Parce que « Sur l’autre face du monde » sert aussi à promouvoir les collections dynamiques ayant un lien avec les littératures dites « populaires»et que le rôle d’un blog traitant de l’imaginaire sous toutes ses formes permet de découvrir de jeunes talents dont il faut encourager l’inspiration. Une fois n’est pas coutume, je vais aujourd’hui vous parler de la toute dernière « créature» des laboratoires interdits du « Carnoplaste » où il se passe vraiment de drôles de choses.
Il fallait une certaine audace, pour écrire un roman atypique dont les héros seraient…des catcheurs Mexicains ! Culturellement il faut reconnaître que nous ne sommes pas habitués à ce genre de personnages, et même si le catch est entré depuis de nombreuses années dans l’horizon télévisuel Français, il n’en reste pas moins relativement confidentiel et réservé à une minorité de passionnés. Actuellement, avec les cartes à collectionner, la tendance aurait toutefois une certaine tendance à s’inverser.
Pour les amateurs de curiosités et de pellicules « décalées » que nous sommes, cette figure emblématique au Mexique est pourtant bien implantée dans notre mémoire du cinéma « Bis », grâce aux célèbres exploits du fameux « Santo, el enmascarado de plata » à savoir « « Santo, l’homme au masque d’argent ». Bien qu’il n’y ait pas pire déshonneur pour un lutteur masqué que de se faire enlever sa cagoule et révéler ainsi son identité, ce dernier pourtant sera identifié et reconnu sous les traits de Roberto Guzman Huerta.
Santo, est devenu rapidement une idole dans les années cinquante et les premiers films « Santo contra el cerebro del mal » et « Santo contra los hombres infernales » marquèrent les premiers jalons d’un succès qui n’aura de cesse d’aller grandissant. Après « Santo contra los zombies » en 1961, le ton fut ainsi donné et de lutteur professionnel, notre mystérieux homme au masque d’argent, va s’employer à lutter contre le mal sous toutes ces formes : La naissance d’un nouveau vengeur masqué !
Il faudra attendre 1962 pour admirer en France les exploits du « Luchadore » avec ce film au titre trafiqué de « Superman contre les femmes vampires » (Superman étant plus accrocheur que « Santo » inconnu en France) pour ensuite en 1967 admirer de nouveau ses exploits dans « Santo et le trésor de Dracula » de René Cardona. En France, tout comme en Angleterre, le vampirisme est une affaire de tradition. Par la suite cette illustre figure va s’associer avec une de ses adversaires de ring « Blue démon ». Les aventures vont ensuite se succéder, les adversaires seront de plus en plus horribles et repoussants, cette figure emblématique du cinéma Mexicain devient une légende vivante qui va ainsi perdurer pendant de nombreuses années. Il affrontera tout à tour des vampires, des zombies, des momies, des extra terrestres….tout le panthéon de la littérature fantastique et ce pour notre plus grand plaisir. Un mythe à figure humaine qui fut enterré à ce qu’il parait, avec son fameux masque d’argent. De nos jours, cette figure emblématique vient d’être ressuscité sous les traits de Jack Black dans un film hommage, un peu trop parodique à mon goût :« Super Nacho »
Fidèle à toute une tradition, notre ami et « Savanturier » Julien Heylbroeck, avait déjà eu l’occasion de mettre en valeur ses mystérieux lutteurs cagoulés, dans un blog des plus sympathique qui déjà annonçait les prémisses de cette folle aventure. J’ai toujours eu une attirance pour ces personnages un peu hors normes, qui nous semblent en dehors du temps et de l’espace, représentation d’un monde qui peut sembler au commun des mortels ,ringard et outrancier mais qui se révèle riche et passionnant, répondant à des codes bien précis, des valeurs que rien ni personne ne pourraient remettre en question.
Car dans le fascicule « Green Tiburon contre la pieuvre carnivore de Santa Sangre », l’auteur nous propulse dans un monde qui nous semble bien réel, où les héros évoluent dans des décors crédibles et dont la présence ne semble pas perturber les populations. Bien au contraire, il font partie intégrante du décor et se balader ainsi en collant, cape et masque vous donnant l’apparence du « Dr Rictus », n’affole ni les ménagères, ni les petits enfants. Toute la « cohérence » de ces aventures, vient du fait que le monde qui nous y est décrit repose sur des règles qui nous sont familières, si ce n’est l’intrusion d’un monde fantastique, venant rompre ainsi l’équilibre du cour normal des choses.
Le petit archipel de « Los Murcielagos » (les chauves souris, tout un programme…) semble être, à l’image de la nouvelle Angleterre de Lovecraft, « le carrefour de l’ étrange « ( petit clin d’œil à un blog que j’affectionne tout particulièrement). Une sorte de porte ouverte sur une autre dimension, une dimension de cauchemar bien entendu, prête à chaque instant à vomir ses légions infernales sur la terre. Ainsi, dans cette spirale diabolique qui se nomme « L’espirale grande » en fonction de leurs humeurs ou d’un calendrier cosmique échappant à l’entendement humain, de temps à autres des « Jobbers » ( nom attribué aux dites créatures)s’octroient une petite visite, histoire de faire un peu de tourisme. Bien évidemment il n’est pas question pour eux de prendre des photos comme souvenir, mais de mâchouiller quelque peu leurs modèles, de semer la confusion et la folie dans les cervelles dociles des habitants ou de pervertir quelques illuminés de façon à édifier temples et sectes à la gloire des entités du « dehors ».
Le héros du jour, « Green Tiburon » est un habitué de ce genre d’affaire, car, comme je vous le disais plus haut (tant pis pour ceux qui ne suivent pas), il a déjà affronté ces redoutables créatures. Il connaît leurs points faibles et l’on découvre avec stupéfaction que la seule manière de combattre ces monstruosités, c’est de leur arracher une sorte de pierre qu’elles portent entre les deux yeux. Pas d’armes, pas d’incantations, rien que du combat rapproché et l’on se doute à présent, la raison de l’utilisation de « Lutteurs » dans ce type de missions.
Aidé par son ami « Black Torpedo », « Sangre Negro » et « Atomico Cerebro » ( un catcheur cyborg »…mon préféré) « Green Tiburon » va devoir affronter une secte infernale, rejetons d’une pieuvre carnivore aux appétits féroces. Une confrérie d’encapuchonnés, dont les visages ne sont pas à proprement parler des faces de porte bonheur. Tout cela à un fort relent de poisson pas frais et de marée pestilentielle et les fans du solitaire de Providence apprécieront l’hommage qui lui est ici rendu.
Toutefois, si l’on sent tout l’amour que Julien Heylbroeck porte à ses classiques, il n’en reste pas moins que son écriture reste originale, inventive et souvent drôle et l’on assiste « médusé », histoire de rester dans l’ambiance, aux exploits parfois hilarants de cette bande de vengeurs hors du commun. Les rencontre y sont souvent improbables et je dois avouer que le Professeur Gonzales attire toute ma sympathie avec son fameux « Transcyclotron mémospatiotemporel ». Appareil improbable qui fera date dans le guide des inventions et même G.de Pawlowski dans son célèbre « Inventions nouvelles et dernières nouveautés » (Bibliothèque Charpentier 1916) n’y avait pas songé. Imaginez le concept :
« Son Transcyclotron spatiotemporel projette l’âme de la personne à une époque précisément programmée d’une de ses vies antérieures, et donc lui permet de voyager dans le temps. Le sujet remplace alors cette âme dans une sorte de projection physico-spirituelle. Le voyage dure le temps d’un rêve. »
Une machine à désincarner, puis réincarner une âme…fallait y penser ! Il y a vraiment de drôles de paroissiens qui hantent les couloirs du « Carnoplaste ».
Notre ami cagoulé, fera les frais de ce voyage temporel assez particulier, et je vous laisse découvrir la finalité de cette expérience peu banale. La suite des événements sera tout aussi réjouissante avec un affrontement des plus spectaculaire lors d’une attaque massive de morts-vivants et la confrontation finale avec le « Boss » en personne et là aussi, l’auteur nous réserve quelques petits moments d’anthologie.
Au final, pour un coup d’essai, c’est un coup de maître, car dans son délire l’auteur nous plonge dans un univers référentiel qui, loin d’alourdir la technique narrative et l’utilisation de temps à autres de termes propres aux « Luchadores », rend bien au contraire la lecture plaisante et même passionnante. Les scènes d’action sont toujours bien enlevées, avec un sens du rythme des plus adapté. Le pari de nous faire vivre de la sorte des aventures mettant en avant des personnages aussi décalés n’était pas gagné d’avance, et contre toute attente, il apporte très sincèrement une touche unique et « exotique » supplémentaire à cette aventure dont la thématique, à ma connaissance, n’a jamais abordée dans la littérature de l’imaginaire.
Dans ce lieu géométrique de toutes les terreurs, Julien Heylbroeck, contribue de façon singulière, délirante et drôle, à édifier un peu plus haut l’édifice de la littérature fantastique, avec un style original et personnel. Décidément « Le Carnoplaste éditeur de fascicule » semble une fois de plus confirmer son goût pour les héros en marge de ce que nous avons l’habitude de lire. Dans un contexte actuel de personnages stéréotypés, comme il est agréable et délicieusement sulfureux de tenir entre nos petites mains fébriles, de curieuses et bariolées brochures où les auteurs n’hésitent pas à prendre des risques en sortant des sentiers battus, et nous offrir des personnages hauts en couleur qui feront date dans l’histoire des « Héros de l’ombre ».
A dévorer toutes affaires cessantes !
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