son père, électricien de génie, mort en laissant à l’état de pièces détachées une singulière machine. Hélas la reconstruire semble impossible, les notes sont éparses, les plans incertains. Un jour pourtant par un curieux effet du hasard :
« D’après les notes qui lui avaient d’abord parues inintelligible, il était parvenu à assembler un certain nombre de pièces détachées de la machine inconnue et ayant lancé un courant alternatif dans les bobines et les fils qui lui semblaient l’âme, il avait vu s’estomper vaguement, dans une lentille concave surmontant l’appareil, un spectre dont il ne parvenait pas à préciser les contours. Il crut avoir rêvé, et, de nouveau, lança le courant dans la machine incomplète. Derechef, l’imprécise apparition se silhouette au creux de la lentille. Mais c’est en vain qu’il manipula les pièces ajustées au petit bonheur d’une compréhension arbitraire, le spectre lumineux ne s’accentua pas d’avantage. Mais comme il activait un petit engrenage, il l’aperçut distinctivement dan l’espace. » (Pages 42/43)
Blasé de ce nouvel échec, le savant en herbe préfère retourner vers des plaisirs plus charnels. Il quitte alors son domicile pour habiter Bruxelles. Son ami écrivain vient en effet d’écrire une pièce ayant un certain succès et invite de ce fait Lamersy à se rendre à une des représentations. Dès cet instant, sa vie va basculer, transformée par l’idylle inespérée avec l’une des danseuses de la fameuse pièce. Diantre ! Que voilà la vie de notre célibataire, fort de ses 38 ans d’abstinences, opérer un brusque retournement de situation. Est-ce là cette fameuse « résurrection » dont le titre excita notre ardeur conjecturale ? Pourtant le titre fut annoncé à la fin du seul et unique volume de la collection « Polmoss »
Fort heureusement, page 144 un paragraphe vient apaiser mes doutes. Il s’agit d’une note de Lamersy père, griffonnée en toute hâte et découverte au fond d’un tiroir :
« Le principe de la vie est éternel, si nous mourons c’est d’avoir épuisé trop vite la source de nos forces dynamique. L’age, la fatigue, la douleur et la joie, la souffrance et le plaisir, font grincer en nous les ressorts compliqués que la nature nous a donnés. L’homme qui se résignerait simplement à vieillir dans l’ignorance absolue des émotions contradictoires qui sont la vie active, atteindrait la vieillesse fabuleuse des héros des anciennes fables : une vieillesse légère et vigoureuse qui ne serait, somme toute, que l’affirmation d’une existence très longue. Il se ne passerait plus, mais ce seraient les choses qui passeraient autour de lui. En dernière analyse, les Dieux ne sont des vieillards immortels et toujours jeunes que parce qu’ils ignorent l’usure humaine. Or, c’est à cette usure apparue jusqu’aujourd’hui comme absolument inéluctable, que j’ai mis un terme définitif en inventant les rayons O et la machine à…. » (Pages 144/145)
Toutefois l’utilisation de la machine reste encore un mystère. Il tente alors une ultime investigation en retournant à la demeure familiale, sans omettre comme par un bizarre pressentiment, de régler avant de partir ses affaires les plus urgentes. Avant de partir, il laisse quelques consignes à sa gouvernante et son meilleur ami. S’il ne manifeste aucun signe de vie sous 15 jours, des instructions précises sont enfermées dans son secrétaire. Une fois sur place, il précède sans plus attendre aux préparatifs de l’expérience et se livre à une séance d’autosuggestion. Il découvre ainsi une niche secrète à l’intérieur d’une pièce dont le père s’était efforcé d’en vider le contenu. Cette dernière contient sur le sol d’étranges symboles mathématiques. Dans une petite alcôve se trouve enfermé de singuliers fragments métalliques, probablement servant a compléter la machine. Plusieurs rouleaux de papier accompagnent le précieux butin. Sur le premier, un titre assez prometteur : « La machine à ressusciter, calcules et commentaires ».
Ainsi son père avait bel et bien découvert un moyen de prolonger la vie. A la lecture du manuscrit, les plans se révèlent assez simples. La seule condition est la réalisation de l’appareil à l’endroit où sont dessinés les symboles sur le sol. Chaque partie en est minutieusement délimitée et l’assemblage ne doit souffrir d’aucune erreur de positionnement. Des chiffres, des calculs, des équations et des diagrammes viennent ainsi noircir les pages manuscrites. Tout cela semble abstrait au jeune homme, mais il sent dans cette incroyable théorie de formule un logique implacable dont l’enchaînement mathématique semble conduire en théorie à la solution finale. En mécanique pourtant rien n’est simple et l’application finale reste une énigme. Pas pour longtemps, l’auteur fait croître le suspens et nous dévoile la découverte de l’ultime feuillet. A l’intérieur, commentaires, l’explications ultimes, la clef d’une invention de génie.
Le chercheur en herbe décide alors de tenter l’expérience sur lui-même après élaboration de la fameuse machine. Tout est calculé, mesuré et au final il se trouve face à une sorte de « robot » automatique ayant pour fonction de réaliser à sa place les délicates manœuvres lors de l’expérience :
« C’est pourquoi j’ai imaginé quatre machines automatiques qui me remplacent à merveille et dont la précision ne me fera point redouter l’erreur toujours possible d’un homme impressionné par une mise en scène qui peut-être tragique. »
Malheureusement le fils ne sera pas à la hauteur du père, l’expérience échoue, mais il ne veut pas renoncer si facilement. Avec l’aide de deux experts en électricité, la machine sera reconstruite et notre futur Lazare planche de nouveau sur les instructions manuscrites et s’enferme de nouveau dans la grande salle pour l’ultime expérience. Il s’allonge et l’appareil « VKP » prévu pour l’injection du fluide mortel, fait son office. Il est en effet indispensable pour la bonne réussite de l’expérience, que le sujet meure. C’est la condition capitale pour que les rayons « O » puissent agir. Sept minute après, l’homme meurt, dans un silence quasi religieux, avec juste en bruit de fond, le petit bruit métallique des décharges électriques dont les étincelles traversent l’atmosphère.
« Tout à coup, un frisson secoua le savant. Mais lentement, ls rayons O continuaient leur œuvre pénétrant par tous les pores , circulant par tous les vaisseaux, s’infiltrant dans toutes les artères, ressuscitant peu à peu le système cardiaque et cervical de l’orientaliste. Imperceptiblement il sentait s’éveiller en lui les effluves régénératrices d’une vie neuve et surnaturelle et, par sursauts gradués, ses membres raidis par une mort momentanée, reprenaient leur souplesse. Les traits de son visage rosirent, une palpitation agita ses paupières et il ouvrit lentement ses yeux émerveillés. Aussitôt, la YCP cessa de vibrer : les décharges électriques s’espacèrent peu à peu pour s’éteindre enfin l’une après l’autre, tandis que le moteur continuant de tourner avec le bruit de ses respirations régulières. » (Pages 169)
L’homme venait donc de vaincre la vieillesse et la mort ! Lamersy poussa alors un cri de triomphe qui s’étouffa soudain dans sa gorge. Le lendemain, Laumaille inquiet découvre en pénétrant dans la salle mystérieuse, le cadavre de celui qui « se ressuscita », broyé par une lourde pièce détachée du complexe appareil. Le secret fut ainsi perdu à jamais.
Comment vaincre la mort
Si le thème de l’immortalité se rencontre fréquemment dans notre domaine, soit par remplacement d’organes avec des artifices mécaniques ou autres, soit par un quelconque « fluide d’immortalité », le thème de la machine à ressusciter se rencontre toutefois de façon plus anecdotique. Pourtant il existe bien des machines « à prédire la mort » (Roman de Charles Robert-Dumas, librairie Arthème Fayard 1938). Pour mémoire on se rappellera de celle de Paul Arosa déjà rencontrée dans les pages de ce blog : « Les mystérieuse études du Professeur Kruhl » ou de la non moins incroyable machine de René Berton « L’homme qui a tué la mort ». Il eut également une curieuse « machine à régénérer » dans le roman de Jean-Marie Defrance « La lumière ou la prodigieuse histoire de trois inventeurs , Roman Utopiste »où les intentions de l’auteur n’étaient pas très précises quand à la fonction exacte de cette machine.
Voici donc une nouvelle pierre à rajouter à ce petit édifice. Il faut dire que le roman reste assez difficile à trouver. Annoncé comme le troisième titre à paraître dans la collection « Le roman scientifique » (voir billets précédents) cette histoire d’immortalité peut nous sembler en tout point déroutante. Thylienne est un doux rêveur à l’esprit quelque peu fantasque, porté à la fois sur les histoires sentimentales et expérimentales. Quoique les deux puissent parfois faire bon ménage, comme il nous le prouvera dans son deuxième roman « La maîtresse mécanique ». Visiblement un personnage quelque peu cabotin et il suffit de relever en début d’ouvrage la liste des ses œuvres pour s’en convaincre : « Les voluptés », « L’heure sentimentale », « L’anneau captif », « Baisers d’après-midi », « Petite fille de 16 ans », « Bel amour »….j’en passe et des meilleures.
Son goût pour le sexe faible se fera écho dans ses œuvres conjecturales, car la femme aura toujours une place primordiale, soit sur le destin du héros, soit en jalonnant son parcours de manière caractéristique et souvent tragique. Comme nous venons de le voir dans « Le secret de ne jamais mourir » » Northman, créature immortelle, cherche la femme idéale pour lui tenir compagnie dans son éternité, mais trouve un fin tragique à la suite de sa « transformation ». Ainsi dans « La maîtresse » mécanique », tout comme Lamerssy, après des années d’abstinence, Mr Pouille embaumeur de son état, décide au bout de 35 ans de rattraper le temps perdu. Il va tomber éperdument amoureux de la douce Rita. Mais fou de jalousie et voulant se la garder à lui tout seul, il va l’assassiner, l’embaumer et par un astucieux mécanisme fait de rouages et d’électricité, il va en faire une sorte d’automate, de poupée vivante capable d’assouvir ses moindres désirs.
Dans « Celui qui se ressuscita », l’auteur va également faire preuve de son « penchant » pour le dit « sexe faible » et nous montrer quelques peu ses « travers » peu recommandables, en nous proposant un héros lorgnant du coté de Mr Hyde. En effet voulant lui aussi combler son retard en la matière et se découvrant une certaine attirance pour la gente féminine, il ne va pas hésiter à user de son pouvoir d’autosuggestion afin de violer la fille de sa servante. Un homme vraiment peu recommandable. Tout comme le roman précédent, il nous faudra attendre la dernière partie de l’ouvrage pour que pointe enfin le nez de notre bonne vieille machine à ressusciter. Curieuse coïncidence pour assurer la transition, son fameux rayon s’appelle « O ».
L’hypothèse de cette régénérescence de notre « fluide vital », qui fut une théorie déjà utilisée à maintes reprises, non pas en nous rajeunissant mais en prolongeant notre vieillesse, ne manque pas de charme, même si elle manque d’originalité. Par contre, rarement le détail d’une telle machine nous fut donné avec tant de détails et de précisions. Thylienne est donc un partisan des ressources fluidiques de notre organisme, théorie qui, par une étrange coïncidence, avait déjà été ébauchée dans le recueil de Pasquier « Le secret de ne jamais mourir ».
Décidemment, il semblerait que ce fut une obsession chez les écrivains Belges. Mais on peu dire qu’ils avaient à mon avis un certain sens de l’humour noir et de la chute inattendue comme en témoigne également cet ouvrage qui bascule littéralement vers la fin dans le conte « absurde ». Un mélange de roman de mœurs mélangé à un postulat fortement conjectural avec cette petite touche personnelle et fort bien à propos, dans ses toutes dernières lignes.
En résumé, un roman assez long dans sa première partie et qui ressemble fort à un « faux amis ». Seulement l’expérience nous prouve une fois de plus que dans notre domaine qu’il est plutôt sage d’être patient et acharné. D’ailleurs, la chute me rappelle cette nouvelle de E.M.Laumann « La cage de verre » (« Je sais tout » N°195 15 Mars 1922) ou c’est ingénieur qui construisit une machine ultra perfectionnée dans une usine d’assemblage, mort d’une façon atroce dans les bras articulé de sa propre invention. Mais Laumann en véritable virtuose comprit que le format de la nouvelle aurait plus d’efficacité .
Pour cette raison hélas, le roman de Thylienne souffre parfois de certaines longueurs qui portent préjudice au roman qui se perd parfois dans des considérations un peu trop « frivoles » Mais la morale reste identique, l’homme de science dans sa toute puissance et sa vanité veut absolument se croire l’égal de dame nature, défier Dieu, dominer les éléments, pour se rendre compte qu’il ne reste qu’un misérable être humain. Un homme me direz- vous presque immortel dans le cadre du roman, mais égal aux autres sous la pression de quelques kilos de ferraille. Il ne sortira décidemment jamais de sa condition de simple mortel et les écrivains qui hantent les pages de ce blog nous le prouvent de manière quasi systématique.
Jean-Marie Thylienne se consacrera au moins encore trois fois à la conjecture « L’onde Hallucinante » et « L’étrange aventure de Mr Saint-Ardant » dont je ne connais rien et « Le Docteur Génitrix » où il sera question de fécondation artificielle.