Cette courte nouvelle « Aérienne » fut publiée dans l’almanach 1937 de « L’ouest éclair » et fut rééditée dans le « Bulletin des amateurs d’anticipation ancienne et de fantastique » N° 15 (Septembre/décembre 1995).
« En 1997, a l’hélicodrome de St Jacques »
- Quel jour sommes-nous, au juste, Mademoiselle.
- Vendredi 30 juin 1997, Monsieur, très exactement.
- Merci! On ne signalait aucun cyclone difficile à maîtriser, dans la région?
- Je ne pense pas, Monsieur.
- C’est inconcevable! je viens de faire repérer l’hélicobus de 15 h. 32; il avait encore un retard de deux dixièmes de seconde. Les services de rectification des dépressions atmosphériques font leurs compensations par-dessous la béquille, et par-dessous la jambe, comme on disait autrefois. Et si la Direction générale en était informée!… Mais quel est votre rôle, au fait, à la météo?
- Je suis la nouvelle sténophoniste. Suzanne Mousse, pour vous servir.
- Suzanne? Tiens! C’est un drôle de nom! Ça vous a un petit charme désuet très «début de siècle»…
- «Moi je suis Jo Pomme, sous-chef au service visiométrique de navigation. Il me semblait aussi ne pas vous avoir encore vue à l’hélicodrome. Le travail y est agréable vous savez.
- Évidemment la navigation aérienne a fait d’étonnants progrès, surtout depuis cinquante ans. Quand j’étais petit, je me souviens que mon arrière grand-père me parlait de ce qu’ils appelaient encore les «aéroplanes», vers 1940, qui, avec leur hélice unique, à l’avant, devaient rouler pour décoller. Pourquoi riez-vous?
- Parce que vous me faites penser à un vieux journal que j’ai retrouvé chez moi, dans un placard…
- Un journal? Vous avez encore un spécimen de journal? Dire que nos grands-parents ont connu ce moyen archaïque pour être informés des nouvelles. II fallait s’astreindre à la lecture. - – Vous me le montrerez, dites?
- Très volontiers. Vous y verrez, si vous avez la patience de lire les soucis des gens de cette époque, qui voulaient à tout prix grandir la piste d’envol…
- Et quelques armées plus tard on lotissait la moitié du terrain, démesurément grand pour les hélicoptères.
- Qu’est-ce que c’est que ce vacarme?
- C’est un cent tonnes qui part à destination de l’Argentine avec un chargement de houille. Heureusement que le prochain décret va les obliger à adopter un silencieux. Ces vieux zincs argentins sont d’une mécanique déplorable!
- Dites, Suz, vous avez une ligne qui me revient. Vous êtes libre?
- Tout à fait!
- Quel âge?
- Vingt-deux.
- Moi, vingt-cinq. Je gagne bien, j’aime mon métier.
- Moi, je suis une des premières femmes ayant réalisé un vol interplanétaire.
- Suz, que diriez-vous d’un mariage? Ça vole?…
- Ça marche, auraient dit nos aïeux
- C’est aujourd’hui vendredi, m’avez-vous dit. Voulez-vous télévisionner au bureau de l’état civil? Aussitôt les formalités, nous pourrions prendre l’hélico de midi trente, demain, et passer le week-end à Bénarès. J’y suis allé dimanche dernier; il faisait délicieux sur les bords du Gange!
- Nous serions de retour lundi matin, n’est-ce pas, chérie?
- Entendu. Et c’est précisément le lundi que le tribunal des divorces amiables instruit séance tenante les procédures… On ne sait jamais…
- Évidemment.
Jacques Page
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