Le résumé qui va suivre, relevé dans le tome second de cette extraordinaire saga qu’est « L’épopée martienne », vous donne un aperçu de la densité du récit et des idées qui y fusent à tout bout de champs. Une invasion extraterrestre impliquant, martiens, joviens ce n’est déjà pas si mal, mais comme si cela ne suffisait pas, les auteurs vont également placer une thématique de fin du monde sur fond d’une tout autre invasion, interne celle là avec cette horde d’abominables anthropophages, sans parler des « Soviet » voulant asseoir leur suprématies…Une apocalypse totale comme on en rencontre rarement dans ce genre de littérature. Le tome premier se terminera par l’arrivée de cet obus martien occupé par les grands maîtres de la planète voulant aider à la réincarnation des âmes martiennes. « Guerre des mondes » sur fond de spiritualité, le second volume nous plonge au cœur des ténèbres où les quelques survivants terriens, conscient de ce drame affreux vont s’efforcer de lutter face à ces puissantes créatures voulant coûte que coûte conquérir cette terre promise. Car en détruisant leur planète, les joviens ont ainsi libéré des millions d’âmes en quête de réceptacles humains. Une œuvre foisonnante et complètement folle, proche des délires de Gustave Le Rouge et de son épopée Martienne, du périple de Serge Myrandhal de Gayar ou des aventures extraordinaires des héros de Jean de le Hire dans sa « Roue fulgurante »
Deux volumes fourmillant d’idées complètement extravagantes ne vous laissant pas souffler une minute et si après le résumé qui va suivre vous n’avez pas envie de vous plonger dans cette délirante épopée, alors tout espoir est perdu d’avance.
« L’épopée martienne » deux Volumes :
- Tome premier : « Les titans du ciel, roman planétaire » de Octave Joncquel & Théo Varlet. Librairie Edgar Malfére bibliothèque du Hérisson.1921.
- Tome second : « L’agonie de la terre, roman planétaire » de Octave Joncquel & Théo Varlet. Librairie Edgar Malfére bibliothèque du Hérisson.192.
Ces deux volumes furent réunis dans la collection « Classique » des éditions Encrages en 1996. Outre les deux romans précités, vous y trouverez également un autre texte de Théo Varlet, tout aussi passionnant sur une thématique de voyage dans le temps : « La belle Valence », précédé d’un article de Joseph Alrairac fort passionnant « Mais qui a donc inventé la premiére machi,nne à voyager dans le temps?» Tout cela illustré par le crayon inspiré du talentueux Guillaume Sorel. Une raison de plus pour faire l’acquisition de ce volume superbe et indispensable à toute bonne bibliothèque.
Résumé du tome premier
C’est un demi-siècle après la Grande Guerre 1914-18. Les États-Unis du Globe sont constitués et la paix règne – par l’intimidation – grâce aux « foudroyants » dont le Directoire-Terrestre de Paris a monopolisé le secret. La science progresse toujours, et vient d’établir la télégraphie avec Jupiter et Mars. Les trois planètes fraternisent et font échange de nouvelles. Mais les traîtres Martiens en profitent pour réaliser – dans des circonstances tout autres et bien plus atroces -l’invasion prophétisée par H.-G. Wells. Ils se proposent d’annihiler la civilisation sur la Terre avant d’y débarquer eux-mêmes. Arrivés à bonne portée, ils ouvrent le feu, au début de l’été 1978.
Le publiciste Léon Rudeaux est en compagnie de Sylvain Leduc, chef-pilote au camp d’aviation du Crotoy, lorsque, sous leurs yeux, le premier obus tombe dans la direction de Paris. En hélicoptère « rotatif », les deux amis arrivent au dessus de la capitale qui brûle, enlèvent Gaby Leduc réfugiée sur un toit, et gagnent le poste de T. S. F. interplanétaire du Mont-Valérien. Un avion de sauvetage y dépose aussi Gédéon Botram, le seul Directeur échappé à la catastrophe. Botram organise les secours, puis transfère à Marseille les débris du gouvernement. Rudeaux est chargé des services d’informations. Nouvelles, chaque jour plus graves. Lyon, Nice,Rome, Londres, Chicago, Boston, Yokohama, détruites successivement par les torpilles martiennes. La panique se répand, formidable ; la société se désagrège ; les mouvements nationalistes, communistes, anarchistes, s’enchevêtrent, en une poussée de folie collective. Il n’y a plus d’États~Unis du Globe ; partout on fuit, on pille, on se bat, on se rue aux jouissances.
Avec la jeune dactylographe Raymonde, qui sera désormais sa fidèle compagne Rudeaux prend deux jours de congé. Ils traversent Marseille en pleine effervescence de révolution et d’orgie, et vont chercher la tranquillité dans un petit port voisin : Cassis. Mais on y proclame justement le soviet, et ils s’échappent à grand’peine de la bagarre. Cette nuit-là, réfugiés parmi les rochers déserts de la côte, ils voient tomber la dixième torpille, sur Marseille. L’avion de l’ex-milliardaire Isaac Schlemihl recueille le couple et, faisant un crochet sur la mer pour éviter la flambée apocalyptique, le transporte aux Saintes Maries de la Mer, où l’on retrouve Gédéon Botram et les Ministres échappés à l’incendie et aux troupes anarchistes qui attaquaient le palais du gouvernement, lors de la chute de l’obus.
Ce fantôme de pouvoir assiste impuissant à la déroute de la civilisation dont il apprend les détails, effroyables ou grotesques par la T. S. F., et par les randonnées de Sylvain Leduc, chef de l’Aviation. Le Grand-Conseil de Jupiter, indigné par le lâche attentat martien, a bien promis aux Hommes de châtier leurs ennemis ; mais les positions astronomiques des planètes sur leurs orbites ne seront pas avant deux ans favorables à cette intervention jovienne. Le savant Ladislas Wronsky, par bonheur, découvre enfin un moyen d’agir sur les dispositifs télémécaniques des torpilles que gouvernent à distance les Martiens : les torpilles ultérieures sont projetées en mer ; l’humanité respire.
Réjouissances par toute la Terre délivrée ; illuminations,danses ; mais on ne se réorganise pas pour cela. L’anarchie se développe encore, par la vitesse acquise.
Cependant, la planète Mars s éloigne toujours sur son orbite ; elle a cessé d’envoyer ses projectiles, et l’on croit le bombardement fini pour cette fois, lorsque au dernier moment trois obus sont encore lancés. Ils provoquent de vastes conflagrations volcaniques (Italie, Japon, Mexique) et surtout un effet moral déplorable sur l’humanité restante. Ladislas Wronsky ne voit plus qu’un moyen de sauvegarder la civilisation jusqu’à des temps meilleurs, c’est de grouper l’élite savante en gardiens du feu sacré. Léon Rudeaux, accompagné de sa femme travestie en pilote-aviateur (à cause des soviets), part en mission afin de recruter les membres de ce futur Conservatoire. Ils survolent la France ravagée par la folie destructive et homicide, puis la Belgique, l’Angleterre, et visitent sans grand succès quelques Universités. Après la panne tragique de Dury ( chez le faux docteur Landru qui tient sous son pouvoir hypnotique toute une maison de fous), ils apprennent à Amiens le désastre des Saintes Maries assiégées et détruites par les Hordes noires de Provence. Botram, Wronsky, et les autres ont péri, malgré les efforts de Leduc et de sa flotte aérienne. Le couple reste donc à Amiens, où les hasards de cette époque étrange ont rassemblé une foule d’artistes qui se livrent uniquement à leurs nobles travaux. La ville tient plusieurs mois tandis que la peste, la guerre, le délire « nuit-éternaliste » achèvent de dépeupler le monde… Une Horde anthropophage s’en empare à la fin, l’incendie, et massacre la plupart de ses habitants. Les avions de Sylvain Leduc en sauvent un petit nombre, et ces rescapés ( dont Rudeaux, qui voit la mort de très près, et sa femme, ) vont s’adjoindre à la colonie du Mont-Blanc.
La civilisation n’est plus représentée que par une dizaine de groupes disséminés dans les cinq parties du monde qui retourne à la barbarie. Espoir suprême de l’avenir, ces groupes attendent la réalisation du châtiment céleste dont Jupiter leur renouvelle la promesse : Mars, qui a péché par le feu contre la loi d’amour et de fraternité, sera détruit par le feu dans la nuit du 21 au 22 juin 1980.
Et en effet, les colons du Mont-blanc suivent, dans les télescopes et les lunettes de l’Observatoire, la fantastique exécution que leur commente l’abbé Romeux, l’astronome. Les Joviens ont passé deux ans à charger des batteries d’accumulateurs-solaires ; et au moment fatal cette somme d’énergies calorifiques est appliquée à un projecteur géant braqué sur la planète criminelle. Ce Foudre de Jupiter s’allonge à vue d’œil vers Mars, l’atteint, et le balaie en tous sens, inexorablement, jusqu’à extermination complète de la vie à sa surface… C’est la Terre à jamais sauvée, l’avenir rouvert…
Suprême déception ! Avant d’être atteints par le Glaive de feu, les infâmes Martiens ont eu le temps de lancer l’un des projectiles destinés à leur émigration sur la Terre désormais incapable de résistance ! L’obus est unique, il est vrai, mais le moral des derniers civilisés n’en est pas moins très ébranlé par ce coup inattendu. Quelle mystérieuse menace ne renferme pas ce projectile de la dernière heure? Pendant les trois semaines que durent et son trajet et l’expectative de son arrivée sur Terre,la démoralisation gagne le Mont-Blanc. Les aviateurs de Chamonix décampent avec leurs appareils et entraînent dans leur désertion quelques femmes de l’Observatoire : ils vont gagner Tahiti, où ils « se la couleront douce ». Sylvain Leduc, enragé par ce lâchage, jure d’aller à lui seul combattre les Martiens à leur débarquement.
Un radio de Jupiter annonce que l’obus arrivera aux environs du Caire, où se trouve l’une des « stations » civilisées. Leduc, accompagné de son seul mécanicien resté fidèle, le jeune Moreau, et du couple Rudeaux, vole à son secours… Dans un état d’exaltation croissante, il mène à toute vitesse, jour et nuit, par-dessus l’Italie transformée en nécropole et la Méditerranée. Le Caire. Où donc est l’Obus ? Voilà le faubourg de Gizeh, le poste de T. S. F., la « colonie » ; mais les colons ? Le seul Nazir-bey est là, devant son manipulateur, à lancer sans répit le signal de détresse : SOS… SOS. Son récit terrifie le couple Rudeaux : l’Obus tombé auprès des Pyramides ; tout le personnel de la colonie, bien armé, s’y est rendu, mais nul n’est de retour !Leduc, plus matamore que jamais, ne fait plus que rire du troublant Parfum dont l’atmosphère est saturée, et que Nazir~bey attribue aux Martiens ; malgré la recommandation expresse de son hôte, il va faire un somme dans le rotatif, après quoi : gare aux gens de l’Obus ! L’inquiétude mystérieuse s’aggrave : des ombres suspectes défilent dans la nuit, processionnant vers les Pyramides ; Léon et Raymonde, envahis par une torpeur vertigineuse, voient successivement Leduc s’envoler dans la même direction, et Nazir~bey, hagard, sortir et se joindre aux pèlerins somnambules ; eux-mêmes se sentent irrésistiblement attirés au dehors, puis vers les Pyramides et l’Obus fatal…
Une dernière lueur de raison les arrache à l’emprise du Parfum. Rudeaux pousse sa femme dans un bar désert, au pied du Sphinx. Sauvés ! Car ils voient par la fenêtre, avec horreur, les autres pèlerins s avancer jusqu’à l’Obus, où les Mages martiens, à ailes de chauves-souris, les happent et leur font subir les passes magnétiques destinées à les dépouiller définitivement de leurs âmes d’hommes, au profit des âmes martiennes arrivées par millions depuis l’incinération de leur planète, la Terre étant le paradis des Martiens que la métempsycose conduit à chaque renaissance d’un degré plus près vers le Soleil, nirvana suprême. Rudeaux sait tout cela, car lui aussi, malgré sa volonté de ne pas dormir, subit l’influence du Parfum et un instant d’inattention a livré son cerveau à une âme martienne. L’âme n’a pu garder sa conquête, et Rudeaux a repris possession de son corps, mais il se sent prêt à succomber de nouveau. Raymonde, elle, n’a cessé de jouer du piano pour se tenir éveillée ; mais soudain son jeu devient automatique et somnambule : c’en est fait, elle est envahie ! Elle ne reconnaît plus Léon ; son âme martienne sourit à l’Autre, à l’amant martien prêt à s’incarner dans le corps de Léon… Instants hagards d’angoisse, de jalousie atroce, de lutte désespérée… Léon griffonne les dernières lignes de son journal :
« … C’est l’autre qui va me chasser à jamais de mon corps, sitôt que je cesserai d’écrire, sitôt que je céderai au sommeil… Voici que la Face mutilée du Sphinx s’ombre mystérieusement de crépuscule… ma bien-aimée désâmée gémit de volupté sous le redoublement du Parfum paradisiaque… les pèlerins somnambules recommencent à passer… là-haut, sur leur Donjon sinistre et sur les Pyramides, les Mages de Mars, aux cornes lumineuses, dans la soirée ardente, agitent leurs ailes de chauves-souris vers les horizons de la Terre Promise… »
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« U-Chroniques » Anthologie de nouvelles. Editions ImaJn’ère « Sous la cape ».2012.293 pages
Il existe des mots qui furent pendant longtemps perdus dans cette « Terra Incognita » de la langue Française, seulement connus des rares initiées ou de ces intrépides explorateurs qui n’hésitaient pas à braver des territoires hostiles et barbares. Le terme « Uchronie » fait partie de l’un d’eux et il m’arrive souvent par jeux, de le placer dans une conversation et je suis toujours stupéfait de voir les réactions d’interrogations que ce petit mot suscite sur le visage de mes interlocuteurs. Mais loin de moi de faire un reproche de quelque nature que ce soit, car il rentre dans cette catégorie des mots étranges, pas facile à placer dans une conversation, tout comme le mot « Dystopie » d’ailleurs, si ce n’est entre gens de bonne compagnie ayant quelques accointances pour les littératures science fictionnelles….. Je me rappelle de ce petit frisson que fit naître en moi cette notion d’altération du temps. Comme il doit être fascinant de pouvoir ainsi jouer avec le cour de l’histoire et de pouvoir se déplacer dans un passé figé à jamais et de pouvoir en modifier la structure immuable. La notion de temps a toujours fascinée les écrivains de l’imaginaire et cette fonction « uchronique » fut toujours étroitement liée avec celle de voyages dans le temps, car le souci majeur de ces téméraires voyageurs temporels fut de bien prendre garde de ne pas modifier ne serait-ce que le moindre« battement d’aile d’un papillon ». Mon premier texte marquant dans le genre, et qui garde encore après plusieurs années le même impact, fut le roman de Poul Anderson « La patrouille du temps », cette unité spéciale composée d’hommes du futur et chargés de lutter contre les altérations de l’histoire qui pourraient perturber le cours normal des choses. Le ton venait d’être donné et l’ouverture de la porte de ces « brigades spéciales » allaient fleurir dans la littérature : car on ne joue pas ainsi avec les paradoxes temporels !
Dans le futur, la machine à voyager dans le temps est devenue un moyen de locomotion relativement fréquent et quelques petits « plaisantins » s’efforcérent de vouloir modifier certains événements qu’ils jugérent un peu trop conventionnels. Cette idée d’une « police du temps », fit son chemin, car depuis Enrique Gaspard y Rimbau et son « Anacronopéte » en passant par H.G.Wells et sa « Machine à voyager dans le temps » et Octave Belliard avec un « Aventure d’une explorateur qui explora dans le temps » les règles ont bien changées et le fait de pouvoir ainsi à sa guise se déplacer sur cette ligne temporelle, vient modifier terriblement notre vision de l’histoire et modifier une chronologie des plus ordonnée
Qui n’a pas rêvé à un moment ou un autre, de rencontrer un personnage célèbre ? Certainement un écrivain afin de lui faire dédicacer une ou l’intégralité de ses œuvres…Qui n’a pas espéré à un moment de son existence éliminer un criminel de guerre, réduire à néant une invention ou une découverte pouvant nuire au développement des plus serein de notre humanité ? Qui n’a pas rêvé de changer le cours d’une vie morne et sans saveur ?
En règle générale, une uchronie va se jouer sur deux tableaux : L’histoire nous apprend qu’à la suite d’un événement inattendue et/ou imprévisible le cours de notre histoire a subitement changé de direction, par une phénomène naturel ou accidentel. A ce niveau toute notre histoire a été réécrite depuis l’événement causal et nous évoluons dans un contexte certes parallèle à notre propre réalité mais dont aucun élément « scientifique » n’est venu perturber le bon déroulement. Le narrateur nous place dans un contexte où notre planète a évoluée en fonction de cet événement. Mais il y a également le cas d’une machine nous donnant la possibilité d’arpenter notre passé, auquel cas l’auteur s’efforcera de placer un élément pouvant influencer notre futur et de créer une autre réalité possible. Les possibilités sont alors infinies, créant une multitude de mondes divergents qu’il nous sera possible d’emprunter à volonté…une véritable pagaille : Mais que fait la police…temporelle ?
C’est un concept qui existe depuis longtemps dans la littérature conjecturale mais qui n’avait jamais été source d’une étude assez fouillée. Au départ, c’est l’anticipation militaire qui s’en est donnée à cœur joie avec des romans où l’histoire fut complètement bouleversée par des batailles dont l’issu ne fut pas ce à quoi l’on s’attendait : « Si les Allemands avaient gagnés la guerre » par exemple qui reste une des thématiques la plus utilisée ( usée jusqu’à la trogne pourrait-on dire) Si, Si Si……avec des « Si », nous pourrions mettre Paris en bouteille dit le vieil adage et c’est ce que vont s’efforcer de faire nos admirables écrivains : Réinventer notre histoire à partir d’un élément décisif, ce petit rien qui en une fraction de seconde peut tout faire basculer.
Depuis il y a eu l’ouvrage incontournable de Eric B.Henriet et sa formidable « Histoire revisitée » (Editions Encrage collection « Interface » 2004), un gros pavé passant en revue toutes ces altérations modifiant de la plus incroyable des façons nos manuels d’histoires. Bien avant cela il y eut la précieuse anthologie dirigée par André-François Ruaud « Passés recomposés» ( Editions Nestiveqnen. 2003 )qui sur douze textes d’écrivains de talents nous proposa une vision du monde quelque peu perturbée par de minuscules changements à l’échelle cosmique mais qui eurent des conséquences déterminante sur le destin de l’humanité.
Deuxième anthologie consacrée à ce genre plein de surprises et objet de ce billet aujourd’hui : « U.Chroniques » aux éditions ImaJn’ère « sous la cape ».
Un volume de 293 pages accueillant 16 nouvelles pour autant d’écrivains, sous une couverture des plus belle, justifiant à elle seule l’achat de ce merveilleux petit volume des plus réjouissant.
Si vous avez des amis ayant quelques réticences avec la terminologie du mot « Uchronie » je vous conseille de lui faire lire la préface de Julien Heylbroeck. Une préface qui en fait pourrait être une nouvelle si…seigneur voilà que moi aussi je me mets à « Uchroniquer » néologisme qui, dans le cas présent n’est pas un gros mot, mais un état dans lequel vous plonge une lecture trop répétitive de ce genre de fariboles de l’imaginaire. La préface vous disais-je, est des plus savoureuse et afin de poser les bases de cette thématique, j’ai effectué sa lecture en présence de ma charmante épouse qui est profane dans le domaine et dont la réaction fut des plus enjouée : Arriver sur deux pages à définir un univers aussi complexe en vous faisant marrer, voilà une exploit qui relève de heu !…l’utopie ?
Seize nouvelles réalisées par de talentueux écrivains dont certains sont connus des milieux spécialisés, d’autre moins mais toutes témoignent d’une imagination et d’une rare sensibilité sur un concept qui peut paraître assez banal, mais demande toutefois une certaine maîtrise du langage, tout comme de l’histoire d’ailleurs, celle avec un grand « H ». Le recueil se divise en différentes « parties », où l’histoire est altérée de nombreuses façons, témoignant de sensibilités différentes et d’approches originales et innovantes. Ne me demandez pas un inventaire complet de chacune d’elles, il y en a pour tous les goûts et chaque auteur, qu’il soit chevronné ou faisant preuve d’une plume relativement récente, apporte à cette anthologie tout le charme et le plaisir de lecture propre à des gens passionnés de littératures de l’imaginaire. Car voyez vous dans cette « U-chroniques » au titre on ne peut plus approprié, tous nous prennent par la main et nous conduisent dans ces univers qui, par un formidable « effet domino », nous confrontent à une leçon d’histoire des plus instructive et des plus audacieuse. Bon je ne voulais pas faire le détail, alors tant pis je vais tout de même les citer toutes….
D’une histoire pleine de nostalgie au parfum de révolution (« L’été insensé » de Roland C.Wagner) , de poésie toute militaire (« Le vol et la nuit » de Romual Herbreteau), de plaisir charnel (« Dobby 1er Maître du monde » de Sylvie Jeanne Bretaud ) de religion ( « Mourir à Montségur » de Philippe Ward ) de cosmogonie ( « L’expérience astrale de Mike Mana » de Batista & Batistuta), de voyageur temporel facétieux ( « Diem perdidi »de Julien Heylbroeck), d’une plongée dans les comics (« Dark Night » de Artikel Unbekannt), d’une uchronie délirante qui vous mange presque le cerveau «( « Oups..they did it Again » de Robert Darvel )d’Uchronautes anarchistes ( « Uchronis » de Jérome V), d’un artiste qui va se révéler pour le bien de l’humanité (« Arte 88 » de Jean-Hugues Villacampa), d’une agence spécialisé dans les anomalies temporelles (« Formax et les Aleximores » de Pierre Laurendeau) de la revanche d’un Corse mégalo (« Détails d’importance » de Léa Silva ), de la revanche des hommes préhistoriques ( « I have a dream » de Romain d’huissier ) et de celle des dinosaures ( « Un millionième de seconde » de Patrice Very) et terminer sur une histoire de chamanisme indien ( « La deuxième bataille de Brandywine » de Arnaud Guidet), vous voyez que dans ce copieux volume tout est fait pour vous apporter plaisir, réflexion, amusement et triturage de méninges…dans le bon sens cela va sans dire. Le volume se termine par un émouvant témoignage dont je vous laisse la surprise
Chaque texte est accompagné d’une superbe composition N& B de Fransico Varon (concluant heureusement la nouvelle) que je vous déconseille de regarder avant d’entamer l’histoire (j’ai souvent cette sale manie en ce qui me concerne) car elle vous donne parfois un indice précieux sur le contenu ou la chute des plus inattendue.
« Alors, alors ! » me direz vous, quelle nouvelle as-tu préférée ? Toute je vous répondrais car elles possèdent un charme particulier constituant toute leur identité et le talent de l’auteur. Mais bon en ce qui me concerne, j’ai bien sûr un petit faible pour deux ou trois d’entre elles, mais dans le cas présent mon avis importe peu, car parler de préférence, serait tout simplement subjectif et je laisse donc à chacun le plaisir de découvrir celle ou celles qui conviendront le mieux à ses attentes et sa sensibilité du moment.
En regard de cette anthologie des plus enthousiasmante, je crois que l’unique constat à faire, est cet immense potentiel dont bénéficie l’imaginaire Français. Il existe une ligne temporelle qui s’étire ainsi sans jamais se briser, une génération d’auteurs laissant place à une toute nouvelle. Rien de plus logique me direz vous, certes mais lorsque cette ligne faite de talents aussi différents, ne trouve dans sa continuité aucun obstacle ne pouvant en interrompre son magnifique tracé, il ne fait aucun doute que nos bibliothèque continueront à se remplir d’écrivains de talent qui procureront aux lecteurs délicats que nous sommes, de savoureux repas de livres aromatiques et aux goûts puissants.
Seul petit point noir au tableau, la fragilité de la fine pellicule transparente qui recouvre le livre. Elle à tendance à s’enlever trop facilement au risque d’abîmer la superbe illustration. Mais je pinaille, voilà ce que c’est que d’être un indécrottable maniaque…
Foncez vous dis-je, Vous ne le regretterez pas !
« L’homme qui change de corps » de Jean sologne. Editions Colbert « Le mot de l’énigme » .1942. Illustrations de Marcel Norsac
Avant de se suicider, le docteur Claude Merry adresse une lettre à la police où il confesse l’horreur de ses crimes perpétrés au nom de la science. Professeur d’occultisme psychique il inventa une curieuse substance lui permettant de « changer de corps ». Il appellera cela la « transfusion des âmes ». En effet il pense qu’il est possible de permuter les esprits au moment précis où la mort leur fait quitter leur corps. Il va donc créer deux substances l’une injectant un poison mortel légèrement avant son antidote, ce qui permettra de libérer l’âme sans porter atteinte à son enveloppe charnelle, en théorie…. Il constate de plus que au moment de mourir, l’âme s’échappe par la bouche et les yeux. Il va « tester » sa méthode sur un chien enfin d’en éprouver l’efficacité et après avoir inoculé les deux substances et imposer mentalement la permutation, se retrouve dans le corps de la malheureuse bête. Le seul petit problème, c’est qu’il ne parvient plus à réintégrer son corps et pour cause ce dernier est…mort ! Un drame me direz vous mais ayant encore gardé toutes ses facultés intellectuelles il va, par un concours de circonstances et une suite d’événements extravagants, faire la connaissance d’un singe dont il parviendra également investir le corps avant de se retrouver de nouveau dans celui d’un jeune et élégant bipède. Comme aspiré dans une spirale infernale, nouveau changement de propriétaire et passage dans le corps de la femme qu’il aimait. En fait il lui avait avoué son mystérieux pouvoir et celle-ci voulant « juste essayer pour voir » se retrouva définitivement sur le « boulevard des allongées ».
Son périple va ainsi se poursuivre de corps en corps, n’arrivant jamais à trouver le réceptacle « idéal » et poussé probablement par une curiosité malsaine. Au final il terminera son macabre périple,dans l’enveloppe charnelle du Dr Stéphane Bernard qui venait de mettre au point un vaccin contre le cancer. Malheureusement le génial scientifique n’ayant pas couché la formidable recette sur papier, ces illustres cervelles préférant souvent tout garder dans leur tête, Merry réalise la stupidité de son acte puisque par cette occupation illégale de ce corps, il vient de sceller le sort de millions d’individus atteints de cette horrible maladie. Préférant disparaître afin d’éponger sa dette envers l’humanité, il décide de se suicider en avouant aux forces de l’ordre son abominable méfait…si toutefois celle-ci porte crédit à cette ahurissante histoire de « l’homme qui change de corps ».
Un texte assez amusant, pauvre en explications « scientifiques », mais dans ce genre de récit est-ce bien nécessaire ? Cette curieuse invention un peu passe partout, est le prétexte à un roman des plus légers où l’auteur, par l’intermédiaire de son illustre « savant fou » nous fait apprécier les états d’âmes et les sensations d’un homme qui va tester différentes enveloppes charnelles, chien, singe, femme, vieillard, riches et pauvres…..Un voyage intérieur par rebonds des plus cocasse, souvent drôle et au final assez distrayant !