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Archive pour juillet 2011

« King et Les Zombies »" Du Captain W.E.Johns

Une petite île perdue dans l’Océan… Deux de ses personnalités disparaissent. Voilà du travail pour KING! Du travail dur, passionnant, pour lequel il doit déployer toute son énergie, toute son autorité de chef. Et c’est ainsi que notre ami KING, dit Gimlet, devient gouverneur. Mais, malgré ce titre flatteur, malgré le respect dont on l’entoure, saura-t-il venir à bout des mystérieux Zombies qui hantent l’île ?

« King et les zombies »  du Captain W.E.Johns .Éditions Presses de la cite.

Collection « Captain Johns ».1955

 



« Biggles Au Tibet » Du Captain W.E.Johns

 

« En explorant la frontière orientale du Tibet, le Professeur Richard Bigglesworth découvre une montagne aux propriétés curieuses, gardée par une race inconnue, les Chungs. Ceux-ci, en plus d’un grand nombre d’armes scientifiques perfectionnées, possèdent le pouvoir de se rendre invisibles. Après avoir couru de grands dangers, le professeur s’échappe et rentre en Angleterre. Mais ses ennemis l’y poursuivent et il fait appel à son neveu, le commandant Bigglesworth (le fameux Biggles). Avec l’aide de celui-ci, il retourne au Tibet pour découvrir le secret de la Montagne de la Lumière. Leurs compagnons et eux-mêmes sont aussitôt attaqué’, par les Chungs. Au milieu de périls de toutes sortes, ils réussissent à détruire la station génératrice dont cette étrange race comptait se servir pour conquérir le monde. »

« Biggles au Tibet » du Capitaine W.E.Johns. Éditions Presses de la cité , collection « Captain Johns »

N°24 ».1949. Ouvrage avec une jaquette.

 



« Les Exploits DE Biggles » Du Captain W.E.Johns

Dans la période heureuse qui sépara les deux guerres, Biggles et ses compagnons, hommes de combat, décident de mener des activités pacifiques en se mettant, avec leur avion, à la disposition de toute entreprise ayant besoin de déplacements rapides. C’est ainsi qu’ils font la connaissance du Dr Augustus Duck — surnommé Donald, puisque « duck » veut dire canard, en anglais. Cet estimable savant, passionné par tous les phénomènes survenant sur le globe, déplore souvent d’arriver trop tard pour observer l’objet de son étude. Biggles, son « coucou » et ses amis vont lui permettre de se lancer à cœur joie dans des études mouvementées, souvent dangereuses, et souvent aussi Biggles sera là, intervenant pour éviter à Donald bien des désagréments.De bien curieuses créatures les attendent dans cette aventure

« Les exploits de Biggles » du Captain William Earl John.Éditions « Presses de la cité ».

Collection « Captain Johns »N°53.1952

 



Les Introuvables : « Les Mystérieuses Etudes Du Professeur Kruhl » De Paul Arosa

Il y a de cela un vingtaine d’années, alors que ma passion pour l’anticipation ancienne revêtait déjà une forme obsessionnelle et que le « Versins » trônait sur ma table de chevet, j’avais découvert l’ouvrage de Jacques Van Herp « Je sais tout le roi des magazines » (Collection Idés…et autres N° 54, éditions « Recto-Verso » 1986). Une mine que cette publication, comme tous les titres de la collection d’ailleurs.

L’univers si riche des publications d’avant guerre était une découverte récente pour moi, préférant collectionner uniquement les volumes, plus faciles à ranger, moins encombrants. Stupide erreur, car tous ces périodiques renferment, comme j’allais rapidement le découvrir, des textes inestimables et…inédits ! Me voilà donc à la recherche de ces précieuses revues et je constate avec stupeur qu’il n’existe pas vraiment de « fanzines » qui, comme moi, éprouveraient quelques sympathies pour d’aussi éphémères morceaux de papiers, et qui leur accorderait les chances d’une réédition.

A cette époque je rencontre un amoureux de la science fiction, William Waechter, qui me soumet son projet de créer une revue consacrée au domaine de l’imaginaire sous toutes ses formes. Je lui propose ma collaboration, lui vante le vide énorme concernant l’anticipation ancienne et toute sa richesse thématique, serait-il d’accord pour me consacrer un espace destiné à des rééditions ?. Il prend le risque et c’est ainsi que va naître « Planète à vendre » avec une rubrique « Rétro Folio » intitulée « Les oubliettes ».

Ainsi, sur quatre numéros il me sera possible, avec les moyens du bord, de pouvoir un peu parler de cet amour pour les textes anciens, les précurseurs de la science fiction française, et de faire partager trois textes qui me paraissaient intéressants et dont l’oubli dans lequel ils étaient tombé, devait être réparé. De nos jours, les efforts se multiplient afin de réparer ces injustices et il n’est pas rare, sur la toile ou en librairie de constater l’intérêt que portent les amateurs et les éditeurs, à toute cette partie de la littérature « populaire » à cette face cachée de l’iceberg, cette « Autre face du monde » qui mérite toute la reconnaissance et le respect que nous devons porter à nos illustres pionniers.

- « L’arbre charnier » de E.M.Laumann. Planète à vendre N° 1. Octobre 1990.

- « La journée d’un Parisien au XXI éme siècle » de Octave Béliard. 1ere partie. Planète à vendre N° 2.Décembre 1990.

- « La journée d’un Parisien au XXI éme siècle » de Octave Béliard. 1ere partie. Planète à vendre N°3. Mars 1991.

- « Les mystérieuses études du Professeur Kruhl » de Paul Arosa. Palnète à vendre N° 5. Juillet 1991.

J’avais déjà effectué un résumé du texte présenté aujourd’hui, lors de mes premiers articles sur ce blog, pour les retardataires je me permets donc d’en reprendre la présentation avec cette fois, la nouvelle inédite de Paul Arosa, dans son intégralité.

 

 Présentation

La production de textes relevants de l’imaginaire fut, faute de revues spécialisées, très abondante au début du XX éme siècle et il serait vraiment difficile d’en répertorier la totalité à l’heure actuelle. De plus, c’est une époque où le genre « Science- fiction » n’est pas encore bien déterminé et le terme de « Fantastique » était une espèce de « fourre tout » ou de nombreux textes appartenant à cette zone crépusculaire entre la SF et le Fantastique, étaient alors rangés. Un genre il faut le reconnaître assez méprisé, car en marge de la « vraie » littérature mais qui abritait donc sous son aile une foule de textes d’origine conjecturale. Bien souvent d’ailleurs la différence entre les deux domaines se base souvent sur des critères assez difficiles à définir.

L’exemple typique de cette époque est le texte de Paul Arosa « Les mystérieuses études du Professeur Kruhl » paru dans la revue « Je sais tout » ou ce dernier rassemble plusieurs genres : Policier,Fantastique,Science-fiction et même Grand Guignol. Cette œuvre d’ailleurs, comme nous le fait remarquer fort justement Jacques Van Herp, ressemble curieusement à un texte de Jean Ray et intitulé « La tête de Mr Ramberger ». Dans les deux textes nous sommes en présence de la résurrection d’une tête décapitée, toutefois Arosa apportera une explication scientifique alors que Jean Ray laissera planer un doute à la limite du surnaturel, tout en insistant sur le coté morbide de la situation (l’auteur Gantois était avant tout un conteur fantastique).

Dans le texte qui nous intéresse le procédé utilisé pour l’époque est assez innovent. En effet tout repose sur un appareillage sophistiqué, énorme machine fonctionnant au moyen d’un cœur artificiel, envoyant en permanence du sang de porc (le plus proche de l’homme) dans le système vasculaire cérébral. Toutefois, si l’idée est séduisante sa créature reste tributaire de son statut de « Tête vivante » et reste condamnée à ne pas bouger du socle sur lequel elle est posée. Il faudra attendre un roman tout à fait rarissime et passionnant des pères de « Fantômas », Souvestre et Allain pour que le pas soit enfin franchi avec le passionnant « Le rour » (écrit à la gloire de l’automobile et des pneumatiques Ducasble) Il s’agit à mon avis du tout premier roman Français (publié en 1909, librairie de L’auto) où il sera question d’une créature semi mécanique et mue par un cerveau humain. Les auteurs nous en présenterons juste une ébauche audacieuse car le savant diabolique de l’histoire ne parviendra pas à mener son projet à terme et pour cause, le héros neutralisera l’inventeur, le cerveau de la future créature étant celui de sa fiancée. Par la suite G.Palowski en 1913 et son « Voyage dans la quatrième dimension »  ( Bibliothèque Charpentier 1912) ébauchera ce concept toutefois cette date est tout aussi importante car elle marque une étape décisive dans notre domaine.

En effet à Bruxelles sera édité ce qui constitue d’après Versin dans son « Encyclopédie » la « Première collection spécialisée de science-fiction » « Le secret de ne jamais mourir » ( Editions Polmoss 1913, Bruxelles) Roman fantastique de A.Pasquier et illustré par De Cuyck va ainsi constituer le seul et unique volume d’une série fort prometteuse des éditions « Polmoss » L’ouvrage renferme en réalité deux textes consacré aux « automates » mais celui qui nous intéresse plus particulièrement est le premier donnant le titre au recueil. Ici la donne est différente car ce n’est pas un cerveau que l’on va ajouter à une machine (ou faire fonctionner un cerveau artificiellement grâce à un appareillage) mais on va intégrer des éléments mécaniques en remplacement d’organes défectueux ou vieillissants : L’ancêtre de Robocop venait de voir le jour !

Celui qui franchira de nouveau le pas sera Gaston Leroux en 1924 avec la parution de son célèbre roman « La machine à assassiner » ( Editions Tallandier 1924). Dans ce texte, Gabriel est un mannequin automate sur lequel on a greffé le cerveau d’un guillotiné. Il se répare et se remonte tout seul, doué en quelque sorte d’une immortalité « mécanique » qui en fera presque le summum de la créature artificielle parfaite. Signalons également une petite plaquette éditée en 1928 à la « Librairie théâtrale » et intitulé « L’homme qui a tué la mort » de René Berton. Il s’agit d’un pièce dramatique en deux actes ou la tête d’un décapité est rendue à la vie au moyen d’une machine complexe envoyant électricité et sang de bœuf afin de refaire fonctionner le cerveau du malheureux.

Pour l’heure, bonne lecture, savourez ce texte parfois horrible, souvent macabre, poétique même si, si… Lisez plutôt:

« La pulsation sonore s’arrête net, au milieu des roues brisées, des tiges tordues, du liquide gicla, des gouttes nombreuses dégoulinèrent sur le sol en ruisseaux, la machine saignait! »

« Les mystérieuses études du professeur Krhul » de Paul Arosa. « Je sais tout » de Septembre 1912 (N°92). Illustré par Géo Dupuis. Nouvelle ayant été reprise dans l’excellente revue « Le Boudoir des Gorgones » n° 4 d’octobre 2002, avec une présentation de l’auteur par Philippe Gontier.

 

Les Introuvables :

 

Je puis, maintenant qu’un certain nombre d’années se sont écoulés dévoiler la vérité sur la fin étrange et les mystérieuses études du professeur Kruhl. L’angoissant souvenir de cette aventure me poursuit nuit et jour et j’espère me libérer de son obsession en relatant ici tous les détails de cette étrange histoire.

J’ai toujours eu en sainte aversion ce qu’on est convenu d’appeler les bains de mer : ces plages petites ou grandes avec villas, hôtels, casinos, tennis, bals, flirts et baignades publiques me font horreur. J’adore la mer, mais à condition d’y trouver la solitude et la liberté, c’est ce qui me fit choisir cette année là, pour y passer mes vacances, le paisible village de Cauville.

Peut-être est-il devenu maintenant lui aussi, station balnéaire; à cette époque il n’y avait là que quelques maisons situées, moitié sur le coteau, moitié dans une vallée qui se dirigeait vers la côte. Il n’y avait pas d’auberge, je logeais chez l’habitant; Mme veuve Piedelièvre, épicière, m’abandonnait, au-dessus de sa boutique, une vaste chambre blanchie à la chaux qui faisait mes délices.

Ce fut dans une de mes toutes premières promenades que je découvris la demeure du professeur Kruhl. Elle se dressait au milieu de la lande qui couronne la falaise et son aspect, extrêmement bizarre me frappa : c’était un bâtiment carré de grandeur moyenne en briques rouges, crénelé comme un donjon et sans fenêtres, il s’élevait au centre d’un quadrilatère clos de murs très élevés, également en briques rouges, une petite porte en fer, étroite et haute, se voyait sur une des faces du quadrilatère.

Je fis lentement le tour de cette étrange habitation, de tous côtes le mur s’élevait haut et lisse, partout un silence de mort, sauf pourtant en un certain endroit où je cru entendre derrière la muraille des sortes de grognements étouffés, dont il me fut alors impossible de préciser la nature.

Vivement intrigué, je redescendis au village et interrogeai incontinent mon honorable logeuse Mme Piedelièvre, elle me renseigna avec une loquacité toute normande.

- C’est ce donjon rouge du charcutier du diable, me dit-elle.

- Qu’est-ce que c’est que cela, demandais-je ahuri?

- J’en savons point pu qu’vous; il y aura tantôt quatre ans qu’un drôle de particulier avec des cheveux filasses qui lui tombent sur le col et des lunettes d’or, a fait construire c’te bicoque su’l'haul d’la falaise; personne ici ne sait d’où c’est qui vient pas pu qu’on n’connait c’qui se passe chez lui, ni comment que c’est fait dans l’intérieur : les quatre murs ont ben été construits par un maçon d’Montivilliers, mais tout l’dedans a été terminé par des ouvriers qu’il a fait v’nir qui n’causaient point 1′ français; au surplus, c’est tout juste si lui-même sait s’faire comprendre en notre langue.

- Vraiment? De quel pays est-il donc?

– Ben d’l'enfer pardi 1 Quand on est mystérieux comme lui, qu’on n’met ni portes ni croisées à sa maison, qu’on n’voit personne, qu’on n’sort qu’à la nuit pour aller pêcher ou gesticuler et causer tout seul dans la lande au clair de lune, c’est y point qu’on est un suppôt d’Satan?

- Ce n’en sont point des preuves absolues, hasardais-je.

– Oh ! j’sais ben, riposta la veuve Piedelièvre que les Parisiens ne croient à rien d’sérieux, mais moi j’vous dis que cet homme-là vient tout dret d’l'enfer et tout l’monde dans le pays l’y renverrait avec plaisir s’il n’gaspillait point l’argent comme il le fait.

- Il est riche?

- Faut croire, il paye tout l’double de ce que ça vaut.

- Ne craignez-vous pas, insinuais-je, ma bonne madame Piedelièvre, que ce ne soit là de l’argent du diable, de l’argent maudit?

- Ça s’peut ben, mais y passe comme l’autre.

- J’admets, repris-je, que cet individu soit Belzébuth en personne, mais pourquoi ce surnom de charcutier?

- A cause de ses porcs.

- Quels porcs?

- Il achète tous ceux de l’arrondissement.

- Vivants?

- Toujours.

- Je m’explique à présent les grognements que j’ai entendus tout à l’heure, votre Lucifer est un simple marchand de cochons !

- Point du tout, reprit la veuve avec animation, tous ceux qu’on lui vend sont mis à mort chez lui et on n’les r’voit pu ! – Allons, des blagues !

- J’vous dis qu’c'est la vérité vraie mais comme vous n’me croyez point, je n’vous causerai pu un mot là-dessus.

– Et toute bougonnante, Mmc Piedelièvre me quitta.

J’essaie de percer ce mystère

Durant le reste de la journée, je songeai plusieurs fois au récit de la vieille femme, il était évidemment entaché d’exagération et de superstition paysannes, mais les faits devaient être réels; ils étaient par eux-mêmes assez étranges pour me donner une folle envie de percer le mystère dont s’entourait le propriétaire du donjon rouge.

Ce même jour, après souper, je partis en promenade; j’aime infiniment les courses nocturnes à la campagne quand l’ombre est tiède et qu’il y a des étoiles, je m’en allai à travers champs, humant avec délices cette odeur particulière et si douce qu’exhale la terre endormie. Sur la falaise je vis bientôt se dresser devant moi la silhouette massive du donjon rouge : à première vue tout m’y parut obscur, mais en regardant mieux je vis que la face intérieure du laite crénelé qui couronnait l’édifice était éclairé par un reflet assez vif, provenant évidemment d’une toiture vitrée, invisible du dehors et violemment illuminée par en dessous, je compris alors que la maison prenait jour par en haut à la manière d’un atelier, ce qui expliquait l’absence de fenêtres. Cette fois, dans la cour, on entendait des bruits de pas, des chuchotements, des interjections en un dialecte qu’il me fut impossible de reconnaître. Tout à coup, la nuit fut déchirée par le hurlement toujours si atroce, si douloureux, d’un porc qu’on égorge. Il se prolongea longtemps, s’affaiblissant peu à peu avec la perte du sang et, dans le grand calme nocturne, cette plainte déchirante avait quelque chose d’humain et de désespéré; je me hâtai de regagner mon lit où je me glissai en frissonnant.

Dès le lendemain, je commençai mes investigations.

L’homme était bien installé dans le pays depuis environ quatre ans; il avait acheté le terrain fort cher, l’acte de vente que je me fil montrer à Montivilliers était établi ail nom de M. le professeur Siegfried Kruhl, de l’Université de Magdebourg. La construction du bâtiment avait été menée avec rapidité et, comme on me l’avait dit, tous les aménagements intérieurs avaient été exécutés par des ouvriers allemands qui ne frayèrent avec personne.

Depuis son installation, M. le professeur Kruhl, sauf quelques promenades nocturnes, n’était jamais sorti de chez lui; il vivait seul, avec deux serviteurs mâles, sortes de géants rébarbatifs dont l’un était chargé de l’achat des provisions et l’autre de celui des porcs ; en trois ans, car cet inexplicable commerce n’avait commencé qu’un an après l’arrivée du professeur dans le pays, il avait acheté 1.0115 porcs soit exactement un par jour.

Loin de satisfaire ma curiosité, ces détails nu faisaient que de l’exciter davantage, j’avais tout abandonné, bains, promenades, pour ne m’occuper que du professeur Kruhl : cent fois, j’avais rôdé autour de sa maison sans pouvoir deviner rien de ce qui s’y passait ; à quelles mystérieuses éludes se livrait il la dedans? Je savais, par des renseignements qu’on m’avait envoyés d’Allemagne, qu’il avait jadis enseigné l’anatomie et la physiologie à l’Université de Magdebourg. Etait-ce donc un vivisecteur, un biologiste? Etudiait-il l’histologie, l’angiologie, l’ostéologie ? Pourquoi alors se terrait-il de la sorte? Et puis comment expliquer cette énorme consommation de porcs?

J’étais de plus en plus intrigué, et même sans savoir pourquoi, un peu inquiet, je le fus bien davantage à la suite du fait suivant. Un certain jour, lassé de mes recherches infructueuses, je descendis sur la grève à marée basse pour pêcher le tourteau : je suivais donc le pied de la falaise et me trouvais assez loin de la plage, quand mes regards et mon odorat furent frappés par un amas bizarre et nauséabond, je m’approchai et reconnus avec stupeur les cadavres déjà tuméfiés d’une dizaine de cochons, ils n’avaient été ni ouverts, ni dépecés; ils étaient entiers et portaient seulement à la gorge la blessure béante du coup de couteau qui les avait saignés, la mer servait de dépotoir au laboratoire du professeur Kruhl.

Ainsi donc, c’était dans l’unique but de récolter du sang, des litres de sang de porc, que cet homme immolait chaque nuit une de ces malheureuses bêtes? Qu’en faisait-il? Ce n’était pourtant pas un fabricant de boudin en gros! Je me perdais en conjectures, les idées les plus folles me hantaient, je ne savais que penser. A deux ou trois reprises j’abordai, pendant leurs courses dans le pays, les deux domestiques, gigantesques teutons rouquins, me remémorant le peu d’allemand que j’aie jamais su, je les priai d’annoncer à leur maître la visite d’un naturaliste français, grand admirateur de ses travaux ; ils me tournèrent le dos avec ce seul mot :

- Unmôglich. (Impossible).

Je ne pus rien obtenir de plus. Quinze jours après, je rencontrai enfin le professeur Kruhl, et son apparition ahurissante acheva complètement de me terrifier.

Il était près de minuit; selon mon habitude, je me promenais dans la campagne; malgré moi, mes pas me ramenèrent vers le donjon rouge; sous la lune qui brillait d’un vif éclat, il m’apparut soudain.au détour d’un bouquet d’arbres, sinistre dans la lande déserte. Cette fois, il s’y passait quelque chose d’anormal, au lieu du lourd silence habituel, trois voix discutaient derrière la muraille, trois voix masculines dont l’une, étrangement glapissante, semblait manifester une colère violente. Tout à coup, l’étroite porte de fer s’ouvrit et je vis apparaître un petit homme vêtu de noir, nu tête, avec des cheveux blonds et des lunettes d’or : il paraissait en proie à une inquiétude, à un désarroi inexprimables, il gesticulait en proférant des paroles incohérentes, la porte se referma derrière lui et je le vis se diriger en courant du côté du village. Cette fois, j’avais la partie belle, je le rejoignis sans bruit :

– Monsieur Siegfried Kruhl, lui dis-je, en lui mettant la main sur l’épaule, pas si vite, les gens qui parcourent la campagne, la nuit, comme vous le faites, sont souvent des voleurs ou des fous.

Il s’était retourné brusquement, une grande colère s’alluma dans ses yeux, derrière les lunettes d’or :

- Laissez-moi !me cria-t-il, en un français fortement teinté d’accent germanique.

- Non pas, répondis-je, en le maintenant, je tiens à faire votre connaissance, vous m’intriguez beaucoup, Monsieur le professeur Kruhl.

- Je vous dis de me lâcher, entendez- vous! Je suis libre de faire ce que je veux, je ne fais aucun mal.

- C’est ce qu’il faudrait prouver. -

De quel droit m’interrogez-vous? – Il y a des plaintes contre vous, lui dis-je, en me payant d’audace, et j’ai un mandat d’amener délivré par M. le juge d’instruction du Havre. Il devint pâle comme la mort, de l’angoisse et de l’épouvante se peignirent sur ses traits.

- Monsieur, supplia-t-il, laissez-moi aller, il faut; je ne fais rien de mal, je suis un simple savant, je fais des études, seulement des études, mais j’ai besoin d’en trouver un, ce soir… ne me retenez pas, celui que j’avais est mort, il m’en faut un, tout de suite… Et il ajouta en proie à une surexcitation effrayante, sans cela,elle va mourir… et si elle meurt je ne pourrai plus cette fois la ranimer… si elle meurt… si elle meurt… tout est perdu… perdu…

Il fit un geste brusque, se dégagea, partit à toutes jambes, sans que, cloué de surprise, j’eusse l’idée de le poursuivre. Le cœur battant, je me cachai derrière le mur du donjon rouge! Après une longue attente, je vis réapparaître le professeur Kruhl, il tirait derrière lui un animal au bout d’une longe, la petite porte se referma sur lui, et j’entendis peu après le hurlement prolongé d’un porc qu’on égorgeait.

Je vécus les jours qui suivirent cette effarante rencontre dans un furieux état d’énervement; vingt fois, je fus sur le point d’aller au Havre conter au Procureur de la République tout ce que je savais du professeur Kruhl. Son attitude quand je lui avais parlé du juge d’instruction me prouvait clairement qu’il ne tenait pas à ce que la justice s’occupât de ses affaires, pourtant cet homme ne faisait de mal à personne et le fait de tuer un cochon chaque nuit n’était réellement pas suffisant pour le faire arrêter.

- Si elle meurt je ne pourrai plus la ranimer… si elle meurt tout est perdu…

-Qui, elle? A quelle créature faisait-il allusion? Quel était cet être auquel il tenait tant? C’était donc pour en assurer l’existence qu’il lui fallait, chaque soir, immoler un porc? Ce ne pouvait être quelque bête fauve, friande de viande crue, puisque les corps des victimes étaient jetés intacts à la mer? C’était donc du sang, rien que du ‘ sang frais qu’il fallait à cela? .Je me livrais aux conjectures les plus folles, j’en perdais l’appétit, le sommeil, je résolus d’en avoir le cœur net et de pénétrer coûte que coûte dans la maison du professeur Kruhl.

A l’assaut du donjon rouge

Mes préparatifs furent rapidement et discrètement faits: j’allai au Havre, j’achetai dix mètres de forte corde à nœuds, un crampon de fer, une lanterne électrique et un flacon de chloroforme, je me munis aussi d’un excellent revolver. Revenu à Cauville, je déposai secrètement ce matériel dans un coin broussailleux et désert de la lande, non loin du donjon rouge, puis chaque nuit, quelque temps qu’il fît, embusqué derrière les hauts genêts, je surveillai la porte de fer. Tenter l’assaut de cette forteresse, ses trois habitants s’y trouvant réunis, eut été .folie; il fallait attendre qu’au moins deux d’entre eux en fussent absents;or, je savais que le professeur et ses acolytes se promenaient parfois la’ nuit hors de leur domaine. Cela n’advint qu’à ma vingtième veille, alors que je commençais à désespérer. Vers onze heures eut lieu l’égorgement quotidien du porc; à minuit, je vis enfin la porte de fer s’ouvrir doucement, un des géants roux parut, inspecta la lande, fit un signe et le professeur Kruhl se montra; je vis le géant charger sur son épaule une paire de grands filets semi-circulaires et disparaître avec son maître dans une des sentes de la falaise : M. Siegfried Kruhl allait à la pêche.

Quand les deux hommes furent loin je m’élançai hors de ma cachette le, mon cœur battait à se rompre; j’eus peur à cet instant, je fus sur le point de reculer, de renoncer à mon entreprise et de laisser 1′AlIetaand s’adonner en paix à ses Mystérieuses études, mais la conviction où j’étais de découvrir derrière ces murs quelque chose d’affreux, d’extraordinaire ou de fantastique, eut raison de ma défaillance. Je courus à l’endroit où j’avais déposé mon matériel, revins sans bruit muni de ma corde à nœuds, à l’une des extrémités de laquelle j’avais solidement fixé le crampon de fer et commençai l’assaut du donjon rouge.

J’avais choisi le point du mur le plus éloigné de la porte d’entrée, il avilit sept mètres de haut et il me fallut lancer onze fois la corde avant de réussir à fixer solidement le crochet dans un interstice delà paroi; en quelques instants j’atteignis le sommet du mur sur lequel je me mis à califourchon, puis je hâlai la cordé et la fis pendre de l’autre côté: j’écoutai, tout était silence, je me laissai glisser, j’étais dans la place.

Au centre du vaste quadrilatère se dressait la maison, obscure et massive ; tout autour, adossés aux murs extérieurs, je vis des bâtiments de formes diverses, la fenêtre d’un de ces pavillons sans étages était ouverte et éclairée, traçant un large carré de lumière sur le sol de la cour. Je m’arrêtai interdit; c’était là, évidemment; que veillait le second gardien attendant le retour de son maître, il allait me voir, m’entendre… Rien ne bougeait cependant : à pas de loup, retenant mon souffle, j’approchai; je regardai ; l’homme assis dans un fauteuil dormait. Un pas, un mouvement pouvaient le réveiller; sans bruit, je vidai le flacon de chloroforme sur mon mouchoir, puis m’approchant delà croisée, le lui lançai adroitement sur les genoux. Le dormeur fit un mouvement mais ne s’éveilla pas,’j'attendis un peu, puis, lestement, enjambai la fenêtre : l’Allemand ouvrit les yeux, me vit, se leva, mais la drogue avait déjà paralysé son cerveau, il chancela, tomba à genoux. Je lui jetai le mouchoir sur le visage en lui maintenant les mains, il ne put résister et s’écroula définitivement. Avec une cordelette extrêmement résistante dont je m’étais muni, je lui liai solidement les membres, j’étais sauvé, plus rien ne pouvait maintenant m’empêcher de pénétrer le secret du professeur Kruhl.

Je jetai les yeux autour de moi, ce logis de gardien n’avait rien de particulier; je regardai machinalement la lampe qui éclairait la chambre, je reconnus une ampoule électrique. L’électricité était donc installée datas le donjon rouge? D’où venait- elle? Je revins dans la cour, je vis tout d’abord la porte de fer, armée d’une fermeture compliquée comme celle d’un coffre- fort; puis je pénétrai dans le premier bâtiment : une émanation violemment acide me prit au nez et à la gorge, j’allumai ma lanterne, j’étais dans une salle d’accumulateurs, il y en avait un grand nombre, dans une pièce contiguë… se trouvaient la dynamo et son moteur. Le pavillon qui faisait suite était l’abattoir des porcs. Je me dirigeai alors vers la maison qui ne m’avait jamais paru plus obscure et plus sinistre, une porte basse s’ouvrait sur une de ses faces, je la poussai, elle céda.

Le mot de l’énigme

Je franchis le seuil : tout était sombre mais la clarté vive de ma lanterne me montra un vestibule au fond duquel s’amorçait un escalier : c’est au moment d’en gravir la première marche que j’entendis le bruit.

Mon Dieu, comme le souvenir de ce bruit est demeuré dans mon oreille! A cette heure où je décris minutieusement les détails de tout cela, je l’entends, je l’entends, je l’entendrai toujours!

C’était un bruit un peu sourd, mais très net, un bruit qui se renouvelait à intervalles rapprochés et rigoureusement égaux; arrêté au pied de l’escalier, je l’écoutais en proie à une angoisse profonde. Le bruit n’avait rien d’effrayant par lui-même, mais ce qui me troublait c’est qu’il me fut impossible, sur le moment, d’en comprendre la cause, d’en deviner la provenance; c’était un toc-toc régulier, trop régulier pour être d’origine humaine, trop souple cependant pour ne provenir que d’un mécanisme;c’était un peu Comme le tic-tac d’un gros, très gros mouvement d’horlogerie et pourtant, ce n’était pas tout à fait cela, car malgré tout, ce bruit ne m’étais pas inconnu, il me rappelait quelque chose, j’avais déjà entendu cela quelque part. Je montai cinq ou six marches, le bruit se précisa, alors tout à coup, je me souvins: oui, je connaissais ce bruit, non pour l’avoir entendu, mais pour l’avoir senti; ce toc-toc régulier à la fois puissant et doux, cette sorte de pulsation rythmée, c’était… cela ressemblait absolument aux battements d’un cœur.

Une sueur froide m’inonda tout entier: qui avait-il donc là-haut? Je me raidis, repris courage; en deux bonds, je fus au sommet de l’escalier. Il aboutissait à une porte vitrée, le professeur Kruhl était sans doute très confiant en la hauteur de ses murailles, aucune des portes intérieures de sa demeure n’était fermée à clé; j’ouvris celle-ci aussi aisément que les autres et pénétrai dans une vaste pièce carrée absolument obscure. J’avais éteint ma lanterne; dans les ténèbres, un peu à ma gauche, le bruit s’entendait net, puissant, avec quelque chose de métallique et aussi une sorte de glou-glou léger de pompe, je tournai ma lanterne vers le point de la chambre d’où cela provenait et j’allumai.

Ce n’était qu’une machine. Bien que son image me soit resté gravée dans la mémoire, il m’est impossible d’en donner ici une description même approximative; c’était une chose extraordinaire, qui ne ressemblait à rien, cela pouvait avoir environ 1m,50 de haut avec vaguement la forme d’une pyramide, c’était entièrement en métal blanc et présentait un assemblage inouï de cadrans, rouages, pistons, tiroirs, leviers, fonctionnant avec une précision et une régularité admirables: seulement cela marchait par à-coups, les roues, les pistons les leviers accomplissaient une partie de leur mouvement puis s’arrêtaient, puis repartaient encore, et c’est cela qui faisait le bruit, la machine ne tournait pas, ne ronflait pas, elle battait et comme mes tempes battaient elles aussi, je m’aperçus que les pulsations de l’appareil concordaient absolument avec celles de mon cœur.

A cet instant mon attention fut attirée par deux tubes de métal, qui parlaient du haut de la machine et suivaient le mur de la chambre, je les accompagnai du rayon de ma lanterne; ils aboutissaient à une sorte de socle, également en métal ; au bas du socle sortaient d’autres tubes qui retournaient à la machine; en haut, encastrée dans une espèce de cangue, il y avait une tête humaine.

J’en frémis encore en traçant ces lignes, il m’est impossible de rendre par des mots l’impression de saisissement, d’effroi et d’horreur dont je fus en proie à cet instant; je ne voulais pas regarder et mes yeux ne pouvaient se détacher de ce qui était là. Une tête d’homme de vingt-cinq ans environ, glabre, à cheveux noirs, les paupières closes, la bouche aussi, les narines immobiles, mais le teint était normal,la peau fraîche et rose, les lèvres violemment rouges; cette tête qui ne respirait pas semblait vivante. Tout à coup elle, ouvrit les yeux et me regarda.

Je fis un bond en arrière, ma lanterne m’échappa des mains et se brisa sur le plancher, tout retomba dans les ténèbres, alors j’entendis une voix.

C’était une voix sans timbre qui parlait bas, sans émettre de son comme on parle lorsqu’on souffre d’un violent mal de gorge; la voix dit :

– Est-ce toi, bourreau?

J’étais incapable de répondre, elle reprit :

– Est-ce toi, bourreau? Pourquoi me réveilles-tu? Que veux-tu me faire encore?

Au son de cette voix lamentable, mon effroi s’était un peu dissipé; à tâtons, je trouvai un commutateur, je le tournai, tout fut inondé de lumière et là-bas, sur son socle de métal, je vis la tête qui continuait à me parler.

- Qui es-tu? Comment es-tu ici? Par quel prodige as-tu déjoué les ruses de Kruhl? Oui, je vois, tu as peur, tu ne comprends pas. Tu te demandes si tu n’es pas le jouet d’un cauchemar; non, tout ce que tu vois est réel, je suis bien une tête coupée.

- Vivante? Haletais-je.

- Oui, vivante de par la volonté et les études du professeur Kruhl, et tu vas me délivrer, tu vas briser la machine, arrêter le cœur implacable et me rendre à la mort d’où il m’a arraché!

- Qui es-tu? Demandai-je.

- Prosper Garuche, guillotiné au Havre, il y a trois ans!

- L’assassin d’Elisa Baudu?

- Lui-même.

Tous les détails de l’affaire me revinrent alors brusquement à la mémoire. C’avait été un crime sensationnel qui avait passionné, à l’époque, toute l’opinion publique. Prosper Garuche, un jeune employé de bonne famille du Havre, était tombé dans les rets d’une femme; pour subvenir à ses besoins, il avait commis des indélicatesses, puis des faux, puis enfin des vols; il voulut se libérer, la quitter, alors elle le menaça de le dénoncer à la justice et exigea de lui de nouvelles sommes d’argent; affolé, perdant la tête, il lui avait asséné un coup de bouteille sur le crâne qui l’avait étendue raide morte. Les débats furent mouvementés, l’opinion était entièrement favorable à Garuche, on escomptait un acquittement; le jury fut impitoyable, il fut condamné à mort et l’exécution eut lieu au Havre, au milieu d’un grand concours de populace.

- Te rappelles-tu, demanda la tète?

- Oui, répondis-je, mais comment Kruhl t’a-t-il prise?

- Ma famille avait réclamé mes restes pour m’éviter l’amphithéâtre, mais Kruhl les leur a payés dix mille francs. L’affaire avait été d’ailleurs préparée par lui de longue main; en Allemagne, on ne guillotine pas, c’est pourquoi il est venu expérimenter sa machine en France. Explications scientifiques

- Mais enfin, m’écriai-je, comment est-il possible, puisque ton corps n’est plus, que tu sois en vie? Pour vivre, il faut un cœur, un estomac, des poumons…

- Mais non, il ne faut que du sang! Ecoute, tu vas comprendre : et la tête continua de cette même voix morte si nette, si impressionnante : « Depuis longtemps les anatomistes ont essayé de ranimer le chef d’un guillotiné : ils partent de ce principe que c’est uniquement le sang qui entretient la vie et de fait, tous les organes du corps humain n’ont d’autres fonctions que de purifier et régénérer le sang. Par la distillation des aliments, l’estomac le renouvelle et l’enrichit, les poumons l’épurent en l’oxygénant, le foie et les reins le filtrent, enfin le cœur le fait mouvoir et circuler. Or, comme d’autre part c’est le cerveau qui fait fonctionner cœur, estomac, poumons et que c’est le sang, le sang seul qui anime le cerveau, tu vois bien que c’est lui, rien que lui, le sang, qui engendre la vie. Alors on a pensé que si l’on parvenait à baigner l’encéphale d’une tête coupée avec du sang injecté dans les vaisseaux du crâne à la température et à la pression normales, on la ferait ressusciter. On a essayé : on a réuni les carotides d’un chien vivant à celles d’une tête de supplicié et la face s’est animée, les lèvres ont remué, les yeux se sont ouverts, seulement les conditions de l’expérience étaient trop imparfaites; il n’y a au monde que Siegfried Kruhl qui soit parvenu à la réussir, et c’est moi, Prosper Garuche, qui lui ai servi de sujet.

J’écoutais sans mot dire; tout cet exposé scientifique, si clair, si précis cependant, me bouleversait; je me refusais à croire qu’une tête coupée me puisse parler de la sorte.

- Je ne l’ignore pas, dis-je, les expériences que tu viens de citer, mais je croyais que l’impossibilité qu’on a eu à les mener à bien provenait du fait de la rupture de la moelle…

– C’est une erreur, tout est une question de circulation, pourvu que le bulbe soit intact, c’est là justement la grande découverte de Kruhl. Je ne te décrirai pas les détails du Coeur artificiel qu’a conçu son génie. Je les ignore; mais regarde, écoute comme il bat bien, c’est un moteur électrique qui le fait mouvoir, cela pompe du sang de porc (celui qui se rapproche le plus du sang de l’homme), l’injecte dans mes carotides et mon cerveau est baigné par un fluide toujours frais, car la machine fait tout, elle le reprend, le réoxyde par une insufflation d’oxygène, le maintient à la pression normale et, par un serpentin électrique, le réchauffe afin qu’il ne puisse se coaguler; je t’assure que c’est une chose merveilleuse.

– Mais pourquoi, demandai-je passionnément intéressé, immole-t-il un porc chaque nuit?

- Ah ! Tu sais cela? C’est que malgré tout, le sang se corromprait, il en faut du frais toutes les vingt-quatre heures. – Je comprends, fis-je, ce sont vraiment des études admirables! ‘ :

- Maudites! dit la tête.

- Pourquoi?

- L’homme n’a pas le droit de transgresser les lois de la nature et de toucher à la paix des morts. Quand j’étais un homme, j’avais peur de la mort comme les autres; si tu savais comme elle est plus douce que la vie! Il y eut Un silence; la tête ferma les yeux comme pour se recueillir, sa face devint légèrement pâle, on n’entendait que la pulsation de la machine qui continuait de battre là-bas.

- Me comprends-tu bien? demanda la tête.

– Je fis signe que oui, elle reprit : « Je parie bas parce que le couperet a tranché les muscles des cordes vocales, les frappant d’atonie, s’il était tombé quelques millimètres plus haut, j’étais muette, Kruhl n’avait pas songé à cela.

- Tu comprends, continua-t-elle, il ne faut pas croire que les condamnés aient peur de l’échafaud, ils vivent depuis leur crime tant d’heures atroces qu’ils n’aspirent qu’à l’oubli. Dès l’instant où, dans une minute de folie j’eus assommé Elisa, mon existence est devenue quelque chose d’infernal. Alors, quand un matin, au petit jour, le bourreau est venu me chercher, , j’en ai été presque heureux, j’allais être débarrassé enfin des souvenirs, des remords, de tout ce qui me harcelait. La vue de l’échafaud a certes été pénible, mais cela va si vite, on est poussé, on bascule et puis tout d’un coup on est dans le silence et dans la nuit, on ne sent pas le couteau, on n’a pas mal, on disparaît voilà, on n’a plus de pensées, on tombe dans le noir et pourtant on sait qu’on est mort, quelque chose de soi subsiste qu’on sent dormir, d’un sommeil paisible comme on n’en connaît pas. Mais Kruhl m’a arraché à cet anéantissement, il a fait revivre de moi-même ce qui pense, ce qui souffre, le cerveau. Ah! le monstre I

Je ne savais que dire, que répondre, il y eut un nouveau silence pendant lequel j’entendis battre la machine puis la tête reprit gravement :

Ce qu’il y a de plus horrible, vois-tu, c’est que je sens mon corps! Oui je sens mes bras, mes mains, ma poitrine, mes jambes, tous mes membres, je veux m’en servir, je veux marcher, courir, respirer, manger, comme quand j’étais un homme et je ne suis rien qu’une chose mutilée! Tu ne sauras jamais, poursuivit-elle, combien j’ai prié, supplié Kruhl de me faire mourir, mais il ne veut pas, je suis son chef- d’œuvre, il me conserve avec uns jalousie effrénée, il prétend que je suis toute sa vie, il a quelquefois des crises d’exaltation effrayantes, il délire, se dit plus fort que Dieu. C’est un fou, crois-moi, je le connais bien, c’est un génie fou, et toi qui es un homme avec un cœur, un vrai cœur de chair, tu auras pitié, tu vas briser la machine et me délivrer!

- Cela m’est impossible, m’écriais-je, profondément troublé, c’est à Kruhl tout cela, c’est le fruit de ses études, je ne puis détruire une œuvre pareille.

- Si, tu ne peux me condamner à souffrir indéfiniment le supplice que j’endure, songe donc à ce que cela peut être de n’avoir pas de corps! Ah! cette voix basse, lamentable, cette bouche, ces yeux qui me suppliaient sur leur socle de métal!

- Peut-être, reprit la tête, sont-ce des éludes stupéfiantes, mais à quoi servent- elles? Quelle utilité y a-t-il à faire revivre une tête coupée? Quels progrès cela peut- il apporter à la science? Quel bien cela peut-il faire à l’humanité, c’est l’œuvre fantastique d’un cerveau de fou !

Oui, en y réfléchissant, tout cela avait quelque chose de monstrueux, de dénient et d’inutile; là-bas, le pauvre reste humain continuait à me Supplier:

- Toi qui as réussi à venir jusqu’à moi, ne me laisse pas plus longtemps dans les griffes de cet homme, je pense trop, je me rappelle trop, je ne vis que dans le souvenir de mon crime. Elisa… le coup de bouteille… elle tombe, je crois qu’elle n’est qu’étourdie, je me baisse, la relève… il y a du sang dans les cheveux; est-ce que vraiment elle est morte? Oui, je l’ai tuée… et voilà la prison, la cellule, et Gabriel, le gardien, et puis l’échafaud. Quand je l’ai vu, j’ai été étonné de le trouver si petit… après ça a été l’oubli, après l’expérience ici; d’abord je ne savais pas, j’ai cru que je m’éveillais tranquillement comme tous les jours… et puis j’ai vu que je n’avais pas de corps. Oh! l’horreur, l’horreur!

La vraie fin de Prosper Garuche

Je frissonnai, la tête avait presque crié ces derniers mots, mais ma résolution était prise, oui, mon devoir d’homme pitoyable et sensé était de rendre la paix à l’âme torturée de Prosper Garuche. Sans mot dire, j’armai mon revolver, et me plaçant à deux pas de la machine, je visai au milieu de lu partie la plus délicate, la plus riche en engrenages, pistons, leviers et je tirai trois balles.

La pulsation sonore s’arrêta net; au milieu des roues brisées, des tiges tordues, du liquide gicla, des gouttes nombreuses et rouges dégoulinèrent sur le sol en ruisseaux, la machine saignait. Alors je regardai la tête, une pâleur livide avait envahi sa face, ses yeux s’étaient éteints, elle s’inclina et tout à coup tomba lourdement au pied du socle, dans une mare de sang.

Comment je quittai le laboratoire de Kruhl, comment je m’échappai de la maison, comment je traversai la lande et retrouvai mon lit où je me glissai en proie à une lièvre violente, je l’ignore; il ne m’en reste aucun souvenir, j’y suis resté quinze jours, frisant, paraît-il, la congestion cérébrale; à ma guérison j’appris seulement que le donjon rouge, la nuit qui avait suivi celle de ma visite, avait été dévoré de fond en comble par un incendie terminé par une explosion formidable qui, avait pulvérisé en quelque sorte, toute l’installation du professeur Siegfried Kruhl, dont on ne retrouva aucun reste parmi les cendres.

Paul Arosa

 

Les illustrations de la nouvelle seront disponibles en ligne dans quelques jours.Pour l’heure voici la couverture du N°92.

jesaistout dans les Introuvables



« Voyage à La Lune et Au-delà » De Charles De L’Andelyn

« Voyage à la lune et au-delà » de Charles L’Andelyn. Éditions « Connaître » à Genéve.1959.131 pages, illustré par Roland Arnold.Tirage imité à 1000 exemplaires

Stéphane Duval, fils d’un clerc de notaire était destiné à un bien triste avenir : devenir le successeur de son père. En revanche, celui-ci lui donna le goût à la lecture et aux voyages… dans sa tête. A la mort de ses parents pourtant il lui était impossible de ne pas reprendre le flambeau paternel, il faut bien vivre. Heureusement un matin le destin frappe à sa porte l’obscur fonctionnaire devient l’unique héritier d’un richissime oncle d’Amérique. Commence alors une vie de voyages et de loisirs. 

Privilège des riches, le monde lui semble étroit, sans surprise Le hasard fait de nouveau bien les choses, nous sommes à l’époque de la conquête spatiale et la lune est une terre de tourisme. Duval achète donc un billet et après 36 heures de « locomotrice», arrive sur notre satellite La première personne rencontrée est un marchand Juif, écoutons le savoureux dialogue :

- « Quoi ! Israël a déjà pris pied sur la Lune

- Il faut bien mon bon monsieur, depuis que l’on nous a chassés de la Terre.

- Comment êtes-vous venu échouer ici ?

- Vous savez que l’Allemagne a promis une subvention de 10 000 marks à chaque Juif qui irait s’établir dans la Lune. – Et l’Allemagne vous a-t-elle payée ?

- Pas encore, elle éprouve des difficultés financiers momentanées ».

Petit détail, l’air est respirable ! Après une nuit passée a «l’Hôtel de la Lune et des Etats-Unis» en compagnie des autres passagers, notre milliardaire trouve la lune triste, aride, déserte… Grâce à la rencontre d’un ingénieur Suédois Olaf Tunga, les horizons s’élargissent. Le savant à mis au point un moteur révolutionnaire permettant de franchir des distances considérables en un rien de temps. Mars en un mois, Jupiter en neuf, Saturne en dix-huit. De retour sur Terre les préparatifs s’organisent.

Le voyage se fera en présence des mêmes personnes présentes lors du raid Terre-Lune : Miss Lovidale et ses deux filles, Eva Gaudente, Ralph Roze le médecin, Tunga, Duval, Fence, deux Canadiens Leroy et Planchette, deux mécaniciens et le pilote. La fusée de 13 étages (avec salle de bain, cuisine, salon, etc…) décolle un beau matin pour un long et pénible voyage : «Les jours et les nuits passèrent, tous les mêmes à travers l’immensité noire». La pression monte, l’humeur devient morose. .

Enfin arrive le 30 octobre, Jupiter est en vue. Après une habile manoeuvre le vaisseau se pose sans encombre dans une région désolée, envahie par les glaces. On teste la température : – 4° et hop ! une petite doudoune, un masque à oxygène (au cas où…) et les voilà dehors. Par bonheur, l’air est respirable, mais pas âmes qui vivent. Nouveau départ un peu plus au Sud et là, c’est le jardin d’Acclimatation de l’espace, le Van Vogt de « La Faune de l’espace » avant l’âge :

- «Tout à coup, sortant de cette forêt, un animal se montra, un quadrupède à la fourrure blanche, à la tête allongée à la manière d’un ours arctique, mais dont il différait par les pattes, de minces pattes hautes de trois mètres».

Va suivre un safari des plus étrange où les trophées n’ont rien à envier aux créatures de Bernie Wrighston. Découverte d’une flore tout aussi exubérante avec ses célèbres champignons géants, plantes aux couleurs multicolores,…. La cerise sur le gâteau sera la découverts de pierres taillées en cubes :

- «Robinson Crusoé n’éprouva pas plus d’étonnement ni plus d’inquiétude dans son île quand il aperçut sur le sable l’empreinte d’un pied humain.»

Par contre «Vendredi» est un peu plus «exotique» «Haut de 3 mètres, peau rouge, deux yeux, deux oreilles, une bouche mais pas de nez». Le premier contact est assez burlesque, l’unique son venant de sa bouche est : «oôa !». Un à un d’autres Joviens arrivent, qui par gestes les invitent à les suivre. Leur destination, une ville souterraine dont l’accès se fait par un immense ascenseur. Inutile de vous préciser que cette fameuse cité, est une merveille de technologie où tout fonctionne à…. l’électricité.Hélas à la suite d’un malentendu, éclate une altercation et seul Duval parviendra à rejoindre son vaisseau. Tout le monde connaît très bien les divergences qui opposent les terriens avec les joviens.

Trois membres du corps d’exploration sont donc prisonniers. Une équipe de secours décide donc de repartir, composée d’Ingrid et des deux mécaniciens. La malchance est de rigueur, Douby disparaît, Lobster se fait ouvrir le crâne et Duval lui, se retrouve paralysé par un des tubes dont chaque homme rouge est équipé. A son réveil, il est enfermé et seul. Un des gardes (l’infirmier?) lui apporte médicaments et nourritures. Grâce à ces visites régulières, Stéphane se lance dans l’apprentissage de la langue «Oua ». Les leçons sont raides :

- «Ma connaissance du Français, de l’Anglais et de l’Espagnol m’aidait peu».

Bref, le Terrien est un bon élément et en quelques jours il maîtrise la langue. Première question de Ouoïh le Jovien :

- « D’où venez-vous ?

- De la Terre.

 - La Terre ? Qu’est-ce cela ?

- Une planète, qui comme Jupiter tourne autour du soleil.

- Je n’en avais jamais entendu parler »

Inutile de vous dire, devant tant de mauvaise foi, que l’on est mal parti. Par la suite, le prisonnier passe devant le conseil des Sages (une habitude dans la production de l’époque) Tout le monde le prend pour un fou :

- «La Terre, mais personne ne peut y vivre !».

La permission lui est alors donnée de revoir ses amis captifs et de se promener librement dans la cité souterraine. Un point intéressant toutefois à signaler : sur Jupiter il n’existe qu’un seul sexe, la reproduction se fait par «bourgeonnement» grâce à une vitamine vendue par l’état, ceci dans le but de maîtriser le taux des natalités. Dans cette société la vie est identique à quelque chose près à celle de la Terre : religion, culture, théâtre, cinéma, prison et usine. Résumons par une phrase de l’auteur :

- « Il serait trop long de décrire ces choses qui, par beaucoup de leur aspect, rappellent les nôtres et qui par d’autres en diffèrent profondément.»

  Belle pirouette non !

Les Joviens ne possèdent pas le sens de l’odorat, parlent mille langues différentes et sont répartis en six ou sept races correspondant aux couleurs de l’arc en ciel. Entre elles existe une haine farouche, la race supérieure est bien sûre celle de leur hôte Euôoh, de couleur rouge, majoritaire sur Jupiter. Après bien des péripéties, le vaisseau sera enfin retrouvé ou plutôt les rescapés du vaisseau car une mutinerie a éclatée à bord et celui-ci sans le commandement de Douby (le traître n’avait pas disparu) est semble-t-il retourné sur Terre. Heureusement c’était une fausse alerte, leur appareil vient d’être signalé au dessus de l’île d’Aou, dans le territoire des Hommes Verts. Nouveau départ, quelques jours d’un pénible voyage, leur vaisseau est finalement repéré.

Leur étonnement face aux Hommes Verts est encore plus grand : même taille, possèdent trois yeux, deux bouches et quatre bras avec un air des plus redoutable. Par l’intermédiaire d’Euôoh, Duval apprend que le restant des occupants de la navette, sont prisonniers dans la capitale. Il n’est pas question de les relâcher. La situation devient grave d’autant plus que le conseil des Rouges refuse toute intervention de leur part :

- «Que nous importe votre sort ! Épouser les intérêts d’inconnus venus d’une planète infime que nous n’apercevons jamais ?»

Il leur faut donc trouver un autre moyen, Euôoh apporte la solution : se faire de nouveaux alliés ! Les Hommes Bleus sont les seuls envisageables. Destination le royaume d’Iria en quête de nouveaux amis. (Comme vous pouvez vous en douter, autre couleur, autre morphologie :

- «Le premier Bleu que j’aperçus me fit l’effet d’une apparition infernale, d’un diable échappé d’un des cercles de Dante Alighieri, ou d’une de ces difformes créations auxquelles se sont plu les mythologies de l’Egypte ou de l’Asie. De loin cet être me parut un Centaure, car il avait quatre jambes et ses jambes s’étendaient sur une longueur double de celle de son buste. Enfin le visage, bleu de cobalt, dépassait le reste en monstruosité avec ses deux bouches, ses deux narines et ses quatre yeux disposés en forme de trapèze; la tête entière, s’allongeait horizontalement comme une courge peinte et percée de trous pour des enfants».

Ce bon vieux centaure ! Il fut aisé de convaincre le chef de ces horribles créatures, guerriers dans l’âme d’aller en découdre avec cette bande de dégénérés à la peau verte. La bataille qui se déroula quelques jours plus tard fut courte et sans gloire. Les Verts, moins armés et surtout moins barbares (les bleus égorgent les rescapés) durent capituler. La ville était à eux :

- «Les Bleus agissent au début par curiosité, puis la soif du pillage et du carnage les poussent, ils seront tout disposés à envahir la ville.»

La libération des prisonniers fut chose facile, mais à quel prix ? Douby le traître sera jugé et condamné à l’exil sur Jupiter. Le retour au vaisseau sera difficile car il existe encore des poches de résistance. Leur participation à la bataille coûtera la vie à Planchette, mort le crâne fracassé, mais la victoire est inéluctable. A présent il faut songer au départ et aller rendre la politesse aux Hommes Rouges. Seulement le dédain qu’ils éprouvent vis à vis des Terriens est proportionnel à leur taille en un mot : Allez au diable ! L’alliance Terre Jupiter n’est donc qu’une chimère… Nous laisserons le mot de la fin à l’auteur avec une de ses phrases dont il a le secret :

- «Heureux qui comme Ulysse à fait un beau voyage»

Mais peut-être n’est-ce pas lui qui en fut l’auteur !

 

La terre est une idée

Comme vous pouvez le constater le roman de l’Andelyn est loin d’être une réussite; les incohérences sont légion, les situations ridicules, l’intrigue plus que mince. La description des paysages fait peine à lire et les habitants de Jupiter me font penser quant à eux aux créatures d’E. R. Burroughs du cycle de la lune (souvenez-vous des Centaures). L’exubérance de la diversité de la faune et de la flore de la planète, peut à la limite sauver quelque peu un certain manque d’inspiration général, même si, à cette, époque d’autres écrivains passèrent ce type d’examen avec beaucoup plus de succès. On se rappellera par exemple les créatures qui peuplent les différentes planètes de la saga de Nizerolles « Les aventuriers du ciel, voyages extraordinaires d’un petit Parisien dans la stratosphère, la lune et les planètes » (Éditions Ferenczi de 1935 à 1937), celle de Jean de le Hire « Les grandes aventures d’un boy-scout » ( Éditions Ferenczi 1926)ou encore « Aventures fantastiques d’un jeune Parisien » par Arnould Galopin (Éditions Paul Duval 1908) en faisant un petit crochet par le monde souterrain de « Un descente au monde souterrain » de Pierre Luguet ( Librairie nationale d’éducation et de récréation )

De plus les allusions sur la discrimination raciale sont de très mauvais goût : le burlesque des juifs exilés dans l’espace, la notion d’une race supérieure (les Rouges), l’extermination d’une race à des fins personnelles. Autant de « tics » qui malgré une certaine fréquence dans les productions de l’époque, finissent par lasser.

L’ensemble du roman n’est qu’une aventure pouvant tout aussi bien se passer sur la Terre, seules les physionomies changent. Ne parlons pas de l’aspect «scientifique» : ce voyage se réalise dans un «obus» digne de Jules Verne, l’air est respirable sur toutes les planètes du système solaire, dans la civilisation Jovienne tout fonctionne à l’électricité, etc.., Le texte date de 1959 ne l’oublions pas.

L’auteur a-t-il écrit un roman pour la jeunesse ? Rien ne le précise. Les personnages et situations rencontrées sont pitoyables de niaiseries, mais il fallait en parler, le but de ce blog n’est-il pas de partager le meilleur comme le pire (à la lecture de cette analyse, la suppression de l’adresse de cette page est interdite !)

Ce texte possède tout de même une grande qualité, l’humour, souvent involontaire. La plaisanterie est-elle de mise dans ce roman ? Tout comme le film de Besson « Le Cinquième Élément », il nous sera impossible de le savoir (mais le ridicule ne tue pas !). Finalement, il n’y a rien d’étonnant au comportement du Conseil des Sages face à cette triste représentation de l’être humain : La lecture de ce roman en est une preuve suffisante. Voila pourquoi la Terre ne peut exister, n’est- elle qu’une idée pour la civilisation Jovienne….

Je n’ai pas encore lu les autres textes de l’auteur (« Les Derniers jours du monde », « La Prodigieuse découverte de Georges Lefranc », « Le Réveil d’Alexis Deschamps ») mais espérons qu’ils soient de meilleure facture. Mais en excellent maniaque que je suis, bon ou pas, ils resteront toujours à encombrer mes étagères.

Bibliographie

- « Les derniers jours du monde » Éditions A.Julien. Genève.1931.

- « La prodigieuse découverte de Georges Lefranc » . Éditions Figuiére .1935.

- « Nara le conquérant »Éditions Victor Attinger.1939.

- « Entre la vie et le rêve » Éditions Perret-Gentil. Genève 1943.

- « Le réveil d’Alexis Deschamps » Éditions de l’Aigle.1948.

- « Voyage dans la lune et au-delà » Éditions Connaître. Genève 1959.

- « Il ne faut pas badiner avec le temps » Éditions Perret-Gentil. Genève 1964.

 

 



Le Boudoir Des Gorgones N° 21 Vient De Paraître

« Le Boudoir des Gorgones », le célèbre revue de Philippe Gontier, n°21 vient de paraitre au sommaire:

Dans les griffes de Sthéno :

  – «Le Squelette» (Le Prêtre désossé) (1868) de Gabriel Marc. «Notice sur Gabriel Marc» par Noëlle Benhamou.

  – «Comment mourut Jacques Codelle» (1910) de R. d’Ast.

  – «Si c’était vrai…» (1917) de Henry Frichet. «Notice sur Henry Frichet» par Philippe Gontier. 

  – «Les maîtres de la littérature fantastique et de science-fiction francophone : Octave Béliard, entre science et merveilleux» (1ère partie) par Philippe Gontier.

Dans l’ombre d’Euryalé :

- «Le Chercheur de merveilleux» (revue de presse de l’étrange).

- «Last but not least» (notes de lecture) par Philippe Gontier.

Inutile de vous préciser que cette revue, qui hélas avait fait une pause de plusieurs mois, est essentielle pour ne pas dire vitale à tout amateur de vieux textes de fantastique et d’anticipation ancienne qui se respecte. Et pour cause, il va puiser dans cette réserve formidable des anciennes revues, qui publièrent des textes le plus souvent inédits, oubliés de tous. Une revue de qualité où le lecteur n’est jamais déçu des trésors qu’il va y découvrir.

Attention petits tirages il risque donc de ne pas y en avoir pour tout le monde, certains numéros sont d’ailleurs déjà puisé. Pour commander c’est ICI

 

Le Boudoir Des Gorgones N° 21 Vient De Paraître dans en feuilletant les revues leboudoirdesgorgones



Dossier Illustrations: « La Terreur Des Moujiks » Une Saisissante Composition De Conrad!

Il est rare d’admirer dans cette célèbre revue une couverture dont le thème se rapproche d’une façon aussi saisissante à l’horreur et au fantastique. Même si le texte en question ne traite que de certaines coutumes et rites funéraires se produisant en Russie, l’article se révèle pour le moins assez macabre :

« D’autres lieux encore que les cimetières sont hantés par les revenants et les vampires : ce sont les « Skoudielnitzi ».

Une « Skoudielnitza », est une chapelle construite à l’intersection de plusieurs grandes routes. Bâtie autrefois par le seigneur du lieu ou le prieur d’un couvent, elle était entourée de fosses ou l’on enterrait les vagabonds et les inconnus. Les gens charitables, venaient déposer dans le « Skoudielnitza » des cierges, de la toile pour les suaires et même de l’argent. Des moines errants et des pèlerins ne se faisaient pas faute de puiser, pour les besoins de leur voyage, dan ce petit trésor. Jugez ce que devaient être, autour des Skoudielnitzi, les batailles entre revenants et fantômes, puisque ces revenants étaient, pour la plupart, d’anciens bandits ou des chenapans décédés.

Les « Moujiks » des temps anciens, se préoccupaient moins des revenants et des squelettes, car les vieux Russes incinéraient les cadavres et conservaient les cendres dans les urnes.

Chez les « Roussi »La femme même du mort s’élançaient au milieu du bûcher, ou sinon elle y était jetée de force. »

Tout le récit est ainsi ponctué de terrifiantes traditions.

La superbe couverture est une fois de plus l’œuvre du dessinateur attitré de la revue George Conrad. Il réalisa en effet pour le « Journal des voyages » des dessins absolument merveilleux et il faut se souvenir également des magnifiques planches qu’il réalisa pour l’intégralité de « La vie d’aventure », un supplément au « Journal des voyages » contenant à chaque fois un roman inédit et complet.

En tout cas une couverture très inspirée, un vision de cauchemar pour une confrontation entre Morts vivants et fantômes que n’aurait pas renié George A. Romero.

 

« La terreur des Moujiks » de Léon Charpentier.«Journal des Voyages » du Dimanche 5 Mai 1907. Couverture de George Conrad

 

 

Dossier Illustrations:



« La Fin Des Robots » De Jean Painlevé : La Fin D’une Civilisation ?

Dans son Numéro 259 du 1er Mars 1933, la revue « Vu » publie un spécial « Fin d’une civilisation » qui ne pourra qu’enchanter les amateurs de conjectures que nous sommes. D’autres magazines publièrent ce genre de numéros spéciaux, dont le superbe « Le miroir du monde, spécial XXXéme siècle » analysé dans le détail sur les pages de ce blog.

De « Vu » nous connaissons également un spécial « La prochaine guerre » comprenant quelques articles des plus étonnants. Dans l’exemplaire d’où est extraite la nouvelle que vous pourrez lire un peu plus bas, la revue se pose la question de l’avenir de l’humanité face à l’arrivée d’une « civilisation mécanique ». Question fondamentale à cette époque qui ne voit pas toujours d’un bon œil la domination de l’homme par la machine, se voyant enchaîné et condamné à l’arbre de la science. C’est une époque de réflexion, de peur et d’angoisse: N’y a-t-il aucun danger à se laisser ainsi dominer par la technologie ? Si elles remplacent l’homme, que va-t-il faire alors ? Pas de travail, l’ombre du chômage plane sur la planète et à quoi peut servir de soulager les taches de l’homme si ce dernier se retrouve esclave de la machine ? Sera-t-il écrasé par elle ?

Dans la préface Lucien Vogel déclare :

« Mais nous ne pouvons croire que les hommes dont le génie à doté l’humanité des merveilles inouïes de notre aire vont s’avouer vaincus dans cette lutte de l’homme contre la nature et que, faute de volonté ou de clairvoyance, ils laisseront tomber de leurs mains impuissantes les merveilleux outils que leur science leur a fourni »

Un discours plein d’optimisme, face à la folie et l’ambition des hommes. Car en voulant repousser les frontières de l’impossible, il servira toujours ses propres ambitions et son orgueil. Beaucoup d’écrivains, regarderont la marche effrénée de la science avec une certaine retenue et se serviront du roman, pour retranscrire non seulement leurs inquiétudes, mais un message d’avertissement. Dernièrement avec la nouvelle de G.Pawlowski, il vous a été possible de constater les conséquences funestes que pourraient entraîner une « maladie » dont les robots seraient victimes. La fin fort heureusement fut relativement exempte de conséquences.

Dans la nouvelle de Jean Painlevé, il en est tout autrement. Nous assistons à la course aveugle du progrès et de ses funestes répercutions. Car il arrive un stade où l’homme, ne pourra plus contrôler la situation. S’il laisse trop de champ libre à la machine, il risque son extermination totale. L’auteur va de plus aller plus loin car certaines de ces machines auront pratiquement une « conscience » et de « l’esclave métallique » docile et besogneux, il en a fait un être froid et destructeur.Thématique que l’on retrouvera également dans le modèle du genre « Ignis » de Didier De Chousy , avec sa révolte des « Atmophites » ( Berger-Levrault 1883, réédité dernièrement aux éditions «Terre de Brume ») Mais je ne voudrais pas vous révéler le teneur de cette surprenante nouvelle le mieux étant de vous laisser la découvrir.

Un texte original, innovant, d’une rare audace pour l’époque, l’exemple unique et inspiré d’une révolte de la machine tout à fait spectaculaire et implacable. Un texte qu’il était indispensable de redécouvrir.

Sommaire du numéro 

- « La science coupable ou libératrice » par le Pr Paul Langevein Page 279.

- « L’évolution technique et ses conséquences » par le Ct Lefébvre des Noette. Page 280/282.

- « La machine rend l’homme inutile » par E.Weiss.Page 283 à 285.

- « Machine à penser » par Roger Francq.Page 286/287.

- « Rationalisation » par Ch.Billard. Page 288/289.

- « Les techniques de la rationalisation » par Ch.Billard.Page 290 à 293.

- « Normalisation » par Maurice Ponthiére. Page 294/295.

- « La machine au service de la ménagère » par Paulette Bernége. Page 296/297.

- « Au temps de la technocratie » par Jean de Pierrefeu. Page 298/299.

- « Vie et mœurs des robots » par Pierre Mac-Orlan ( photo montage de Marcel Ichac). Page 301 à 303.

- « La fin des robots » Nouvelle conjecturale de Jean Painlevé. (Photo montage de Marcel Ichac). Page 306 à 309. Ce photomontage comporte toute une série de robots : Domestique, Maître, Policier, Mécanicien, Robot de luxe…

- « La peine des hommes diminue ». Série de photos.

- « Crise cyclique, Crise de régime » par Francis Delaisi. Page 313 à 315.

- « Amérique au ralenti » par Bertrand de Jouvenel. Page 317 à 319.

- « Au temps de la grande anarchie, la journée d’un Parisien » Nouvelle conjecturale par Pierre Dominique.Pag 320 à 322.

- « La campagne qui s’endort » par Paul Mirat. Page 323.

- « Les robinsons du déluge » Nouvelle conjecturale de Ida Treat ?. Page 324 à 326.

Un numéro des plus copieux, agrémenté de fort surprenantes photos. Cette nouvelle fut déjà rééditée dans le numéro 29 du « Bulletin des amateurs d’anticipation ancienne » 3 éme trimestre 2002.

Mais je vous laisse dés à présent en compagnie de :

 

 

C’est grâce à l’appareil « Pawlowsky », célèbre par son raid au pays de la Quatrième Dimension, que notre envoyé spécial Bara- zavet, a pu saisir quelques phases du devenir terrestre.

L’avion-fusée lancé dans le sens du soleil et dix mille fois plus rapide que lui, permit d’explorer le cours, figé dans le Temps, des événements futurs. Insuffisamment balisé, le Temps obligea le pilote à de nombreuses manœuvres lorsqu’il s’agit, en tournant dans le sens contraire, de retrouver exactement l’époque de départ de l’appareil.

                                                                    *
Voici, succinctement rapportée, la révolte des robots, depuis ses origines jusqu’à son dénouement auquel j’assistai. Cet exposé aussi objectif que possible de renseignements puisés à des sources très diverses, contient peut-être des erreurs involontaires, ne serait-ce qu’à cause de la transposition de mots et de mesures employés à une époque où le soleil ne sanctionne plus ni jour ni nuit, où les saisons sont constantes, où toute l’énergie provient de la désintégration sidérale, captée et dirigée, où les naissances ne doivent se produire qu’au moment des conjonctions d’astres assurant le maximum de longévité et où la vie dure quatre fois plus que la nôtre. Le temps est mesuré en désintégrations atomiques (dont l’aboutissement final est le plomb). Les plombes correspondent à 4 de 110s heures, les rations à 3,85 de nos jours, les poloniums à 4 mois et demi, les ionies — qui se comptent à partir de l’an 2000 — a un peu plus de dix années car elles comprennent 27 poloniums et le ionium à un cycle de 10 000 ionies.

Depuis longtemps l’Union Terrestre était divisée en deux clans ; les Eugeniens et les Antieugéniens. Les premiers désiraient un robot « bien né ». c’est-à-dire le mieux adapté possible aux besoins de l’homme. Les seconds défendaient la conception de l’an 2000; c’était le robot à énergie dirigée : sensible à toutes les vibrations, il réagissait par construction seulement à certaines d’entre elles; d’où différents types d’activité auxquels on donnait les formes, les tailles, les appendices de meilleur rendement. Quelles que fussent leurs spécialités, presque tous pouvaient toucher, voir, entendre et prononcer quelques paroles en réponse à certaines excitations, la voix humaine, par exemple. L’homme était ainsi suppléé dans tous ses travaux collectifs ou privés, mais son contrôle était nécessaire pour mettre en marche, guider ou arrêter les robots, par la manipulation de relais d’ondes.

Les Eugéniens voulaient transformer les robots de manière à ce que l’homme soit totalement libéré des contingences matérielles. Pour cela, ils préconisaient l’introduction dans chaque robot, d’accumulateurs d’énergie et de relais vivants, masses de protoplasme qui leur permettraient la mémoire élémentaire. Ce centre vital, une fois éduqué en ondes dirigées, les robots seraient capables d’accomplir leurs travaux sans surveillance, et, grâce aux accumulateurs, en l’absence même de toute émission, vibratoire. D’où grande simplification de la distribution énergétique et bien meilleure utilisation des capacités de chaque robot à qui l’on conférait une sorte d’autonomie. Les Antieugéniens, qui détenaient le pouvoir, traitaient leurs adversaires d’idéalistes et s’opposaient à leur projet dont ils craignaient des conséquences échappant au pouvoir humain : ils citaient l’histoire, les anciens qui, par humanité, c’est-à-dire pour obtenir un meilleur rendement des peuples conquis et pour se faire défendre par eux. les avaient initiés au maniement des machines et des armes, ce qui avait conduit les esclaves à se débarrasser de leurs maîtres. Les Eugéniens répliquaient qu’au moindre ennui trop collectif, on pourrait toujours arrêter les captatrices de désintégration atomique. La suppression de l’énergie pendant que se videraient les accus des robots et qu’on supprimerait leur centre de transmission interne serait un ennui que la beauté de l’expérience valait la peine de risquer. Quant aux déglinguements individuels, on y remédierait en envoyant les malades à un Centre de Compensation protoplasmique et dans les cas graves, au Démantèlement, comme d’habitude! « Pourquoi, rétorquaient les Antieugéniens, ne pas recréer pendant qu’on y est, la F.O.N.D.E.R.I.E. ? (Fédération ouvrière de nouvelles distributions énergétiques des robots invalides d’État — c’était, en quelque sorte le cimetière des robots trop malformés ou accidentés). Et puis ce protoplasme exigerait tout un personnel pour éduquer les robots et des surveillances, des retouches, des rajeunissements, absolument pas nécessaires avec le système actuel. ».

Les Antieugéniens, sous la pression de l’opinion, démissionnèrent le 4° radon du 6″ polonium de la 122e ionie, c’est-à-dire compte tenu des années bissextiles, le 13 mai 3217, à l’occasion du millénaire du robot à énergie dirigée, et en coïncidence avec la majorité du premier personnage de la Terre, le directeur des Cercles Électroniques, qui entrait dans sa 12e ionie.

Les Eugéniens, une fois au pouvoir, entourèrent la réalisation de leur programme de toutes les précautions utiles et très rapidement de nouveaux robots à protoplasme évolutif permettant, cette fois, des initiatives, furent mis en service. Ce fut un succès, leur souplesse mentale souleva l’admiration et les hommes n’eurent vraiment plus à s’occuper de rien en dehors de quelques soins à donner aux robots et de la surveillance facile des Centrales. Bientôt, le Département des Loisirs et Distractions prit plus d’importance que celui des énergies Comparées ; l’Office des Recherches de l’Imprévu remplaça la Ligue pour la Suppression du Hasard, devenue sans objet. En dehors des études pour les voyages astraux, la longévité et les synthèses biologiques, rien ne rattachait plus les hommes à des buts utilitaires, sauf chez les spécialistes de l’énergie, assez peu considérés d’ailleurs quoiqu’ils devinssent de plus en plus des purs théoriciens. On envisagea comme signe de suprématie spirituelle, de cesser l’enseignement du calcul des probabilités qu’on inculquait dès le plus jeune âge, au moment où l’enfant commençait à s’oindre lui-même des ondes hygiéniques ; mais cette suppression eût entraîné celle du test de l’âge de raison, test qui était de savoir toutes les combinaisons du jeu d’échec par cœur, à la suite de quoi le jeune homme avait droit à un robot. La formation des sens nouveaux fut admise malgré son apparence de matérialisme, parce que considérée comme un jeu: la grande réussite était de percevoir le glissement des astres, d’entendre la musique des sphères. Cependant la métaphysique, devenue science exacte, gardait encore des partisans. Quelques esthètes essayèrent de lancer la laideur : il s’agissait d’essayer d’être laid, mais d’une laideur discrète qui ne vous fit pas déporter dans la lune, terre d’exil où les commodités étaient limitées ; c’était trop dangereux pour que cela fût suivi sauf par un petit nombre de mauvais esprits.

Les Eugéniens décidèrent alors de réduire encore les nécessités qui abaissaient l’homme à s’occuper du côté matériel ; on avait laissé de plus en plus la bride sur le cou aux robots, dont les initiatives avaient à peine besoin de rectifications de temps à autre ; il fut entendu que désormais on ferait diriger toutes les Centrales par des robots appropriés, ainsi que les Instituts curatifs pour robots et même ceux des hommes. (Il suffirait alors de surveiller seulement ces quelques Directeurs et d’intervenir si leurs Services laissaient à désirer.) Conjointement, on augmenterait énormément la capacité d’accumulation de chaque robot. Les Antieugéniens qui n’étaient plus qu’une faible minorité élevèrent contre ce dernier arrangement une protestation à laquelle nul ne fit attention.

Depuis presque 80 ionies, les Eugéniens gouvernaient lorsque se produisirent de curieux phénomènes. Brusquement tout s’arrêtait ou c’était une folie de mouvement et de lumière. D’abord ce fut de la stupeur, puis de la joie : enfin de l’imprévu non prévu ! Puis du délire lorsque les officiels annoncèrent, pour éviter la panique, que cela provenait de robots qui se faisaient des farces électroniques. Ensuite de l’inquiétude, lorsqu’on reçut quelque part, des coups de pied magnétiques envoyés par les dombots (robots préposés au service personnel des hommes) ; en même temps qu’on se sentait épié par eux, comme s’ils étaient jaloux, pendant que les Musibots, qui devaient orchestrer et exécuter immédiatement tout air sifflé (chaque musibot représentant un orchestre complet : 10 floua-floua, 17 hum-trump, 4 borborygniatus balladeurs, 8 manches à viole, 5 gnangnans, 14 petits traversins dilatoires pour sons étouffés), jouaient indéfiniment l’Hymne Astral avec lequel ils avaient été éduqués. Enfin, de l’affolement lorsque les personnes qui voulaient se faire soigner subirent des traitements qui les laissèrent entre la vie et la mort par suite d’erreurs nettement organisées. Le Directeur de la Direction générale du Contrôle général des Contrôles techniques s’était mis immédiatement en rapport avec les Directeurs robots. Ils les avaient trouvés froids mais décidés, pour tous dire impénétrables. Aucun doute qu’on se trouvât en présence d’un mouvement concerté. D’ailleurs une délégation robot vint bientôt apporter un ultimatum. Les robots exigeaient :

- 1er Un langage spécial parce qu’ils en avaient assez des intonations humaines auxquelles leurs relais ne s’adaptaient jamais bien, et qui leur faisaient mal au protoplasme pour peu qu’on parlât fort.

- 2° un journal à eux afin d’échanger leurs idées mécaniques que les hommes étaient incapables d’apprécier

- 3° ils voulaient utiliser une partie de l’énergie pour leur propre développement et pour des sous-robots dont ils se serviraient (or s’il y avait trop d’énergie pour les besoins humains, il n’y en aurait pas assez pour contenter leurs désirs, à moins que les hommes ne se restreignissent énormément).

- 4° ils voulaient devenir sexués et se reproduire comme pouvaient le faire les hommes (ça, c’était une idée des dombots, en contact permanent avec les humains et dont personne ne se défiait, tant on les considérait comme de simples machines).

Les robots accordaient un radon de réflexion aux hommes ; passé ce délai, si on ne leur donnait pas satisfaction, les Alsbots, qui fabriquaient les rations alimentaires, ne travailleraient plus et ce serait la famine. Car depuis des temps immémoriaux, animaux et végétaux avaient été relégués dans la lune, parce que malsains comme nourriture; maintenant ce serait des poisons pour les organismes entièrement déshabitués de ces aliments. D’autre part, les stocks d’aliments synthétiques entreposés dans la Lune étaient insignifiants et enfin il fallait pouvoir y aller. Or, les Vecbots se refuseraient certainement à tout service. Il ne restait qu’à discuter, car inutile de songer à un coup de force comme la suppression de l’énergie : en admettant qu’on put pénétrer jusqu’aux machines, qui saurait les manier ? Les spécialistes n’étaient plus que des théoriciens occupant des postes honorifiques, dans le genre des Conseils d’Administration des sociétés primitives et ils ne s’étaient jamais tenus le moins du monde au courant des modifications profondes apportées par les robots. D’ailleurs, leurs accus permettraient aux robots de tenir pendant de nombreux poloniums après la cessation de la distribution d’énergie. Impossible de les mater ; l’humanité était dans leurs mains.

Le chef du gouvernement le prit donc sur le mode sentimental : « Après tout ce que nous avons fait pour vous… » Une clameur du genre jointure rauque l’interrompit : « Et nous, pour vous ! ». Renonçant, il leur promit d’examiner avec bienveillance dans le plus bref délai… « Tout de suite » hurlèrent les délégués soutenus par les cris des robots qui s’assemblaient en masse, dehors. On leur concéda la langue et le journal, mais on essaya de les dissuader « dans leur propre intérêt» de vouloir ressembler aux êtres humains. « Ne connaissaient-ils pas dans leurs fabriques autant de robots qu’ils le désiraient ? Et l’homme faisait-il autrement avec ses fécondations en bocaux, réalisées seulement à des dates déterminées ? Quant à la question plaisir physique ou sentimental, eh bien ! Ce plaisir était compensé par tant d’embêtements de toute sorte que le jeu n’en valait pas la chandelle… Ils se préparaient les pires ennuis en insistant. » Malgré ce discours paternel, les robots tinrent bons ; on céda encore sur ce point ; mais à propos du paragraphe où ils prétendaient détourner pour leur propre compte une partie de l’énergie, le gouvernement fut intraitable et leur mit le marché en mains : où ils abandonneraient cette revendication, ou tout était rompu : alors ils ne deviendraient jamais sexués et ne connaîtraient pas le secret de l’homme Cet argument frappa les robots, à qui on accorda quelques plombes de réflexion avec espoir de faire prolonger la trêve pour permettre aux hommes de se débrouiller.

Toutes ces nouvelles se répandirent instantanément à travers le monde et vinrent jusqu’aux oreilles d’une espèce d’original qui cultivait beaucoup l’étude du passé ; sous ce couvert qui l’empêchait d’être mis à l’index comme matérialiste, il osait se livrer à des recherches sur une vieille science qui avait livré tous ses secrets depuis longtemps, la transmutation. Son étude des pionniers antiques de cette science l’avait amené à une certaine connaissance des époques disparues. Lorsque la délégation revint pour annoncer aux gouvernants que les robots maintenaient intégralement toutes leurs revendications, il était plongé dans une compilation du passé. Arrivé au mot « pauvre » sans avoir pu trouver la moindre idée qui pourrait sauver la race humaine en détresse, il parcourut rapidement des choses bizarres telles que la description de gens mourants de faim dans un endroit alors qu’à côté on détruisait de la nourriture surabondante (ce qui lui faisait presque regretter de ne pas vivre en un temps où au moins il y avait des aliments même si on n’en profitait pas). Un peu plus loin, il tomba sur la description de pluies dévastatrices, comme cela existait en ces siècles où l’homme dépendait encore des éléments. Il chercha le mot pluie, pour bien comprendre le phénomène, et se rappela qu’il existait une Station de Stabilisation Atmosphérique, certainement oubliée depuis le temps que tout était stabilisé, et où ne devaient se trouver que quelques robots cacochymes datant d’avant les transformations. Puis il lut les divers effets de l’eau et il bondit dans la direction Sud-Sud-Ouest, vers l’endroit où le 10″ méridien fait une boucle.

C’est à peu près vers cette époque que l’avion- fusée commença d’atterrir sans d’ailleurs soulever l’affolement ou l’intérêt que j’étais en droit d’attendre. Il y avait d’ailleurs peu de monde et cela s’expliqua par le fait que j’étais à 300 mètres au- dessus de l’activité courante, sur le sommet de la fabrique des Pupilles d’Introspection (qui servaient aux robots à regarder dans leur intérieur, quand il y avait quelque chose qui n’allait pas . Peu fier de gagner le sol par de longs lacets contournant la fabrique (je n’avais osé, devant l’attitude nettement hostile des robots, descendre instantanément par les trous d’air comprimé), je fus heureux de rencontrer en bas un homme qui ne conduisit au Cercle de la Quadrature où des personnes obligeantes et diverses me racontèrent tout ce qui précède.

Maintenant, l’émeute se déchaînait ; les robots faisaient retentir partout leur appel à la révolte : « Coupzyl courrannt ! Coupzyl courrannt ! »

Les heures me semblaient d’autant plus longues que mon estomac n’était pas habitué à des intervalles quatre fois plus grands qu’à l’ordinaire. Enfin on nous donna un e petite portion ( le rationnement commençait car il n’y avait que pour 3 radons de vivres) d’aliments synthétiques : trois bouchées (à mastiquer pendant des heures) d’une sorte de pâte caoutchouteuse sentant la vieille brique. Puis les événements se précipitèrent : la moitié des robots s’occupèrent à fabriquer des sous-robots, pendant que l’autre moitié s’emparait du plus grand nombre possible d’hommes ou de femmes pour les torturer enfin d’obtenir leur secret. Il n’y avait rien à faire contre ces masses d’un métal aussi souple que compacte, dont les organes vitaux étaient complètement à l’abri et qui prévenaient tous les gestes, saisissant de tous leurs appendices variés à l’infini, dominant de leur haute taille les hommes les plus solides qu’ils broyaient d’un ultra-son. On ne pouvait vraiment songer à les combattre que par l’intermédiaire des ondes.

Les vivres se raréfiaient ; ce que j’avais absorbé m’avait ouvert un appétit féroce et me donnait en même temps des aigreurs pénibles. De nombreux antieugéniens qui, ennemis irréductibles de la Réforme, avaient gardé leurs anciens vecbots transporteurs, s’enfuirent dans la lune (où, d’ailleurs ils moururent de frayeur à l’arrivée, en rencontrant des animaux qui se promenaient parmi les plantes). La lumière provenant en permanence de l’incandescence aux hautes altitudes, de gaz raréfiés, se mit à baisser. Et quelque temps après tombèrent les premières gouttes d’eau. Les robots interrompirent leur massacre ; les hommes ne songèrent plus à s’enfuir. L’incrédulité, la stupéfaction étreignaient chacun ; puis un grand mouvement de colère saisit les robots, lorsque la pluie se déchaîna à cause de l’étrangeté du fait qu’ils ne comprenaient pas et dont ils ne présageaient rien de bon. Ce fut de nouveau leur ruée défonçante contre les refuges à hommes, mais les bloks étaient solides et possédaient une antique et inutilisée protection contre les ondes mal dirigées, désuétude qui sauva la vie de millions d’êtres, des ondes destructrices des robots. Maintenant la pluie redoublait, des court-circuits s’établissaient partout; les robots grésillaient sur place en se tordant dans les affres d’un métal luminescent. Tous les robots qui travaillaient sortirent pour examiner ce qui se passait, mais au bout d’un certain temps, quand ils virent les désastres que cela causait dans leurs rangs, ils rentrèrent dans les buildings. Et l’eau continuait à dévaler en cataracte; tout s’humidifiait effroyablement. Je commençai un rhume. Puis la pluie cessa et ce fut un silence formidable comme si tout le monde se croyait mort. C’est très longtemps après que l’on commença à risquer un pas dehors.

Partout des cadavres ou des morceaux épars d’hommes et de robots. Autour des fabriques et des bloks où logeaient les robots, des attroupements de gens peureux se pressaient sans oser entrer, avides de savoir ce que devenaient les robots rescapés et ce qu’ils allaient tenter. On attendait un ordre des chefs responsables ; comme il n’en venait pas, quelques courageux tremblants se risquèrent à l’intérieur et virent des masses de robots désemparés, se traînant, eux tellement silencieux d’ordinaire, dans un bruit déchirant qui venait nettement de leur métallure, et non de leur émetteur de son; par endroits, une couleur jaune ocre les recouvrait; tout leur ensemble exprimait une souffrance abominable : ils étaient atteints d’une horrible maladie, incurable à cette époque, car personne n’avait gardé de quoi remédier à un mal dont la dernière attaque remontait à 100 ionies et dont on s’était débarrassé en même temps que des parasites des ondes — et dont seuls quelques spécialistes de l’antiquité connaissaient le nom : la rouille. Ils mouraient lentement, avec toute leur réserve d’énergie inutilisable, rongés irrémédiablement, ne pouvant rien exprimer, car le bruît qu’ils faisaient en bougeant avait, par sa résonance inattendue, fait sauter leurs cellules-relais ; ils étaient sourds, aveugles et muets. Écœuré par ce spectacle, je partis à la recherche de mon véhicule dont je fus obligé de faire sécher longtemps les fusées de retour. Puis, abandonnant les humains à une mort presque certaine, je fis un détour par la lune où, affamé, je dévorai un chien vivant. Lorsque je finissais de manger,je découvris les cadavres des chefs eugéniens ( reconnaissables à l’anneau symbolique passés dans leur nez et portant les clefs des principales villes) ; afin de s’éloigner au plus vite des choses imprévues, et non par crainte du danger comme des esprits faciles pourraient le suggérer, ils avaient dû assommer toute une maisonnée antieugénienne prête à s’embarquer, et s’étaient rués dans le vieux vecbot des familles. Dés leurs premiers pas sur la lune, ils étaient morts de saisissement en entendant chanter un pinson.

Yann Barazavet (Propos recueilli par Jean Painlevé)

Une des photos illustrant la nouvelle se trouve ici

 

 

unecivilisation dans les Introuvables

 



Parfois Les Machines Nous Veulent Aussi Du Bien

( Non classé )

Faisant suite à mes précédentes photos où la machine et le progrès sont synonymes de guerre et de destruction, voici une preuve que la science ne fait pas que « asservir » l’homme elle peut-être utile également pour le « servir ». Ici c’est la ménagère qui va profiter de ses bienfaits et c’est tant mieux mais prenons garde à la révolte des aspirateurs, idée qui même si elle ne fut pas utilisée dans l’anticipation ancienne, n’en reste pas moins envisageable car nous sommes loin d’avoir tout découvert dans ce domaine.

« Vu » spécial « Fin d’une civilisation ». N° 259. 1er Mars 1933

 

Parfois Les Machines Nous Veulent Aussi Du Bien sousleregnedelamachine



Les Coup De Coeur Du « Moi »: »Green Tiburon, Contre La Pieuvre Carnivore de Santa Zanya »

 Parce que « Sur l’autre face du monde » sert aussi à promouvoir les collections dynamiques ayant un lien avec les littératures dites « populaires»et que le rôle d’un blog traitant de l’imaginaire sous toutes ses formes permet de découvrir de jeunes talents dont il faut encourager l’inspiration. Une fois n’est pas coutume, je vais aujourd’hui vous parler de la toute dernière « créature» des laboratoires interdits du « Carnoplaste » où il se passe vraiment de drôles de choses.

 

Les Coup De Coeur Du

 

Il fallait une certaine audace, pour écrire un roman atypique dont les héros seraient…des catcheurs Mexicains ! Culturellement il faut reconnaître que nous ne sommes pas habitués à ce genre de personnages, et même si le catch est entré depuis de nombreuses années dans l’horizon télévisuel Français, il n’en reste pas moins relativement confidentiel et réservé à une minorité de passionnés. Actuellement, avec les cartes à collectionner, la tendance aurait toutefois une certaine tendance à s’inverser.

Pour les amateurs de curiosités et de pellicules « décalées » que nous sommes, cette figure emblématique au Mexique est pourtant bien implantée dans notre mémoire du cinéma « Bis », grâce aux célèbres exploits du fameux « Santo, el enmascarado de plata » à savoir « « Santo, l’homme au masque d’argent ». Bien qu’il n’y ait pas pire déshonneur pour un lutteur masqué que de se faire enlever sa cagoule et révéler ainsi son identité, ce dernier pourtant sera identifié et reconnu sous les traits de Roberto Guzman Huerta.

Santo, est devenu rapidement une idole dans les années cinquante et les premiers films « Santo contra el cerebro del mal » et « Santo contra los hombres infernales » marquèrent les premiers jalons d’un succès qui n’aura de cesse d’aller grandissant. Après « Santo contra los zombies » en 1961, le ton fut ainsi donné et de lutteur professionnel, notre mystérieux homme au masque d’argent, va s’employer à lutter contre le mal sous toutes ces formes : La naissance d’un nouveau vengeur masqué !

Il faudra attendre 1962 pour admirer en France les exploits du « Luchadore » avec ce film au titre trafiqué de « Superman contre les femmes vampires » (Superman étant plus accrocheur que « Santo » inconnu en France) pour ensuite en 1967 admirer de nouveau ses exploits dans « Santo et le trésor de Dracula » de René Cardona. En France, tout comme en Angleterre, le vampirisme est une affaire de tradition. Par la suite cette illustre figure va s’associer avec une de ses adversaires de ring « Blue démon ». Les aventures vont ensuite se succéder, les adversaires seront de plus en plus horribles et repoussants, cette figure emblématique du cinéma Mexicain devient une légende vivante qui va ainsi perdurer pendant de nombreuses années. Il affrontera tout à tour des vampires, des zombies, des momies, des extra terrestres….tout le panthéon de la littérature fantastique et ce pour notre plus grand plaisir. Un mythe à figure humaine qui fut enterré à ce qu’il parait, avec son fameux masque d’argent. De nos jours, cette figure emblématique vient d’être ressuscité sous les traits de  Jack Black  dans un film hommage, un peu trop parodique à mon goût :« Super Nacho »

Fidèle à toute une tradition, notre ami et « Savanturier » Julien Heylbroeck, avait déjà eu l’occasion de mettre en valeur ses mystérieux lutteurs cagoulés, dans un blog des plus sympathique qui déjà annonçait les prémisses de cette folle aventure. J’ai toujours eu une attirance pour ces personnages un peu hors normes, qui nous semblent en dehors du temps et de l’espace, représentation d’un monde qui peut sembler au commun des mortels ,ringard et outrancier mais qui se révèle riche et passionnant, répondant à des codes bien précis, des valeurs que rien ni personne ne pourraient remettre en question.

Car dans le fascicule « Green Tiburon contre la pieuvre carnivore de Santa Sangre », l’auteur nous propulse dans un monde qui nous semble bien réel, où les héros évoluent dans des décors crédibles et dont la présence ne semble pas perturber les populations. Bien au contraire, il font partie intégrante du décor et se balader ainsi en collant, cape et masque vous donnant l’apparence du « Dr Rictus », n’affole ni les ménagères, ni les petits enfants. Toute la « cohérence » de ces aventures, vient du fait que le monde qui nous y est décrit repose sur des règles qui nous sont familières, si ce n’est l’intrusion d’un monde fantastique, venant rompre ainsi l’équilibre du cour normal des choses.

Le petit archipel de « Los Murcielagos » (les chauves souris, tout un programme…) semble être, à l’image de la nouvelle Angleterre de Lovecraft, « le carrefour de l’ étrange « ( petit clin d’œil à un blog que j’affectionne tout particulièrement). Une sorte de porte ouverte sur une autre dimension, une dimension de cauchemar bien entendu, prête à chaque instant à vomir ses légions infernales sur la terre. Ainsi, dans cette spirale diabolique qui se nomme « L’espirale grande » en fonction de leurs humeurs ou d’un calendrier cosmique échappant à l’entendement humain, de temps à autres des « Jobbers » ( nom attribué aux dites créatures)s’octroient une petite visite, histoire de faire un peu de tourisme. Bien évidemment il n’est pas question pour eux de prendre des photos comme souvenir, mais de mâchouiller quelque peu leurs modèles, de semer la confusion et la folie dans les cervelles dociles des habitants ou de pervertir quelques illuminés de façon à édifier temples et sectes à la gloire des entités du « dehors ».

Le héros du jour, « Green Tiburon » est un habitué de ce genre d’affaire, car, comme je vous le disais plus haut (tant pis pour ceux qui ne suivent pas), il a déjà affronté ces redoutables créatures. Il connaît leurs points faibles et l’on découvre avec stupéfaction que la seule manière de combattre ces monstruosités, c’est de leur arracher une sorte de pierre qu’elles portent entre les deux yeux. Pas d’armes, pas d’incantations, rien que du combat rapproché et l’on se doute à présent, la raison de l’utilisation de « Lutteurs » dans ce type de missions.

Aidé par son ami « Black Torpedo », « Sangre Negro » et « Atomico Cerebro » ( un catcheur cyborg »…mon préféré) « Green Tiburon » va devoir affronter une secte infernale, rejetons d’une pieuvre carnivore aux appétits féroces. Une confrérie d’encapuchonnés, dont les visages ne sont pas à proprement parler des faces de porte bonheur. Tout cela à un fort relent de poisson pas frais et de marée pestilentielle et les fans du solitaire de Providence apprécieront l’hommage qui lui est ici rendu.

Toutefois, si l’on sent tout l’amour que Julien Heylbroeck porte à ses classiques, il n’en reste pas moins que son écriture reste originale, inventive et souvent drôle et l’on assiste « médusé », histoire de rester dans l’ambiance, aux exploits parfois hilarants de cette bande de vengeurs hors du commun. Les rencontre y sont souvent improbables et je dois avouer que le Professeur Gonzales attire toute ma sympathie avec son fameux « Transcyclotron mémospatiotemporel ». Appareil improbable qui fera date dans le guide des inventions et même G.de Pawlowski dans son célèbre « Inventions nouvelles et dernières nouveautés » (Bibliothèque Charpentier 1916) n’y avait pas songé. Imaginez le concept :

« Son Transcyclotron spatiotemporel projette l’âme de la personne à une époque précisément programmée d’une de ses vies antérieures, et donc lui permet de voyager dans le temps. Le sujet remplace alors cette âme dans une sorte de projection physico-spirituelle. Le voyage dure le temps d’un rêve. »

Une machine à désincarner, puis réincarner une âme…fallait y penser ! Il y a vraiment de drôles de paroissiens qui hantent les couloirs du « Carnoplaste ».

Notre ami cagoulé, fera les frais de ce voyage temporel assez particulier, et je vous laisse découvrir la finalité de cette expérience peu banale. La suite des événements sera tout aussi réjouissante avec un affrontement des plus spectaculaire lors d’une attaque massive de morts-vivants et la confrontation finale avec le « Boss » en personne et là aussi, l’auteur nous réserve quelques petits moments d’anthologie.

Au final, pour un coup d’essai, c’est un coup de maître, car dans son délire l’auteur nous plonge dans un univers référentiel qui, loin d’alourdir la technique narrative et l’utilisation de temps à autres de termes propres aux « Luchadores », rend bien au contraire la lecture plaisante et même passionnante. Les scènes d’action sont toujours bien enlevées, avec un sens du rythme des plus adapté. Le pari de nous faire vivre de la sorte des aventures mettant en avant des personnages aussi décalés n’était pas gagné d’avance, et contre toute attente, il apporte très sincèrement une touche unique et « exotique » supplémentaire à cette aventure dont la thématique, à ma connaissance, n’a jamais abordée dans la littérature de l’imaginaire.

Dans ce lieu géométrique de toutes les terreurs, Julien Heylbroeck, contribue de façon singulière, délirante et drôle, à édifier un peu plus haut l’édifice de la littérature fantastique, avec un style original et personnel. Décidément « Le Carnoplaste  éditeur de fascicule » semble une fois de plus confirmer son goût pour les héros en marge de ce que nous avons l’habitude de lire. Dans un contexte actuel de personnages stéréotypés, comme il est agréable et délicieusement sulfureux de tenir entre nos petites mains fébriles, de curieuses et bariolées brochures où les auteurs n’hésitent pas à prendre des risques en sortant des sentiers battus, et nous offrir des personnages hauts en couleur qui feront date dans l’histoire des « Héros de l’ombre ».

A dévorer toutes affaires cessantes !

 

 

 Un couverture qui laisse présager d’incroyables aventures
greentiburon11g dans les coups de coeur du



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