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Archive pour avril 2012

Albert Robida et Les Saturniens

 

Dans le fameux périple de Saturnin Farandoul qui parodie de façon fort distrayante les voyages extraordinaires de Jules Verne, Robida propulse son héros sur Saturne alors que celui-ci venait de trouver refuge avec ses compagnons dans un minaret Egyptien, minaret qui eut la fâcheuse idée de se trouver sur le passage d’une comète. La suite s’imagine parfaitement (du moins dans la logique toute farfelue de l’auteur) et la singulière tour effectua un voyage des plus incroyable, surtout pour ses occupants dont la découverte  des habitants de la planète fut l’occasion pour l’auteur de se livrer à une de ses descriptions la plus cocasse  dont il a le secret :

 

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« C’est ici le moment de parler de la bizarre conformation des habitants de Saturne ; comme les terriens, les hommes de Saturne ont des bras et des jambes terminées, il est vrai, par des mains et des pieds palmés ou plutôt par des nageoires. Jusqu’ici rien de bien étrange, avec des bottes et des gants, il n’y paraîtrait pas trop ; mais voici autre chose : les Saturniens ont dans le dos deux ailes semblables à celle des poissons volants ! Regardons maintenant leur visage ; le nez, trompe atrophiée chez nous, s’est développé et se balance au milieu de leur figure comme une trompe d’éléphant. Cet immense nez a des fonctions multiples, nous voyons dans la foule remplissant le jardin ces diverses fonctions s’accomplir. Quelques Saturniens de haut rang portant des parasols avec ce nez, d’autres cueillent des fleurs des parterres ; plus loin certains voltigent au-dessus des groupes et leur nez déployé devient une troisième aile. Enfin voici, dans les grandes pièces d’eau du parc, de jeunes Saturniens qui barbotent ; pour eux ce nez à tout faire est devenu nageoire et sert de gouvernail par les changements de front.

Et les Saturniennes dira t-on ? Elles sont charmantes, tout simplement ! Le beau sexe est largement représenté dans al foule. Ces dames possèdent à peu près les mêmes ornements que les hommes, avec cette différence que les pieds et les mains sont plus élégamment  palmés, les ailes plus délicatement ourlées et que la trompe, plus fine, plus flexible, ondule plus gracieusement en suivant le balancement cadencé de la marche. Les trompes à la Roxelane sont assez communes, surtout parmi les femmes de la variété rose, car nous avons négligé de dire que dans Saturne la genre féminin comptait sept variétés : Blanche, rose, verte, bleue, jaune violette et marron foncé ; en tout sept espèces distinctes.

Sept espèces féminines contre une masculine ! Comme on le voit, Saturne est une planète perfectionnée. »

 

 

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Camille Flammarion Et La « Fin Du Monde »

( Non classé )

 

« La fin du monde par le feu, fin du monde par l’eau, fin du monde par le froid, fin du monde par un empoisonnement de l’atmosphère, par une absorption de l’oxygène ou de l’azote, etc…Notre planète n’a devant elle que l’embarras du choix. Mourra-t-elle d’accident, de maladie ou de vieillesse ? »

Étrange entrée en matière  pour un fameux article de Camille Flammarion intitulé « La fin du monde » (Revue « Je sais tout N°1 du n15 Février 1905). Avec une précision toute chirurgicale, le célèbre astronome, fin érudit et célèbre anticipateur, nous décortique toutes les fins possibles dont pourrait être victime notre bonne vieille terre. Superbement illustré par H.Lanos et M.Orazi cet article est un véritable inventaire à la Prévert en matière d’extinction de la race humaine : « Les comètes torpilles du ciel, une rencontre possible », « Tous les continents seront-ils un jour noyés comme des épaves ? »  Ou ce « Diminution de l’eau dans le monde vivant. Mort universelle par le froid » Un catalogue des plus sinistre….

Je vous livre ici un extrait tout à fait « savoureux » de son chapitre intitulé « L’asphyxie ou la folie suprême guettent-elles l’humanité ? » Pour mémoire, cette thématique avait été abordée par le méconnu roman de Pascal Bastia « Quand l’air vint à manquer » (Editions Générales 1946) . Dans l’hypothèse qui va suivre,une fin des plus délirante s’il en est !

 

« On peut imaginer une comète qui, dans sa rencontre, au lieu d’absorber l’oxygène de notre atmosphère, absorberait l’azote et accroîtrait ainsi graduellement l’activité pulmonaire, cardiaque et cérébrale de tous les habitants le la Terre.

Ce serait d’abord une sensation exquise de parfait bien-être. Tout le monde serait subitement heureux et apprécierait mieux que  jamais le bonheur de vivre. Il n’y aurait plus ni méchants, ni jaloux, ni envieux, ni grin­cheux. Notre planète serait un paradis charmant, et les armes tomberaient de toutes les mains.

Ce contentement universel ferait bientôt place à une joie radieuse et à une gaieté bruyante, et tous les êtres humains, seraient devenus communicatifs, grands parleurs, chan­teurs sonores.

Puis une certaine agitation courant dans les veines semblerait convier les jeunes filles, les jeunes femmes, les jeunes hommes à une- danse irrésistible. Bientôt l’agitation deviendrait de l’exaltation, et la joie déborde­rait en délire, suivant automatiquement la proportion de l’extraction de l’azote par la comète et l’accroissement de l’oxygène, jus­qu’au moment où la race humaine et les espèces animales, prises toutes ensemble d’une folie fantastique et étourdissante, se mettraient à danser une sarabande formidable et à se consumer par la pléthore envahissante de tous les tissus organiques. Ce serait la mort dans une intensité de plaisir à trop forte dose. »

 

Première image:  

« La fin par l’universelle folie »…..quelle douce fin du monde!
Si le surplus d’oxygène jeté dans l’atmosphère par une comète continuait à brûler les poumons humains, la folie deviendrait vite d’une évidence inouïe et un extravagant délire secouerait les deux milliards d’habitants de notre planète. Ce serait pour la race humaine la mort dans une sorte de « Delirium tremens » causé par l’excès de plaisir »

Illustration de M.Orazi.

Seconde image: 

« Il suffirait d’une perturbation atmosphérique relativement insignifiante dans l’ordre des mondes : Je choc contre notre globe d’un, corps astral qui déverserait dans l’air que nous respirons un excès d’oxygène pour qu’une douce gaieté bientôt exagérée et étrange dans ses manifestations, s’emparât de nous tous. Une agitation courant dans les veines inciterait l’humanité à des gestes désordonnés, à une sorte de cake-walk irrésistible ».

Illustration de M.Orazi.

 

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Catalogue D’exposition « Futur-Antérieur:Rétrofuturisme/Steampunk/Archéomodernisme »: Un Résultat A La Hauteur De Nos Attentes!

( En vrac )

 Il y a quelques jours, je vous faisais part de toute mon admiration pour la magnifique exposition « Futur-Antérieur » :« rétrofuturisme / steampunk / archéomodernisme»,organisée à la galerie du jour Agnés b. Un lieu unique, qui rassemble d’une manière fort judicieuse, des œuvres contemporaines et anciennes autour d’un axe unique où une forme de science à rebours serait le dénominateur commun. Sorte de ligne de continuité constituant un pont entre le passé et le futur afin d’aboutir à une fusion parfaite entre plusieurs générations de créateurs

Evénement exceptionnel s’il en est, une manifestation unique remettant au goût du jour cette fascination que nous éprouvons pour cette vision parfois naïve mais souvent spectaculaire d’un possible futur  où la technologie fusionne d’une façon parfaite avec un cadre désuet, figeant ainsi une époque dont l’existence flotte entre un passé archaïque et un futur idéalisé.

Ce magnifique évènement vient ainsi trouver un écho des plus magnifique par la sortie d’un catalogue d’exposition édité par « Le mot et le reste/Galerie du jour Agnès B »

Un somptueux ouvrage bilangue (Français/anglais), relié de 184 pages sur un beau papier. Un objet bibliophilique qui, sous une couverture des plus sobre (signée Marjoléne Sirieix), avec un lettrage au design très science fiction des années 50 (on dirait un titre de film fait pour la 3D) tranche avec un contenu des plus passionnant et des plus fouillé. Des textes et des interviews de passionnés du genre, viennent enrichir ce volume, fort d’une très belle iconographie (reproduction et qualité d’impression parfaite), et dont la diversité d’horizon des intervenants, rend la lecture instructive. Peintres, sculpteurs, photographes, collectionneurs ou simples passionnés, ils nous livrent ainsi une vision des plus singulière, mettant en exergue ce « rétro –futurisme » qui trouve un renouveau inespéré grâce à de jeunes artistes inspirés et talentueux.

Comment nos ancêtres imaginaient le futur et comment nos artistes contemporains conceptualisent ce que nos ancêtres auraient pu imaginer ? Voilà des questions des plus passionnantes auxquelles s’efforcent de répondre, A.Robida, H.Lanos, Ray Caesar, Franco Brambilla, Adrien Beau, Plonk & Replonk, Stéphane Halleux, Bob Basset…le résultat est étonnant !

Cet ouvrage est une véritable aubaine pour les amateurs que nous sommes car en parallèle avec les copieux ouvrage des  Moutons électriques « Steampunk » de Etienne Barillier et « Retro-Futur » de Raphaël Colson , c’est tout un courant des plus inventif et dynamique qui vient ainsi de reprendre un second souffle et donner une vison toute nouvelle à un genre des plus prometteur. Avec la parution de ce copieux catalogue, le genre vient de s’enrichir d’une pièce incontournable et donc indispensable.

Je sais que le travail pour la mise en place d’un tel événement fut des plus colossal et je voudrais remercier toute l’équipe pour leur formidable travail et tout particulièrement Jean-François Sanz, commissaire de l’exposition pour sa clairvoyance et de nous avoir ainsi donné la possibilité et la chance de faire cette plongée enivrante dans une genre hélas trop peu connu. Toute ma gratitude se porte spécialement à Alexandre Tenenbaum de m’avoir accueillie à bras ouverts dans cet extraordinaire et ambitieux projet dont le résultat est des plus achevé. Sa bonne humeur, sa gentillesse son énergie et sa disponibilité sont un émerveillement, un rencontre rare et précieuse qu’il me faut ici saluer.

Merci à Marc Atallah, conservateur et directeur de la maison d’ailleurs, aux personnes qui travaillent dans l’ombre, ainsi qu’à tous les artistes qui donnèrent à cette exposition tout le cachet et l’excellence propre aux créateurs de talent.

Le résultat est à la hauteur de nos attentes et si ce n’est déjà fait, hâtez vous d’aller visiter cette superbe plongée dans un futur des plus insolite.

Sincères et chaleureux remerciements.

Le livre est en vente à la galerie Agnès b

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« La Mort De La Terre » de Rosny Ainé: Un Chef D’oeuvre Intemporel!

« La mort de la terre » De Rosny Ainé. Editions Plon-Nourrit. 1910

Rassemblés dans quelques oasis, seules parties de la terre où l’eau n’a pas encore totalement disparue, les derniers hommes attendent chaque jour la fin du monde. Car le précieux liquide fut complètement engloutie dans les entrailles de la terre par de violents tremblements de terre ne laissant que misère et désolation. La vie s’est alors organisée dans ses minuscules havres de paix où la technologie d’une humanité triomphante mais agonisante brille de son dernier éclat. Des appareils très sensibles et perfectionnés que surveille Targ, l’un des jeunes hommes de cet ultime refuge, sont le témoin d’une époque révolue qui peine à conserver le brillant de son ancienne splendeur. Cette civilisation possède en outre de bien curieux animaux, des oiseaux d’une espèce particulière car doté du langage humain et capable en outre, grâce à un instinct très développé de percevoir à l’avance la moindre secousse sismique. Car dans ses temps éloignés notre bonne vieille planète souffre de manière récurrente de terribles convulsions et Targ en compagnie de sa sœur Arva et des habitants des hautes sources, attendent avec anxiété la nouvelle colère de la terre annoncée par leurs amis ailés. Mais cette catastrophe semble vouloir prendre pour cible un autre territoire relativement proche, les Terres-rouges. Ayant perdu le contact avec ce groupe Targ décide de partir en reconnaissance. Cet événement fait ressurgir dans l’esprit du jeune homme, les terribles catastrophes qui s’abattirent jadis sur la terre. Tremblements de terre, disparition progressive de l’eau et extinction d’une grande partie du monde animal et de l’espèce humaine. Ce sont les minéraux qui tirèrent leur épingle du jeux et par on ne sait trop quel phénomènes, une nouvelle forme d’intelligence les « Ferromagnétaux », commencèrent à envahir progressivement la planète. Redoutables « concurrents » sur cette terre agonisante car ils possèdent la particularité d’absorber le sang des créatures vivantes.

« On commença à percevoir l’existence du règne ferromagnétique au déclin de l’âge radio-actif. C’étaient de bizarres taches vio­lettes sur les fers humains, c’est-à-dire sur les fers et les composés des fers qui ont été’ modifiés par l’usage industriel. Le phénomène n’apparut que sur des produits qui avaient maintes fois resservi : jamais l’on ne décou­vrit de taches ferromagnétiques sur des fers sauvages. Le nouveau règne n’a donc pu naître que grâce au milieu humain. Ce fait capital a beaucoup préoccupé nos aïeux. Peut-être fûmes-nous dans une situation ana­logue vis-à-vis d’une vie antérieure qui, à son déclin, permit l’éclosion de la vie protoplasmique ».

Notre expédition, à bord de plusieurs planeurs, arrive en vue des Terres-rouges, dont il ne subsiste que des ruines fumantes. Il ne reste que peu de survivants et Targ sauve de justesse une jeune fille,Eré, dont il tombe éperdument amoureux. Mais la loi des derniers hommes est ainsi faite qu’il ne peut se marier avec elle à moins de trouver une réserve de cette eau si précieuse. Il se lance alors vers cette quête impossible et découvre une importante source, mais dans sa recherche effrénée, il s’est blessé ouvrant ainsi une porte pour les redoutables « Ferromagnétaux ». Mais cette découverte n’est qu’un maigre sursis car la source qui alimente les réservoirs est en train de se tarir en raison de bouleversements souterrains et il se peut que d’ici quelques années, l’espèce humaine disparaîtra complètement face à cette cruelle pénurie. Malgré la bonne volonté de ce peuple volontaire et résigné et du soutient de leurs puissantes machines, rien n’y fait.

Les saisons passent, les chefs des eaux firent creuser d’immenses galeries afin de retrouver les sources, mais toutes les tentatives échouèrent. Le grand conseil décida alors de commencer les premières euthanasies afin de diminuer les bouches à abreuver. Il est difficile alors d’accepter la réalité et Targ en compagnie de Eré et de son ami Manô et Arva, ne veulent baisser les bras. Comme pour vouloir accentuer le drame de ce reliquat de civilisation, les redoutables minéraux commencent à gagner du terrain : 

« C’était dans une plaine excessivement morne, où se dressaient à, peine quelques blocs solitaires. Les Ferromagnétaux y dessinaient de toutes parts leurs agglomérations violettes. Il y prenait à peine garde lorsque, au Sud, sur une surface jaune clair, il aperçut une race qu’il ne connaissait point encore. Elle produisait des individus de grande taille, chacun formé de dix-huit groupes. Quelques-uns atteignaient une longueur totale de trois mètres. Targ calcula que la masse des plus puissants ne devait pas être inférieure à quarante kilogrammes. Ils se déplaçaient plus facilement que les plus rapides Ferromagnétaux connus jusqu’alors ; en fait leur vitesse atteignait un demi-kilométre par heure. »

De nouvelles secousses, comme pour vouloir sceller un destin de plus en plus terrible, viennent de nouveau frapper les terres rouges. Un exode est alors décidé et sur les six milles survivants, cinq milles devront être euthanasiés afin de laisser de plus grandes chances aux survivants. Les hommes et les femmes ayant dépassé quarante ans ne doivent pas survivre et pour les enfants, neuf familles sur dix n’en conserveront pas. D’immenses planeurs sont ainsi affrétés et décollent vers l’immensité du désert où, en des temps reculés et bénis, de gigantesques océans bouillonnaient d’une vie intense et magnifique. Ils arrivent enfin aux oasis équatoriales où il y a peu se trouvait encore une communauté. IL ne reste plus que des cadavres complètement asséchés par le soleil, mais pire encore une multitude de Ferromagnétaux qui s’avancent inexorablement comme pour vouloir tout absorber sur leur passage.

Cette colonie ayant choisie de se battre jusqu’au bout décide de s’installer sur cette terre aride. Les appareillages des équatoriaux sont encore en état de marche, générateurs d’énergie, planeurs, ondiféres….Un mur de fortification va être érigé tout autour d’un terrain qu’ils ont choisi pour installer leur base. Les saisons vont à nouveau s’écouler face à la menace grandissante de ce péril minéral qui progresse comme animé d’une volonté farouche :

«Les Ferromagnétaux, surtout, préoccu­paient Targ. Ils prospéraient. C’est qu’il avait sous l’oasis, à peu de profondeur, une réserve considérable de fers humains. Le sol et la plaine environnante recouvraient une ville morte. Or, les Ferromagnétaux attiraient le fer souterrain à une distance d’autant plus grande qu’ils étaient eux-mêmes de plus forte taille. Les derniers venus, les Tertiaires, com­me les surnommait Targ, pouvaient ainsi, i pourvu qu’ils y missent le temps, puiser à plus de huit mètres. Par surcroît, les déplace­ments du métal, à la longue, ouvraient dans la terre des brèches par où les Tertiaires pou­vaient s’introduire. Les autres Ferromagné­taux déterminaient des effets analogues, mais incomparablement plus faibles. D’ail­leurs, ils ne descendaient jamais dans des profondeurs de plus de deux ou trois mètres. Pour les Tertiaires, Targ ne tarda pas à constater qu’il n’y avait guère de limites à leur pénétration : ils descendaient aussi loin que le permettaient les fissures.

Il fallut prendre des mesures spéciales pour les empêcher de miner le sol où habitaient les deux familles. Les machines creusèrent, sous l’enceinte, des galeries dont les parois furent doublées d’arcum et plaquées de bismuth. Des piliers de ciment granitique, assis sur le roc, assurèrent la solidité des voûtes. Ce vaste travail dura plusieurs mois : les puissants générateurs d’énergie, les machines souples et subtiles, permirent de l’exécuter sans fatigue. Il devait, selon les calculs de Targ et d’Arva, résister pendant trente ans à tous les dégâts des Tertiaires, et cela dans l’hypothèse que la multiplication de ceux-ci serait très intense ».

Les années succèdent aux autres, en établissant ainsi une base solide, équipée des appareils les plus performants de leur technologie, les survivants purent écouler des mois paisibles à l’abri des menaces extérieures. Cependant la curiosité étant la plus forte et la soif de l’aventure irrésistibles, Targ envisage un jour de se rendre en compagnie de son épouse vers les Terres-rouges afin de savoir si la petite communauté restée là-bas est toujours en vie. A bord de leur planeur, survolant un monde sec et aride, ils arrivent sur l’emplacement de l’oasis où il ne reste plus que cinq survivants. Comme un commun accord ces derniers rescapés préfèrent se donner la mort plutôt que de vivre ainsi sans but dans un monde agonisant. Targ, va continuer seul son exploration, préférant laisser son épouse sous la protection de cette base. Mais lorsqu’il reviendra, non sans avoir découvert une probable réserve gigantesque d’eau, il constate que Arva est au prise avec les Ferromagnétaux. Il n’a que le temps de l’extraire, inerte, à l’emprise de ces redoutables créatures. C’est en regagnant l’oasis équatorial, qu’il lance un appel pour prendre des nouvelles de sa famille et de ses amis. Mais les appareils restent obstinément muets. A son arrivé il constate l’étendue des dégâts, le sol est bouleversé comme retourné par un violent séisme alors que, aucun appareil ne lui avait annoncé une telle catastrophe. Il retrouve le toit en « arcum » de sa maison mais personne à l’intérieur. Il va au final retrouver sa femme complètement exsangue, vidée de toute sa force vitale par les créatures minérales, ses enfants sont tous morts, victimes de l’éboulement des rochers.

Devant un tel spectacle de désolation, Arva chancelante adjoint à ses lèvres pales un flacon d’iridium et l’avale d’une traite. La mort est rapide et sans douleur.

Alors le tout dernier homme assis seul sur un bloc de porphyre,  se souvient en un éclair de la splendeur passée des hommes, de ce temps où la terre était une planète accueillante, riche d’une multitude de créatures vivantes où l’on pouvait s’abreuver des senteurs extraordinaires des végétaux, se laisser frôler par la douce caresse du vent. Un temps ou les océans généreux recouvraient une grande partie de nos vastes territoires. Il se remémore la suprématie de l’être humain et de son emprise sur l’environnement, de son génie et de sa folie destructrice. Il fut le grand vainqueur qui capta jusqu’à la force mystérieuse qui a assemblée  les atomes :

« Cette frénésie même, annonçait la mort de la terre…la mort de la terre pour notre règne ! »

Il eut alors la sensation de faire partie intégrante d’un vaste tout, d’être le dernier représentant d’une race qui avait vécu et qui devait laisser sa place à une autre, il appartenait à quelque chose qui puisait ses origines dans la mer primitive sur les limons naissants, dans les marécages et les forets. Toute une succession d’un cycle qui se finit ainsi à ce moment précis et dont son corps symbolise la dernière preuve vivante. Tout est à présent terminé.

« Il eut un dernier sanglot ; la mort entra dans son cœur et se refusait l’euthanasie, il sortit des ruines, il alla s’étendre dans l’oasis parmi les Ferromagnétaux. Ensuite humblement, quelques parcelles de la dernière vie humaine entrèrent dans la vie nouvelle ».

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La fin d’un monde.

 

En regard de la puissance évocatrice de ce court roman est-il besoin d’insister sur l’immense talent de l’auteur et de voir en lui ce fabuleux écrivain d’une extrême sensibilité, qui attribua au genre ses toutes premières lettres de noblesse?
Car Rosny Ainé, bien plus que d’être un parfait anticipateur, s’évertuant à la simple tache de nous proposer un futur de l’humanité transformé par une science triomphante, s’interroge en outre de façon fort pertinente sur le destin des hommes et se questionne sur sa place exacte dans la chaîne de l’évolution. Pour Rosny, l’homme n’est pas une fin en soi, mais l’élément d’un grand tout qui participe à un gigantesque bouillonnement cosmique. L’espèce humaine ne représente qu’une étape vers une évolution où le plus fort, et le plus adapté prendra la place de l’autre. En cela, notre présence sur terre n’est que l’infime partie d’un cycle, une minuscule impulsion, modeste acteur de l’avènement d’une autre forme de vie supérieure ou plus adaptée.

Il y a chez cet auteur un degré de poésie rarement rencontré, et sa grande force est d’arriver à nous convaincre du bien fondé de ses hypothèses tout en nous émerveillant par la richesse thématique de ses histoires. Car il est bien question de « merveilleux » dans ses histoires et lorsque Maurice Renard, pour définir cette littérature aux frontières du scientifiquement incroyable, lui attribue le terme de « merveilleux scientifique », jamais une tel qualificatif ne fut à ce point justifié pour une œuvre ayant atteint un tel niveau où science et imaginaire se lient d’une manière aussi étroite et parfaitement cohérente.

Rosny Ainé est l’écrivain des immenses possibilités de la science, mais pas une science aveugle, sournoise et obstinée, mais une science ouverte à ses incroyables développements, forte des hypothèses les plus audacieuses. En remettant en cause le sacro saint nombrilisme humain, il redéfinie notre place dans un gigantesque univers où nous ne représentons qu’une insignifiante partie de l’immense échiquier de la vie, où l’homme dans toute sa morgue et son arrogance n’est que le maillon de cet incroyable chaîne de la vie.

Les immenses perspectives de la rencontre de l’homme avec une forme de vie étrangère sont une constante dans son œuvre et l’on ne peut que rester admiratif face à son incroyable audace thématique à une époque où ce genre d’hypothèses hasardeuses n’était même pas concevable d’un point de vue scientifique. De ses théories les plus folles, se posant ainsi comme un véritable précurseur du genre, il allait ainsi créer un univers totalement novateur  à qui il venait donner sans nul doute, son plus magnifique chef d’œuvre : « Les Xipéhuz »! Titre probablement prémonitoire puisque l’édition qui fut publiée pour la première fois isolée du recueil « L’immolation », fut sous titrée de « Merveilleux préhistorique ».

En ces temps reculés qui se passe cinq mille avant JC en Mésopotamie, une tribu est attaquée par d’étranges créatures colorées dont la morphologie échappe totalement à l’entendement humain. Face à la menace pressante qu’elles représentent, considérées au départ comme des dieux à qui on alloue un territoire, elles ne suscitent désormais que la peur face à leur désir croissant d’expansion. Un homme, Bakkhoûn sera chargé de les stopper et d’enrayer ainsi leur inexorable progression. A force de les étudier afin de mieux les comprendre il va découvrir qu’elles sont douées d’intelligence, ayant établies une système de communication entre elles .Il parviendra à trouver l’arme pouvant les éradiquer mais il sait que c’est au profit de l’extinction d’une forme de vie. L’homme confronté au cruel dilemme de tuer par souci de survie de sa propre race, est soudain plongé dans un désarroi profond impliquant une longue réflexion sur le droit de vie et de mort.

C’est une des grandes questions de l’auteur et du positionnement de l’être humain confronté à l’existence d’une forme de vie totalement différente de la sienne. Thématique qui va ainsi parcourir son œuvre au travers de nombreux romans qui, au-delà du pur texte de science-fiction, est une réflexion de la place et du devenir de l’espèce humaine dans l’univers. Toute l’importance de sa production d’une richesse inouïe est sans commune mesure, un fait unique chez les auteurs de cette période. Toute son imagination fait preuve d’une grande richesse donnant à sa prose un ton particulièrement passionnant. Ainsi, les formes de vies que rencontreront ses héros sont toutes plus extraordinaires les unes que les autres : « Zooporphes,Ethéraux,Tripèdes » dans « Les navigateurs de l’infini », « Xipéhuz » dans le roman du même nom, « Ferromagnétaux » dans « La mort de la terre ». Un univers où l’homme, créature fragile et vulnérable se trouve aux prises avec une nature souvent impitoyable, comme dans un autre de ses romans « La force mystérieuse », avec cette région de France frappée par une étrange maladie de la lumière , altérant de ce fait les lois physiques qui nous régissent.

On retrouve les mêmes préoccupations dans ses romans « préhistoriques », cette forme d’humilité d’un auteur qui ne considère pas l’homme comme le maître suprême mais uniquement comme une espèce vivante parmi tant d’autres et qui ne doit sa survie et sa supériorité toute temporaire qu’à une agressivité des plus primitives face à la peur du danger et de l’inconnu. L’homme tel l’animal le plus commun doit lutter pour survivre, affronter un environnement des plus sauvage, s’adapter ou laisser sa place.

Dans « La mort de la terre », une œuvre particulièrement émouvante, l’homme voit son territoire peu à peu envahi par une nouvelle forme de vie voulant de la façon la plus implacable qui soit, augmenter son domaine et progresser coûte que coûte. C’est en cela qu’il se dégage de cette histoire une force incroyable, car les « Ferromagnétaux » ne nous considèrent pas plus que les roches qui jonchent le désert, nous ne sommes que de la nourriture pour eux, une espèce faible servant leur propre cause, leur permettant à parvenir à une étape plus développée. Le drame dans cette histoire, comme par une curieuse ironie du sort, réside dans leur « système alimentaire », elles se nourrissent en effet de ce même fluide vital essentiel à notre fonctionnement : le sang, ou du moins un des éléments qui le compose. Une forme de vampirisme des plus innovant. Pas de haine, ni de cruauté, elles agissent sans conscience ni état d’âme.

 C’est un drame épouvantable qui se joue ainsi et l’être humain prenant conscience de sa faiblesse, sait que ses jours sont comptés et dans une ultime tentative, va connaître la désillusion et l’arrivée d’une fin imminente en faveur d’une forme de vie qu’il lui sera alors incapable de comprendre.

Targ le héros s’efforce de conserver l’espoir jusqu’au bout et il sait que son espèce a fait son temps. Refusant cette fin inéluctable et plutôt que de céder à cette mort « inutile » par euthanasie, il préfère alors sous la plume inspirée de ce grand conteur, décider de participer au cycle de la vie et de ne faire qu’un avec cette intelligence si parfaite, sans haine apparente et entrer au plus profond de sa chair dans cet immense bouleversement de la vie.

Très peu d’auteurs eurent le bon sens d’imaginer de nouvelles formes de vies extraterrestres, Ronsny Ainé en fut le grand initiateur, thématique qui sera utilisée dans une moindre mesure par René Thévenin dans son « Collier de l’idole de fer », dans les ouvrages de Léon Groc « La révolte des pierres » et « L’univers vagabond », tout comme les colonnes lumineuse de Jean de la Hire dans sa « Roue fulgurante » , sans oublier le roman qui semble le plus bel hommage à l’ami des Goncourt , d’un écrivain au talent immense à l’œuvre tout aussi riche et généreuse, Francis Carsac dont les Misliks de « Ceux de nulle part » ne sont pas sans nous rappeler les « Ferromagnétaux ».Concernant cet auteur,une bibliographie  qui demeure une des plus passionnante de la science fiction Française des années cinquante.

 

 

« La mort de la terre est un petit roman que j’aurais pu sans peine dleyer en trois cents pages. Je ne l’ai pas fait, parce que, à mon avis, le merveilleux scientifique est un genre de littérature qui exige la concision : ceux qui le pratiquent sont trop souvent enclin au bavardage.»

 

Rosny Ainé

 

Bibliographie

- « La mort de la terre » dans « Les annales politiques et littéraires » du N° 1405 au N° 1412. Editions A.Brisson. Illustré par Guillot de Saix

- « La mort de la terre » Editions Plon- Nourrit 1910.

- « La mort de la terre » Editions Plon 1912.

- « La mort de la terre » Revue « Sciences & Voyages » du N° 564 (19.06.1930) au N°577 (18.09.1930).

-  « La mort de la terre » Editions Denoël collection « Présence du futur » N° 25 1958. Réédité plusieurs fois dans la même collection.

- « La mort de la terre » dans le recueil « Récits de Science-fiction » Editions André Gérard collection « Marabout Géant »1973.

- « La mort de la terre » Editions NRF collection « 1000 soleils » 1976.

- « La mort de la terre » Adaptation en bande dessinée pour le journal « L’humanité » du 5 février au 3 mai 1976. Cette histoire sera reprise pour la première fois dans son intégralité aux éditions de L’apex collection « Bédéphilia » N°24 (Juillet 2001). En outre l’éditeur eut la bonne idée de reproduire en fin de volume l’intégralité des illustrations réalisées par un auteur inconnu, pour la revue « Sciences & Voyages »

- « La mort de la terre » Editions Flammarion collection « Etonnants classiques » 1998.

 

 

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Robida Aux Origines de L’enfant Élevé Par Les Singes

Le « problème » des plagiats littéraire ne date pas d’hier et les textes « d’imagination scientifique » n’échappent pas à la règle. 
Le thème de l’enfant élevé par les singes pose en effet la douloureuse question : Les Français ou le Américains ? 
Il est clair qu’en regard des dates de publication entre l’œuvre de Burroughs et de Robida, la question ne se pose même plus, puisque « Les voyages extraordinaires de Saturnin Farandoul dans les 5 ou 6 parties du monde et dans tous les pays connus et même inconnus des mondes de Jules Verne » date de 1879. 
Ce roman de 800 pages abondamment illustré par l’auteur (n&b et hors texte couleur magnifiques) relate donc les aventures de Farandoul qui à l’age de 4 mois et 7 jours va échouer sur une île peuplée de singes. 
IL sera élevé par les primates et partira dés l’age de 11 ans retrouver la civilisation, conscient de sa différence. 
Il deviendra rapidement un homme hors du commun, un être supérieur parmi les hommes tout en conservant un grand pouvoir sur les animaux. 
De retour de manière fortuite chez les singes, il en fera par la suite une société instruite et constituera même sa propre armée. 
Toute l’histoire sera par la suite une aventure délirante et haute en couleur dans laquelle Robida pastichera de manière très savoureuse les héros de Jules Verne et de ses « Voyages Extraordinaires ». 
Je ne pense pas qu’il s’agisse de la part de Burroughs d’un « plagiat » comme il me semble l’avoir lu quelque part car il parait fort peu probable que l’auteur ait eu un accès au texte original de Robida. Cette thématique de l’enfant élevé par les singes fut d’ailleurs utilisée à maintes reprises 
Il s’agit certainement de ces coïncidences dont la littérature de l’imaginaire est assez coutumière. 
Je relisais il n’y a pas très longtemps « L’affaire » de « La force mystérieuse » rédigé par J.H.Rosny Ainé ou l’auteur attire notre attention sur les similitudes entre son roman et celui de Conan Doyle « Le ciel empoisonné » 
On se souviendra également de l’article de Pierre Versins dans la réédition du roman de Gustave Lerouge « Le prisonnier de la planète Mars / La guerre des vampires » et intitule « Qui à copié », il nous parle ici de la similitude entre le texte de Lerouge et celui de H.Gayar « Les aventures merveilleuses de Serge Myrandhal »
Il nous faudrait alors évoquer la méthode qu’utilisa un bon nombre d’écrivains de l’époque pour faire voyager de façon « astrale » leurs héros, sur d’autres planètes….. 
La liste serait trop longue et la seule finalité ne reste t-il pas notre seul plaisir de lecteur. 
Saluons au passage le travail exemplaire des Editions « Black Coat Press » qui ne cessent de rééditer des auteurs classiques de l’imaginaire Français. 
En France nous devrions nous sentir un peu honteux de laisser de telles œuvres remarquables à l’abandon et confier aux autres le soin de réhabiliter notre propre patrimoine littéraire populaire. 
Pour preuve la sortie de ce « pavé » de Robida, ouvrage rarissime en France, dont j’ai la chance de posséder un exemplaire original, et qui est un véritable ravissement pour les yeux : du grand art pour un auteur illustrateur des plus talentueux. 

Pour conclure je voudrais vous apporter la preuve par l’image, s’il en faut, que Farandoul a bien été élevé par les singes !

 

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Pour Une Bibliographie Des Ouvrages De Références Sur L’anticipation Ancienne: Chapitre Sept

( En vrac )

Trois nouveaux volumes essentiels où il vous sera possible de trouver une fois de plus de précieuses références concernant notre domaine. Un mention spéciale pour le « Dictionnaire visuel des mondes extra-terrestres » qui ne manque ni d’humour, ni d’originalité

« Les romans de l’homme singe » de Régis Messac.  « Avec Les romans de l’homme singe , Régis Messac explore une fois encore un des secteur ignoré, dédaigné, de la littérature de l’imaginaire. Il tire de l’oubli ce genre très particulier de la conjecture rationnelle et cherche à en comprendre la raison d’être et les origines avec rigueur et sans condescendance. Le roman préhistorique est un roman dont l’action est située dans la préhistoire à la façon de Rosny aîné et de sa Guerre du feu ; ces sortes de romans abondent dans toutes les langues européennes depuis la fin du XIX’ siècle. Mais, Messac a raison, il y a aussi, dans les deux siècles modernes, distinct mais contigu, tout un foisonnement d’autres thèmes de fiction autour du singe devenu homme, de l’homme mué en singe. Rien n’avait jamais été écrit sur cette bizarre production dont l’échantillon le moins oublié est le « Balaoo » de Gaston Leroux. Aujourd’hui encore, la perspicace étude de Messac est irremplaçable »

A l’origine les différents chapitres que composent cet ouvrage, proviennent de la revue « Les primaires » dont Régis Messac était le fondateur. Il sera donc possible d’y retrouver quatre parties formant un tout et intitulées :

« Polydore Marasquin au royaume des singes » Juin 1931.

« Notre ancêtre le singe » Mars et Avril 1933.

« Les romans de l’homme singe » Juin, Juillet, Août 1935.

« Frères inférieurs » Décembre 1938.

Une fois de plus vous y trouverez de nombreuses références avec une étude fort pertinente et érudite sur une thématique quelque peu oubliée.Editions Ex Nihilo.2007

 

- « Science- Fiction, Les frontières de la modernité » de Raphaël Colson et André-François Ruaud. Une étude passionnante et passionnée sur les origines de la science fiction à l’échelle planétaire. Même si une large part est réservée à la sf Américaine, une place honorable sera accordée à la France avec force références et illustrations à l’appui. Les précurseurs vont ainsi y occuper une bonne moitié de l’ouvrage et les auteurs vont y esquisser la naissance, les motivations et le développement d’un genre  à travers les différents contextes économiques, sociaux et culturels de ses différentes périodes. Pour ce qui nous concerne, certaines références sont absentes, mais arriver à condenser un tel historique sur 350 pages, il fallait le faire ! « Editions Mnemos » 350 pages. 2008.

 

- « Dictionnaire visuel des mondes Extra-Terrestres » de Yves Bosson & Farid Abdelouahab .Inutile de revenir sur ce petit bijou, chroniqué il y a peu sur les pages de ce blog. Un ouvrage très abrégeable à lire ou à consulter au fil de ses humeurs. Sa principale force outre l’originalité des références abordées pour chaque lettre de l’alphabet, est sans contexte sa riche et généreuse iconographie qui entre gravures anciennes et photos plus récentes, nous offrent une vaste gamme des possibilités du genre. « Editions Flammarion » 288 pages. 2010.

 

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« Les Aventures Du Nyctalope » De Jean de la Hire : Illustration N° 13

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Dans ce roman publié pour la toute première fois à « La renaissance du livre » dans sa fameuse et magnifique collection « Le disque rouge », nous découvrons enfin les origines du mystérieux « pouvoir » du Nyctalope. Le personnage poursuit l’infâme Sadi Khan qui a dérobé les plans d’une invention du père du Nyctalope. Cette merveilleuse technique du  nom de « Radian Z » est révolutionnaire. Il s’agit d’un capto-projecteur d’ondes électromagnétiques, capable d’attirer et, pour ainsi dire, d’emmagasiner les ondes de la T.S.F, de les libérer ensuite, authentiques ou falsifiées. Résultat : maîtrise absolue de toutes les communications par T.S.F. du monde entier, par un contrôle permanent pouvant s’aggraver de censure, de transformation, de retardement et même de suppression.  Après avoir blessé l’infortuné savant, Léo St Clair se lance sur les traces du brigand avec l’aide de quelques amis. C’est au cour d’un attentat fomenté par un groupe de  Bolchevique qu’il sera ainsi blessé à la tête .Lors de sa convalescence pensant qu’il allait être aveugle,c’est le Docteur de Villiers-Pagan qui va découvrir alors sa formidable faculté. C’est ce même chirurgien qui à la fin de l’aventure, va opérer le Nyctalope d’une complexe opération du cœur avoir  reçu une lame fatale dans le précieux organe. L’opération est un succès, ainsi notre héros sera la première créature vivante à recevoir un  coeur artificiel.

 

« L’assassinat du Nyctalope » de Jean De La Hire. La renaissance du livre collection « Le disque rouge » en 1933.Superbe couverture de Maurice Toussaint. Ce livre fut réédité aux Etats-Unis en 2008 sous le titre de « Enter the Nyctalope », traduit par Brian Stapleford dans la prestigieuse collection « Black Coat Press »

 

 

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Dossier Illustrations: « Robida & Le Tourisme! »

Robida en grand visionnaire n’avait certes pas prévu le classement de ce monument que tout le monde nous envie au patrimoine mondial de l’Unesco, mais il avait comme à son habitude, le don de percevoir dans la folie des hommes et cette boulimie de consommation, l’essor que pourrait prendre publicité et tourisme.

Dans cet immense catalogue qu’est son œuvre phare « Le XXéme siècle », il nous est possible de constater la justesse de ses appréciations quant aux bouleversements que pourrait apporter une certaine forme de conditionnement sur le consommateur : Panneaux publicitaires géants sur les toits de Paris, ballons transatlantiques vantant les bienfaits de telles ou telles marques….l’information est partout ! Je suis toujours étonné lorsque je visionne le « Blade Runner » de Ridley Scott  de constater que finalement avec un siècle de décalage, Robida fut un incroyable visionnaire et que beaucoup de nos écrivains et réalisateurs n’avaient rien inventé, ils ne font que reprendre des hypothèses et des thématiques existantes depuis fort longtemps.

La touche humoristique qui le distingue toujours de ses contemporains, fait toutefois  la différence, et si un certain ton enjoué est toujours de mise, le message reste malgré tout, toujours aussi percutent.

Ainsi cette aquarelle inédite de l’artiste intitulée «  Le Mont St Michel au péril des ingénieurs et des hôteliers » conserve t-elle toute sa puissance évocatrice, une merveille qui ne cesse de nous fasciner mais qui n’échappe pas aux idées mercantiles d’une société en pleine mutation. Sur cette vue d’ensemble, tout semble être fait pour le touriste et son confort : Gare, aéroport, cinématographe, usine électrique, palaces, tennis club….rien n’est laissé au hasard. Si le regard amusé de Robida est souvent débordant d’une certaine légèreté à l’encontre des vacanciers en mal de dépaysement (rappelons nous sa célèbre « arrivée des énervés » dans « La vie électrique ») il n’en demeure pas moins concerné sur les répercussions écologiques que pourraient avoir de telles dérives.

Une fois de plus une œuvre brillante et pleine de cette poésie naïve mais toujours lucide d’un homme qui se pose sans contexte comme un des plus grands visionnaires de la fin du XIXéme siècle.

 

 

Illustration provenant du N°6 de la revue « Le Téléphonoscope » Dessin Aquarellé inédit présenté au salon des humoristes en 1910 
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Exposition « Futur-Antérieur, Rétrofuturisme/Steampunk/Archéomodernisme » : Un Brillant Hommage A Notre Culture Populaire !

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A force de rechercher sur la toile toutes les informations se rattachant au terme « Retro-futurisme » il m’arrive souvent, de visualiser des images naïves et une représentation assez réductrice d’un genre graphique où l’interprétation du futur est considérée de ce fait sur un aspect purement péjoratif. Pendant longtemps cette imagerie fut délaissée car jugée trop désuète, à l’opposée d’une science triomphante qui accorde de plus en plus à son esthétisme, des courbes épurées, vidées de toute substance et symbolisant un avenir totalement détaché d’une certaine forme d’imaginaire. Cette imagerie ancienne libérée de toutes contraintes réalistes est certes dépassée, mais ne cesse de nourrir nos appétits fantasques en mal d’originalité. Toute une époque révolue, qui généra cependant un nouveau concept esthétique, purement conjectural, beaucoup plus inscrit dans une démarche visuelle d’ailleurs que scientifique, bien que par moment les artistes firent preuve d’un don de visionnaire tout à fait approprié.

Il existe, à l’instar de toute une production d’œuvres d’anticipations, de nombreuses revues qui abritèrent en leur sein une génération de dessinateurs où fut exprimé une forme de démesure en donnant naissance à un art novateur pour l’époque et que, par souci de classification nous nommerons « rétro futurisme ».
Il est pourtant un élément prépondérant sur lequel de nombreux critiques furent pendant trop longtemps relativement dédaigneux et qui pourtant est le terreau essentiel à des œuvres picturales intemporelles : le témoignage de toute une époque.
En détaillant ces illustrations souvent superbes, il est alors possible par un curieux effet miroir, de regarder notre propre civilisation et de constater les espoirs et les doutes qui alimentèrent les pensées de nos aïeux. Bien souvent, c’est l’expression d’un fatalisme absolument terrifiant face à une course effrénée vers le progrès et de toutes les conséquences qui en découlent. Détaché de toutes contraintes techniques et donc d’une certaine forme de crédibilité sur le plan conceptuel, les images qui s’offrent à nos yeux sont totalement débarrassées du lourd vernis de la réalité et fortement dépendantes du champ immense des possibilités. Alors qu’à la fin du XIXéme et au début du XXéme les hypothèses allaient bon train et que la science ouvrait des horizons immenses et prometteurs, il était alors possible de laisser libre cours à une imagination débordante, en rupture totale avec le sacro saint concept de cartésianisme propre à notre pays. Le pinceau du peintre peut alors s’en donner à cœur joie et nous regardons de fait avec un regard amusé, mais souvent fasciné, cette conception très avant-gardiste d’un monde futuriste aux multiples possibilités.

Dans telles ou telles représentations d’une possible fin du monde, d’un conflit avec une autre planète, des moyens de communications ou de locomotions, il y a toujours ce souffle génial de la démesure qui forcément attire le regard et nous interpelle, car si les objets qui sont décrits sont d’un esthétisme déconcertant, l’humain qui s’y trouve impliqué, reste toujours fortement lié à son époque. Il existe effectivement toujours un « repère » qui emprisonne le personnage dans un espace temps bien précis , témoin qui nous rappelle que futur et passé sont étroitement imbriqués créant en quelque sorte une forme de paradoxe temporel qui trouve toute sa légitimité dans des compositions audacieuses et superbement réalisées : Des hommes en chapeau haut de forme écoutant une conférence par « téléphonoscope », foule en habits XIXeme amassée sur le toit d’un immeuble dans l’attente du prochain « Aérobus », chemin de fer aérien digne des édifices de Mr Eiffel transportant à une vitesse folles des Parisiens au regard blasé…..Car toute la force de ce style est d’être parvenu , par une merveilleuse alchimie des styles, à mélanger un concept futuriste dans un cadre désuet. Toute la force de ce courant est de donner une dimension plus humaine, mais surtout disproportionnée à la limite décalée d’une époque où l’on attendait beaucoup des avancées technologiques. Mais c’était sans compter sur la folie des hommes et de leurs capacités destructrices.
Tout un monde inventif et audacieux, nous représente un modernisme parfaitement ancré dans notre vie de tous les jours et si les artistes accordèrent au progrès une place si déterminante, c’est qu’ils n’avaient pas encore été influencés par le rouleau compresseur de toutes ces guerres dont les terribles appétits viendraient balayer d’un simple revers de mains les espoirs et cette confiance aveugle accordée à d’aussi brillantes cervelles.

Nous sommes alors étonnés de cette forme de gigantisme qui occupe l’espace réduit de l’illustration, l’invention est à la démesure de nos rêves les plus fous et l’homme en véritable dominateur des éléments est le maître absolu de cette révolution technologique symbolisant la supériorité de l’esprit sur la matière. Toutefois cette imagerie garde une certaine réserve sur la créativité de l’homme et un regard lucide sur la force des éléments qui l’entoure. En cela, certaines représentations des machines toutes puissantes, comme celles du talentueux Henri Lanos, seront également source de folie et de destruction, la machine est un titan certes docile mais qu’il est difficile à maîtriser lorsqu’elle veut se libérer du joug de son créateur. Cette mise en exergue d’une évolution grandissante, est non seulement le moyen de pointer du doigt les différents bouleversements de notre vie quotidienne mais également un avertissement à l’encontre d’une expansion trop rapide de la mécanisation.

Tout cet extraordinaire potentiel pictural fut une grande découverte pour une génération de créateurs contemporains, qui puisèrent dans cette gigantesque réserve un concept des plus audacieux, avec ce regard totalement différent que peuvent porter les artistes actuels sur cette « Rétro évolution » imaginée depuis les origines du genre. Cette forme de dialogue entre deux générations est des plus passionnante car elle permet un regard nouveau, totalement débarrassé des contraintes de l’époque lui permettant de lui insuffler une vision des plus prometteuse. Riche de plusieurs décennies de culture « science fictionnelle », ils peuvent ainsi tout à loisir réhabiliter un genre qui était en gestation depuis fort longtemps et mieux que de recopier, ils vont ainsi, sur des bases anciennes mais innovantes et éprouvées, refaçonner, remodeler et donner une impulsion nouvelle à un genre qui existait sous une forme latente, lui accorder une seconde jeunesse en exploitant un imaginaire nourri de multiples courants en provenance de la littérature et de la bande dessinée

Ce mouvement rétro- futuriste qui donna progressivement naissance à cette structure « Steampunk » que nous connaissons actuellement, forte d’une mode vestimentaire, d’objets de la vie courante « transformés » pour l’occasion, et d’une multitude de représentations graphiques, à pendant très longtemps ignoré cet art pictural créé par nos ancêtres. Cette « anticipation ancienne » peu connue car archivée par les rares amateurs du genre fut des plus confidentielle alors qu’elle portait en elle ce limon fertile propre à générer un courant des plus prometteur. Une telle conjonction de ces deux élans artistiques interagit alors d’une manière complémentaire , puisque les ouvrages classiques seraient en quelque sorte des textes décrivant le futur mais rédigés par des auteurs anciens alors que nous avons actuellement des écrivains et dessinateurs modernes qui décrivent un futur qui ne s’est jamais produit , sorte de projection fantasmée ou idéalisée d’une futur dont l’artiste voudrait revendiquer la paternité .En quelque sorte le regard posé sur un futur hypothétique et uchronique et conceptualisé par deux générations, une passée et l’autre future : Un paradoxe unique en matière d’art !

Cette démarche est donc le signe évident d’une volonté de faire un bond dans le passé en réécrivant l’histoire sur des bases beaucoup plus classiques et finalement bien que jouant sur la corde d’ un esthétisme plus conventionnel, permettre d’ouvrir plus grande encore la porte des possibilités. Un tournant décisif qui se serait produit à l’époque industrielle où notre approche des nouvelles sources d’énergies auraient emprunté un chemin totalement différent afin de nous offrir un avenir plus radieux.
Il y a donc une forme de nostalgie de la part de ce nouveau genre, un regard en arrière plein de promesses, empreint d’un profond respect et de la volonté de ressusciter tout un courant qui ne put avoir un essor conséquent en raison d’une certaine fermeture du genre dans un pays fortement rationaliste. Le dessin est comparable à cette multitude de textes, qui n’eurent pas la chance de connaître comme aux états unis, des revues spécialisées, permettant un épanouissement du genre, cristallisant ainsi un énorme potentiel créatif qui ne cesse de nous émerveiller et d’alimenter notre imaginaire collectif

Ce regard croisé qui nous est ainsi proposé par cette exposition « Futur –Antérieur, Rétrofuturisme / Steampink/Archéomodernisme » est l’occasion unique de mettre en parallèle deux générations de créateurs venant se confondre et fusionner de la manière la plus logique qui soit et nous donner un regard intemporel sur un futur dont nos ancêtres souhaitaient l’avènement. Par la richesse des thématiques abordées et comme pour rebondir sur un tremplin déjà amorcé il y a des décennies, une multitude d’artistes contemporains s’accaparent le genre, non pas pour le modifier mais pour se le réapproprier, le remettre au goût du jour, en le sublimant et lui apporter une note de démesure supplémentaire. En lui accordant ainsi un seconde chance et l’occasion de pouvoir exprimer son extraordinaire potentiel par le biais d’une si magnifique exposition, souhaitons que cette manière de Science fiction à rebours, sera les prémices d’une volonté de plus en plus forte, de montrer toute la richesse de notre histoire littéraire, fortement liée qu’on le veuille où non, à un passé profondément marqué par l’imaginaire et le merveilleux.

Je voudrais donc remercier la galerie Agnès b et toute son équipe de nous avoir ainsi donné la possibilité de poser un regard émerveillé et passionné sur une si magnifique événement qui, non seulement est un brillant hommage aux artistes passés et présents, mais permettra je l’espére d’ouvrir de nouveaux horizons à un public de profane, de visualiser tout un courant artistique d’une richesse incroyable.

Un aspect des plus singulier de notre culture populaire qu’il était grand temps de remettre à l’honneur.

 

Exposition « Futur-Antérieur,Rétrofuturisme / Steampink/Archéomodernisme « . Galerie du jour – Agnès B. 44 rue Quincampoix, 4e, Paris.

 

Quelques photos ICI 

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« L’affolante Minute » De Georges Meirs

( Non classé )

 

« L’Affolante minute » de Georges Meirs. Editions Méricant, « Les Récits Mystérieux », sans date, (vers 1910). Broché in-8° de 204 p.

 

A Semur, paisible petite sous préfecture de la côte d’Or, rien ne semble vouloir troubler la quiétude des ses habitants. C’est dans ce havre de paix que René Marages, jeune médecin plein d’avenir, est venu se terrer afin de fuir Paris, trop fiévreuse et active à son goût. Nourri des sciences exactes le jeune praticien n’avait pour ainsi dire pas vécu. Etudiant il avait en effet préparé ses examens avec soin, les passant tous avec succès. Interne sa passion était la chirurgie. Dès à présent, l’esprit serein et libéré de toute contrainte il se plonge avec délectation dans des oeuvres inconnues de lui: Edgar Poe et Conan Doyle. Il s’intéresse alors au célèbre Sherlock Holmes, admire sa puissance d’observation, la précision de la logique de ses déductions.

Dans cette même ville, coïncidence oblige, habite un autre scientifique: le professeur Molier. Ici, tout le monde l’appelle Professeur, en raison des théories scientifiques que jadis il aimait exposer en public. Celui-ci habite une demeure aussi sombre et énigmatique que la silhouette de l’énigmatique scientifique,courbée par les ans. Son refuge est une véritable forteresse, inaccessible aux communs des mortels. Pourtant, Marages, poussé par la curiosité scientifique parvient à aborder le taciturne vieillard. Va suivre finalement une relation des plus sommaire, qui n’empêche pas moins de nombreux échanges concernant quelques théories, très hasardeuses pour l’époque. Il y est question de vie artificielle, de redonner vie à des tissus morts, de refaire fonctionner des muscles après conservation dans des bains spéciaux bien après l’arrêt des fonctions vitales de l’organisme. Preuve à l’appuis, l’expérience du Dr. Bouchon relative à un cas de reviviscence du coeur après la mort et conservé dans un liquide approprié.

Hélas, il semble que l’auteur veuille exploiter dans un premier temps les talents de détective amateur de notre héros. « Riri », fils de la famille Aubrun vient de se volatiliser mystérieusement lors de la fête du village, les soupçons se portent rapidement sur une troupe de bohémiens ayant pliée bagages bien avant la fin des festivités. Les supposés coupables sont appréhendés le jour même par la gendarmerie. Dans leur roulotte la découverte d’un gant de la victime et taché de sang ne fait que renforcer l’accusation. Marages, charmé par les doux yeux d’une bohémienne, est convaincu qu’il n’est pas en présence des coupables et, en fidèle disciple du détective londonien, assure une enquête des plus scientifique. Grâce à une analyse rigoureuse, un travail de déduction irréprochable et surtout une bonne dose de logique, l’investigateur en herbe innocente tout le monde.

Le professeur quant à lui reste sourd à toute l’agitation et refuse encore l’entrée de son laboratoire à l’infortuné René et pour faire court aux diverses intrigues qui viennent alourdir le roman, retournons à la disparition du malheureux Riri dont les recherches ne manqueront pas de nous intéresser. Heureusement, Marages est sur une piste dont les différents indices nous conduisent directement aux abords du château. Près de celui-ci, des empreintes identiques à celles relevées à l’endroit exact ou le gamin fut enlevé il y a quelques jours.

Le médecin se trouble, examine les environs, se retrouve brusquement nez à nez avec le « professeur » qui, troublé, le prend par le bras afin de lui offrir une visite du saint des saints: son laboratoire ! A peine entré dans le château, Marages chancelle, un doute affreux s’empare de lui: Et si le professeur était le ravisseur? Soudain il eut peur d’avoir deviné. Des bribes de conversation lui reviennent à l’esprit: « l’Homme doit être étudié par l’homme ». Le « monstre » voyant qu’il avait deviné, le saisit d’une poigne vigoureuse afin de le pousser dans son repaire secret, rien de moins qu’une salle de vivisection, le laboratoire probable de l’odieux vieillard. Les opérations les plus osées, les expériences les moins réalisables sont pratiquées ici, secrètement dans cette antre de la souffrance et du mal.

« Il reconnaissait là des débris de corps d’hommes, que le criminel chirurgien avait dépecés vifs; plus loin, des lambeaux de chairs, des muscles rouges fraîchement découpés dégorgeaient sur la table l’hallucinante coulée d’un sang humain, dont l’odeur âcre et encore chaude offusquait ses muqueuses dans un relent fade et écoeurant. » (p. 167)

Le choc est trop violent, René sombre dans le néant. A son réveil, il se retrouve solidement attaché. A ses côté Molier, les yeux pleins de fièvre lui révèle ses redoutables intentions. Un monde nouveau, une humanité créée par ses mains, l’homme façonné par l’homme! Dans un bocal, le résultat de sa première expérience, un petit coeur, animé d’une vie impie et contre nature: le coeur du petit Riri! Mais il est loin d’être au bout de son effroyable aventure, il reste à découvrir « l’oeuvre », la seule véritable merveille due à l’intelligence humaine et comme une véritable obsession, le fou lui crache à la figure:

« Seule la vie humaine peut enrichir la science, seule la vivisection humaine répond à ses besoins, peut donner un résultat exact et précis. Je convoite ton cerveau docteur. Tu seras mon plus beau sujet. Je vois, un à un, étudier les lobes de ton cerveau, pendant que, solidement immobilisé par de crochets et des pinces d’acier, tu souffriras la pire souffrance qu ‘un être puisse connaître! » (p. 177)

Quant à son oeuvre, c’est une créature faite pièce par pièce, un être doué de sentiments et d’intelligence, un homme soumis à sa volonté et son bon vouloir.

« Sa force musculaire est surhumaine, son cerveau puissant est soumis à mon caprice et les deux dépendent de ma volonté. Il est pour moi ce qu’est le sujet à l’état de veille pour l’hypnotiseur et je le commande mentalement. Certes, ce n’est pas un Adonis, je ne suis pas un artiste, mais un savant. Je n’ai pas fait un homme beau, mais un homme pratique; sa vue n’a rien d’absolument agréable; mais il est parfait comme fonctionnement. Quand je l’aurai perfectionné, quand je le jugerai complet, alors je ravirai pour lui une femme de notre espèce; je la choisirai idéalement belle et saine, et je les accouplerai! » (p. 187)

Ce super homme ne se nourrit que de graines, de verdure et de poissons, comme l’oiseau car ne possédant comme lui qu’un intestin fort court. Chacun de ses muscles est formé de trois muscles humains. Il n’y a que le coeur qui ait conservé son volume, afin d’éviter les troubles dont nous souffrons habituellement. Marages fixe alors avec des yeux épouvantés la porte derrière laquelle se terre la créature et de l’autre côté, un pas lourd se fait entendre. Trois coups retentissent comme pour annoncer un macabre levé de rideau. A son côté, le savant ricane et écume, la tension est à son comble. La porte s’ouvre enfin dans un épouvantable grincement, un homme s’avance vers le professeur et d’un ton neutre mais ferme lui annonce « qu’il est l’heure de sa douche ». Ainsi donc, Marages est à la merci d’un fou!

D’un geste vif, le domestique se précipite sur lui, le libère de ses liens et, presque brutalement le rousse dehors: « Filez, ou je ne réponds de rien! » De retour en ville, le magistrat et les autorités sont alertés et effectuent sans plus attendre une descente au château. Devant la grille, Marcellin, le valet leur ouvre la porte pour les conduire au laboratoire. A l’intérieur, dans un désordre indescriptible, le professeur est au prise à une crise de délire vite maîtrisée par une injection de morphine, mais celle-ci est telle que quelques minutes après un nouvel accès fait trembler ses membres, un cri inhumain jaillit de sa gorge, et le professeur retombe lourdement sur le sol, raide mort.

L’explication de cette sinistre affaire parvient enfin de la bouche de son domestique:

« Tant qu’il se contenta des animaux, je le servis tout en déplorant ses erreurs et ses cruautés sans résultat, mais un jour il voulut expérimenter sur des hommes. A partir de cet instant les deux fidèles domestiques comprirent que leur maître était fou. Ils s’ingénièrent à lui procurer des pièces anatomiques qu’ils allaient chercher à l’hôpital le plus proche. Lui, croyait taillader, dépecer des hommes vivants; il vivait son rêve, comme il l’avait vécu si horriblement au moment de mourir, et il découpait les muscles, sciait les os avec une joie féroce. Ils ne pouvaient se décider à le faire interner et cependant ils se rendaient compte qu’il devenait plus dangereux de jour en jour et constituait un danger permanent. Marcelin fouille alors dans la bibliothèque et se met à étudier les traités des maladies nerveuses et connaît lors les moyens de soigner son maître. » (p. 194)

Mais que faire face à une telle folie? Fort heureusement le coeur dans le bocal n’était autre que celui d’un jeune porc et quant à Riri, le valet l’avait placé en lieu sûr, chez une grand-mère à Dijon, n’osant prévenir la police de peur d’attirer l’attention des autorités sur son pauvre maître. Le lendemain, le turbulent gamin fût raccompagné à ses parents. Ainsi prend fin cette «Affolante Minute » entre une mauvaise histoire policière et une décevante intrigue de science-fiction, proche du grand guignol pour son final des plus cauchemardesque et théâtral.

 

L’auteur et son ouvre

Né à Reims le 21 mai 1878, de son vrai nom Jean Rémy Machoux, Georges Meirs (anagramme du mot Reims), alias André Meria eut une carrière très éclectique puisqu’il fut rédacteur de ciné-romans, peintre, caricaturiste, journaliste, scénariste, etc. A l’âge de seize ans, il sera admis à l’école des Beaux-Arts de Paris mais sa position à l’époque en faveur du capitaine Dreyfus décide sa famille à lui couper les vivres. Pour subsister il utilise alors ses talents de dessinateur, puis comme journaliste. Il choisit alors son premier pseudonyme: Adrien Meria et produit de nombreux dessins pour « Le Rire », « La Fin du Siècle », « Frou-Frou » et « L’Assiette au Beurre ». Après avoir fondé diverses revues satiriques dont« La Gifle », il publiera son premier roman policier. Nous sommes en 1911 et à l’époque le titre ne manque pas de saveur: « Le Cadavre Assassin ». Le premier volume des Aventures de William Tharps , publié pour le compte de l’éditeur Méricant voit aussi le jour. Cet ouvrage fut écrit en collaboration avec J. M. Darros, pseudonyme de J. M. Fricot. Le succès des romans de G. Meirs fut assez considérable, maintes fois réédités et traduits en anglais, italien et espagnol. Il faut dire que son personnage avait de nombreux atouts et comme son compatriote anglais, William Tharps, cherche la solution de l’énigme en fumant à la chaîne « de blondes et élégantes cigarettes » et en période d’inaction s’administre lui aussi quelques doses de morphine et fume l’opium. II est en outre accompagné de son « Watson maison », un avocat d’origine anglaise: Pastor Lynham, ami et historiographe du détective.

Ce dandy habite un hôtel particulier, tenu par son fidèle groom Jim. Maître dans l’art du maquillage, son habileté lui permettra de se cacher sous diverses identités, hommes, femmes, bourgeois ou malfrats. Toujours à la pointe du progrès il fera de la science son amie comme par exemple dans « Le Manoir Hanté » où il fait construire dans les oubliettes du château un laboratoire lui permettant d’en observer les habitants en se divertissant de leurs frayeurs au moyen d’une télévision avant la lettre.

En outre, tout comme Sherlock Holmes, il avait établi un fichier considérable sur la chimie, la médecine, la chirurgie, les sciences occultes et diverses légendes de nombreux pays. Il y eut 22 volumes relatant les aventures de William Tharps, suivis de 4 volumes dont Walter Clark est le héros. Dans cette longue série et malgré des titres évocateurs et mystérieux comme: « Le Secret de la Momie », « La Main Fantôme » ou « L’Antre d’Epouvante » le fantastique n’est qu’une ombre fugace, juste pour donner une ambiance et ce n’est pas avec « L’Ombre qui Tue » (12ème aventure de William Tharps) « roman d’espionnage et d’anticipation » que l’auteur va rejoindre l’Amicale des auteurs de vieille S. F.: l’action s’y déroule à Verdun où un espion allemand cherche à s’emparer des plans ultra secrets appartenant à l’état-major français. Pour supprimer ceux qui s’opposent à son action, l’espion tue à l’aide d’une ampoule électrique qui, en s’allumant explose et dégage un gaz mortel.

Il est à préciser qu’à l’époque les établissements Gaumont étaient en pourparler avec G. Meirs et son éditeur pour acheter les droits d’adaptation cinématographiques des aventures de W. Tharps quand survint la déclaration de guerre.

Le 13 novembre 1915 les deux premiers épisodes des « Vampires » étaient projetés sur les écrans du Gaumont-Palace. En janvier 1916 le ciné-roman de Georges Meirs sortait en librairie édité par Tallandier. Le premier volume des « Vampires » comporte: « La Tête Coupée », « La Bague qui Tue » et « Le Cryptogramme Rouge ». Le second contient: « Le Spectre », « L’Evasion du Mort » puis des volumes simples: « Les Yeux qui Fascinent » et « Satanas » dernier exemplaire en petit format. Pour les collectionneurs avertis il est à préciser que trois autres volumes paraîtront en petits fascicules de 60 pages et agrémentés de photos des films: « Le Maître de la Foudre », « L’Homme des Poisons » et « Les Noces Sanglantes ». Ici, également, les titres sont très alléchant mais nous sommes plus en présence d’une série à rebondissement où les « gadgets » et autres petites inventions au service du mal ne sont que des « faire valoir » nécessaires pour donner un certain attrait à l’intrigue.

Parallèlement à cette activité d’écrivain, l’auteur poursuit également son travail de critique, de rédacteur et d’illustrateur et nous lui devons également les illustrations de la première édition des W. Tharp qu’il signait AM (Adrien Méra), ainsi que certaines des couvertures des romans conjecturux parus chez Méricant dans la mythique série « Les Récits Mystérieux » (dont: « Une Fumée dans la Nue » de Louis d’Hée), sans oublier les illustrations des volumes de Maurice Leblanc et Gaston Leroux parus chez Pierre Lafitte. Pour en terminer avec l’ouvre qui nous intéresse ici, « l’Affolante Minute », publiée donc en 1913, ce roman fut construit d’après une courte nouvelle qu’il avait déjà fait paraître dans son hebdomadaire «Le Cri» en 1909. «Le Cri» était un journal médical, littéraire et mondain diffusé gratuitement auprès de tous les médecins de France pendant deux ans. Cette nouvelle : « La Survie » d’une valeur d’une page recto-verso est reproduite dans le numéro 6 du « Petit Détective » numéro consacré essentiellement à Georges Meirs. Ce court texte résume finalement bien la totalité de « L’Affolante Minute » et même si la chute peut décevoir bien des inconditionnels (après tout, combien de nos chers romans se terminent par « ce n’était qu’un rêve »), le fond du propos souligne bien les préoccupations de l’époque face aux mystères de la vie. Georges Meirs, sans être un scientifique était à l’écoute de la science et se montrait très curieux et attentif aux découvertes récentes. Dans une lettre adressée à l’un de ces amis: le docteur Pastan, il démontre clairement combien il était au fait des progrès de son temps, même si ses théories semblent farfelues:

« On peut provoquer une reproduction chez des espèces même supérieures sous l’influence de la fécondation naturelle, mais parviendra-t-on jamais se synthétiser sa forme secrète qui existe préformée dans les hydrocarbures, la lécithine, l’albumine et les sels organiques de l’oeuf? Le protoplasme des cellules, ou bien une simple cellule microscopique que renferme tant de formes mystérieuses, qu’il est assez difficile de concevoir qu’on puisse penser à reproduire une seule cellule. La nature que nous connaissons que très superficiellement a mis plusieurs millions d’années pour faire la synthèse du protoplasme, le prototype de la vie organique. Pour faire l’homonculus il faut donc parfois soit des ovaires, soit d’un oeuf croisé des ovaires. Théoriquement il n’est pas possible de nourrir in-vitro des ovaires extirpés et fécondés par voix artificielle. On pourrait même admettre le développement de l’embryon in-vitro, ce qui permettrait une observation exacte dans tous les stades de la formation. Les facultés mentales de cet homonculus seraient bien primitives, l’absence de l’influence intellectuelle du côté de la mère, ainsi que l’absence des spermatozoïdes provenant du père. »

Voilà une théorie bien hasardeuse mais qui reflète bien la mentalité de l’époque et le champ limité de la science dans le domaine de la reproduction et de la génétique.

Je pense que nous sommes ici en présence d’une des raisons pour lesquelles les romanciers étaient prisonniers d’une thématique où la  création de « l’être supérieur » et parfait reposait uniquement (à quelques exceptions près) sur un assemblage de pièces anatomiques plutôt que de choisir la solution d’un humain élaboré dans un laboratoire  à partir d’ovules et de spermatozoïdes. Peut-être le sujet était-il « tabou » ou tout simplement l’imagination des romanciers (en ce qui concerne les plus renseignés dans le domaines des sciences) se trouvait être étroitement liée avec les progrès de l’époque. Il n’est plus à démontrer qu’à chaque tournant décisif en matière de technologie, correspond un nouveau type de science-fiction (invasions extra-terrestres, découverte de civilisations fabuleuses, guerres futures, voyageurs d’autres planètes, guerres atomique, etc.)

Dans « L’Affolante Minute » il est donc à nouveau question d’un « sculpteur de chair humaine » où l’écrivain, hélas, auteur de roman policier oblige, vient se noyer dans une intrigue policière franchement tirée par les cheveux.

Peut-être était-ce lié aux contraintes éditoriales de l’époque,et qu’ il fallait aux auteurs écrire un maximum, être productif, et dans ce cas devaient-ils « tirer à la ligne » afin de boucler leur roman. Georges Meirs n’échappa certainement pas à la règle.

Un roman qui en raison de son fort potentiel conjectural, risque de frustrer bon nombre de lecteurs mais laissons-nous entraîner dans cette folle descente aux enfers d’un laboratoire des plus funeste et d’y découvrir les sciences interdites, l’antre du grand guignol, et se laisser entraîner une fois de plus dans les délires cauchemardesques de ces savants fous qui savent de main de maître aussi bien pétrir et remodeler les tissus vivants que redonner vie aux cellules mortes.

Un grand merci à la revue « Le petit détective» dont le dossier consacré à Georges Meirs dans son numéro 6 fut une source précieuse de renseignements

 

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