» Ce que sera une rue de ville dans cinquante ans » : Les rues seront, dans un demi-siècle, non seulement bien différentes de ce qu’elles sont maintenant, mais aussi bien différentes de l’idée qu’on se fait généralement des villes futures. La verdure y sera répandue à profusion, car la science de l’hygiène aura elle aussi fait des progrès, et l’air pur y circulera parmi les installations électriques, les terrains confortablement aménagés, les maisons tournant avec le soleil…
En exhumant cet article paru dans la très célèbre revue « Je sais tout » et datant du 15 Mars 1905 ( Numéro 2), je voulais vous monter une fois de plus, qu’en matière de prévisions et de spéculations, nos illustres ancêtres avaient une bonne dose d’imagination. Même si certaines « inventions » prêtent à sourire, force est de constater que certains projets ne manquent pas de charme et si, sur le papier certaines peuvent nous séduire, il faut avouer qu’à l’heure actuelle nous sommes loin des résultats escomptés.
Pourtant, le lecteur attentif ne manquera pas de remarquer quelques audaces incroyables en matière d’hygiène, de transport et de communication, même si cette dernière fait plus appel à une technologie provenant en droite ligne des romans d’un certain Albert Robida. Il faut également saluer la prise de conscience de l’auteur (dont il m’a été impossible de relever l’identité) sur le point délicat et très problématique des nouvelles sources d’énergie. Il faut dire qu’à l’époque le signe du progrès consistait avant tout chose à une évolution basée sur la source électrique.
Cet article met en évidence une certaine foi en la science et l’auteur avec une verve relativement optimiste pour ne pas dire naïve, espère un bouleversement total de nos habitudes et de notre mode de vie. Il aurait été souhaitable, à moins qu’il n’ai survécu jusque là, qu’il constate par lui même que certes la science à évoluée, mais pour assouvir l’esprit de domination de l’espèce humaine, en utilisant son génie créatif à des fins autres que pour le bien de l’humanité. Cet article rentre dans les fameuses rubriques ainsi définies « Chaque numéro de « Je sais tout » est divisé en 9 grandes rubriques qui embrasent l’ensemble des connaissances humaine et des événements universels ». Ainsi La première rubrique intitulée « Science et nature » dans son numéro 1 fut consacrée à « La fin du monde » et rédigé par Camille Flammarion (passionnant et illustré par de superbes compositions de H.Lanos). Suivront d’autres articles forts instructifs qu’il nous sera peut-être possible de découvrir dans les pages de ce blog.
Toutes les magnifiques compositions qui accompagnent cet article furent réalisées par H.Lanos
Les Découvertes De Demain
On peut s’attendre de la part de la Science à la réalisation de tous les miracles, et il n’est pas possible de prévoir tout ce qu’elle nous donnera. Du moins, peut-on envisager les découvertes qui sont en voie d’accomplissement, les découvertes de demain, et se figurer, moins avec de l’imagination qu’avec de la logique et du bon sens, les modifications qu’elles amèneront, d’ici une cinquantaine d’années au plus, dans le bien-être et la vie sociale de l’humanité. Pittoresque rêve que nous rêvons et que nos enfants vivront.
De tout temps, une instinctive curiosité, faite de je ne sais quelle nostalgie de l’inaccessible, a incité les hommes à se préoccuper autant du futur que du passé, et à essayer de se représenter d’avance ce qui pourrait arriver après eux.
Mais c’est surtout depuis que avènement de ce qu’on peut appeler la période scientifique, qui ne date guère que du XIXe siècle, a révolutionné l’univers et légitime, par une véritable explosion de merveilles, les plus audacieuses hypothèses, que les spéculations de ce genre ont pris définitivement l’essor, comme si, en vérité, elles traduisaient un état d’âme universel. Il suffit, au surplus, de rappeler les noms de Jules Verne, d’André Laurie et de Wells pour montrer quelle hauteur de vues et quelle popularité peut parfois atteindre cette littérature.
Malheureusement, presque toutes ces prophéties, en dépit (ou à cause) de leur ingéniosité, présentent un vice commun qui est de faire une part trop grande à la fantaisie et de tourner rapidement au mythe ou au roman- feuilleton. Il ne saurait en être autrement quand on envisage un avenir trop lointain pour pouvoir être rattaché par un fil solide aux certitudes du présent. Opérant ainsi dans l’inconnu, force est bien de lâcher la bride à l’imagination, aux dépens de la probabilité, et de réduire la thèse scientifique à n’être plus que l’assaisonnement de la fiction.
C’est à un tout autre point de vue, plus modeste, mais moins illusoire, que je voudrais me placer. Mon ambition se borne à essayer de pronostiquer les progrès immédiatement réalisables, quoique non encore réalisés, ceux qui, en un mot, sont « dans l’air » et s’annoncent comme le complément logique des progrès actuellement accomplis.
Comment iront les choses dans un demi- siècle, mettons pour préciser une date, vers 1950, ce qui ne fait que quarante-cinq ans? Il est permis de penser que la majorité de mes lecteurs auront la possibilité de vérifier par eux-mêmes si j’avais deviné juste. Quarante-cinq ans, au demeurant, n’est-ce pas plus que suffisant pour transfigurer la face du monde?
Je n’ai point, bien entendu, l’outrecuidante précaution de tout dire, ni d’éclairer tous les points obscurs. Il est, par exemple, certaines découvertes qui échappent, par leur nature même, à toute prévision. Ce sont celles qui éclatent à l’improviste, presque sans préparation, comme un coup de tonnerre dans un ciel serein : témoin, par exemple, la découverte des rayons X, et celle de la radio-activité. Il n’est point impossible que quelque Rœntgen ou quelque Curie mette inopinément la main sur une force encore inconnue, sur un élément insoupçonné, dont la possession transformerait du jour au lendemain les conditions essentielles du travail et de la vie. Mais les trouvailles de ce genre comportent une telle proportion d’imprévu que je préfère confesser d’avance mon impuissance à leur endroit. Il va de soi que mon effort divinatoire se limitera aux grandes lignes, au dessin général, en négligeant les détails, qui auraient pourtant leur importance.
La science enrayera les grandes disettes vers lesquelles s’achemine l’humanité.
La première question qui s’impose à l’esprit est celle de l’alimentation, à laquelle toutes les autres sont nécessairement subordonnées. Il s’en faut qu’elle soit aussi oiseuse qu’elle peut en avoir l’air aux yeux des observateurs superficiels ou des professionnels de l’optimisme. William Crookes n’a-t-il pas soutenu naguère que tout au moins les populations qui se nourrissent de blé (le tiers de l’humanité, à vrai dire, et le tiers le plus intéressant pour nous, puisque nous en sommes) étaient menacées d’une inéluctable disette? Heureusement, Crookes avait exagéré. Tout d’abord, la superficie des terres fertiles est, en réalité, beaucoup plus étendue qu’il ne l’avait cru. Mais ce n’est là que le petit côté de la question.
On a pu affirmer que la France, à elle seule, était capable de nourrir sur son propre fonds, cent millions d’habitants. Or, ce qui n’était jusqu’ici qu’une théorie platonique ne va pas tarder à entrer dans la pratique courante. L’industrialisation de l’agronomie, si empirique et si rudimentaire encore, le perfectionnement indéfini des machines et des procédés agricoles, la collaboration des chimistes et des électriciens, l’irrigation méthodique, la sélection rationnelle des semences, la substitution surtout de la culture intensive à la culture extensive auront tôt fait d’accomplir ce miracle, sous les espèces de récoltes monstres, cinq ou six fois supérieures aux misérables moyennes de 12 à 18 hectolitres à l’hectare escomptées par W. Crookes.
La terre, en d’autres termes, sera un instrument docile et souple entre les mains de l’homme, qui la façonnera à sa guise, au lieu d’être son esclave et de subir sa loi. Son rendement sera devenu indépendant de son exposition, de sa fertilité naturelle, voire de son étendue.
Point même n’est besoin de rêver de méthodes extraordinaires. Il aura suffi d’appliquer systématiquement à la grande culture les procédés qui permettent à certains maraîchers de produire des centaines de tonnes de légumes à l’hectare. C’est que, positivement, ceux- là font leur terre, dont ils règlent à volonté non seulement la teneur en sels minéraux et en sucs fécondants, mais l’état physique, la température, l’hygrométrie. Ils la font si bien que son niveau s’exhausse chaque année de deux ou trois centimètres, et qu’ils l’emportent avec eux, tel un meuble, quand ils déménagent.
On finira par comprendre que ce qui réussit pour les choux et les carottes, les asperges et les tomates, peut aussi bien réussir pour les fourrages et les céréales, dût-on y mettre les mêmes soins minutieux qu’en horticulture, et faire intervenir les châssis vitrés et les thermosiphons, sans parler de l’électricité atmosphérique, tellurique ou industrielle, statique ou dynamique, sous forme de courants, d’effluves invisibles ou de rayons lumineux. Les capitaux, les intelligences et les bras s’étant, de force ou de gré, orientés de ce coté, chaque champ sera organisé comme une usine machiné comme un décor de féerie, ou plutôt comme un laboratoire.
L’agriculture s’affranchira des servitudes météorologiques elles-mêmes. Maîtresse du sol et de la température, elle le sera de la production végétale, dont elle aura appris à discipliner les exigences géographiques. Pas plus pour le blé que pour les primeurs ou les lilas, il n’y aura plus de latitude, ni de saisons. Peut-être, en 1950, n’aurons-nous pas encore atteint cet âge d’or où, dans l’agriculture comme dans l’industrie, l’art se sera substitué partout à la nature, mais nous en toucherons le seuil, et le meilleur des efforts de l’humanité laborieuse convergera vers ce but.
En 1950, l’homme sera en grande partie maître des variations atmosphériques
Faute de pouvoir encore gouverner souverainement les caprices du ciel et de l’atmosphère, nous saurons au moins les prévoir, dans une certaine mesure, et prendre nos dispositions en conséquence. C’est que les travaux de Norman Lockyer, de Zenger, de Th. Moreux, sur les taches du soleil et leur influence sur les vicissitudes terrestres, en fonction des latitudes, de l’exposition et du relief du sol et de la configuration des continents, auront porté leurs fruits. On pourra connaître à l’avance, au moins dans les grandes lignes, le temps qu’il fera, et, suivant les circonstances, se mettre sur la défensive ou prendre l’offensive contre les intempéries annoncées. Grâce à un système de paratonnerres conjugués recouvrant la campagne, hérissée de hautes pointes métalliques, formant une sorte de cage de Faraday, on écartera les orages, en soutirant en douceur l’électricité atmosphérique. Toute une artillerie pacifique, commandée par un réseau de stations de télégraphie sans fil, avec accompagnement de projectiles gazeux et de cerfs- volants ou de ballons bondés d’explosifs, sera chargée tour à tour de provoquer la pluie ou de dissiper la grêle. On préviendra de la même façon les gelées nocturnes, à l’aide des nuages artificiels provenant de bûchers dont l’allumage se fera automatiquement par l’intermédiaire de thermomètres à renversement. La protection des récoltes sera devenue un véritable service public, comme l’entretien des routes. Il n’est pas jusqu’aux cyclones, qui, dans les régions exposées à ce fléau, ne trouveront sur leur chemin les pièges détonants dont l’idée première appartient à Turpin.
Les climats les plus extrêmes auront du reste singulièrement perdu de leur hostilité. Je doute qu’on ait encore réussi, comme le proposa jadis Babinet, à canaliser le Gulf Stream, mais, par contre, l’habitude se sera inaugurée d’amener à la remorque des régions polaires d’énormes glaces flottantes jusque dans nos ports et nos rivières et de les y laisser fondre lentement, histoire de rafraîchir l’ambiance, par les temps de canicule. Le reboisement des montagnes et la mise en exploitation du Sahara et d’autres territoires désertiques, transformés en écu- moires aquifères par d’innombrables puits artésiens, parsemés d’oasis artificielles, recouverts d’eucalyptus, de casuarinas, de tamaris, etc., auront d’ailleurs suffi à régulariser le régime des eaux et à rétablir l’équilibre climatérique universel.
Comment, dira-t-on peut-être, réaliser de tels miracles? Comment, surtout, asservir la force végétative, si, comme l’a prédit M. Crookes, l’azote vient à faire défaut ?
La réponse est facile. Avant que les gisements inexploités des nitrates du Sahara et de l’Adrar, dont Jacques Lebaudy aura été l’un des premiers à pressentir la richesse, aient achevé de s’épuiser, il y aura bel âge qu’on aura créé tout le long des découpures du littoral, des kilomètres carrés de goëmonnières artificielles, susceptibles de fournir assez de ce fumier d’algues marines, si riche en azote, pour défrayer les besoins croissants de l’agriculture intensive.
Ce qui n’aura pas empêché de poursuivre parallèlement la culture méthodique des microbes nitrificateurs, et la fabrication, avec leur concours, aux dépens de l’azote atmosphérique, d’engrais tels que la « nitragine » et l’« alinite »…
En vérité, je vous le dis, les plus pessimistes n’auront plus, en 1950, à redouter de manquer d’azote, car ils en auront sous la main, par la grâce de la science, un stock inépuisable.
Sans compter que l’arsenal alimentaire de la famélique humanité se sera singulièrement enrichi d’ici là. Non seulement, l’augmentation de rendement de certains produits, et la création par sélection, croisement et acclimatement, de certaines espèces nouvelles, telles que » la pomme de terre de l’Uruguay « , donnant des 50 et 60.000 kilogrammes de pommes de terre à l’hectare, auront accru ses ressources dans des proportions invraisemblables, mais nombre d’aliments exotiques, les fruits de l’arbre à pain, le taro, les ignames, le manioc, la banane surtout, dont la valeur nutritive est si grande que Stanley l’avait baptisée «la manne de l’avenir», seront entrés dans la consommation cosmopolite. On aura organisé, d’autre part, d’une façon rationnelle et systématique, la pisciculture et la piscifacture, repeuplé nos rivières, attiré, ensemencé, fixé le long des côtes, à côté des homards de Terre-Neuve, les harengs de la mer du Nord, les sardines et les thons du golfe de Gascogne, les morues d’Islande, tout un monde de poissons comestibles.
La chimie, de son côté, ne sera pas restée inactive. Elle n’aura pas encore peut-être franchi l’étape célébrée par Berthelot, après laquelle l’agriculture traditionnelle n’aura plus de raison d’être, toutes les substances alimentaires, solides ou liquides, pouvant être créées de toutes pièces dans le laboratoire, à l’aide d’éléments directement empruntés à l’air et à l’eau.
Elle aura déjà réalisé la synthèse du sucre, de l’alcool, et de la plupart des corps gras, dont la préparation, sans aucun emprunt au règne animal ni au règne végétal, relèvera de l’industrie banale. Elle aura également exprimé la quintessence de la viande, du lait, des œufs, des plantes alimentaires, de façon a faire entrer dans la consommation courante la série des extraits, poudres et sucs supranutritifs, dont la lécithine et la maïsine peuvent nous donner dès aujourd’hui l’avant goût, et réduire ainsi l’encombrement et travail de l’appareil digestif.
Nul besoin d’avoir pâli sur le problème pour pressentir que, dans cinquante ans, notre mode actuel de voyager sembler plutôt barbare à nos héritiers.
llustration une: « Le Téléphote ou Télétroscope »: Non seulement on pourra se parler à distance, ce qui n’est maintenant banal pour nous, mais on pourra par une ingénieuse transmission des ondes lumineuses, se voir à travers les murs et les espaces et se donner m^me la sensation d’un contact direct comme celui d’une poignée de main.
Illustration deux: » Le journal quotidien de l’avenir » : Au lieu de lire les journaux, la foule n’aura qu’à lever les yeux. Elle verra les événements dans leur propre réalité se dérouler sur le champ éblouissant d’un cinématographe alors que de véritables batteries de phonographes lui feront entendre ce qui sera digne d’être entendu
Comment les hommes voyageront-ils dans un demi-siècle ?
Y aura-t-il encore des chemins de fer ? Oui, sans doute mais combien transformés La passion de la vitesse n’ayant fait que croître e: embellir, il ne faudra plus pour satisfaire le public d’allures moindres de 200 à 250 kilomètres à l’heure; on ira donc de Paris à Marseille en moins de quatre heures Seulement, ce sera en roulant sur un fil aérien. Les chemins de fer de l’avenir, en effet, seront électriques,suspendus et monorails, sans autre contact avec le plancher des vaches que le pylônes métalliques supportant les câbles conducteurs Nuls obstacles ne les arrêteront, pas même les villes puisqu’ils passeront, le cas échéant, par-dessus. Ils enjamberont également, d’un saut, les fleuves et les bras de mer… Un autre moyen de franchir le Pas de Calais, ou d’autres détroits ,sans craindre le mal de mer, sera le bateau sous-marin, se halant électriquement le long d’un câble immergé.
Cette application des bateaux sous-marins ne sera pas, du reste, leur seul emploi extra-militaire. Ils serviront également à la pèche du corail, des éponges et des perles, au relèvement des épaves noyées, à l’inspection des passes et des fonds, à toutes les variétés d’explorations et d’opérations au-dessous de la surface de l’eau.
Ce seront des chemins de fer économiques, d’un débit énorme, car les départs se succèderont, jour et nuit, à courts intervalles, aussi peu encombrants que possible, voire mobilisables, rien n’empêchant de les déménager à peu de frais, lorsque l’ancien trajet aura cessé de plaire. Ils seront réservés aux correspondances, aux colis postaux, aux denrées altérables, aux voyageurs pressés, a tous les colis, vivants ou non, ayant besoin d’aller vite. Les vieilles voies ferrées sur lesquelles circuleront de véritables maisons roulantes, serviront au transport des marchandises lourdes et qui peuvent attendre, et aussi des gens qui préfèrent le confort à la rapidité.
Entre les stations intermédiaires que des servent aujourd’hui les trains omnibus et les diligences, les communications seront assurées par un système complet de tramways électriques, mais surtout par des omnibus automobiles, électriques, bien entendu. Des voitures automobiles ! Il y en aura partout, jusqu’au fin fond des campagnes les plus reculées…
On créera pour elles des pistes spéciales, comme il y en aura pour les bicyclistes et les piétons. Etablies sur des modèles uniformes, elles seront excessivement simples, et se composeront de pièces interchangeables, faciles à remplacer n’importe où, comme on regonfle un pneu. De telle sorte qu’elles pourront être conduites, ni plus ni moins qu’un moteur à crottin, par le premier venu — l’apprentissage faisant partie intégrante de l’éducation générale — et que la fâcheuse « panne » sera réduite au minimum. Quand au danger de cette circulation intensive, il sera pour ainsi dire nul, toutes les voitures étant réglementairement munies d’un appareil avertisseur, signalant, proprio motu, les excès de vitesse, et même y mettant un terme d’autorité, toujours automatiquement, en actionnant les freins, au-delà d’un maximum déterminé. Il va de soi, d’ailleurs, que toutes les routes étant goudronnées ou pétrolées, ainsi que les rues des villes, la poussière ne sera plus que le souvenir confus d’un mauvais rêve.
La concentration des agglomérations urbaines dépendant de la commodité, du rayon d’action et de la capacité des moyens de transport, vers le milieu du XXe siècle, les villes tendront à devenir tout à la fois plus vastes et moins denses. La mode ne sera plus aux ruches de pierre dans lesquelles s’empilent aujourd’hui les multitudes. On commencera à voir éclore de toutes parts ces « cités-jardins » qu’on expérimente déjà en Angleterre, dont la généralisation ramènera vers la campagne l’exode des populations rurales. Le pays entier ne sera plus qu’une ville immense, ou plutôt un immense parc, semé de riantes villas, entourées d’arbres et de fleurs, avec, par ci par là, des agglomérations« ganglionnaires », où se concentreront les services publics, reliées entre elles par des trottoirs roulants, le téléphone automatique (permettant aux abonnés de converser directement entre eux, sans l’intermédiaire d’aucune « demoiselle »), le téléphote même ou télétroscope, qui leur donnera la possibilité magique de se regarder a distance à travers les murs, dans le blanc des yeux, tout un écheveau de pneumatiques pour les paquets, et de fils, non plus télégraphiques, mais. « télautographiques », les dépêches transmises s’inscrivant à domicile.
Là, les rues seront propres, grâce à la suppression de la poussière, la disparition des chevaux, à l’évacuation des ordures par des émonctoires souterrains où se feront toutes les besognes grossières : peut-être même seront-elles flanquées d’arcades couvertes, où l’on pourra circuler en tout temps. Elles seront saines, car elles seront lavées en permanence avec de l’eau de mer, naturelle ou artificielle, électrolysée, antiseptique, désodorisante et microbicide, dont la distribution à travers les égouts, les éviers, etc. assurera du même coup la désinfection des appartements. Plus de fumées, naturellement, d’abord parce que la consommation du charbon sera devenue presque insignifiante, et parce qu’on aura appris a utiliser en vase clos les moindres produits de la combustion ; plus de vapeurs ni de gaz toxiques; plus de miasmes.
Les maisons futures, merveilles de simplicité et de confort
Bâties à la mécanique à l’aide de machines à maçonner et de gabarits métalliques, les maisons se rapprocheront de plus en plus de l’idéal, du confort et de la salubrité.
Elles seront chauffées et éclairées à l’électricité, qui fournira également la force motrice nécessaire à la manœuvre des ascenseurs et des monte-charges, des machines a coudre et a tricoter, à laver la vaisselle et à cirer les chaussures, des ventilateurs, des balais pulvivores et des appareils pneumatiques poulie nettoyage des tapis. La cuisine s’y fera de même à l’électricité, sans odeur, cendres ni fumées, tandis qu’une circulation, réglable à volonté, d’eau chaude et d’eau froide, voire même, l’été, de gaz réfrigérants, y fera régner une température toujours égale. Pour les maniaques de la microbiophobie, il sera même possible de n’y faire pénétrer que de l’air préalablement filtré et stérilisé, qu’on renouvellera, comme dans les hôpitaux, au moyen d’air artificiel,chimiquement pur, provenant de la dissolution de pastilles aérogènes d’oxylithe, ou d’insufflations d’air liquide. (L’air liquide aura évidemment reçu d’autres applications. Il aura servi surtout à produire l’oxygène à un bon marche tel qu’il s’en sera suivi un véritable bouleversement dans la métallurgie, dans la préparation de l’acide sulfurique, du chlore, de l’ozone, des carbures métalliques, du gaz pauvre, dans la verrerie, l’industrie du froid, etc.)
Beaucoup de ces maisons seront du type dit « héliotropique » : ce qui signifie que, posées sur une plaque tournante, elles pourront être orientées au gré des habitants, de façon à présenter leur façade tour à tour du côté du soleil ou du côte de l’ombre, et a s’abriter contre le vent et la pluie.
Dans les cités-jardins de l’avenir, les conditions générales de la vie se seront modifiées aussi profondément que l’aspect extérieur des choses, non seulement en raison des transformations précitées de l’outillage et de l’aménagement, mais encore et peut-être surtout, en raison de la prodigieuse extension qu’auront pris le phonographe et le cinématographe, et dont se sera engendrée une véritable métamorphose dans des procèdes de correspondance, des méthodes d’enseignement, de la publicité, de la propagande politique ou religieuse, artistique ou commerciale, de la presse et du théâtre.
Je n’ai ni le temps ni l’espace, pour donner a Cette affirmation tout le développement qu’elle comporte, mais il suffit d’y réfléchir un brin, en tablant sur ce qui s’est fait, à ce point de vue, depuis quatre ou cinq ans, pour en avoir une idée approximative. Songer simplement que la voix humaine pourra être fixée et reproduite au moyen de phonogrammes de la taille et de l’épaisseur d’une carte postale, faciles a réunir en volumes, et qu’on pourra évoquer à tout instant, et que le cinématographe, agrémenté de la photographie directe des couleurs, permettra de faire revivre, avec toute la puissance suggestive d’une leçon de choses et d’un spectacle vécu, devant plusieurs milliers de personnes, n’importe quelle page de l’histoire d’hier et de celle d’aujourd’hui et même de demain. Songez que, d’ici dix ans, ces merveilles courront les rues, à la disposition des plus pauvres bourses, obsédant les oreilles et les yeux, et voyez tout ce qu’il pourra en sortir de révolutionnaire ! Reste le point le plus grave. Où prendre la colossale force motrice nécessaire à la mise en œuvre de tant de merveilles ?
Impossible, bien entendu, de compter comme nous 1’avons fait jusqu’ici, sur le charbon. Tout d’abord, en effet, les charbonnages tendent à s’épuiser d’autant plus rapidement que les exigences de l’industrie ne cessent de croître dans des proportions fabuleuses, sans que l’arrivée sur le marché de la houilles provenant des gisements encore vierges de l ‘Afrique et de l’Asie puisse combler le déficit. D’ailleurs, au fur et à mesure que le charbon va en se raréfiant, les difficultés d’extraction, les frais de transport, le coût de la main-d’œuvre, en rendront les prix de moins en moins abordables. Force sera donc de la ménager avec soin. C’est pour cela que les usines à gaz seront installées à la porte des charbonnages, d’où le gaz sera distribue a la ronde, voire même a de longues distances, sous pression, par des conduites souterraines. (L’industrie du gaz existera donc encore, maigre son inutilité apparenter1 Parfaitement! Seulement le gaz d’éclairage, le gaz proprement dit, ne sera plus qu’un sous- produit de l’industrie principale, celle des produits chimiques, matières colorantes, etc.. dérivés du goudron de houille.)
La houille blanche, la houille verte la houille bleue remplaceront la houille noire
D’autre part, l’on apprendra à utiliser de mieux en mieux les forces naturelles, et, en particulier, les forces hydrauliques. Malheureusement, la houille blanche, elle-même, n’aura qu’un temps, comme les glaciers d’où elle procède. On en viendra donc à mettre à contribution la houille verte, c’est-à-dire la force du courant des rivières ordinaires, qui finiront à la longue par être toutes aménagées en vue de la production et de la distribution de l’énergie. On commencera aussi à mettre a contribution, au moins sur certains points privilégiés, la houille bleue, c’est-à-dire la force des marées. Pendant ce temps-la, on verra se multiplier les moulins à vent, ou plutôt les turbines atmosphériques, s’orientant toutes seules dans le sens de la brise, et repliant automatiquement leurs ailes, aussitôt que la rafale dépassera une certaine vitesse à la seconde : ces machines serviront surtout à charger des accumulateurs, autrement dit à mettre de la force en bouteilles. Ce qu’on demandera aux accumulateurs, ce sera d’être robustes et résistants, et d’avoir un débit régulier et constant sous une grande capacité. Il y aura bel âge qu’on aura renoncé à l’utopie décevante, et d’ailleurs inutile, de l’accumulateur ultraléger, qui impliquait la découverte d’un nouveau corps inconnu… et improbable.
On utilisera également la détente des gaz liquéfiés et la déflagration des explosifs dont le nombre et la variété seront bientôt pour confondre l’imagination), sous la forme de chapelets, de pastilles fulminantes, mathématiquement calculées pour développer chacune une puissance déterminée.
Mais la grosse affaire, ce sera surtout l’avènement de la pile thermo-électrique, mettant réellement l’électricité à la portée de tous.
Rien n’empêche de croire que d’ici à quelques années, plus tôt peut-être, un homme de génie ne tourne les difficultés inhérentes à ce problème, à l’aide de subtils procédés physiques et chimiques, et ne mette à notre disposition un corps inédit, facile à trouver partout, facile à travailler, peu fragile et peu coûteux, qu’il suffira de chauffer par un bout, dans certaines conditions, à l’aide d’un procédé quelconque, fût-ce même avec une lampe à alcool, pour obtenir, à flux continu, des courants électriques industriels.
Dès lors, les conditions du travail seront transfigurées, puisque le rendement effectif de la chaleur du combustible sera portée, de 15 %, son maximum actuel, à 85 ou 90 %. C’en sera fait des machines à vapeur, des chaudières géantes et des dynamos, de tout cet attirail encombrant et compliqué. On construira, sans peine, des moteurs de toute taille et de toute puissance, actionnant aussi bien les locomotives et les paquebots de haut bord que le métier à broder familial. Il serait même possible à tout un chacun de chauffer et d’éclairer sa maison avec la chaleur perdue du fourneau de la cuisine, si, en 1950, il y a encore des cuisines et des fourneaux.
Ce sera d’autant plus facile, en ce qui concerne l’éclairage, que les lampes à incandescence, avec leur filament bête, auront vécu pour faire place à la lumière froide des tubes de Geissler perfectionnés, engendrée par phosphorescence des gaz raréfiés, restituant 70 ou 75 % de l’énergie dépensée.
Je ne parlerai que pour mémoire du froid artificiel, qui aura pourtant révolutionné de fond en comble, non seulement l’industrie de conserves et des denrées alimentaires, mai encore la pratique des laboratoires, l’hygiène publique et privée, la fabrication des produits chimiques, le fonçage des puits et tunnels, etc.
Telle est l’analyse, fatalement incomplète et défectueuse, de ce que, en partant de l’observation du connu, il est permis d’entrevoir du probable de l’économie industrielle, du travail et de la vie dans une quarantaine d’années. Il n’y a là dedans rien de « sorcier », le germe de toutes ces possibilités existant déjà dans ce que nous voyons autour de nous : il n’en faudra pas davantage, cependant, pour développer la puissance humaine.
Les hommes en vaudront-ils mieux? En seront-ils plus heureux? C’est une autre question, qu’il ne m’appartient pas de résoudre, ni même d’aborder. Peut-être cependant est- il permis d’espérer qu’en prenant de plus en plus conscience de la toute puissance relative à la science, en même temps que des difficultés de son œuvre, il auront appris la tolérance réciproque et la patience, c’est-à-dire ce qu’il y a de meilleur dans la philosophie.
» Une exploitation agricole en 1950 « : Tel sera dans une cinquantaine d’années , l’aspect étrange d’un champ d’exploitation. La culture intensive sera organisée partout avec une prodigieuse complexité de machines et d’appareils.
« Le chemin de fer de l’avenir » : Suspendus à des rails, les trains de voyageurs se précipiteront sans obstacles, à des vitesses inouïes
« Les futurs rivages de la mer « : Moulins, machines, turbines, appareils de toute sorte, tel sera l’aspect des bords de la mer dans moins d’un demi-siècle.
Le fils et l’épouse du Nyctalope sont placés en catalepsie et se retrouvent ainsi « projetés » dans notre avenir et plus exactement au XXII éme siècle. C’est le fourbe Mézarek ( c’est de famille) fils de Korrides et de la « Princesse rouge », déjà rencontrés dans les épisodes précédents , qui est l’auteur de cette vile forfaiture. Le Nyctalope pour se porter à leur secours n’aura pas d’autre solution que de suivre la même opération et va se retrouver lui aussi dans le futur de notre terre. Curieusement, chacun des deux « clans » adverses se retrouvent en possession respectivement de la moitié de la planète : L’hémisphère Nord pour Mézarek et son « Mondial, l’hémisphère Sud pour Léo de St Clair et son « Universal ». Dans un futur parfaitement cohérent et bien décrit, Jean de la Hire nous fait vivre la rencontre de ces deux ennemis jurés, d’une manière parfaitement convaincante et passionnante, une des rares aventures de l’auteur se déroulant à une époque aussi avancée.
La couverture du premier volume « Belzébuth » réalisée par Starace est une des plus belles de la série consacrée au Nyctalope.
- « Belzébuth » par Jean de la Hire. En feuilleton dans la revue « Le matin » .1930.
- « Belzébuth » par Jean de la Hire. Tome 1 Éditions Fayard « Le livre populaire » N° 261.1930. Illustré par Gino Starace
- « Belzébuth » par Jean de la Hire. Tome 2 Éditions Fayard « Le livre populaire » N° 262.1930.Ilustré par Gino Starace
- Réédition :
- « Belzébuth » par Jean de la Hire. Tome 1. Éditions D’Hauteville « Les grandes aventures du Nyctalope » N°12. 1954.
- « L’île d’épouvante » par Jean de la Hire. Tome 2. Éditions D’Hauteville « Les grandes aventures du Nyctalope » N°13. 1954. Illustration de Jeff De Wulf.
Gino Starace Versus Jeff de Wulf, de mon coté le choix est fait!
Astronome, physicien, inventeur, Samuel Pierpont Langley fut également un pionnier de l’aviation comme en témoigne le texte que vous allez découvrir ci-dessous. Fervent défenseur de la catapulte pour permettre à un plus lourd que l’air de décoller avec suffisamment de puissance, ces nombreuses tentatives ne se conclurent pas de manière satisfaisante le forçant ainsi à abandonner le projet.
L’illustration qui accompagne le texte de Wilfrid De Fonvielle, un habitué de ce genre de revues, fut réalisée par J.Beuzon et fait preuve d’une certaine « élégance ». Cette curieuse machine me fait plus penser à un « grand oiseau » du courant Steampunk, qu’à l’invention relativement hasardeuse d’un homme de science. Quoique ! À bien y réfléchir, bien souvent ce genre de spéculations scientifiques, furent les prémices d’inventions extraordinaires qui marquèrent à jamais le cour de notre histoire.
L’expérience relatée ici s’est déroulée au dessus de la rivière Potomac, l’appareil privé de train d’atterrissage devait en effet se poser sur l’eau. Si le texte que vous allez lire ne relève pas de la pure conjecture, il nous prouve si besoin en était, qu’en matière d’imagination les scientifiques ne manquent ni d’audace ni d’inventivité.
« Le grand oiseau Américain » de Wilfrid De Fonvielle . Dans la revue « Journal des voyages » du Dimanche 14 Février 1904.N°376.
Les géologues ont découvert quelque part, en Amérique, les restes d’un immense ptérodactyle, lézard volant des premiers âges. On s’est empressé de déclarer que c’était le plus grand oiseau, qui eût jamais existé. Cette articulation est fausse. En effet, celui dont nous représentons la pittoresque image est de dimensions encore plus extraordinaires.
Il est vrai qu’il n’a pas volé bien longtemps, car à peine s’il s’est soutenu tant bien que mal pendant une ou deux secondes, malgré la manière hardie dont on l’a lancé dans l’espace ! Que de fois le public sympathique à la conquête de l’air a assisté à un naufrage analogue! Le grand oiseau américain éprouve un sort trop commun dans l’histoire des folies aéronautique pour qu’il y ait lieu de s’en émouvoir.
M. Langlev, secrétaire de l’Institut Smithsonian, est l’inventeur de ce singulier oiseau artificiel dont l’élaboration a été très longue, car il y a peut-être vingt ans que M. Langley s’adonne avec un zèle infatigable à combiner une machine qui, par la puissance de ses muscles d’acier, triomphe de la pesanteur.
Que n’a-t-il eu l’heureuse idée de voyager dans cet océan atmosphérique dont il veut dompter les caprices ! Il aurait mieux compris la difficulté de la tâche à laquelle il se consacrait, il se serait aperçu qu’il y a des moyens plus doux, pour triompher de la plus brutale des forces naturelles.
Il dirige à Washington l’établissement scientifique le plus riche du monde : il a en outre à sa disposition les dons d’un grand nombre de millionnaires bien disposés pour contribuer au progrès des sciences ; c’est un physicien habile, qui n’épargne ni la peine ni les dollars et qui a l’habitude de faire grand. On voit, du reste; que son oiseau a été exécuté sur une échelle tout à fait gigantesque; la taille des hommes qui fuient épouvantés afin de ne point être écrasés par sa chute en donne la mesure.
La catastrophe s’est produite le samedi 14 septembre 1903, dans la baie de WideWater, sur le Potomac.
C’était un spectacle étrange de voir cette masse énorme se détacher rapidement de l’immense tour de bois qui flotte là-bas dans le lointain, puis, à peine en l’air, piquer une tête d’une façon si désordonnée, si déplorable. On eût dit que l’oiseau désespéré faisait des signes de lamentation en se précipitant malgré lui dans l’eau du grand fleuve.
Quoiqu’il n’y eût pas eu mort d’homme, la catastrophe était réellement dramatique. En effet, il y avait mort d’idées. Les journaux américains ont rapporté que, désespéré, M. Langley était parti pour l’Europe ! Quelle différence avec le triomphal voyage de M. Santos-Dumont, qui est allé réparer sa santé en s’échauffant à l’enthousiasme de ses compatriotes électrisés par les performances de son ballon pointu des deux bouts.
Le malheur de M. Langley, savant estimable et estimé, c’est qu’il s’est laissé prendre aux sophismes des rhéteurs qui ont prétendu que l’homme avait droit au vol et qu’il était déshonoré s’il avait besoin d’une allège aussi gênante qu’un ballon pour être admis dans l’empire de l’air.
S’il s’était contenté d’une tâche plus facile, il aurait fait certainement merveille comme les physiciens ou les touristes qui, sans esprit préconçu, se contentent d’améliorer les ballons.
Cependant M. Langley n’est point du tout un de ces illuminés qui croient que dans l’état actuel de la dynamique, on peut raisonnablement se proposer de construire un chariot volant comme celui du prophète Elie! Il n’a pas les illusions d’une foule d’inventeurs dont on nous raconte chaque matin les combinaisons abracadabrantes.
Il sait très bien qu’il n’existe point en ce moment, même dans les ateliers d’Edison de dynamo qui puisse être enlevée par un propulseur quelconque, auquel on fournirait, par deux câbles électriques la retenant captive, toute l’énergie qu’elle est capable d’utiliser.
Les grandes ailes, qui ont été construites avec beaucoup d’art, ne sont destinées qu’à entretenir le mouvement imprimé par une force extérieure, lors du départ, car l’oiseau dont nous voyons le triste sort ne s’est point envolé tout seul, il a été poussé sur le flanc droit et sur le flanc gauche par une catapulte spéciale, disposée sur la haute plate-forme de la tour flottante.
Il semblait que la mission qu’on donnait à ces ailes simple, élémentaire. En effet si les oiseaux en plume, en chair en os font quelques efforts, c’est uniquement lorsqu’ils quittent terre ; lorsqu’ils sont lancés, ils n’ont pas l’air de bouger. Avec quelle grâce ils tracent leurs sillons charmants dans les régions qui sont l’antichambre de l’Olympe, avec quelle impertinence ils se plaisent à narguer les pauvres hommes !
A peine s’ils prennent la peine de remuer les ailes. On dirait qu’ils planent sou- tenus par une force invisible.
L’oiseau volant d’Amérique est en réalité un insecte, il ressemble à une libellule, un des plus charmants modèles que l’on ait pu prendre. Il n’y manque que la tête et par conséquent les yeux, mais il n’a pas besoin de voir clair; M. Langley ne lui demande qu’une chose, de filer en ligne droite dans la direction imprimée, une fois pour toutes, par la queue, qui est énorme.
Si la libellule titanesque avait pu voler pendant une petite heure, une petite demi- heure, peut-être un grand quart d’heure; si elle s’était approchée doucement des vagues, si on avait pu la repêcher sans avarie, on aurait recommencé l’expérience un nombre prodigieux de fois. On aurait fini par connaître à fond le maniement de chacun de ses organes, et les mêmes catapultes auraient servi à la lancer avec une force de plus en plus considérable. Quand on aurait fini ces études préalables, qui auraient produit dans tout l’univers une émotion intense, Mr Langley aurait fait construire un oiseau, sur le dos duquel aurait grimpé hardiment un aéronaute. Ce mortel intrépide aurait servi d’yeux et de cervelle, il aurait vu et pensé, et l’oiseau mécanique aurait possédé à un degré féerique toutes les facultés d’un oiseau naturel!
Evidemment, le vent n’aurait point eu la moindre prise, sur le corps de treillis de fil d’acier qui a 20 mètres de longueur, mais dont le diamètre est vingt ou vingt-cinq fois moindre.
La machiné à pétrole aurait eu raison de la plus violente tempête. L’ouragan ne l’aurait pas fait broncher.
Les préparateurs de M. Langley vont, parait-il, continuer les expériences de leur patron jusqu’à ce que « Mort de l’oiseau » s’ensuive. Mais il est difficile d’avoir grande confiance dans la puissance de ces combinaisons bizarres. Les avis, hélas! n’ont pas manqué à ce pauvre M. Langley.
Avant de lancer le grand modèle, qui a coûté fort cher (car la contribution du gouvernement américain, à elle seule, s’élève à 350,000 francs), il avait commencé par se servir d’un plus petit, d’une longueur sept ou huit fois moindre ; mais l’expérience, quoique préparée d’une façon si sage, a été désastreuse. La machine a cessé brusquement de fonctionner, au lieu de se ralentir petit à petit afin de permettre à l’oiseau de s’approcher progressivement de l’eau, comme le voulait, le programme. Celui-ci est tombé brusquement d’une hauteur de plus de 30 mètres. Les ailes ont été semées de-ci de-là, et la queue a filé si loin qu’on a eu du mal à la rattraper. La machine était en miettes, et le corps n’était plus, hélas! Qu’un tas de fils d’acier, une perruque où le diable lui-même n’aurait rien pu démêler!
En outre, ce grand modèle n’est pas parti du premier coup.
Pour arriver à faire cette chute fantastique, il a fallu s’y prendre à deux fois. La première tentative a avorté parce que la machine ne voulait pas actionner les ailes destinées à continuer le mouvement. Il a fallu ramener l’oiseau dans son nid, ou plutôt au laboratoire, afin de lui faire exécuter le saut vertigineux qu’il accomplit devant nos lecteurs.
Comme on le voit, la conquête de l’air est hérissée de difficultés qui arrêtent les chercheurs les plus habiles, les plus intrépides et les mieux outillés. Ce n’est pas une raison pour désespérer, pour perdre courage, mais c’en est une pour ne pas s’entêter à chercher des combinaisons fantaisistes.
Au milieu de ces excès de direction mécanique, les voyages aériens se multiplient non seulement en France, mais en Russie, en Allemagne et surtout en Autriche, où M. Gilberer vient d’être nommé président de l’Aéro-Club.
C’est un homme pratique qui étudie avec soin toutes les manœuvres, tous les agrès de l’aérostation, et forme des élèves dont nous avons souvent à enregistrer les merveilles. Son fils est resté seul pendant dix-neuf heures à bord d’un ballon de 800 mètres cubes gonflé au gaz d’éclairage !
M. Valentin, météorologiste du Bureau central viennois, a fait en suivant ses conseils 1300 kilomètres avec un ballon de 1, 200 mètres. Il a rapporté un nombre incroyable d’observations curieuses, et il s’est élevé à près de 8 000 mètres sans avoir besoin de respirer l’oxygène.
P-S
Au moment où nous achevons de tracer ces lignes, nous apprenons qu’il s’est trouvé un homme intrépide pour se placer sur le dos de l’oiseau artificiel de M. Langley.
Nous crierons bravo, car le courage a toujours droit à notre admiration. Inutile de dire que l’issue de l’expérience a été un plongeon aussi rapide que celui que nous avons décrit.
S’il ne s’agissait pas de l’œuvre d’un savant, d’une réputation universelle, de l’honorable secrétaire du Smithsonian, nous laisserions ce nouveau Moïse sauvé des eaux crier miracle, et déclarer que la machine a commencé par marcher d’une façon régulière pendant une Seconde. Mais avec un inventeur qui trouvera des complaisants dans toutes les académies du monde, nous devons à notre grand regret nous montrer plus rigoureux défenseur de la vérité. Nous déclarons que les résultats de cette nouvelle équipée scientifique ont été absolument nuls.
Wilfried De Fonvielle
« L’homme bleu » de Maurice d’Hartoy Amiens, 1924. Librairie Malfére, « Bibliothèque du Hérisson ». Broché in-12° de 226 p.
L’homme Bleu est un marin Breton Yann Le Floch dont le corps est étrangement coloré de bleu. Les médecins le déclarent atteint de cyanose accidentelle, mais le matelot prétend que cette coloration provient du séjour d’une année qu’il a effectué au fond de l’océan, dans un merveilleux royaume sous- marin complètement insoupçonné des hommes. L’histoire est racontée par un médecin en convalescence dans le village de Saint Julien, en Bretagne. Le hasard d’une promenade lui fait rencontrer Yann, au bord d’une falaise, prêt à se suicider. Des paroles de réconfort sont échangées, ainsi va-t-il être le dépositaire de l’incroyable histoire du ressuscité des eaux.
Seul au monde avec une mère agonisante, Le Floch tente sa chance dans la marine. Après avoir, par miracle, échappé à l’explosion du « Bouvet », cuirassé engagé dans un combat naval lors de la guerre de 14/18, le naufragé récupère de ses blessures à bord du «Canada», un navire-hôpital. Mais le destin s’acharne sur notre héros, le bateau est à son tour torpillé, et pour la seconde fois la Mort ne voudra pas de sa malheureuse dépouille. Il sera récupéré une fois de plus de justesse avant la noyade et sa nouvelle convalescence à bord de « l’Amphitrite » se déroule de manière extraordinaire. En effet il restera inconscient pendant plusieurs jours et dans cette sorte de « mort artificielle », il se retrouve transporté dans un pays imaginaire, peuplé d’êtres fabuleux.
La propriétaire du yacht au doux prénom de « Miranda », prise d’un élan patriotique sans borne, a pour mission de prodiguer un peu de réconfort aux malheureuses victimes de la guerre, tout en plaçant sous sa protection quelques heureux élus du commun des soldats. Hélas pour le marin, l’américaine est belle à pleurer et il succombe à ses charmes, lui jure fidélité. La dame, pourtant n’est pas exempte de mystère, lorsqu’un soir elle lui demande sa protection alors qu’elle doit avoir une entrevue avec un énigmatique personnage. La rencontre tourne au drame, dans la cabine une dispute éclate, Yann intervient et se heurte à un redoutable adversaire. La bataille tourne court, une lampe à pétrole explose, le bateau prend feu…. Vous connaissez la suite!
Son corps sombre lentement dans les profondeurs de la mer pour être une dernière fois sauvé par deux créatures dont la description évoque celle des anges. Il lui faut traverser une contrée merveilleuse, toute baignée d’une étrange clarté diffuse. La vie ici semble être si facile, merveilleuse, rêve-t-il encore? Une immense citée se distingue alors et à peine a-t-il franchi les derniers portiques qu’il se retrouve brusquement sur le parvis du temple royal. A l’intérieur Océanis, souverain suprême, se désignant lui-même comme être l’une des vertèbres du dieu unique, lui propose en regard de son passé exemplaire, le choix entre rester dans son royaume, vivre dans la paix et l’harmonie ou retourner sur terre pour une existence fade et morose. L’amour décide à sa place, le souvenir de Miranda est beaucoup trop fort. Finalement, dans un excès de mansuétude le roi propose avant son choix définitif un séjour au télestérion, une grotte sous-marine où se trouve enfermé tout le savoir des hommes.
Après avoir étudié la connaissance universelle, médité sur la condition humaine et le bien fondé de son existence charnelle et terrestre, là il sera temps de prendre une décision. Plongé dans les ouvrages les plus anciens, écrits de l’antiquité la plus reculée, il voit alors l’histoire universelle dérouler ses fresques les plus contradictoires, l’art de gouverner les peuples, toute la science de l’humanité:
« Tout ce qui hante et hanta le cerveau humain, tout ce que l on attribue sur la terre au génie, au talent, au travail, à l’étude ou même au hasard, tout ce qui trouble encore et enchantera les hommes jus- qu ‘à la fin des temps, tout ce qui instruit, console ou pervertit, tout ce qui harasse ou délasse, tout ce qui honore ou flétrit, tout ce qui fait penser, parler, méditer, rêver, concevoir et spéculer, tout ce qui, en un mot, marque la supériorité de l’homme sur la bête, tout cela pénétra en mon cerveau et s’y grava profondément. En vérité, je crois avoir lu tous les livres du monde… » (p. 134)
Mais comment un esprit aussi simple que celui du marin peut-il absorber une telle connaissance? Le Commandeur, gardien du Télestérion lui divulgue la réponse:
« Il me répondit que le divin Océanis. en libérant mon corps des lois hydrostatiques et des servitudes de la soif et de la faim, m’avait permis, comme aux purs esprits de la mer d’absorber le mystérieux aliment des profondeurs. Cette extraordinaire souplesse de ma mémoire, cet accroissement naturel de mon intelligence, je les devais aux suaves parfums répandus autour de moi; ils me nourrissaient à mon insu et donnaient à mon cerveau une incroyable vitalité. » (p. 135/6)
C’est le cerveau plein à craquer qu’il se rend enfin devant l’être suprême et la réponse ne se fait pas attendre:
-« Je veux retourner sur Terre. »
-«Et revoir Miranda? » interroge le souverain.
-«Non plus, mais conquérir le mondel »
Seul témoin visible de son passage, la coloration bleue de sa peau due à une exposition prolongée aux radiations de la grotte sous-marine. Un passeur le reconduira à la surface après l’avoir plongé dans un puissant sommeil. Son réveil s’effectuera dans la misérable cabane d’un village Grec, le corps amaigri, ses habits en loque. Combien de temps dura son coma? Il devra son salut à un pêcheur ainsi qu’à l’intervention providentielle d’un bâtiment de la marine nationale.
Il apprend alors que depuis l’explosion de l’Amphitrite, une année s’est écoulée. Considéré comme un fou après son explication de séjour en Océanis et de sa mystérieuse disparition, il terminera son périple dans un hôpital psychiatrique. Malgré sa science et son érudition personne ne le prend au sérieux. Découragé, il va feindre la simulation en expliquant que son histoire est un tissu de mensonges, inventé de toutes pièces afin d’éviter son retour à la guerre. Le tribunal militaire voit en lui un lâche qu’il s’empresse de condamner. Mais au moins sa détention sera provisoire. Hors de l’asile psychiatrique, dès sa libération, Yann retourne dans son village natal où son étrange aspect lui attire les sarcasmes des habitants. Son seul et unique réconfort sera l’écoute attentive que lui accorde son ami. Mais Le Floch se doute bien du scepticisme du médecin et lui propose donc dans un délai de deux ans de lui apporter la preuve de la véracité de son récit.
Au terme de cette période effectivement, le marin est devenu très riche grâce à une production de perles de culture. Les précieuses nacre ne viennent non pas du fabuleux royaume sous-marin mais d’un procédé connu de lui seul, permettant la fabrication naturelle des bijoux tant convoités. Subtil mélange de la science et de son observation des haliotides après de nombreux mois passés sous l’océan. Son désir de dominer le monde ne passera pas par la puissance de son savoir universel mais par une existence confortable et modeste, peuplée de souvenirs à jamais engloutis dans le silence des grands fonds. L’Humanité n’est une fois de plus, pas encore prête.
L’homo Aquaticus
L’homme bleu ne peut pas être considéré comme un grand classique de la S.F. par son aspect plus proche des contes et légendes de Bretagne avec ses lourdeurs et son style très ampoulé. Cependant, l’ouvrage reste une curiosité à plus d’un titre car les thèmes abordés sans jamais être vraiment développés, firent la joie d’auteurs plus exercés à ce type de littérature. A la lecture du titre, si la mention « homme aquatique » nous vient immédiatement à l’esprit, il suffit de lire l’explication faite à Le Floch par le gardien du Télestérion pour se rendre immédiatement compte que cet homme bleu est bien loin des esprits extraordinaires ou scientifiques des textes qui, quelques années plus tôt lui succédèrent.
En effet cette thématique de « l’homme poisson », à savoir d’un homme dont on va modifier chirurgicalement les capacités pour en faire un amphibien, fut déjà abordée avec plus ou moins de bonheur par quelques habitués du « merveilleux scientifique ».
C’est Jean de la Hire, grand habitué de ce blog, qui va ainsi ouvrir les hostilités dés 1908 avec son désormais très célèbre « Homme qui peut vivre dans l’eau » (En pré originale dans « Le matin » en 1908, puis en volume Chez Félix Juven en 1910). Dans ce roman, une organisation redoutable dirigée par le savant Oxus, détruit les bâtiments de différents pays. Il lance un ultimatum au monde en demandant la réédition des plus grandes puissances,sinon il en résultera une interdiction pure et simple de toute navigation sur les océans du globe. Il possède à son service une redoutable créature « L’hictaner » qui est un être « modifié » sur lequel le scientifique a greffé des branchies et l’appareil respiratoire d’un requin. Ce mutant peut ainsi aussi bien respirer dans l’eau que sur la terre ferme. C’est aux commandes d’un sous-marin de poche que cette créature attaque les infortunés navires.
Deux ans plus tard, c’est René Thévénin qui va alimenter cette thématique avec un de ses romans le moins connu, probablement peut-être en raison de son unique publication en feuilleton dans la revue « Le journal des voyages » (Aout 1910 N° 716 à Octobre 1910 N°723) puis dans « Mon Bonheur » (N° 45 à 54). Dans « La proie des sirènes » on retrouve en effet cette obsession d’un maniaque du bistouri à vouloir non seulement modifier des mains en palmes et la mâchoire en une redoutable bouche de prédateur, mais également sa psyché à l’aide de suggestion hypnotique ».Les drogues injectées a cette malheureuse créature se chargeront de la frapper définitivement de démence.
José Moselli, quand à lui reviendra sur la modification de l’homme en poisson à des fins militaires puisque dans sa « Guerre des océans » ( Revue « Sciences et voyages » du N° 483,Aout 1910 au N° 723 Octobre 1910) le biologiste Féodor Sarraskine, s’emploie à détruire systématiquement des navires Anglais et Américains. Maître incontesté des océans il est parvenu à créer une race hybride entre l’homme et l’amphibien par diminution de la capacité thoracique et une adaptation au milieu aquatique. Il créé ainsi une redoutable armée sous marine que les puissants de ce monde auront du mal à annihiler.
Dans « Le mystère de l’île aux phoques » d’André Charpentier,le professeur Archibald Dryck quand à lui « fabrique » également dans une île perdue d’Irlande des hommes amphibies. Après plusieurs expériences sur des loutres, des castors, sont choix se portera sur les phoques dont l’adaptation en milieu marin et terrestre semble le sujet d’expérience idéal. Après plusieurs opérations successives, les sujets, tous des volontaires « illettrés », sont ainsi modifiés et transformés en amphibiens. Equipés d’une combinaison spéciale, ils peuvent ainsi se déplacer indéfiniment dans les océans. Le but pour le professeur est de récupérer les immenses trésors qui gisent par le fond. Mais comme les volontaires se font rares, il a fait attaquer par ses « monstres » un bateau sur la tamise et dont l’équipage subira l’épouvantable transformation.
Il serait ici intéressant de relever également tous les romans ou les auteurs utilisèrent la créature amphibie comme le résultat d’une mutation naturelle de certaines espèces animales. Produit d’une évolution dont mère nature sera la seule responsable. Qu’il s’agisse de « Urfa l’homme des profondeurs » de J.de Kerlecq ( Librairie Larousse 1931) avec ses créatures aux pinces de crabes, « Une descente au monde sous-terrien » de Pierre Luguet ( Librairie nationale d’éducation et de récréation) et sa terre creuse peuplée de monstres amphibiens, « Le peuple du pôle » de Charles Derennes et de sa peuplade humanoïde proche du saurien, « La guerre des salamandres » (Les éditeurs Français réunis,1960)de Karel Capek avec ses êtres sous marins qui se sont développés parallèlement à l’humanité et dotés d’une intelligence remarquable, sans oublier « La cité du gouffre » (Almanach scientifique de 1926) de José Moselli, où de bien effroyables « pirates » habitent les océans, une curieuse hybridation du poulpe à l’intelligence redoutable.
Toutes ces « aberrations » de la nature possèdent donc des origines naturelles et il ne sera pas question ici d’hybridations chirurgicales mais seulement naturelles. Il en résultera toutefois une haine assez farouche contre l’humanité, dont elle voudront renverser la suprématie. Preuve s’il en faut, que les océans sont peuplés de créatures aussi diverses que variées et que dans ce domaine, l’imagination des auteur n’a aucune limite.
Curieusement dans le roman de D’Hartois, pas d’amphibien, mais un être coloré par la surexposition à une mystérieuse radiation qui n’est pas sans posséder d’incroyables propriétés. Océanis provient en ce sens, plus d’une civilisation nourrie par les légendes que des progrès scientifiques. Même conclusion pour Yann qui semble plus revenir du royaume des morts que d’une cité sous la mer, avec ce peuple de créatures angéliques où tout respire l’amour et la beauté.
La frontière est à peine perceptible. Il faut attendre le prochain argument afin que le récit ne glisse ostensiblement vers notre genre préféré. Le passage du héros par le Télestérion avec l’aboutissement d’un être possédant le savoir universel, devait devenir en toute logique entre de bonnes mains, un fabuleux surhomme. L’exemple même de l’individu pouvant imposer son génie aussi bien dans le bien que dans le côté obscur de la Force! Le seul problème, vient du fait que Yann est un cas isolé, le fruit d’une expérience unique, trop importante pour être assumée par un seul homme.
Il existe dans la littérature une foule d’exemples similaires ou l’être, dépassé par l’ampleur de ce qui lui arrive, ne peut endosser cette fonction de « plus qu’humain » : « Leur solitude, cette faculté ou cette nature qui les met à l’écart des autres et qui les isole » pour paraphraser Jacques Van Herp. Dans de nombreux ouvrages, le surhomme est gonflé d’un désir incontrôlable d’agir. Sa soif d’accomplir de gigantesques tâches dépasse le simple commun des mortels et dans sa quête, l’élu se rendrait vite compte qu’il se retrouve unique face à une humanité si jeune, si stupide… si humaine. A l’image de Charlie Gordon, le héros du magnifique roman de Daniel Keyes « Des Fleurs pour Algernon » devenant d’une manière trop brusque « inteli-jan », arrivé au sommet de ses capacités intellectuelles il va réaliser qu’autour de lui ne règne que l’ignorance et la méfiance. Au final, le constat reste identique et plus encore le surdoué en est l’exemple le plus représentatif. Dans notre monde actuel il est un élément incontrôlable, qui fait peur car supérieur à nous, isolé dans cette société de masse ou tout doit être uniformisé.
Malheureusement pour nous, simples lecteurs, l’intelligence réduite (la preuve, vous l’avez entre les mains) d’Hartoy reste timide dans le développement de son personnage, le thème abordé en dernière partie bien que involontaire est à mon avis discutable. Voila un ouvrage qui désormais ne devra plus être rangé dans la rubrique « Hommes aquatiques ».
Des visiteurs Saturniens viennent rendre une visite sur la terre alors que celle-ci est complétement dominée par les « Bolchéviks» ». C’est l’ère du communisme universel , toutes les nations ont été anéanties,les grandes villes rasées, on uniformise toute même le paysage et le climat. Les Saturniens jugés comme ennemis du nouveau pouvoir seront capturés , mais finalement avec l’aide d’alliés précieux parviendront à rejoindre leur planète. Après avoir fait un rapport circonstancié aux habitants des autres mondes habités, du drame qui est entrain de se jouer et sur la menace que représente la terre, cette ligue décide alors de lui envoyer une forme de « Rayonnement » afin que la lumière du soleil ne lui parvienne plus.La terre plongée dans le froid et les ténèbres est donc condamnée à mourir. Mais si tout ceci n’était qu’un rêve?
Le roman commence en ces termes, histoire de nous mettre dans l’ambiance.
« L’ère Bolchévik, instaurée par la grâce de Lénine-Oulianoff, a eu son point de départ en l’année 1917 de l’ère dite chrétienne. L’an 2227, en lequel se passent les événements retracés au cours de ces pages, est l’année 310 de la nouvelle numérotation Soviétique. Anno Diaboli 310, car peut-être mêler dieu aux faits et gestes de quelques sémites traitres à leur patrie d’adoption et renégat à leur race, qui introduisent le germe morbide dans le monde par la force,la mort et la dévastation.»
« Le triomphe de Lénine (anno diaboli 310) 227 » Roman Soviétique de Charles Rivet . Librairie académique Perrin &Cie.1927.
A l’époque des voyages dans des pays lointains et des grandes explorations, les mythes et légendes allaient bon train. Ainsi, nourris des nombreuses croyances locales et de récits déformés par une population superstitieuse ou crédule, il n’était pas rare que les intrépides aventuriers soient confrontés à des histoires extraordinaires peuplées de créatures fantastiques et terrifiantes.
Les lecteurs de la revue « Journal des voyages » et du « Globe trotteur » pouvaient ainsi se délecter de témoignages « Authentiques » pouvant laisser planer quelques doutes sur la réalité des choses qui nous entourent. Après le serpent de mer de Marcel Roland, publié dans les pages de ce blog, vous allez être cette fois confronté au terrible « Lampalagua » dont l’illustrateur nous procure sur cette couverture, une bien incroyable proportion.
« La Lampalagua » de Raphaël de la Grillére paru dans la revue « Le globe trotter » du Jeudi 25 Décembre 1905. N) 204. Illustré par Holewinski
« On a donné le nom de Lampalagua, dans l’Amérique latine, à un serpent de grosse taille, qui inspire une assez grande terreur, mais que l’on rencontre couramment dans ces régions. En réalité, la Lampalagua est un animal préhistorique. Certaines personnes prétendent en avoir vu dans les solitudes profondes de l’Amérique. Le jeune auteur de talent qui a écrit l’article suivant ne fait que relater une conversation entendue, mais il a communiqué à son récit une telle impression de terreur, que l’on ne peut pas se dispenser, en le lisant, de se rappeler les plus émouvants chefs-d’œuvre d’Edgar Poe. »
Nous prenions le thé, l’autre soir, chez le peintre chilien Thomson, dans son atelier de la rue Denfert-Rochereau. L’Amérique latine était représentée là par deux littérateurs argentins, par un sculpteur péruvien et par cinq ou six autres artistes, originaires de l’une des anciennes possessions espagnoles ‘qui, toutes, sont aujourd’hui des républiques indépendantes. J’étais le seul Français Thomson m’avait pris à part ; et, feuilletant un album, il me faisait admirer les reproductions des plus curieux paysages de la Cordillère des Andes. Je m’intéressais particulièrement aux pics géants qui dépassent partout la limite des neiges perpétuelles, aux volcans encore en activité et aux nombreux lacs dans les vallées de son merveilleux pays. Je ne m’occupais plus du tout de ce que disaient les autres. Cependant, la conversation que tenaient les deux littérateurs argentins, devint, à un moment donné, si aigre- douce, que Thomson et moi nous levâmes les yeux de sur l’album pour regarder de leur côté.
Un mot magique
- Vous ne l’avez pas vu ! S’exclamait l’un.
- Et moi je vous soutiens que si ! Criait l’autre.
- J’ai vu la Lampalagua. Ce mot produisit un effet magique sur toute l’assistance. Tous les yeux se tournèrent comme par enchantement vers Aranzuez. Thomson même, oubliant que j’étais son hôte, ferma brusquement l’album qu’il tenait à la main, se leva de sur le divan où nous étions assis et alla s’asseoir tout près du sculpteur : il était évident que la Lampalagua mettait dans l’esprit de tous ces Américains du sud quelque chose comme une apparition monstrueuse. Etait-ce encore la pénombre en laquelle nous nous trouvions alors que tombait le jour ? Je n’en sais rien. Mais tous les visages m’apparurent comme marqués par la terreur. Et, par un de ces phénomènes, parfaitement explicables quand on est affecté d’une très grande nervosité, sans savoir au juste de quoi il s’agissait, je sentis passer, moi aussi, sur ma nuque, le petit frisson de la peur qui agissait apparemment sur celle des autres. La physionomie du brun Aranzuez était d’ailleurs bien faite en ce moment pour justifier mes impressions : ses cheveux, qu’il portait coupés ras, étaient comme dressés sur sa tête, ses yeux brillaient d’un éclat étrange et ses membres étaient a cités d’un tremblement singulier : en imagination, il voyait certainement encore la Lampalagua.
Avec la déférence qu’on a ordinairement pour ceux qui savent des choses sensationnelles et sur lesquelles on désirerait être renseigné, Thomson dit à Aranzuez :
– J’ai souvent entendu parler de ce monstre ; un des amis de mon père fut même envoyé par la Société de Géographie à sa recherche : des paysans l’avaient aperçu dans la vallée, près du lac Desagueders, il y a de cela une soixantaine d’années, mais tout ce qu’on fit pour le retrouver fut vain.
Je sais cela, répondit Aranzuez. On a dit même, à ce propos, que la Lampalagua est le seul spécimen des murènes antidéluviennes qui soient encore sur le globe. Vous savez que les mœurs de la murénine sont encore imparfaitement connues. D’autres l’ont identifiée récemment avec le serpent de mer qu’on a retrouvé dans la baie d’Along. En somme, on ne sait rien da précis sur cet animal. Quoi qu’il en soit, je ne souhaite pas, même à mon plus mortel ennemi, de passer la minute terrible durant laquelle; il nous fut permis, mes compagnons et moi, d’apercevoir le monstre.
En face du monstre
- En quel endroit l’avez-vous vu ?
- Sur un des versants des Cordillères.
- C’est étrange !
- Et voici comment : Il y a de cela quelques années, alors que le chemin de fer de Santiago ne pénétrait pas encore au cœur de la Cordillère, je devais me rendre de la capitale du Chili dans une petite localité située sur les bords du rio Teca, sur le territoire de la République Argentine. Il me fallait au moins huit jours à dos de mulet pour accomplir ce trajet. Comme vous ne l’ignorez pas, il est impossible de voyager seul dans ces contrées montagneuses, quand on en connaît justement le danger. Je demandai donc à sept de mes amis qui se disaient grands chasseurs d’ocelots et de condors de vouloir bien m’accompagner dans ce périlleux voyage. Ils acceptèrent avec un enthousiasme qui me parut bien un peu exagéré pour qu’il fût sincère ; mais, l’amour-propre aidant, un beau matin nous quittâmes Santiago, équipés de pied en cap.
Cette première journée ne fut marquée que par un de ces incidents n’offrant qu’un intérêt relatif : un de mes compagnons, qui s’était éloigné de la troupe pour tirer un condor, qu’il manqua, resta tout le jour comme honteux d’avoir crié : « Au secours ! » en voyant le rapace filer comme une flèche vers le ciel, tracer de son vol un grand cercle, puis redescendre avec la rapidité d’un bolide , jusqu’à la hauteur de douze mètres environ au dessus de la tête du chasseur et, de là, tournoyer, tournoyer toutes griffes dehors. D’un coup de fusil, je débarrassai mon compagnon de l’oiseau de proie. Ferez ne me remercia pas. Je crois même, tout compte fait, qu’il m’en voulut un peu de lui avoir rendu service. Mais passons. Mon but, en vous racontant cette histoire, n’est pas de « psychologuer » A la nuit tombante, nous avisâmes une clairière qu’un tronc d’arbre énorme traversait de part en part : un arbre géant et comme je n’en avais jamais vu. Autant que je puis en juger rétrospectivement, cet arbre avait bien cinquante mètres de longueur, l’écorce en était semblable à celle du chêne ; sa grosseur totale mesurait au moins neuf mètres de circonférence. Nous étions, d’ailleurs, si fatigués les uns et les autres qu’aucun de nous ne se demanda comment cet arbre avait pu être abattu dans ces solitudes. Quant à moi, je me dis : « le bel arbre » et je ne poussai pas plus loin mes investigations ; cette clairière me paraissait propice pour passer la nuit à la belle étoile et cela me suffisait.
Après avoir allumé un grand feu pour éloigner les fauves, dessellé les mules, placé les selles sur le tronc et enroulé chacun autour de son bras les brides de sa bête, nous nous étendîmes sur la mousse et nous nous endormîmes profondément.
Panique générale
Au milieu de la nuit, nous fûmes brusquement réveillés par nos montures, qui tiraient sur leur bride avec une telle force, que plusieurs d’entre nous furent traînés sur le sol. Que se passait-il ? La terre tremblait peut-être… Nous nous levâmes pour maîtriser les bêtes et c’est alors que nous vîmes que le tronc d’arbre se mouvait lentement, serpentait à travers la clairière, tandis que les selles que nous avions placées dessus gisaient à terre… Ce n’était pas auprès d’un arbre géant que nous nous étions endormis avec confiance, c’était tout près de la Lampalagua.
Aucun de nous ne songea à tirer le monstre. Nous étions comme pétrifiés par l’émouvant spectacle qui se déroulait sous nos yeux. Puis, soudain, comme si nous nous étions donné le mot, chacun sauta sur sa mule. Les bêtes affolées prirent le galop. Et, durant quelques heures, ce fut une chevauchée infernale : nous longions des précipices de plus de cent mètres de hauteur ; nous volions au- dessus des roches et des torrents, nous enfoncions dans d’inextricables taillis. . Comment arrivâmes-nous vivants à cabane située dans la vallée et qui fut élevée en cet endroit pour servir de gîte au voyageur perdu dans la Cordillère ? Je ne sais plus : vingt fois nous avions risqué notre vie. Nous nous comptâmes. L’un de nous, Perez, manquait.
– Il faut aller à sa rencontre, dis-je, encore tout tremblant d’émoi.
Personne ne répondit. Mes compagnons étaient comme devenus muets.
Fou de terreur
J’allais partir tout seul à la recherche de Pérez quand je le vis déboucher de la sente par laquelle nous étions venus. Il se tenait debout sur les étriers, tandis que sa mule courait ventre à terre. Il était pâle comme un suaire. Ses yeux grands ouverts étaient effrayants. Il criait, il hurlait plutôt :
- Lampalagua ! Lampalagua !
Le malheureux était devenu fou de terreur … Il y eut une pause de silence, durant laquelle chacun donna libre cours à propres pensées. La nuit se faisait dans l’atelier du peintre Thomson, et tous les objets y prenaient une forme bizarre.
De nouveau, Thomson interrogea Aranzuez. Il lui demanda comment finit son voyage et ce qu’était devenu Perez. Puis, les autres Américains firent à Aranzuez d’autres questions. Je n’écoutais plus : abîmé dans mes réflexions, je songeais qu’il est dans les profondeurs de la terre de nombreuses cavernes que des cataclysmes ont fait s’entr’ouvrir et où vivent peut-être encore, depuis les temps les plus reculés, des monstres plus effrayants que la Lampalagua.
Raphaël de la Grilliére
Dans cette aventure le Nyctalope va affronter une nouvelle fois, Diana Krasnoview la fameuse princesse rouge allias « Titania » et rencontrée dans l’aventure précédente. Léo St Clair fera une fois de plus appel à un illustre savant, Korrides, afin de luter contre le mal personnifié dans cette diabolique créature et qui usera de tous les stratagèmes pour neutraliser notre super héros. Mais, même si elle utilise les moyens les plus abjects, elle va vite se rendre compte que la tache ne sera pas facile.
- « Titania » Par Jean de la Hire.Pré publication dans le journal « Le matin » .1929.
- « Titania »Par Jean de la Hire. Volume 1. Editions Tallandier « Le livre national » N°677.1929.
- « Titania : Ecrase la vipère !… » Par Jean de la Hire.Volume 2. Editions Tallandier « Le livre national » N°678.1929.
Ces deux volumes n’ont jamais été réédités
« La terre est maintenant partagée entre seulement deux grandes puissances : d’un côté l’Eurasie soviétisée, de l’autre les océans et les Amériques aux mains des puissances catholiques. Le pape, chassé de Rome, s’est transplanté à San Francisco, dans un NéoVatican d’où il gouverne âmes et peuples au sommet d’une théocratie hiérarchisée. Quelques jeunes Américains que cette ambiance étouffe et qui prêtent trop juvénilement l’oreille aux récits des beautés du régime eurasien, s’évadent, traversent les mers et changent de patrie. Gulian, le héros de cet ouvrage rencontre un jour, dans une Maison d’état vouée à la Procréation, une vraie jeune fille poussée là par le Commissaire à la Natalité. Il s’attache à elle et, sous l’épreuve de l’amour, tous deux découvrent l’existence, bien sûr niée par tous, du cœur, de l’âme et… de Dieu. Oulian redevient chrétien et dans une scène grandiose, en pleine forêt, il baptise la jeune tille et l’épouse devant Dieu. Plus tard, la jeune femme meurt en couches, victime d’une expérience désinvolte d’un médecin aberrant et impuni. Oulian, veuf, rejoint les rangs de l’église clandestine qui se reconstitue lentement après la destruction eurasienne, se fait ordonner prêtre, anime de sa foi et de son courage ces chrétiens qui aiment, souffrent et jamais ne désespèrent, et finalement, dénoncé, meurt livré aux machines d’équarrissage et d’ « utilisation », ces bêtes apocalyptiques des âges modernes, comme les premiers chrétiens étaient livrés aux bêtes du cirque. »
« Les larmes de dieu » de Kühnelt-Leddihn. Éditions des Deux Rives .1952.
« La vengeance de l’abîme » de Paul Ronceray Éditions Eugène Figuiére, 1932. Couverture illustrée.
L’Abbé Garnier, dynamique spéléologue en soutane, fera une singulière découverte dans le «Trou d’enfer» près de Crosne. En effet, il exhumera trois squelettes provenant de l’ère Tertiaire, ébranlant ainsi le fragile édifice des théories sur l’évolution, puisque l’existence de l’homme au-delà du Quaternaire n’avait pas encore été prouvée. Avec l’aide de deux amis, le Paléontologue Bèque et son assistant Dubo, ils organisent alors la descente dans le gouffre «la Visille», rivière locale se jetant dans celui-ci. Bèque, personnage haut en couleur et fervent défenseur de la théorie d’une lente évolution du singe vers l’homme, trouvera donc prétexte par cette fabuleuse découverte à démolir la thèse de son ancien professeur, le Dr Bardin, avançant quant à lui une autre hypothèse des plus insolites.
En raison des moyens techniques très précaires de l’époque, nos trois aventuriers se trouveront souvent dans des situations bien difficiles, échappant de justesse à la mort pour finir, après une véritable descente aux enfers d’une vingtaine de kilomètres dans une immense mer souterraine, avec au loin, perdue dans une brume verdâtre, une côte aux falaises sombres et menaçantes. Leur surprise ne fera qu’augmenter lorsque sous leurs yeux agrandis par l’effroi, ils contempleront un véritable ciel étoilé, traversé par un astre dégageant une clarté incandescente.
Après avoir abordé une plage relativement accessible, ces nouveaux robinsons vivront une formidable aventure dans ce monde saturé en oxygène : orage intra-terrestre avec explosion d’un météorite, découverte d’une flore extraordinaire, monstre antédiluvien, l’un d’eux échappant de justesse aux griffes d’un redoutable Ptérodactyle. L’apothéose sera la confrontation de nos héros avec des créatures humanoïdes qu’ils qualifieront d’«Embryonanthropes». Aucun doute, ils se trouvent devant la forme primaire de l’humanité naissante.
Bèque, effondré par toute une vie d’hypothèses réduite à néant, face à ces pseudo hommes dépourvus d’ossature, nous régalera d’un exposé hallucinant :
«Mes yeux s’ouvrent ! Je vois le plasma originel plastique et nu, compliquer sa molécule au cours des temps et donner une lignée d’êtres amorphes. De ce tronc généalogique et sur toute sa longueur, je vois des individus aberrants se détacher, secréter une membrane, stabiliser leur protoplasme en devenant chacun l’origine d’une espèce évolutive quant à la forme, mais fixée chimiquement.»
Plus proches du mollusque que du vertébré, ces « Embryonanthropes » n’en sont pas moins intelligents et, voyant en nos trois robinsons de dangereux animaux, parviendront à force de ruse à les anesthésier par de minuscules dards empoisonnés et, pour finir, les accrocher, bras écartés tels des nouveaux martyrs et les saigner à blanc afin de boire le précieux liquide symbole de vie. Tragique fin pour nos explorateurs, victime à leur tour du «trou d’enfer» : l’abîme se venge toujours !
Une descente aux enfers!
Voilà un roman que j’avais découvert il y a plusieurs années par le plus pur des hasards, à une époque où les terres creuses étaient certes dans l’esprit de quelques cervelles enfiévrées, mais qui n’avaient pas encore fait l’objet d’une étude sérieuse et poussée et je dois avouer avoir hésité avant de remettre ce roman au goût du jour après la formidable étude de Guy Costes et Joseph Altairac. J’avais à l’époque du « Bulletin des amateurs d’anticipation ancienne et de littérature fantastique » N° 8 bis (Octobre, Novembre 1991) fait un petit résume de cet incroyable roman que je viens de reproduire dans les pages de ce blog.
Pour une investigation plus poussée et plus scientifique je ne peux que vous recommander de vous reporter à l’ouvrage monumental « Les terres creuses, bibliographie commentée des mondes souterrains imaginaires » Éditions encrage 2006, collection « Interface N° 4) de nos deux éminents spécialistes cités plus haut et qu’un jour peut-être j’arriverai à convaincre de rejoindre notre groupe de « Savanturiers ». Ouvrage d’autant plus hautement recommandable que la fin de cette passionnante bibliographie est consacrée à une érudite analyse du roman de Ronceray sous le titre de « Paul Ronceray et l’homoncule primordial, entre science et littérature » et réalisé par Fabrice Tortey: une plaisir!
Une raison supplémentaire afin de vous plonger sans retenue dans cette incontournable étude, preuve s’il en est, que le genre est encore plus que jamais vigoureux de nos jours et que des irréductibles leur accorde toute la place qu’il mérite et qui sait je l’espère susciter la curiosité d’un tout jeune public et les inciter à explorer plus avant tout une partie ignorée de notre patrimoine culturel.
Pour conclure, dans ce curieux roman, Paul Ronceray avance une théorie sur l’évolution en parallèle de notre monde assez singulière. Une pierre supplémentaire à cimenter sur l’immense monument des «Voyages au centre de la Terre». Cependant, mon devoir de lecteur me pousse à constater que l’auteur nous donne une description de ce monde intra-terrestre assez époustouflante, où l’on sent la petitesse de l’homme face à un univers étrange et hostile (histoire de varier la sempiternelle solitude de l’être humain dans les espaces intersidéraux). Entre Robinson Crusoé et Le Monde Perdu (la scène du Ptérodactyle ranimera certes des souvenirs dans vos vifs esprits), La Vengeance de l’abîme est d’une lecture agréable,original et faisant preuve d’une certaine audace, bien au dessus de l’interminable « La Plutonie » d’Obroutchev, ouvrage paraît-il de référence et que j’ai personnellement trouvé assez laborieux lorsque je l’avais lu il y a quelques années.
Chers amis et fidèles lecteurs de «sur l’autre face du monde» veuillez pardonner ces jours de silence,mais suite aux violents orages de la semaine dernière dans le sud de la France,de nombreux cables de france télécom ont été arrachés dans mon quartier,nous privant ainsi du réseau internet. J’ignore combien de temps vont durer les réparations, mais je prépare de copieux articles d’ici quelques jours,lors de mon «retour» Merci de votre fidélité et de votre patience. Sincère amitié depuis mon téléphone portable A très bientôt