Aujourd’hui quatre nouvelles références et tout autant d’ouvrages indispensables afin de parfaire vos connaissances sur certaines oeuvres phares de l’anticipation ancienne. Des ouvrages à l’usage de l’érudit , mais aussi et surtout au novice désirant en savoir un peu plus sur cet univers incroyablement riche et passionnant.
- « Guide de nulle part et d’ailleurs à l’usage du voyageur intrépide en maints lieux imaginaires de la littérature universelle » De Gianni Guadalupi & Alberto Manguel.
J’espère très sincèrement que vous possédez sur les étagères bien garnies de vos bibliothèque cet ouvrage absolument indispensable et unique en son genre, sous la direction de Gianni Guadalupi & Alberto Manguel. En véritable dictionnaire des lieux de la littérature de l’étrange et du bizarre, il vous sera possible de faire un voyage assez insolite de tous ces endroits imaginaires de notre genre de prédilection. De la lettre A comme « Abaton » à la lettre Z comme « Zuy », il vous sera possible de faire (entre autre) un détour par « Sèléne » de la Paul Féval et de sa ville vampire, le quartier de « Sainte Beregonne » de Jean Ray, « Pellucidar » de Burroughs, la « Zuvendis » de H.R.Haggard, la « Farandoulie » de Albert Robida, « L’ile au sable vert » de Tancréde Vallerey, « La cité des ténèbres » de Léon Groc, « Euphonia » de Hector Berlioz ou encore « Paroulet »de « La cité des premiers hommes » de Maurice Champagne. Lovecraft, Rabelais, Tolkien, Verne, Wells, Huxley, Borges, des auteurs connus et inconnus comme s’il,en pleuvait . Au total Des centaines de titres et de références, j’en découvre encore après plusieurs années, tout cela agrémenté de cartes,plans dessins et autres gravures. Un ouvrage certes incomplet, tant le sujet est vaste, mais une expérience unique et qui ne peut qu’enrichir notre connaissance des mondes imaginaires. Éditions du Fanal. Très nombreuses gravures, cartes, plans et illustrations N&B Préface de André Dhotel. 1981.410 pages.
- « Le petit détective » de G. &T.Thomassian. Pour connaître le détail de cette sympathique revu qui ne connut que 8 numéros je vous renvoie au billet que je lui ai consacré l’année dernière avec tout les détails sur son contenu. Elle se consacra uniquement à la littérature populaire et fut l’occasion sur l’ensemble de ses numéros, de donner l’occasion à Joseph Altairac de l’alimenter de quelques résumés, présentés sous forme de thématiques, et consacrés à l’anticipation ancienne. Date de parution de 1985 à 1991
- « L’exploration imaginaire de l’espace » de Lucian Boia. Un ouvrage vraiment extraordinaire où, comme son titre l’indique, l’auteur s’est lancé à la conquête spatiale romanesque, des origines jusqu’à la période transitoire où l’on pensait encore que la lune ou Mars étaient encore habités. L’auteur nous décrit vraiment cette approche par l’imaginaire comme une véritable « colonisation » du système solaire où les « sauvages » Martiens ou Vénusiens remplacent les pacifiques habitants des pays reculés. L’homme voulant repousser les limites d’une terre devenue trop étroite et parfaitement cartographiée, par désir de conquête et de soif d’aventures, s’élancera à l’assaut des étoiles. Une place important sera accordée aux écrivains de la fin du 19éme au début du 20éme,tout cela agrémenté d’une iconographie riche de plus de 140 reproductions de dessins en N & B: Un must!Editions La Découverte 1987, 160 pages.
- « La fin du monde, une histoire sans fin » de Lucian Boia. Toujours sur le même principe que l’ouvrage précédent, l’auteur nous dresse un tableau apocalyptique de la fin de notre bonne vieille terre et analysée au travers de textes et d’études « sérieuses » mais aussi et c’est ce qui nous intéresse en nous dressant un petit inventaire d’œuvres conjecturales anciennes ou les auteurs ont anticipés sous différentes déclinaisons la fin de l’humanité (Guerres, catastrophes naturelles, révolutions etc. …. Editions la découverte 1989.
Après « La terrible expérience du Dr Cornelis Bell », nous voici de nouveau face à deux excentriques chercheurs et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il se passe de drôles de choses dans les vapeurs méphitiques des laboratoires de nos savants fous. Encore cette insupportable obsession de vouloir coûte que coûte vaincre la mort avec en prime une expérience des plus « explosive ». A trop vouloir s’activer dans toutes les directions, et jouer un peu trop avec le feu, celui-ci finit par vous « péter » à la figure, au sens propre comme au sens figuré.
Une nouvelle extraite de la précieuse revue « Nos loisirs », qui renferme encore bien des trésors !
« Les deux secrets » Nouvelle de Georges Casella. Dans la revue « Nos loisirs » N°27. 30Décembre 1906. Illustré par Paul Dufresne.
Quatre agents et un commissaire ceint de l’écharpe entrèrent en tumulte.
Es-tu prêt, Freddy ?
- Je suis prêt, John.
C’étaient deux vieillards extraordinairement pâles, aux faces émaciées, aux yeux caves. Ils se parlaient visage contre visage, avec d’étranges sourires dans leurs barbes grises. La flamme ronflante d’une grosse lampe les marquait d’ombres dures. John maniait un tube d’acier lourd, une seringue courte. Freddy tendait son bras nu. Autour d’eux, se distinguaient des globes, des fourneaux, des vases, des cuves, un squelette d’orang-outang fixé au plafond en soupente par un collier de fer. John leva sa seringue…
- Arrête, dit Freddy, je vais écrire quelques mots. Et, sur le seul feuillet vierge d’un livre couvert d’hiéroglyphes, il griffonna : « Je m’inocule moi- même la maladie du sommeil. Si je meurs, qu’on n’accuse que moi. » Puis, ayant signé, il offrit son épaule à John. On entendit le léger sifflement du liquide comprimé. Freddy s’enveloppa d’un manteau, et John s’écria :
- Dans deux jours, notre triomphe sera certain ! Freddy s’appuya au mur et resta silencieux. Déjà, son regard virait. Machinal, il balançait sa main comme un pendule. Mais ce geste cessa. Bientôt, le vieillard chancela, et, dans un grand soupir, vint rouler aux pieds de John.
John, surpris d’un effet si rapide, son compagnon jusqu’à la chambre contiguë et l’étendit sur une couchette étroite, seul meuble qui, avec une boîte cadenassée, ornât cette salle humide et blanche.
- Ai-je forcé la dose? Grogna-t-il. J’attendrai deux jours avant d’employer mon sérum. Nous verrons, nous verrons…
Il frotta ses mains sèches et calleuses, aux ongles ternes, contempla le corps, eut un ricanement fêlé et retourna vers le laboratoire. Il entassa des copeaux et du charbon dans un four de briques, remua des cornues où brillaient des alcools jaunes et rouges, agita un soufflet gigantesque, et, soudain, les trois vitres de la mansarde bizarre flamboyèrent.
Les deux hommes habitaient sous le toit d’une maison louche et branlante. C’était une masure ancienne à trois étages, qui dominait une butte isolée. La populace baroque et quasi-foraine qui grouillait dans la banlieue triste connaissait bien les fenêtres de la mansarde qui s’allumaient aux heures sombres. Ces fenêtres incendiées provoquaient des racontars prodigieux. Les silhouettes étiques se profilant sur un feu de forge, éveillaient des idées de magie noire. On prétendait que les vieillards faisaient de l’or et qu’ils entassaient des sacs résonnants au fond de coffres de fer. A vrai dire, une peur sourde, superstitieuse, tenaillait les vagabonds ; les femmes, surtout, évitaient la masure infernale ; et comme chacun n’aurait pu se présenter devant la justice, c’est à peine si deux dénonciations anonymes furent envoyées. Mais Hubert Flandrin, dit » Poing-d’-Acier « , qui dévalisait les églises, préparait de longue date une excursion nocturne vers la demeure étrange, et il racontait que ce serait sans doute le plus beau coup de son existence.
John et Freddy ne sortaient jamais qu’à la brune pour quérir d’utiles provisions. Ceux qui les avaient rencontrés prétendaient qu’ils ressemblaient à deux sorciers démoniaques, et l’on prédisait à Poing-d’Acier les pires aventures. Pourtant, John Billy était presque illustre, au delà de l’Océan, pour ses découvertes d’engins guerriers, et son exil volontaire avait seul empêché qu’on ne connût ses recherches sur un certain fluide détonant, qui devait anéantir, dans l’avenir, les ruses stratégiques des batailles.
En vérité, John Billy n’était-il pas un peu détraqué ? Comment aurait-il décidé cette vieille crapule do Fred Maggers, condamné dix-huit fois pour vol, s’il n’avait eu l’ascendant particulier des fous ? Toujours est-il que Fred le suivait comme un chien fidèle… Maintenant, il dormait peut-être son dernier sommeil dans la salle vide, aux murs lézardés, tandis que John, brûlé par des flammes d’enfer, préparait l’explosif qui devait assurer sa gloire…
Trois fois déjà, John avait usé de son sérum sur Freddv, sans que celui-ci bougeât. Il n’en manifestait pas moins une tranquillité sereine. Etait-il certain de réussir ? Faisait-il bon marché de la vie de Fred, dont le corps glacé se raidissait ? Mystère. Et il n’éprouva qu’une crainte, mais celle-là désordonnée, grotesque, le jour où il entendit trois coups frappés à sa porte. Toutefois, il reconquit son flegme pour ouvrir. Il se trouva en présence de quatre agents et d’un commissaire ceint de l’écharpe, qui entrèrent en tumulte. Un homme glabre et décoré les accompagnait.
D’abord, John ne dit pas une parole ; il laissa envahir son logis, comme s’il s’attendait à cette visite ; mais il ne refusa pas un entretien au monsieur décoré, qui déclina son titre de médecin officiel. Il parla de science à cet homme, qui exigea des papiers avant de l’entendre.
Un agent, qui avait aperçu corps de Fred, s’écria :
- Le cadavre est là ! Arrêtons l’assassin…
John sourit :
Messieurs, voici mon laboratoire. Si j’abandonne un instant mes fourneaux, vous serez foudroyés.
Le commissaire devint blême et déclara qu’on irait chercher un cercueil, tandis que deux agents garderaient les abords de la maison. Il fut obéi. Le médecin officiel affirma que le vieillard lui semblait fou, mais qu’il valait mieux attendre la matinée suivante pour opérer l’arrestation. Aussi bien, on ne put relever sur le corps de Fred aucune trace de violence. Sa mort parut naturelle. Il fut couché dans un cercueil qu’on entoura de cierges allumés, et John resta seul auprès de ce catafalque primitif
- J’ai encore six heures, murmura-t-il.
Et, le four en briques empli jusqu’à la gorge, il opéra un mélange de liquides en ébullition, rapprocha trois tubes qui crachaient des vapeurs, les coiffa d’un bocal énorme et courut dévisser le cercueil. La face de Fred apparut, cireuse et creusée,
- Diable ! Diable !… fit John.
Mais il piqua plusieurs fois le bras rigide à l’aide d’une seringue pleine d’une eau jaunâtre, et, retournant à son laboratoire, après un coup d’œil satisfait sur ses engins, il s’enfonça dans un vieux siège gothique et s’endormit.
D’abord, le bruit grondant du feu s’entendit seul puis il sembla qu’un choc timide et régulier heurtait le mur de la chambre funèbre. Cela dura une heure…et, soudain, le plâtre se détacha, croula dans la salle,et, par un trou formé dans la cloison, un homme entra. C’était Poing-d’Acier. Il jura d’épouvante en apercevant le cercueil et les cierges, mais se ressaisit, car il avait un témoin : un second chenapan aux cheveux roux apparut.
Ce sera plus facile, dit Poing-d’Acier, on ne nous dérangera pas.
Les dents de son compagnon claquaient. Il fallait faire vite. Ils se dirigèrent instinctivement vers la boîte. Poing-d’Acier tira de sa ceinture une pince brillante et courbe. Il l’introduisit sous le couvercle et pesa… Mais, à ce moment, son acolyte hurla. Et les bandits virent s’avancer jusqu’à eux le cadavre qui, surgi du cercueil, haussait un cierge pour mieux voir… Ils s’enfuirent vers la porte, affolés. Ils y rencontrèrent John, accouru au bruit, et qui, à la vue de Fred, s’écria :
Le triomphe ! Le triomphe !…
Poing-d’Acier et l’homme aux cheveux roux tournaient, terrifiés, autour de la chambre. Des pas lourds sonnaient dans l’escalier. Les agents, attentifs, s’inquiétaient peut-être… Un : » Au nom de la loi » acheva d’abrutir les cambrioleurs… Cependant, une odeur bizarre s’épandait, un gaz acide flottait, prenait à la gorge. John mugit :
Sauvons-nous ! Sauvons-nous !…
A la porte, ils trouvèrent les agents.
Laissez passer ! Ordonna John.
Et comme il n’obtenait pas de réponse, il dit :
Deux grands secrets meurent avec moi.
Le gaz flottant fut visible, bleuâtre, puis violet… Il y eut une atroce détonation, et la masure s’ouvrit en deux parties, qui se couchèrent comme des cartes…
Les bandits virent s’avancer le cadavre qui haussait un cierge pour mieux voir
« La république des muets » Roman gai. De Saint-Granier et Max Aghion. Les éditions de France 1925. Illustrations intérieures de Max Aghion couverture de Abel Faivre
Comme à son habitude, la perfide Allemagne fomente quelques tracasseries à l’encontre de notre beau pays de France, et délaissant la classique mitraille trop bruyante et salissante, charge Von Sputz de créer un redoutable microbe : L’aphonitus Généralis ! Une bien curieuse bestiole qui s’attaque à vos cordes vocales et se multiplie à une vitesse phénoménale. Le journaliste Emmanuel André-Louis, se faisant passer pour un savant, parvient à visiter le laboratoire où se trame cette invention diabolique et à voler un échantillon. Malheureusement, suite à une malencontreuse manipulation (en fait l’éprouvette servira de projectile suite à une scène de jalousie) lors de son retour en train sur la capitale, le vil microbe va se propager dans l’air infectant toute la population.
C’est le drame comme vous pouvez vous en douter car certaines professions usant et parfois même abusant de ce pratique moyen de communication vont tout simplement se retrouver au chômage, certains se suicident d’autres tombent dans une profonde dépression, particulièrement les gens du Sud pour qui la privation de ce précieux organe est une malédiction, une punition divine, une catastrophe nationale !
Mais la vie se réorganise, et si la parole n’est plus de mise sur terre, l’ouie et la vue fonctionnent bien alors on développe de nouveaux langages à partir de ces sens développés. On invente un alphabet des muets et l’on trouve même quelques avantages à ce silence forcé où l’on n’a plus à subir les bavardages incessants des ménagères, des hommes politiques ou d’une épouse trop envahissante.
Ce langage universel rapproche les peuples et lorsqu’en 2850, Gus Poustognac fera état dans le « Journal de Paris » d’une bien étrange découverte archéologique dans les ruines de l’ancienne capitale l’émotion sera à son comble. Un chercheur vient ben effet de mettre à jour la tribune du palais bourbon. Une vague relent de regret s’empare alors de quelques nostalgique, d’un temps où il était possible de s’exprimer avec force gesticulations, où le langage permit à de célèbres écrivains à produire des œuvres superbes. Pourtant dans cette « république des muets » comme il est plus facile désormais de voyager. Tout le monde communique par signes et la moindre petite vibration du petit doigt exprime une demande bien particulière, un bienfait ayant aboli les frontières et réduisant à néant la redoutable barrière du langage. L’auteur de cet article se sent alors envahi par une vague d’émotion, lui le littérateur impénitent, ressent parfois une profonde émotion en se remémorant les pages les plus célèbres de cette époque qu’il nomme désormais « La république des bavards ».
Encore un roman « gai » comme il en se faisait énormément à cette époque, d’une lecture très agréable et dont une grande quantité renferme des éléments ou des thématiques conjecturales non négligeables, comme celle de l’exploration future des ruines de Paris. Sujet qu’il vous sera possible de trouver sur les pages de ce blog. Cette « répuplique des muets », est à la fois cocasse et inventive, un sujet relativement peu abordé en anticipation ancienne et concernant cette thématique autour du «son » il faudra attendre 1937 et le roman de V.Gamma et « La conspiration du silence » pour retrouver ce sujet des plus passionnant. Mais nous y reviendrons plus tard lors de l’analyse de ce rare roman paru à compte d’auteur et tiré à 500 exemplaires.
Dossier les « détectives de l’impossible »
« Le disparu de la huche à pain, roman policier loufoque » du Fakir Denn’Salhar. Préface de Roger Salardenne. Illustrations de Maurice Henry.Socite Parisienne d’édition.1945
« Je ne Vous ferai pas l’injure de Vous présenter le fakir Denn’ Salhar dont la célébrité est telle que Napoléon Ier, s’il vivait encore, risquerait d’en prendre ombrage.
Ses chroniques font autorité dans la presse depuis nombre d’années et je suis convaincu que la défaite allemande est due, en grande partie, à son silence Volontaire Jurant l occupation. Privés de ses talismans hebdomadaires (qu’il expédiait clandestinement à Londres), les dirigeants verdoyants du Gross-Paris ont été incapables de conjurer les mauvais sorts qui les ont amenés, finalement là où l’on sait
Virtuose de la planche à clous, champion de l’horoscope, prophète infaillible, le fakir Denn’Salhar, toutefois, n’avais encore jamais manifesté le moindre goût pour
la littérature.
Ainsi apprendra-t-on avec quelque surprise qu’il s’est décidé à écrire un roman policier qui, je vous assure, n’est pas piqué des Vers.
Des vers pilés, bien entendu.
Denn’Salhar m’a fait le grand honneur de me demander une préface pour son « Disparu de la huche à pain ». Je n’ai pas cru pouvoir la lui refuser.
La lecture du « Disparu de la huche à pain » m’a passionné. Cet ouvrage, essentiellement dramatique, possède une caractéristique qui lui est propre : une idée philosophique se dégageant, toute seule, d’une intrigue parfaitement agencée qui vous tient en haleine. »
Notre fakir-romancier a cette qualité rare qui s’appelle la logique. Vous ne vous étonnerez plus, dès lors, qu’il excelle dans la fiction policière.
Et c’est pourquoi les savantes déductions du détective Chroumbadaban éblouiront le lecteur qui suivra pas à pas avec lui la piste de l’ectoplasme du trisaïeul…
Mais chut! ne déflorons pas le sujet…
Qu’on me permette seulement de dire que je suis fier sur cette page, d’être le premier à prédire à mon ami Denn’Salhar – sans avoir besoin de consulter les astres – un bel avenir de romancier.
Et maintenant, si vous le permettez, je lui passe allègrement mon stylographe. »
Un bien singulière préface pour un roman qui l’est tout autant
Ce roman policier « Loufoque » mettant en scène le célèbre détective Chroubadaban, fut écrit par l’auteur de cette préface ,Roger Salardenne, qui utilisa le pseudo de Fakir Denn’Salhar, pour signer ses rubriques intitulées « Le coin du fakir » dans le « Canard enchaîné ».
Au manoir de la Pétaudiére, le vicomte Gontran de la Mortadelle est aux abois : L’ectoplasme de son trisaïeul à disparu ! Un enlèvement, une fugue ? On fait alors appel au célèbre détective « Chroumbadaban » afin d’éclaircir cet épais mystère qui va réveiller de bien vieux fantômes et semer la zizanie dans cette antique maison.
Situations délirantes, dialogues complètements décalés, portes qui claquent et armoires qui grincent, dans une atmosphère des plus surréalistes, une des enquêtes les plus farfelues dans le domaine des détectives de l’étrange. Jamais le qualificatif de « Bizarre » n’aura été plus approprié pour définir ce singulier et atypique chasseur d’ectoplasmes.
Pour son coté farfelu et jouissif,à ranger aux cotés des aventures de «Krick-Robot, détective à moteur » ou des « Aventures de Loufock-Holmes » du non moins délirant et génial Cami
« Le vainqueur de la mort , chronique des siècles à venir » de Camille Debans. Dans la revue « La science illustrée »du N° 414 (3 Novembre 1895) au N° 418 (1er Décembre 1895). Illustré par Damblans
L’année1999, est une ère de progrès et de félicité. Alors on fête joyeusement un formidable événement, celui du centenaire de la première invention de W.Benjamin Smithson qui, en 1899 développa une nouvelle technologie dont le but fut de créer artificiellement la pluie. Au moyen d’un lourd appareillage lancé dans les airs par de gigantesques ballons, il parvint ainsi à créer de monstrueux orages et les pluies diluviennes qui les accompagnent. Ainsi le problème des mauvaises récoltes en raison des grandes sécheresses était terminé, plus de famine. Hélas toute médaille à son revers et de nouveaux conflits d’intérêts surgirent avec cette invention fabuleuse, certains voulaient la pluie et d’autres le beau temps….
Le savant n’a que faire de ces vaines querelles et dans l’espace clos de son laboratoire, poursuit de formidables expériences pour le bien être de l’humanité. Toutefois, il en est une qu’il ne semble pas vouloir partager et le milieu scientifique eut vent de cette dernière en constatant avec stupéfaction que l’humaniste ne semblait pas vouloir vieillir. Son allure élégante et son dynamisme ne semblent pas avoir été diminué alors qu’en théorie l’homme devrait avoir au moins 130 ans. Sa compagne semble avoir bénéficié du même traitement car elle conserve également une fraîcheur toute juvénile. Cependant Smithson refuse catégoriquement de divulguer son secret, la communauté scientifique le presse, le supplie, l’humanité aux abois, dans l’attente d’une seconde jeunesse attend la commémoration du centenaire de sa toute première invention, pensant à de fabuleuses révélations, mais en vain. Il ne veut cèder aux suppliques : Donner l’immortalité à toute la planète serait source de conflits, de misère aussi car les gens animés de mauvaises intentions ne feraient que perpétrer leur animosité jusqu’à la fin des temps, quand aux autres, ils ne leur resterait plus qu’à la subir éternellement.
Une révolte gronde, les plus folles rumeurs circulent, on évoque de le faire parler de force et s’il le faut, l’enfermer et utiliser la torture…humanité ingrate !
En Europe, voyant que cet arrogant Américains s’obstine toujours, on dépêche une délégation qui n’aura pas plus de succès, la réponse est sans appel, évoquant en outre un problème démographique important si la terre entière se peuple ainsi d’immortels.
Fort heureusement Benjamin n’est pas un ingrat et travaille d’arrache pied pour assurer une avancée technologique des plus profitable. Les voyages aériens se développent, les airs sont sillonnés par de gigantesques appareils comparables à de majestueux oiseaux. Depuis l’invention de puissantes piles électriques, ils possèdent une autonomie indéfinie. La distance entre les villes se parcourt à des allures folles grâce aux tubes pneumatiques, il faut quinze minutes pour se rendre de New York à Paris. La production est telle que le travail est devenu une distraction qui ne prend que deux heures de notre temps, d’ailleurs tout est automatisé, les loisirs occupent la majeure partie de notre vie. Les moyens d’observations se développent, la communication est établie avec d’autres planètes, Mars et Mercure sont habités….
Alors dans une dernière tentative, les Français qui semblent être les plus obstinés, invitent notre génial inventeur à une cérémonie qui doit se dérouler à Bordeaux. On le couvre de gloire, le flatte, le congratule, le faisant passer pour l’homme le plus important de la terre, le bienfaiteur universel, le plus grand de tous les scientifiques que la terre ait connu. Mais de toutes ces flagorneries, il n’en a cure, sa décision est toujours aussi ferme, il quitte ainsi la France avec le regard accusateur de tout un pays pointé dans son dos. Comme tout bon bienfaiteur qui se respecte il leur laissera en gage de son immense mansuétude, une substance supprimant presque toutes les douleurs dans tous les cas de souffrance physique.
Les journaux publient sur lui d’abominables diatribes, on le caricature, le vilipende, le dénigre. Un jour pourtant un membre de sa famille va lui présenter un de ses petits fils atteint d’un mal inconnu, ses jours sont comptés. De fait, envahi par un remord profond et une incommensurable fatigue morale, il cède aux suppliques de la jeune femme éplorée et verse quelques gouttes d’une liquide doré dans la bouche de l’enfant. Le résultat est foudroyant, le mal semble avoir abandonné le petit malade. Sa résistance montre des signes de faiblesse, il réitérera cette intervention miraculeuse, mais au compte goutte.
Pour effacer sa morosité,il va se livrer par la suite à l’exploration des fonds marins, la terre lui ayant révélée presque tout ses secrets, poursuivant encore et toujours sont admirable travail pour le bonheur de ses semblables.
Lors du bicentenaire de sa première invention extraordinaire, Smithson semble être tombé en disgrâce, personne pour le remercier de tant de bienfaits, lui qui à toujours œuvré pour ses concitoyens et frères terriens. Un seule chose les préoccupe, et devant une telle attitude d’enfants trop gâtés par un père qui a toujours donné sans compter, décide avec son épouse de ne plus boire le précieux liquide régénérateur :
« En deux jours ils vieillirent de tout le temps qu’ils avaient volé à la nature, et ils moururent désabusés, sans un regret »
Une agréable longue nouvelle d’un auteur qui déjà en 1884 nous avait livré un fort passionnant « Les malheurs de John Bull » ( Marpon & Flammarion 1884) à placer dans la thématique des guerres futures. Il y fait preuve d’une inventivité assez rare pour un roman de cette période.
Dans « Le vainqueur de la mort », il aborde avec une certaine ironie le problème du savant de génie confronté à une humanité hostile et peu reconnaissante de sa bonté. A trop vouloir faire le bien pour ses semblables, il se rend vite compte de toute l’hostilité de ses semblables lorsqu’ils veulent encore et toujours plus. Un exemple intéressant de savant qui va se démener toute sa vie durant, pour améliorer notre condition et qui n’utilisera à aucun moment tout son savoir afin de se retourner contre nous.
Une de ses petites « perles » qui se cachent bien à l’abri des revues scientifiques de cette époque.
« Le mystère du tour de France » de Henri Suquet. Les éditions des Loisir « Loisirs Aventures ».1939.Couverture de Claudel
Afin de tester un gaz révolutionnaire permettant de décupler votre force, quoi de plus naturel que de la tester lors d’une course aussi populaire que le tour e France. C’est ce que va décider Justin Patard , féru de chimie désirant par ce moyen peu orthodoxe dévoiler le fruit de son génie. Il dissimule par un adroit mécanisme le dit gaz dans le cadre du vélo (en lieu et place d’un certain moteur électrique qui sera utilisé plus tard..). Après quelques péripéties et une belle histoire d’amour, son fameux gaz le « Fortitudo » va peut-être connaître une meilleure utilisation grâce à l’intervention d’un riche industriel. Au fait son champion gagnera t-il le tour de France ? Il ne vous reste plus qu’à lire l’ouvrage.
Afin de nous mettre en appétit, voilà ce que l’éditeur mentionne sur le deuxième de couverture :
« Dans les autres livres parus et à paraître de notre série « Loisirs aventures », vous trouverez :
Des récits aussi entraînants aussi vivants, aussi pittoresques.
Des randonnées héroïques dans les pays lointains.
Dec passionnantes intrigues dans les réseaux ténébreux de l’espionnage international.
Des romans faits, non de chimériques imaginations, mais des réalités d’aujourd’hui.
Des romans enfin pour la jeunesse de France, éprise d’entraînement physique et de courage, de grand air et de vie saine. »
Pour une bibliographie plus complète c’est ICI
« Curios » de Richard Marsh. Recueil de nouvelles traduit par Jean –Daniel Brèque. Editions Rivière Blanche, collection « Baskerville » N°4. Couverture de Aurélien Hubert
Les gens sont-ils vraiment curieux ? Voilà une question que je me suis souvent posée. Curieux, curiosité, Curios: une faculté qui pousse l’individu à apprendre, à voir, à connaître, à s’intéresser au monde qui l’entoure. Elle peut toucher différents domaines et n’a pas de cadre restrictif. Elle englobe un vaste éventail de possibilités. Mais la curiosité peut-être pathologique et bien souvent à trop vouloir ce que l’on ne peut pas atteindre, une histoire des plus banale peut se transforme en tragédie.
Avec le roman de Richard Marsh « Curios » il se passe un drôle de mécanisme, la mise en marche d’un processus complexe que seul pourra comprendre l’individu le plus étrange et incompréhensible qui soit : Le collectionneur !
J’ai rencontré pour la première fois Richard Marsh au détour de cette collection mythique, probablement la plus intéressante des années 80, les « Nouvelles éditions Oswald ». Je me rappelle de la mise en appétit faite par la préface de Richard D.Nolane et m’être plongé sans retenues dans cette sombre histoire de malédiction égyptienne, traduite à l’époque par un certain Jean-Daniel Brèque. J’avais pris beaucoup de plaisir avec le style de l’auteur et cette soudaine boulimie que je semblais éprouver pour cet illustre inconnu à l’époque ne put être rassasiée en raison du manque évident d’intérêt que semblait lui porter la majorité des éditeurs. L’attente fut longue et c’est avec un immense plaisir que j’ai découvert ce « Curios » dans la collection Baskerville.
Après avoir acquis ce magnifique ouvrage, rétroactivement en y réfléchissant bien, je me suis retrouvé dans la peau de l’amateur d’objets introuvables qui vient de découvrir une rareté et compte bien la garder jalousement pour lui. La couverture en elle même est une sacrée réussite, originale et atypique, l’objet en premier plan semble vous regarder et vous pénétrer au plus profond de votre fibre de lecteur en vous disant : « Achète moi ! » : L’ouvrage serait-il donc possédé pour qu’il me fasse une telle impression ?
Une belle couverture est à mon à mon avis déterminante pour l’achat d’un livre et de ce coté, nul doute que l’artiste est parvenu à accrocher le chaland.
Mais la beauté de l’illustration ne faisant pas la qualité du texte qu’il abrite, inutile de vous dire que je me suis précipité avec un grand plaisir dans ce « Curios » aux promesses tant attendues.
La préface de Jean-Daniel Brèque est des plus érudite et passionnante, une constante chez cet anthologiste, nous faisant ainsi revivre les étapes déterminantes de ce singulier personnage pour qui l’écriture fut vraiment une raison d’être. Je ne vais pas vous faire un résumé de sa vie, il vous suffira de la découvrir par vous même, mais il est absolument incroyable qu’un auteur si prolifique, occupe une aussi petite place dans le catalogue des éditeurs. Une injustice fort heureusement provisoire, que la collection « Baskerville » semble vouloir réparer au plus vite.
Une fois passée cette introduction, nous voici donc dans le vif du sujet et pour vous situer de la façon la plus explicite qui soit le ton du roman et de ses deux personnages principaux, je crois qu’il n’y a pas meilleure façon que de paraphraser l’auteur ;
- « Tress, j’ai l’intime conviction que vous étés un fieffé voleur.
- Mon cher Pugh, il me semble évident que vous en êtes un autres »
Voici pour la première tirade. Quand à la seconde elle est tout aussi savoureuse :
- « C’est homme est si menteur qu’il soupçonne systématiquement son semblable de partager ce défaut avec lui. »
Un dialogue du tac au tac qui résume bien les caractéristiques de ces deux collectionneurs invétérés, qui seraient prêts à tuer père et mère afin d’obtenir l’objet de leur convoitise. Car voyez vous dans ce délicieux petit écrin qu’est « Curios », l’auteur nous dépeint avec ironie et lucidité, l’univers douillet, ouaté mais ô combien cruel et impitoyable des cabinets de curiosités. Un univers où les règles n’existent plus, où l’amitié prend un tour assez particulier et faisant fi de la sacro sainte notion d’honneur et du respect d’autrui : Tous les coups sont permis !
C’est un très curieux tableau de la relation si particulière que l’amateur de choses rares peut entretenir avec l’objet de son obsession. Je dirais une relation quasi fusionnelle, qui le rend aveugle, coupant par la même son sens des réalités, le privant de tout jugement et de toute morale.
Il nous suffit de lire par exemple la nouvelle « Le cabinet » pour s’en convaincre. Nos deux concurrents vont déployer des trésors de fourberies et de mesquineries pour s’octroyer un magnifique secrétaire réalisé par André-Charles Boulle. Nous assistons alors à une véritable joute de perfidies entre les deux candidats avec un final des plus coquasse. Dans les différentes nouvelles qui parsèment cet ouvrage la fourberie et la tromperie sont de mises et si les deux lascars sont voisins et « amis » il m’empêche que toutes les occasions sont prétextes afin de ridiculiser et de prouver que son rival est un bien piètre collectionneur.
A croire, à la lecture de cet univers si particulier, que Richard Marsh a lui même côtoyé ce milieu où le célèbre adage « La fin justifie les moyens » est une constante incontournable.
Ecrit dans un style propre à cette fin de siècle où les bons usages proscrivaient toute utilisation d’un langage vulgaire et déplacé, il n’empêche toutefois pas l’utilisation d’une rhétorique bien sentie qui nous procure un plaisir coupable tout en nous décontractant les zygomatiques de façon jubilatoire.
Nous assistons alors à de véritables affrontements verbaux et nos deux adversaires, les yeux obnubilés et le cœur envahi par une immense convoitise, utiliseront toutes les perfidies possibles pour faire sombrer dans le ridicule leur misérable adversaire dont le seul tort sera de ne pas avoir été aussi vicieux que son malheureux concurrent.
Saluons au passage le travail de traduction de Jean-Daniel Bréque qui a effectué un superbe boulot en nous retranscrivant de la manière la plus juste qui soi toute la finesse et la subtilité de langage d’une époque aux relents délicieusement surannés.
Dans cet ouvrage, toute la saveur réside dans les relations des nombreux protagonistes qui le peuple et de leurs « prises de bec » successives. D’ailleurs le plus incroyable c’est que chacun semble y trouver son parti et loin de capituler et de passer à un autre registre, ils agissent comme sous l’influence d’un mystérieux magnétisme et ne peuvent s’empêcher de se lancer des défis. Finalement la raison d’être de l’un, ne peut se faire sans l’existence de l’autre et tout concourt à nous faire admettre qu’ils se comportent comme un véritable couple éprouvant du mal à vivre séparé.
Les personnages qui gravitent dans cette sphère « d’initiés », possèdent à des degrés différents les mêmes travers, ils sont tous de la même trempe et qu’il soit le valet de l’un où de l’autre, où appartenant à cette fameuse « société de dilettantes » les coups fusent : on se congratule brièvement et on n’hésite pas à se porter de fameuses estocades dont le but ne sera que de vous laisser sur le carreau, le souffle court. La nouvelle « L’œuf du grand pingouin » qui est un sommet de ce que la bêtise d’un collectionneur cupide peut générer, est un parfait exemple des relations pouvant exister entre « gens du monde ». On se regarde, on s’épie, on se suspecte et on se jalouse. Fort heureusement il y a une certaine morale à ses histoires et l’auteur n’aura de cesse de reprendre cet autre bon vieil adage « Bien mal acquis ne profite jamais ».
Toutes les nouvelles racontées, soit par l’un ou l’autre des protagonistes Pugh et Tress, gravitent sur l’acquisition d’un objet rare ou de grande valeur, et toutes possèdent des qualités intrinsèques. Sur les huit nouvelles du volume, deux seulement appartiennent à une veine plus fantastique, « La pipe » ou l’histoire d’une curieuse créature « habitant » cet objet d’apparence banale et « La main de Lady Wishaw », thématique classique de la main vivante, déjà rencontrée dans plusieurs nouvelles mais traitée ici avec une excellente ambiance surnaturelle. « Le phonographe » et l’esprit qui l’habite est tout aussi savoureuse, « L’icône » est dans un registre plus classique quoi que admirablement bien traité, « Le casse tête » s’articule sur le thème de la curiosité et de l’appât du gain poussé à l’extrême et pour finir « la bague » ou l’auteur explore le raffinement du sadisme et de la torture morale et physique jusqu’à l’extrême. Je dois avouer avoir une attirance toute particulière pour « L’œuf du grand pingouin » et de l’histoire de ce monumental coup de « Bluff ». Les histoires donc se lisent avec un plaisir sans cesse renouvelé et il nous faut ainsi remercier le directeur de cette admirable collection de nous avoir fait découvrir ce petit joyau serti dans un écrin de finesse, d’humour et d’originalité.
« Curios » un ouvrage indispensable au lecteur avide d’agréables surprises mais également au collectionneur un peu trop obtus, avare et cupide en espérant que la lecture de ce délicieux ouvrage, lui fasse un peu ouvrir les yeux sur la stupidité de certains de ses agissements.
Le volume se termine par deux appendices forts instructifs et une bibliographie des plus indispensables.
Grand coup de chapeau à Jean-Daniel Brèque, souhaitons que sa collection aura tout le succès qu’elle mérite et si l’on en juge par les prévisions de ses prochaines sorties, nul doute qu’elle comblera de joie tout un lectorat avide de nouveautés originales et inédites.
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« Le faiseur d’hommes et sa formule » de Jules Hoche Libraire Félix Juven.1905
Abandonnés malencontreusement sur une île du détroit de la Sonde, un couple se retrouve plongé dans une bien curieuse aventure. Celle-ci est en effet occupée par de bien singuliers habitants dont les caractéristiques ne peuvent semble t-il provenir que de la « main » de l’homme. D’un coté des êtres repoussants, sorte d’hybridation entre le poulpe et l’être humain, les « immondes » et de l’autre des formes humanoïdes à l’apparence parfaite, si ce n’était la similitude de leurs traits, une espèce qui semble être dépourvue de sexe, les « purs ». Ils seront rapidement escorté par ces dernières vers le maître des lieux, Brillat-Dessaigne une brillant chimiste qui s’est retiré, tel le Dr Moreau, sur cet île afin d’y poursuivre de biens mystérieuses expériences.
Son but est de réaliser rien de moins que la vie artificielle à partir du « Bathybius » , sorte de gelée organique vivant dans les océans. Au cour d’un « incident de parcours » le produit de son expérience impie, fut soumis accidentellement aux effets de la foudre. Les œufs réalisés lors de cette manipulation, se mirent alors à germer : Une vie artificielle venait ainsi de naître !
Mais cette erreur de la nature ne sera pas sans conséquence car si certains des œufs donnèrent vie à des formes humaines « conventionnelles », d’autres par contre eurent moins de chance, probablement en raison d’un matériel de base « avarié » et produisirent les «aberrations » de la nature rencontrées par nos deux héros lors de la visite de l’île. Et comme tout à un prix, il leur faudra profiter pleinement de leur paradis terrestre car la durée de vie de ces pauvres malheureux est relativement brève, atteints d’un curieux phénomène relatif à leur état « artificiel » : ils vieillissent de façon prématurée.
En « père » peu soucieux du développement de ses enfants, le savant se désintéressa complètement des immondes, les livrant à eux même dans une nature hostile, tout en gardant un œil curieux sur les « purs » dont l’absence de sexe et leur isolement du monde extérieur semble les priver de tous les défauts et les déviances de la nature humaine. Isolés ainsi du reste du monde, Brillat-Desaigne fait ainsi office d’une sorte de Dieu qui régnerait sur de biens étranges enfants.
Les « Purs » ne comprennent pas la raison d’une telle punition divine et l’arrivée de ce couple est l’occasion pour eux de constater qu’à « l’extérieur » les choses sont différentes, que des êtres peuvent s’aimer, avoir des enfants. Leur trouble est d’autant plus profond qu’ils ont dérobé un livre appartenant aux naufragés, un des leurs sachant lire. Ils découvrent ainsi au travers l’histoire d’amour de « Graziella » toute la noblesse des sentiments et la beauté et la joie que peuvent procurer un être aimé. Faisant part de la chose à leur « Dieu » créateur, ils découvrent bien vite toute l’horreur de leur condition. Le chimiste ne peut leur procurer de sexe ni prolonger leur durée de vie par la même occasion. Ces pouvoirs révèlent alors une terrible faille, il n’est pas l’homme d’essence divine qu’ils pensaient qu’il était
Une révolte éclate, Brillat-Desaigne doit agir vite et bien au risque de se faire submerger ,opère un véritable génocide dont le but sera l’annihilation chimique pure et simple de cette infortunée communauté.
Maurice qui depuis le début de l’aventure sera resté en retrait, préférant garder une certaine neutralité dans un conflit qui ne le concerne pas, survivra à l’explosion finale d’une importante réserve de munitions. Yvonne son épouse échappera de justesse au carnage, sauvée par le dernier « Pur » encore vivant qui va sacrifier sa vie plutôt que de voir périr une innocente victime.
Comme quoi les nobles sentiments ne sont pas exclus de toutes formes de vie sur la terre.
A la vie, à la mort…
Créer la vie fut de tout temps une des préoccupations principales du savant et dans l’atmosphère électrique et méphitique de son laboratoire il se livra à diverses méthodes afin de rivaliser avec son concurrent de toujours : Dieu.
Qu’il tente de coller certains morceaux dans une parodie d’humanité dont le « Frankenstein » de Mary Shelley est l’exemple le plus significatif, de modifier l’homme avec des pièces mécanique en « charcutant » ses chairs encore palpitantes et frémissantes, qui trouve en Caresco de André Couvreur un maître incontesté (« Caresco surhomme ou le voyage en Eucrasie » de André Couvreur) ou de l’améliorer à des fins personnelles ou scientifiques, le savant œuvre sans relâche pour le soi-disant bienfait de l’humanité. Mais je ne voudrais pas refaire ici le tour d’horizon de ces brillantes cervelles, puisque que je leur avais accordé toute mon attention à l’occasion de l’article sur « Tornada et les savants fous ».
Dans le roman de Jules Hoche, contrairement à la grande majorité de l’époque, nous avons affaire à un scientifique qui va créer la vie en partant quasiment de la forme cellulaire. Véritable cultivateur de formes vivantes, il utilise alors la matière primale sise dans ce qui fut notre « bouillon » originel pour en extraire le ferment essentiel qui donnera par la suite, après de complexes et alambiquées manipulations, un être vivant.
La structure narrative n’est pas sans nous rappeler celle du roman de H.G. Wells « L’île du Dr Moreau » où le naufragé découvre sur cette terre providentielle, un génial chercheur qui n’en est pas moins dangereux, en voulant conférer une certaine humanité à des bêtes sauvages. D’ailleurs tout comme le roman de l’écrivain Britannique, les créatures de Brillat-Dessaigne vont se révolter en se retournant contre leur créateur, le tuant sans forme de procès.
Ce désir de concevoir artificiellement la vie fut relativement peu utilisée dans notre domaine, pourtant les auteurs qui s’y adonnèrent eurent le mérite de nous proposer des romans assez originaux et innovants pour l’époque.
Déjà en 1888 Louis Boussenard dont l’ensemble de l’œuvre ne nous avait pas préparé à cela, innove la thématique avec son curieux » « Les secrets de Monsieur Synthése » ( Dans la revue « Le science illustrée » du N° 15 au N° 63,1888/89. En volume Marpon & Flammmmarion vers 1888 ). Le personnage en soumettant des amibes à des stimulations physico-chimiques va obtenir, en « violant » la chaîne de l’évolution un être humain. Le doute va toutefois subsister, ne sacahnt pas si son expérience à aboutie ou non.
Michel Corday, avec son « Mystérieux Djann-Phinn » (Dans la revue « Je sais tout » Avril/Mai 1908), nous présente également une sorte de surhomme créé de toute pièce par le génie du Docteur Bro. Ses origines seront incertaines et un mystère plane sur cette énigmatique créature. Couvreur reprendra du service d’ailleurs avec le Professeur Tornada qui dans son roman « Le valseur phosphorescent » nous présente un homme magnifique mais bête comme ses pieds : Il est né dans un aquarium d’eau salée à partir d’organismes élémentaires. Ceci expliquant cela.
En 1912, Gustave Guesviller dans son roman « Le cou blanc » (Editions Méricant « Les récits mystérieux ») va également se servir de l’élément marin pour créer un simulacre de vie avec de bien cruelles et abominables créatures marines tentaculaires, sorte de fleurs dont le centre serait serti d’un œil unique, accompagnées d’une non moins redoutables bouche avide de sang frais. Ce roman hélas fort rare, est d’une lecture agréable et reste une des grandes réussites de cette mythique collection. Toujours chez le même éditeur, Jean de Quirielle nous propose quand à lui « L’œuf de verre » (vers 1912) curieux roman où le professeur Pancrace va créer de son coté de nouveaux organismes qui vont se développer dans des œufs. Son premier « spécimen » Lazare, ne pourra survivre en apprenant ses origines et se suicide pendant que son « père » sombre dans une démence totale : Il ne fait pas bon de vouloir rivaliser avec Dieu.
Moins connu également le roman de Somerset Maugham « Le magicien » (Les éditions de France,1938, mais rédigé en 1908) cette fois, Olivier Haddo, un jeune et prometteur savant, va constituer à l’aide d’anciens traités d’alchimie, un gigantesque vivier grouillant d’homoncules se nourrissant de sang frais. Sorte de cuve vivante parcourue d’un véritable réseau veineux et agitée d’un faible mouvement rythmique, elle abrite toutefois un semblant d’humanité avec d’effroyables créatures constituées de plusieurs bras si ce n’est de plusieurs jambes. Un d’entre elles, un hydrocéphales aux mains gigantesque mais au corps rabougri va se précipiter sur le héros de cette singulière aventures qui, fort effrayé par une telle abomination va avant de s’enfuir, mettre le feu à cette antre de la terreur. Une vision cauchemardesque, un final des plus horrible qui mérite à être découvert.
En 1920 Jean De Quirielle, encore lui, fait intervenir un mage Indou dans « Les voleurs de cerveaux » ( Dan la revue « Lecture pour tous » de Avril à Juin 1920). La science étant parfois impuissante à solutionner tous les problèmes, ce dernier va utiliser toute la force spirituelle de cette antique religion, couplée à l’énergie de trois puissants cerveaux, pour faire « germer » dans une eau nourricière, une variété de plante dont les animalcules en se réunissant, vont former une énorme pieuvre aux bras multiples. Refusant de reconnaître un père au regard si perçant, la bestiole va préférer dévorer son géniteur. Vraiment pas de reconnaissance les bestiaux !
Notre cher Maurice Renard n’est également pas en reste puisqu’il va rédiger en collaboration avec Albert Jean « Le singe » (Editions Crès 1925). Une nouvelle forme de vie va naître ainsi de cet autre laboratoire. Lui aussi, constitué à partir d’un procédé « Physico-chimique » le savant Richard Cirugue va reproduire des matières inertes puis des éléments organiques. Ne pouvant arriver à finaliser sa « créature », c’est son frère qui va alors s’en charger en se dupliquant lui même. Mais dans une suprême étreinte, créature et créateur vont finalement disparaître, victimes du feu salvateur allumé par son propre fils.
Pour terminer ce petit tour d’horizon qui est loin de se clore, ajoutons le génial Octave Béliard dont l’œuvre la plus connue « Les petits hommes dans la pinède » ( La nouvelle société d’édition, 1929 ), nous propose également la création toute artificielle de petites créatures humanoïdes, qui d’état embryonnaire au départ vont constituer cette civilisation en miniature. De par leur petitesse ils vivent en accéléré et arrivent au faîte de leur évolution en très peu de temps (une thématique qui me rappelle le roman de Ch.Priest « Le monde inverti »). Le créateur vieillissant désire passer le flambeau à son fils mais cet univers en réduction ne l’entend pas de cette oreille et tout ce merveilleux projet va finir également dans les flammes de l’enfer lors d’un gigantesque incendie de cette pinède qui les a vu naître.
Un bilan par le fait assez riche et passionnant en regard des nombreuses tentatives réalisées mais restent tout de même assez symptomatique d’une époque où la science était encore contemplée au travers d’un miroir déformant. Il ne peut y avoir une telle défiance aux instances suprêmes sans un châtiment divin en retour. L’homme de science sera ainsi un savant fou dont les idées fantasques ne peuvent être tolérées, dans une société catholique revendiquant l’image d’Eve et de la pomme. La seule rédemption pour la créature abjecte qui osa rivaliser avec Dieu sera la purification par le feu, symbole de destruction des temps ancien qui voyait périr sur le bûcher tout homme ayant ainsi montré certaines accointances avec le malin ou oser remettre en question les préceptes inaltérables de la foi.
« Le faiseur d’homme et sa formule » reste un excellent roman, qui hélas comme tout bon roman de l’époque qui se respecte, reste difficile à trouver. Il avait été annoncé dans l’éphémère collection de Francis Valéry « Les Hypermondes » aux éditions Oréa, 1988. Hélas le volume ne vit jamais le jour, seule « La Kallocaïne » fut publiée avec un passionnant appareil critique sur « Les utopies et anticipations Scandinaves des origines à 1940 », ce qui n’est déjà pas si mal.
Suite de ma «Bibliographie sélective des ouvrages de référence sur l’anticipation ancienne» entamée il y a quelques jours. Dans les quatre ouvrages référencés, trois sont des classiques indispensables à tout amateur qui se respecte. Des milliers de références, un travail colossal qui permettra au chercher agueri comme au débutant de faire de passionnantes et prodigieuses découvertes.
- « Encyclopédie de l’utopie et de la science fiction » de Pierre Versins.
Je pense que c’est l’ouvrage de référence en la matière, véritable « bible » qui insuffla à toute une génération la passion pour l’anticipation ancienne. Plus de mille pages, des centaines de références, un classement par auteurs avec de nombreuses thématiques, une somme incroyable de références, à une époque où le genre était encore une masse informe et totalement dispersée. Le seul petit bémol à ce travail colossal est le manque de références concernant les ouvrages cités et si pour la plupart les dates sont indiquées, le nom de l’éditeur reste souvent un mystère. Le travail de défrichage de Versins est pour moi un ouvrage majeur et incontestable, la clef de voûte dans toute bonne recherche sur les ouvrages fondateurs.
Edition « L’age d’homme »,1ére édition en 1972. Réédition en 1984, 1037 pages.
- « Panorama de la Science-fiction, les thèmes, les genres, les écoles, les problèmes »
De Jacques Van Herp. Un autre grand classique du regretté Van Herp, une autre grande figure des classiques Français de la SF. Comme son titre l’indique,l’auteur nous propose une analyse assez intéressante sur les grandes thématiques du genre en proposant toutefois une exploration plus en profondeur car l’ouvrage n’a aucune prétention encyclopédique préférant aller plus dans le détail dans les thèmes abordés. Une étude donc assez pertinente sur le pourquoi de la SF, de ses motivations et de son impact sur la société. Un très grand nombre de « classiques » de la conjecture ancienne y seront donc cités avec bien souvent un appareil critique entre les différents auteurs et leurs œuvres. Il est amusant de lire en introduction la reproduction de la lettre rédigée par Versins et Van Herp, une déclaration « conjointe » signalant qu’aucun des deux n’avait plagié l’autre et précisant que « l’encyclopédie » a paru alors que le manuscrit du « panorama » se trouvait déjà chez l’éditeur. De la part de deux hommes aussi respectable, le contraire nous eût étonné. Un petit regret par d’index des auteurs ni des ouvres citées
Edition André Gérard « Marabout ». Grand format 1973, 430pages.
- « Histoire de la Science Fiction moderne » de Jacques Sadoul.
Autre grand pionnier du genre en France, Sadoul se détache toutefois de ses confrères pour une passion plus soutenue pour la SF Américaine et des « Pulps ». Nous lui devons le superbe livre consacré à la science fiction Américaine des années 30 « Hier l’an 2000 » (Editions Denoël 1974) où il nous fait partager son amour pour les couvertures colorées de ces « Pulps » qu’il affectionne tant. Un superbe ouvrages comprenant également de magnifiques reproductions n&b des illustrations contenues dans ces célèbres magazines. Son « histoire » comporte un chapitre intitulé « Le domaine Français, Hier 1905/1949 ».Précisons que cette partie « survole » les publications de cette période et que son manque d’objectivité à l’égard de la production Américaine lui font écrire quelques petites phrases assassines sur l’anticipation scientifique Française. Mais tout cela est de bonne guerre à une époque pourtant où la production outre Atlantique concernant la période analysée (première moitié du XXéme siècle) était certes plus connu du public que la production Française. Il est difficile de lutter contre cet argument se trouvant à la fin de son introduction : « J’aime les pulps parce que je les trouve beaux » Si l’on fait la comparaison avec les éditions Nationales il est impossible sur cette base de faire le poids, bien que, en y regardant de plus prés des illustrateurs comme Starace, Armengol, Toussaint, Lanos, Orazi….n’ont pas à pâlir face aux artistes Américains. Mais ne revenons pas sur cet éternel débat de « Qui à mieux fait que l’autre ». L’ouvrage en conclusion reste une bonne analyse sur l’évolution de la science fiction Américaine en revues depuis ses origines et de son impact sur les auteurs de la nouvelle génération.
Editions Albin Michel 1973, 391 pages.
- « Science Fiction et soucoupes volantes » de Bertrand Méheust.
Afin de situer l’ouvrage je me permets d’en reproduire une partie du second plat de couverture : « Ce travail qui met en lumière les coïncidences répétées entre la science-fiction et le soucoupes volantes,conduit aux conclusions le plus surprenantes : nous devons abandonner nos vieilles catégories de pensée sur les vaisseaux habités,et considérer les soucoupes volantes comme un phénomène à double face, »psycho-physique »,qui puise dans nos structures mentales le modèle de ses manifestations » En fait,et très schématiquement l’auteur base son hypothèse sur le fait que l’aspect des vaisseaux extra-terrestres qui évoluent dans la littérature conjecturale ( modification de la structure,de la forme de sa propulsion etc.…) et ce au fil des décennies,à une répercussion sur l’inconscient collectif et dont l’influence se fait ressentir dans l’observation et la descriptions des différentes « victimes » par enlèvement ou témoins d’atterrissage de vaisseaux extra terrestres. Ce travail s’articule sur l’aide précieuse apportée par Pierre Versins notamment dans la toute première partie « La coïncidence mise à nue » ou sur pratiquement 198 pages (sur 330) l’auteur nous fait un inventaire et un descriptif des différents engins volants rencontrés en anticipation ancienne dans les œuvres populaires, de la fin du 19éme jusqu’au années 50.
Editions Mercure de France 1978.
Arnould Galopin, auteur populaire Français né en 1863 (la même année que H.de Graffigny) et mort en 1934, passa à la postérité conjecturale grâce à son roman « Le docteur Oméga, aventures fantastiques de trois Français sur la planète Mars ». Cette exploration du célèbre astre rouge se produisit en 1906 et connu dés lors de nombreuses présentation sous différents cartonnages, illustrés par E.Bouard. Ce roman fut par la suite réédité en 1949 aux éditions Albin Michel « Les belles lettres » sous le titre « Le Dr Oméga » illustré cette fois par Rapeno. Ce célèbre texte paru en pré original dans la revue « Mon beau livre » dés son numéro 1, le 15 Janvier 1906, avec des illustrations inédites de E.Bouard et, ce qui est assez exceptionnel, de bien meilleure qualité.
Prenant à la lettre le vieil adage affirmant que c’est dans les vieilles marmites que l’on fait les meilleures soupes, en 1908 Galopin reprendra son texte pour en faire une nouvelle saga remaniée sous le titre désormais célèbre : « Les chercheurs d’inconnu, aventures fantastiques d’un jeune Parisien ». Cette série en douze fascicules publiée chez Tallandier à la librairie illustrée est très recherchée par les collectionneurs pour les magnifiques couvertures couleurs du même E.Bouard. Il est à préciser que sur l’ensemble de ces superbes premiers plats, seuls les sept premières ont vraiment un caractère « fantastique » tout comme la douzième et dernière livraison.
Pour avoir un plein aperçu du talent de l’artiste je vous conseille de vous reporter sur l’ouvrage de Philipe Melot « Les maîtres du fantastique et de la science fiction » (éditions Michèle Trinckvel 1997)page 54. La quasi-totalité des couvertures y figurent. Seule manque celle du N°4 que vous retrouverez en fin de cet article.
La série complète fut également éditée en un seul volume chez Paul Duval, libraire éditeur en 1908, sous un cartonnage éditeur « muet » et sans les magnifiques couvertures couleurs d’origine.
La différence entre le texte original en volume et celles en fascicules réside principalement dans le nom du savant qui de « Oméga » se transforme en « Cosinus » dans le changement de nom du véhicule servant au voyage vers Mars. Le « Cosmos » dans le premier devient « L’exelcior » dans le second tout comme la « répulsite » deviendra par la suite « La stellite ». Ce curieux nom est attribué à une substance anti-gravitationnelle que les habitués du genre n’auront pas de mal à rapprocher de la fameuse « Cavorite » de H.G.Wells dans son roman « Les premiers hommes dans la lune ».
Mais afin de vous présenter cet amusant périple vers des mondes inconnus je vais donner la parole aux deux éditeurs qui les publièrent sous forme d’épisodes sensationnels et originaux.
Une présentation qui ne manque pas de charme et qui a l’époque a sûrement incité un jeune public à ce lancer dans l’achat de cette incroyable épopée.
« Les chercheurs d’inconnu, aventures fantastiques d’un jeune Parisien » par L’éditeur Paul Duval.
« Livre passionnant et instructif qui a toute la fantaisie d’un rêve et tout l’attrait dune réalité: » fantastiques », elles le sont en effet les aventures de Fanfan, le mousse naufragé du Petrel, qui, à bord de « L’ Excelsior », cet engin extraordinaire tour à tour sous-marin, automobile et ballon, franchit à des vitesses inconnues jusqu’à ce jour des millions de kilomètres en compagnie du lourd Griswold et du savant docteur Cosinus, l’inventeur de la stellite, merveilleux métal réfractaire aux lois de la gravitation universelle.
Bien étrange en effet, ce voyage dans la planète Mars, la planète rouge, cet X passionnant des astronomes, *où une surprise nouvelle nous attend à chaque pas; animaux monstrueux, flore terrifiante, habitants minuscules et mégacéphales dont le crâne énorme renferme de géniales cervelles d’ingénieurs. Rêve que tout cela; rêve encore ces cités cent fois plus grandes que Paris ou Londres et élevées par l’industrie martienne; ces engins destructeurs, ces Ouranoï et ces rayons verts, rêve encore ces guerres cruelles, ces sages souverains ou ces tyranneaux d’une planète inconnue. Rêves aujourd’hui encore peut-être mais anticipations puissantes et qui sont déjà scientifiquement des réalités probables. Qui sait en effet si, comme le dit l’auteur, Mars, la planète rouge, sœur de notre planète grise, ne sera pas quelque jour une annexe ou se déversera le trop plein d’activité de notre terre ? Qui sait si quelque jour on ne verra pas les escadres aériennes d’un souverain d’outre-éther, ami et allié, sillonner les espaces stellaires et venir prendre parti dans les luttes de notre taupinière, au nom du concert interplanétaire?
Les aventures fantastiques d’un jeune Parisien, ou la réalisation possible, la science même la plus exacte ne manquent jamais d’accompagner le récit des plus extraordinaires péripéties, constituent un livre instructif et passionnant pour la jeunesse d’aujourd’hui, éprise de recherches nouvelles et, elle aussi « chercheuse d’inconnu »
« Les chercheurs d’inconnu, aventures fantastiques d’un jeune Parisien » par L’éditeur Tallandier.
« Le temps des légendes est fini. On ne vit plus dans le passé mais dans l’avenir. Le rêve d’hier est devenu la réalité d’aujourd’hui, et déjà nous nous demandons :
De quoi demain sera-t-il fait ?
L’heure n’est pas éloignée où des inventions géniales, des découvertes fabuleuses bouleverseront le monde. La face de notre planète sera changée. Même on pénétrera dans ces grandes régions muettes dont on brûle de percer le mystère. Qui serait prétendre que nous ne communiquerons pas avec d’autres planètes ?
Une brève anecdote : l’Institut de France promet un prix de ïooooo francs au savant qui parviendrait à correspondre avec un monde inconnu. Cependant le prix ne sera pas donné si cette planète est Mars : on estime en effet qu’il est trop aisé de se mettre en relation avec cette terre martienne, sur laquelle nous ayons découvert au télescope des canaux et des champs de glace.
Un écrivain depuis longtemps connu du public, Arnould Galopin, le prestigieux conteur auquel on doit déjà entre tant d’autres ouvrages captivants, le Docteur Oméga, ce petit chef-d’œuvre traduit dans presque toutes les langues, a eu l’heureuse idée d’initier les esprits curieux à la vie possible de ces mondes inconnus, qui seront peut-être un jour réunis entre eux par des engins merveilleux aussi rapides que des bolides et mus par une force nouvelle que la science aura captée au sein même de la nature.
Dans les Aventures Fantastiques d’un Jeune Parisien l’auteur nous montre, » avec son remarquable talent, un enfant intelligent et intrépide, brave jusqu’à la témérité qui, en compagnie de deux savants amoureux des espaces infinis, se lance résolument dans les plaines de l’air sur un véhicule idéal qui n’a rien de commun avec le ballon dirigeable ou l’aéroplane. .
Les Aventures Fantastiques d’un Jeune Parisien, doivent captiver à plus d’un titre et passionner comme le plus singulier et le plus palpitant des romans. On y voit en effet l’ardente mêlée de races étranges, la cohue frémissante de hordes malicieuses et cruelles, le formidable et tumultueux tourbillonnement d’une Humanité nouvelle plus avancée que la nôtre et suppléant à la force physique par de fabuleux appareils cent fois plus meurtriers que nos modernes machines de guerre.
Avec l’imagination d’un Jules Verne, l’émotion d’un Edgar Poë, Arnould Galopin a su faire d’une fiction la plus troublante des réalités, tant ses hypothèses sont saisissantes, ses effets imprévus, ses descriptions suggestives.
Tous, petits et grands, jeunes garçons, jeunes filles et parents liront avec plaisir et profit les Aventures Fantastiques d’un Jeune Parisien, car ils y trouveront tout ce qui peut instruire, émouvoir et charmer.
C’est le Roman nouveau, conçu sous une forme inédite et où la fantaisie scientifique se double d’une très fine et pénétrante ‘ observation.
C’est l’ouvrage destiné à prendre place dans toutes les bibliothèques d’éducation et de récréation à côté des chefs-d’œuvre de nos meilleurs auteurs.»
De biens étranges aventures attendent nos intrépides explorateurs…Oui! il y a de l’eau sur Mars
Une aventure chez les lilliputiens? Pas tout à fait, cette fois c’est sur Mars que cela se passe