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Les Introuvables: « Le Déluge De Feu » De Victor Forbin, Une fin Du Monde Oubliée.

Posté le 14 juillet 2011

Dans un article précèdent nous avions déjà évoqué cet auteur prolifique dont nous retrouvons le nom plusieurs fois associé au « Journal des voyages ».Il y était question, une fois de plus, d’une catastrophe naturelle venant mettre à mal notre belle capitale et le monde entier. La peur d’un cataclysme pouvant faire disparaître la quasi-totalité de l’humanité, est une des constantes de l’anticipation ancienne et de ce fait, il sera possible au fil des nombreuses revues de cette époque, de rencontrer ruines et désolation après le passage de météorites ou de gigantesques raz de marée.

La submersion des continents étant incontestablement le pire scénario pouvant nous arriver, se rencontre ainsi dans une quantité non négligeable de romans. (« Le déluge futur », « l’homme qui voulu le déluge », « le nouveau déluge »…) Il y a quelques jours, j’avais déjà mis en ligne un autre texte du « Journal des voyages », où il était question ni plus ni moins que de « La fin de l’Europe », conséquente à de terribles tremblements de terre. Eradication pure et simple du vieux continent pour laisser place aux terres jeunes et prospères des Amériques.

Une thématique qui ne manque pas de prétendants, récurrente dans le domaine qui nous concerne et dont il faudra un jour faire un petit recensement. Tache ardue, les ouvrages en question, pourraient remplir une sacrée quantité d’étagères. Explosion, refroidissement, réchauffement, si de telles calamités sont le fait de dame nature, l’évaporation de notre bonne vieille planète sera également la cause de machinations diaboliques de quelques savants fous, de militaires mégalomanes ou de civilisations extra-terrestres nous considérant comme du vulgaire bétail.

Pendant prés d’un siècle de conjectures assassines, elle sera livrée en pâture aux éléments les plus effroyables et les cinglés les plus impitoyables.

Je me rappelle de titres aussi hallucinants que rares « L’explosion du globe » et « L’incendie du pole » de Hector Fleischmann (Albin Michel 1908), « Le déluge futur » de Marcel Roland,(Revue « Le touche à tout » N° 4,5 et 6 du 15 Avril, Mai,Juin 1910, en volume éditions Fayard 1925), « Le nouveau déluge » de Noëlle Roger ( Calman Lévy 1922), « Sur la terre qui change » de Léon Lambry ( Tallandier « Bibliothèque des grande aventures » N° 313, 1930), « La cité rebâtie » de E.Solari ( Librairie Universelle, 1907), « Le nuage pourpre » de M.P.Shiel ( Editions Lafitte, 1913), « L’évanouissement du pôle » de H.Debure ( Editions Tallandier «Bibliothèque des grandes aventures » N°489, 1933)  « L’homme qui vint » de F.L.Rouquette ( Albin Michel, 1921) autant de romans qui résonnent à nos oreilles comme le glas de la fin de notre espèce.

Au début du XX éme siècle, tel un prélude à l’apocalypse, des revues comme « Je sais tout » ne sont pas avares en articles sensationnels et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils n’y allaient pas de main morte. Ainsi dés son premier numéro Camille Flammarion avec « La fin du monde » (« Je sais tout » de Février 1905.Superbes compositions de l’artiste attitré H.Lanos) nous dresse un tableau des plus sombre : Fin du monde par le feu, par l’eau, par le froid, par un empoisonnement de l’atmosphère, par une absorption de l’oxygène….Tout y passe ou presque. Le talent de Lanos ne fait qu’augmenter l’angoisse de telles catastrophes, mais il vous sera possible d’ici quelques jours de juger par vous-même lorsque l’article sera sur les pages de ce blog.

Toujours dans « Je sais tout », cette fois c’est Max de Nansouty qui si colle, avec « Les grandes blessures de l’univers » (« Je sais tout » de Juin 1906 N° 17, superbes illustrations de Lelong) de nouvelles catastrophes en prévision avec un raz de marée, des éruptions volcaniques, une pluie de météorites…rien ne semble vouloir nous épargner. Les faits sont analysées avec une froideur toute scientifique et les circonstances relatées semblent être d’une irréfutable logique : Tremblez car la fin du monde est proche !

Remarquez que dame nature ne sera pas la seule à être en cause de pareils bouleversements, il y aura aussi les épidémies, les invasion jaunes ou noires, la guerre des mondes, la guerre universelle, j’en passe et des meilleures.

Victor Forbin avec ce nouveau témoignage nous apporte une fois de plus la preuve que tout peut basculer en un instant et qu’une fois de plus, le scientifique lorsque celui-ci est un « gentil », sera un peu le « laissé pour compte » le farfelu que personne ne prend au sérieux et qui assistera impuissant à la fin de notre espèce.

Le réchauffement de notre planète n’est donc pas l’apanage de nos braves écologistes du XXI éme siècle et si à l’époque la couche d’ozone n’était pas directement concernée, les scientifiques pensaient par contre que le soleil pourrait être la cause des maux de l’humanité.Au final qu’il s’agisse de l’eau de la glace ou bien du feu, les auteurs surent faire preuve d’une certaine originalité et inventivité quand au destin funeste et tragique de l’espèce humaine.

Pour terminer,je ne peux que vous conseiller de faire une visite au superbe site de « Gloubik Sciences », pour les amateurs des revues de vulgarisation scientifique d’avant guerre, on y trouve une mine de renseignements, dont une page consacrée à cet auteur qui fut un grand voyageur et qui rédigea une quantité incroyable d’articles pour diverses revues. De cet auteur nous pouvons donc répertorier au moins quatre œuvres appartenant à notre domaine :

- « Le déluge de glace » parution dans le « Journal des voyages » N° 268. Dimanche 19 Janvier 1902. Illustré par Louis Tinayre (Pages 130/131).

- « Le déluge de feu » parution dans le « Journal des voyages » N° 365.Dimanche 19 Janvier 1902. Illustré par Dauverone (Pages 459/460).

- « Les fiancées du soleil » Editions A.Lemerre.1923.

- « Le secret de la vie » Editions Baudiniére.1925.

 

Le Déluge de feu

Une étoile rouge vient d’apparaître dans la direction de la constellation du Dragon.

Pour comprendre l’émotion qui s’empara du monde scientifique, à la réception du télégramme transmis par l’Observatoire international des monts Himalaya, à toutes les sociétés savantes, il faut savoir que les étoiles rouges furent toujours un mystère pour les astronomes, On peut les définir ainsi : des comètes sans éclat et sans chevelure. Relativement obscures, elles diffèrent des comètes proprement dites en ce qu’elles n’appartiennent pas à notre système solaire. D’où elles viennent? Mystère! Où elles vont ? Autre question insoluble. On sait seulement qu’elles sortent du fond de l’espace pour suivre une course capricieuse, qui leur est propre, qui échappe aux lois de la gravitation.

Depuis les temps historiques, on n’avait aperçu que deux ou trois de ces corps mystérieux. Aussi l’apparition de cette nouvelle étoile rouge devait-elle causer une énorme émotion. Dès le lendemain de la réception du télégramme, des milliers de télescopes se braquaient dans la direction indiquée. Malgré la puissance de leurs instruments, les astronomes d’Europe et d’Amérique ne pouvaient obtenir les mêmes résultats que leurs confrères des Himalaya, dont l’observatoire était situé à 7,000 mètres d’altitude, dans un air raréfié.

Enfin, l’Observatoire du Mont-Blanc, supérieurement outillé, put découvrir à son tour l’astre mystérieux, par le moyen de la photographie céleste. Sa position fut nettement déterminée : il se trouvait à mi-distance entre la tête du Dragon et la constellation de la Lyre, et se dirigeait lentement vers le Sud-Est.

Dans tout, l’univers, les astronomes entreprirent de déterminer l’orbite de la nouvelle étoile, œuvre difficile, en raison de sa marche lente à travers les espaces. Ce fut encore l’Observatoire international des monts Himalaya qui tira les savants d’embarras.

« L’Étoile rouge n’a pas d’orbite. Elle se dirige en droite ligne sur le soleil. »

Tel était le libellé du télégramme.

Quelques jours plus tard, une nouvelle dépêche ajoutait :

« L’Etoile rouge se meut à raison de trente kilomètres à l’heure. Sa vitesse s’accroît constamment à mesure que l’astre se rapproche du soleil. »

Personne, dans le monde entier, ne s’émut outre mesure de cette annonce, — personne, sauf le professeur Barret, directeur de l’Ecole de Physique de Sèvres. Cet établissement, devenu rapide- ment fameux dans les deux mondes, était installé d’une façon idéale. Rompant avec une routine archi séculaire, son constructeur avait creusé dans les coteaux de Sèvres une immense salle souterraine et des caves de dimensions et de niveaux différents. C’est là que s’exécutaient les expériences du professeur Barret, dans des conditions d’isolement et d’égalité de température qu’une école « à fleur de terre » n’aurait pas assurées.

Dès qu’il apprit l’apparition d’une Étoile rouge, le professeur s’alarma.

Il rassembla ses collaborateurs, et sous le sceau du secret leur expliqua que, selon lui, la chute de l’Étoile obscure dans le soleil, qui se produirait en décembre ; prochain, serait marquée par une énorme augmentation de la lumière et de la chaleur émises par le soleil. La surface de la terre serait alors soumise, pendant un temps plus ou moins long, à une action comparable à celle d’un verre grossissant qui, par la concentration, en un même point, des rayons solaires, peut brûler le bois et fondre le fer.

« Je souhaite que mes pronostics soient faux, conclut le professeur en s’adressant à ses collaborateurs. Mais tout me porte à croire que le déluge de feu qui nous menace détruira, sur la surface de la terre, la vie organisée et l’oeuvre des hommes. Les régions polaires ne seront pas exposées au déluge, car le soleil ne les éclairera pas au moment de la collision ; i mais il est à craindre qu’elles ne subis isent certains effets rétroactifs, tout aussi meurtriers. »

Il fut convenu que, plusieurs jours avant la catastrophe, les collaborateurs et les amis du professeur, avec leurs familles, se réfugieraient dans les caves et souterrains de l’École de physique. Et une terrible anxiété s’empara du savant : mettrait-il l’humanité sur ses gardes en rendant publiques ses conjectures ? Où, puisqu’il était impossible de sauver tous les humains, ne valait-il pas mieux les laisser dans l’ignorance?

Il se décida à parler : d’après les lois de l’astrophysique, la chute de l’Etoile, rouge dans Je soleil devait causer une augmentation de la radiation, qui atteindrait son maximum le troisième jour suivant ; la chaleur serait ensuite anormale pendant plusieurs semaines.

En conséquence, il conseillait d’organiser dès à présent la défense, de couvrir de matières incombustibles les parties des maisons susceptibles de prendre feu,et d’enfermer dans les caves la nourriture et les vêtements. La prédiction fut accueillie avec scepticisme et des savants condamnèrent les théories du professeur Barret. Le soleil, qui existait depuis des millions d’années, était immuable!

Cependant, l’Étoile rouge commençait à être visible à l’œil nu. Deux mois avant la catastrophe, les astronomes de l’Himalaya en fixèrent la date d’une façon précise : elle se produirait le 12 décembre, après que le soleil se serait couché en Europe, et pendant qu’il brillerait au-dessus du continent américain…

Et la vague anxiété qui s’était manifestée dès longtemps dans l’univers dégénéra bientôt eu panique : enfin, l’aurore du 12 décembre se leva. Les plus courageux se réunissaient par groupes sur les places publiques, et, avec des verres fumés, suivaient la marche fatale de l’Étoile rouge, qui s’approchait rapidement du soleil. Mais le jour tomba sans qu’aucun phénomène se fût produit dans le ciel. Et l’Europe respira : les astronomes s’étaient peut-être trompés ! L’astre fatal était peut-être passé au centre de notre système, sans y tomber !…

La télégraphie sans fil dissipa cette espérance. Les Américains mandaient les nouvelles au fur et à mesure. — On avait vu l’astre mystérieux tomber sur le soleil, s’y enfouir. — Le soleil s’était obscurci en partie, et, un moment plus tard, sa surface avait bouillonné. — La chaleur avait augmenté brusquement, et nombre de maisons s’étaient enflammées.

— New York, Chicago, toutes les villes, grandes ou petites, étaient en feu…

Un peu plus tard, autres nouvelles : une tempête d’une violence inouïe s’était abattue sur l’Amérique, et des torrents de pluie avaient éteint l’incendie des villes. — Le vent avait bientôt acquis une telle force que les toits étaient emportés; les maisons s’écroulaient… »

L’Europe comprit enfin le danger ! Demain, elle éprouverait les mêmes cataclysmes ! Et toutes les personnes valides, dirigées par des citoyens énergiques, entreprirent de se défendre contre le fléau. La nuit s’écoula au milieu de préparatifs fébriles. Les toits et les murs des maisons combustibles furent couverts de laine mouillée, et toutes les pompes disponibles furent mises en batterie.

Dès que le soleil eût surgi de l’horizon, le thermomètre monta d’une façon épouvantable : la nuit — une nuit de décembre — avait été glaciale, et, dès huit heures du matin, on enregistrait 40 degrés ! A dix heures, les thermomètres placés à l’extérieur des maisons marquaient 70 degrés, et des milliers de gens tombaient dans les rues, frappés d’insolation. Vers une heure de l’après- midi, ce fut la température de l’eau bouillante, et, dans les faubourgs de Paris, de nombreuses maisons prirent feu.

Mais, de même qu’en Amérique, une tempête vint déverser des torrents d’eau sur les villes incendiées. Des nuages épais, Fermés par les amas de vapeur brusquement produite, s’interposèrent entre la terre et le soleil, et l’humanité respira.

Si le soir procura un soulagement physique, les tortures morales augmentèrent à mesure que la nuit s’avançait. Tout d’abord, le spectacle du coucher avait rempli tous les cœurs de désespoir : quand il commença à toucher l’horizon, le soleil sembla grossi huit ou dix fois, et il mit une heure à disparaître. Le spectacle devint terrifique. Du côté du l’Ouest, le ciel s’empourpra et la nuit se fit plus claire qu’un jour ordinaire. Des flammes, longues de milliers de lieues, jaillirent à l’horizon et atteignirent le zénith.

C’était une fantastique aurore boréal. Barret, en observation à la porte de fer de l’école souterraine, expliqua ce qui se passait à ses collaborateurs et élèves, réunis auprès de lui. L’Étoile rouge, tombée au centre du soleil, se dissolvait, comme un corps métallique dans un creuset chauffé à blanc. Il devait se produire une énorme expansion de gaz qui provoquait une explosion colossale et projetait des jets de flammes, si démesurément longs qu’ils rayonnaient avec une vélocité prodigieuse dans toute l’étendue du système solaire.

Bien avant minuit, les communications avec l’Amérique avaient cessé; les derniers mots transmis par le courageux opérateur de New York exprimaient un profond désespoir, et l’on comprit bientôt que la mort avait interrompu la communication!

On le comprit clairement aux nouvelles transmises du Japon, de Chine, d’Australie, des Indes. A mesure que le soleil passait sur ces régions, elles se transformaient en plaines de feu, en champs de dévastation. Et l’Europe sentit que, cette fois, la lutte serait vaine : c’était la fin du monde, tant de fois prédite, mais qui serait demain une épouvantable réalité!

Il était trois heures du matin lorsqu’on vit surgir à l’horizon» vers l’Est, des jets de flammes, d’une teinte sinistre qui grandirent rapidement, et s’épaissirent, annonçant la venue de l’ancien bienfaiteur, devenu le destructeur. Vers sept heures, il apparut si gigantesque que son lever dura une heure. Mais, dès le premier rayon, la mort avait déjà déployé ses ailes sur le vieux monde. Du judas de leur porte de fer, à mi-pente des coteaux de Sèvres, le professeur Barret suivait la marche du fléau.

Dès huit heures, des colonnes de fumée noire s’élevaient de tous les quartiers de Paris ; sous la pluie de feu que le soleil déversait, les maisons prenaient feu instantanément.

A onze heures, Paris n’était plus qu’un lac de feu, au-dessus duquel, semblables à de gigantesques torches, flambaient les charpentes des églises et des clochers. Seule, devant cette épouvantable catastrophe, l’Arc de triomphe et la Tour Eiffel demeuraient encore debout.

Du milliard d’êtres humains qui peuplaient la veille la surface de la terre, il ne restait plus que quelques familles, enfouies dans un souterrain de Sèvres, et qui repeupleraient la terre après ce déluge de feu, comme la famille de Noé selon le récit biblique, l’avait fait jadis, après le déluge d’eau.

 

C’est un savant astronome américain, M.Simon Newcomb, qui, en un récit palpitant, que je me suis borné à traduire en le résumant, nous fait cette désagréable prophétie. Souhaitons qu’elle ne cause d’insomnie à aucun des nombreux lecteurs du Journal des Voyages, à ceux-là surtout qui auront gardé souvenir d’un article paru l’an dernier en ces mêmes colonnes sur le Déluge de Glace. Notre but n’est pas d’épouvanter. En passant en revue, successivement ces grandes hypothèses scientifiques que d’aucuns considèrent comme des possibilités, nous entendons diriger l’attention des lecteurs vers des sujets d’étude qui, certainement, les passionneront.

Victor Forbin

 

 

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