Afin de mieux gérer le nombre d’entrées, il était urgent d’ouvrir un « second front » et de créer donc un véritable site mieux rangé avec un classement par auteurs, par thématiques, des albums photos …plus propre quoi, un peu moins « amateur ».Ce blog qui m’est cher au cœur va donc continuer sa petite existence et être alimenté par des articles courts, des références, des entrefilets, relevés dans ce fond inépuisable que sont les journaux et revues anciennes, tout en restant bien évidement dans le domaine des littératures de l’imaginaire. C’est la raison pour laquelle, je viens de le renommer « Sur l’autre face du monde annexe », il va ainsi me permettre d’augmenter la capacité des informations collectées au fil des années et je l’espère, doubler votre plaisir de lecture et de découverte.
www.merveilleuxscientifique.com
Chers amis et fidèles lecteur, le blog « Sur l’autre face du monde » arrive bientôt à ses trois années d’existence, l’occasion pour moi de vous remercier pour tout votre intérêt et vos nombreux messages de soutien. Il est donc temps pour moi de passer à quelque chose de plus élaboré ou du moins de plus structuré, permettant une recherche plus facile et de vous y retrouver un peu plus dans toute cette somme d’informations accumulés au fil des quelques 400 articles occupant cet espace virtuel.
D’ici une semaine donc, il vous sera possible de prendre connaissance avec un site de « seconde génération » (j’adore cet intitulé) et de naviguer dans un lieu classé par thématiques, auteurs, avec une mise en page plus propre et plus régulière, des photos de couvertures de meilleures qualités, des liens visibles et efficaces…bref quelque chose de plus soigné et présentable.
De fait, mon activité sur ce blog risque de faiblir pendant quelques jours le temps de commencer le transfert d’un site à l’autre. Boulot énorme qui va me permettre de faire un peu de ménage et de redécouvrir des articles qui commencent à dater. L’occasion également pour vous de lire peut-être d’anciens dossiers que vous n’aviez pas encore consulté.
J’espère que ce nouvel espace parviendra à vous donner autant de plaisir que celui que vous êtes en train de consulter et que votre assiduité sera au moins égale à celle que vous aviez pour cette première mouture.
Il y a encore beaucoup de choses à dire sur ce domaine, qui ne cesse de me fasciner et de m’enthousiasmer, en espérant de tout coeur vous faire partager cette passion qui est la mienne.
Je voudrais avant de conclure remercier mon ami Bryan sans qui le nouveau site n’existerait pas, un grand merci pour son enthousiasme et sa disponibilité. A très bientôt alors, l’adresse du site vous sera communiquée ici même, ainsi que sur la page Facebook des Savanturiers.
En ces temps un peu troubles voici deux romans qui en quelque sorte, rejoignent l’actualité du moment et nous rappellent à quel point les deux thématiques « post cataclysmiques » ici abordées furent une préoccupation majeure des romanciers. Je reprends ici pour chaque roman , le résumé de l’éditeur, qui pourront vous être utile lors de vos futurs choix de lectures.
« Impossible ici » de Sinclair Lewis. Editions Gallimard. Collection « La Méridienne ».1937
« Impossible ici » Tel est le cri unanime que l’on pousse à l’idée que le fascisme pourrait s’installer aux États-Unis. Et pourtant !… Il suffit d’une campagne électorale bien menée, de l’appui d’une partie du peuple abusé, de la création d’une milice, pour que toute la vie politique des quarante- huit états soit changée de fond en comble.
C’est ce que réussit le Président Windrip, sorte d’Hitler américain. Par ses promesses, ses menées machiavéliques, ses brutalités et ses roublardises, il parvient en un temps record, non seulement à prendre le pouvoir, mais encore à faire régner la pire espèce de dictature moderne avec ses accessoires obligés : dénonciations, camps de concentration, antisémitisme, tortures.
Toutefois une poignée de résistants se dresse contre Windrip. Leur chef est Doremus Jessup, de Fort Beulah, dans le Vermont, un doux et charmant vieillard que l’amour de la liberté et les malheurs de ses concitoyens transforment en un révolutionnaire infatigable et fanatique. Jessup contre Windrip, c’est le combat de la douceur de vivre, de l’humanisme, de la lumière contre l’obscurantisme et la tyrannie. Tant qu’il y aura de tels hommes, on n’aura pas le droit de désespérer.
C’est à la fois l’œuvre d’un grand artiste et d’un visionnaire car, composé avant la guerre, il décrit des formes hideuses d’oppression qui n’ont été mises en lumière avec le drame de la seconde guerre mondiale. immense succès aux Etats-Unis prouve suffisamment que ce pays est fort loin de la dictature.
« Le groupe sud » de Louis Lataillade . Editions Gallimard.1959
Un bombardement atomique a frappé l’Ile, bastion avancé de l’un des pays en guerre. Une partie de la garnison, le Groupe Sud, est apparemment épargnée. Pendant les jours qui suivent, jusqu’à l’heure où le brouillard se déchire enfin et où l’ennemi se décide à débarquer, nous assistons à la lente décomposition des survivants, mais aussi à leurs réactions personnelles et aux conflits qui les opposent,
Pour le capitaine Jos, c’est l’occasion de manifester l’autorité dont il a été longtemps frustré, et de la gonfle jusqu’à l’absurde. Le capitaine de Lestangoal, parce qu’il est humain, est un faible, vaincu d’avance. Quant au biologiste Muller, rien ne compte pour lui que la recherche pure, ce champ d’expériences inespérées. L’infirmier Berenguer, lui, s entête à soigner les blessés et les malades. D’autres encore tournent dans le ballet, ridicules, touchants ou cyniques, tandis que, à l’arrière-plan, les Anciens du Plateau restent immobiles et lointains comme les habitants d’une autre planète. L’ironie veut que chacun des personnages trouve justement l’issue qu’il ne souhaitait pas. Mais Berenguer, fidèle envers et contre tout, sauve ce qui vaut peut-être la peine et laisse une porte ouverte à l’espoir.
L’auteur n’a pas tenté seulement de figurer l’angoisse de l’âge atomique ou l’horreur d’un conflit nucléaire. La bombe jetée sur l’Île est un prétexte. Sous toutes ses formes et sous tous ses déguisements, la guerre, quelle qu’elle soit, est une situation où les rapports humains sont faussés, où la raison peut n’être que dérèglement, les meilleurs sentiments duperie absurde, et où le mal véritable n’est pas celui qui meurtrit la chair ou qui décompose le sang.
Renouons avec une tradition du Blog et de vous parler de certains de mes « Coups de coeur » qui n’ont pas forcément un rapport avec l’anticipation ancienne mais qui restent suffisamment originaux et jouissifs pour que l’on s’y arrête quelque peu. Vous avez déjà eu l’occasion de rencontrer le nom de Julien Heylbroeck « Sur l’autre face du monde » avec son Fameux « Green Tiburon » et bien le voilà de retour avec un tout aussi singulier personnage que vous ne serez pas prêt d’oublier et qui confirme le talent d’un auteur à l’imagination débordante et au style des plus savoureux
« Midget Rampage, le nain au costume de sang » Par Julien Heylbroeck. Collection « Cover To Cover » Editions du Carnoplaste . Septembre 2012
Avec un nom aussi célèbre, Nelson avait de quoi être heureux, ou presque car la vie ne fut pas des plus généreuse avec lui : c’est un nain ! Aimé par ses parents et encouragé par un père sportif il va prendre sa « difformité » à contre-pied et devenir la mascotte de son équipe de Football,et sous le costume bariollés des « Gorillas » encourager son équipe avec des chorégraphies appréciées du public. Tout allait bien, trop bien et un jour il découvre que le patron de l’équipe est un trafiquant de drogue, se servant de l’équipe pour organiser des matchs truqués et écouler des kilos de came. Trop c’est trop, Nelson décide d’intervenir et de dévoiler le pot aux roses .Le problème c’est que Mr Barry ne le voit pas de cet œil et va tenter d’éliminer cette « demi-portion » par l’intermédiaire d’un tortionnaire argentin, le Dr Higuito qui va appliquer son art à supprimer toute trace de passage de la misérable vie de ce pantin haut comme trois pommes. Nelson va réchapper de justesse des griffes de ce sadique et, sous sa défroque de mascotte qui commence à montrer de sérieux signes de fatigue, décide d’entamer une croisade sans pitié afin de se débarrasser de ses ex-tortionnaires et mafieux redoutés. Armé d’une paire de gros ciseau de jardin, d’un taser et d’une paire de burnes bien accrochées « Le nain en costume de sang » va en découdre avec une bande de malfrats gonflés à la testostérone et affronter une paire de tueurs cannibales, bourrés de mauvaises manière….de très mauvaises manières
Ah ! Les amis, le Carnoplaste est plein de surprise et je dois avouer qu’avec « Midget Rampage » elle fut totale. Les lecteurs de cette incroyable collection vont se rendre compte à quel point, elle est éclectique, surprenante et incroyablement originale. Je repense aux qualificatifs des Pulp’s Américain : Amazing, Astonishing, Thrilling, des adjectifs qui pourraient bien s’appliquer à la diversité des romans que nous propose cet éditeur. Au début de l’histoire, je ne savais pas où Julien comptait nous emmener , avec son nain/ mascotte qui commence à éprouver une certaine lassitude à faire le guignol et amuser la galerie. Subitement, à la fin de la première partie, lorsqu’il tombe entre les mains expertes du sadique Argentin, tout bascule. Nelson va prendre sa destinée en main et massacrer tout se qui lui fera obstacle. Et là chers amis, je vous laisse le soin de découvrir tout le talent et la maestria de l’auteur pour nous plonger dans des situations parfois très gores mais racontées avec un code narratif quasiment cinématographique. Le fascicule prend alors une allure d’écran de cinéma pour nous plonger avec délectation à l’époque glorieuse des « Drive-in » pardon je voulais dire « Drive Trough »….Car Julien en fin connaisseur du genre nous plonge dans cette histoire dans un « Slasher » mâtiné d’un « Rape en revenge » ( malgré l’absence de scènes de viols) des plus jouissif où l’ombre d’un Quentin Tarentino plane sur la fin du roman avec l’affrontement final apocalyptique ,avec les deux tueurs cannibales aux appétits féroces. La présentation des deux sbires se fera au cour d’un festin improbable dont une malheureuse logeuse sera la victime. D’ailleurs ces deux là me rappelle les deux portes flingues dans la série « Breaking bad » vous savez les deux Latinos complètement barrés, pas cannibales mais sacrements azimutés… Le texte est mené tambour battant, ponctué de scènes rapides et incisives d’une violence inouïe, tout cela mené dans un style que nous adorons tous et faisant la réputation des aventures d’un certains « Luchadore ». Le ton parfois désinvolte et l’humour souvent « teenager » ( devenu mythique avec toute une série de films mettant en vedette ces adolescents aux prises avec des tueurs maniaques) et voulu du fascicule, en font un espèce d’ovni dans la collection qui je pense en devrait séduire plus d’un. C’est référentiel et bourré de clins d’oeils, intelligemment mené et raconté par un amoureux du genre
Par cette forme de réhabilitation d’une collection qui fit à une époque les beaux jours de la collection fleuve noir avec sa défunte série « Gore » nul doute que Julien vient de nous apporte la preuve d’un certain dynamisme dans le monde de l’édition et que nos auteurs préférés ont encore dans leur caboche de dégénérés bien des histoires qui risquent de nous faire jubiler : Un nouveau genre serait-il en train de prendre forme ?
Je repense avec jubilation au dialogue entre le Dr Higuito et le gros trafiquant à qui il vient d’arriver quelque chose de très très désagréable (mais où va t-il chercher tout ça ?) :
« J’ai deux nouvelles : une étrange et une mauvaise…. ». Franchement je me suis bidonné en lisant cela et surtout ce qui va suivre….traumatisé par le « Fantôme de l’opéra » le julien!
Terminons par un extrait qui va vous donner un autre petit avant goût de la « chose »
« M’en branle de la ville ! Je lui pisse à la raie, elle est à moi. Si quelqu’un n’est pas content, il n’a qu’a me le dire !Ah ! J’attends leurs doléances à ces cons. Mais tu sais quoi ? Personne ne va moufter. Tous des flippés. Y’à que ce nain pour me faire chier. Mais ça ne va pas durer. Le duo qui arrive va se payer un petit encas dans pas longtemps.
Je vais à présent attaquer « Ravageuse » le Western Subaquatique de Iréne Maubreuil et franchement si l’on atteint cette même frénésie et un plaisir de lecture aussi intense, nul doute que cette nouvelle collection « Cover to Cover » est destinée à un bel avenir. Mais comment pourrait-il en être autrement avec des auteurs aussi talentueux et un éditeur ouvrant largement ses bras à toutes les audaces.
Le Carnoplaste, THE éditeur de fascicules dont l’utilité n’est plus à démonter et que les passionnés que nous sommes attendaient depuis fort longtemps.
Pour le commander c’est ICI et pour ceux qui ne connaissent pas encore cet éditeur, nul doute que vous y trouverez un fascicule correspondant à vos attentes, car le choix commence à être assez varié!
Une mention spéciale pour Francisco Varon et son illustration: on est vraiment dans le ton de l’histoire!
Curieuse nouvelle que celle qui paru dans le « Globe Trotter » du Jeudi 14 Novembre 1907 et faisant l’objet de la superbe illustration de couverture. Je dois dire qu’à lui seul le dessin nous plonge dans une atmosphère bougrement fantastique et l’on se demande qui peut bien être ce redoutable spectre au contact si électriquement mortel Ce conte signé Major Carl Bell et qui s’intitule « Le Spectre Mortel » ressemble à si méprendre à un résumé du premier fascicule de l’extraordinaire saga de Gustave Le Rouge « Le mystérieux Docteur Cornélius » et intitulé « l’énigme du Creek sanglant ». Petit Rappel des faits:
« A Jorgell city, ville fondée par des milliardaires Américains, une série de meurtres insolite frappe certaines personnes dont on vole de fortes sommes d’argent. Décidant de mettre fin à cette série d’assassinats monstrueux, Harry Dorgan et Fred Jorgell, élaborent un piége afin de prendre ce singulier criminel. Un indice les mettra sur la voie car un vieil indien leur signale que chaque meurtre s’accompagne d’une coupure de courant. Ils parviendront finalement à capturer le coupable du nom de Baruch, le propre frère de Jorgell. Celui-ci tuait ses victimes au moyen d’un instrument utilisant l’électricité sous tension.
Dans cette aventure apparaîtra pour la première fois le Docteur Cornélius Kramm surnommé « Le sculpteur de chair humaine »
Comme vous allez pouvoir en juger avec la mise en ligne de ce « Spectre Mortel », la ressemblance entre les deux textes est frappante avec cependant un petit avantage pour le « spectre mortel » qui est plus ancien de cinq années, puisque « l’énigme du Creek Sanglant » ne paru qu’en 1912. Il semblerait que nous ayons dans ce numéro du « Globe Trotter » la première mouture d’une série qui reste la plus célèbre de Gustave Le Rouge et que le diabolique Docteur Karl Kramm ressuscitera pour donner naissance à un nouveau prince du crime : le Docteur « Cornélius Kramm » allias le « Sculpteur de chair humaine ». Personnages identiques, nom de la ville similaire, trop de coïncidences pour que cela soit le fait du simple « hasard »Voilà un curieux pseudonyme à attribuer à notre cher Gustave Le Rouge
« Le spectre Mortel »
Un groupe de capitalistes yankees avait décidé la création d’une ville à Jorgell-Creek, en pleine prairie, au pied des Montagnes Rocheuses : un mois ne s’était pas écoulé que la nouvelle cité, encore sans maisons, était déjà reliée par trois lignes au réseau ferré de l’Union.
Paul Martini, un jeune ingénieur venu de France, avait été chargé d’une gigantesque installation d’électricité.
Tout de suite, le courant du Creek actionna une usine d’énergie électrique. La ville eut de la lumière avant d’avoir des habitants.
En dehors de ses travaux absorbants, Paul prenait plaisir à passer ses soirées chez un architecte yankee dont le hasard avait fait son voisin.
Jonas Frickwell, veuf depuis deux ans, était père d’une charmante jeune fille blonde et menue, distinguée et gracieuse comme savent l’être les Américaines quand elles se mêlent d’être jolies. Là-bas, tout va vite.
Au bout d’une semaine, Paul et Annabel étaient bons camarades; au bout de quinze jours ils étaient fiancés ; le mariage devait avoir lieu à la fin du mois.
Un ami de la maison, le docteur Karl Kramm paraissait prendre un vif intérêt à cette idylle. Généralement grognon, un peu misanthrope même, il réservait toute sa bonne humeur pour le jeune couple qu’il comblait de cadeaux et d’attentions.
Le premier crime
Le mariage devait avoir lieu dans trois jours, lorsque le malheureux Frickwell fut assassiné : il était allé à la succursale provisoire de la Banque retirer la liasse de banknotes qui devaient constituer la dote d’Anna- bel ; les fiancés attendaient vainement son retour.
Au petit jour on rapporta son cadavre, que des forgerons avaient trouvé près du Creek, son portefeuille avait disparu ; mais chose étrange, bien que le visage fût atrocement convulsé, le corps ne portait aucune trace de blessure.
L’autopsie effectuée par trois médecins, sous la présidence du docteur Karl Kramm, n’amena la découverte d’aucune lésion interne ou externe.
Annabel était ruinée ; tristement elle déclara à Paul qu’elle ne pouvait se marier.
— Je suis sans fortune, dit-elle, il n’est qu’honnête de ma part de vous rendre votre liberté.
Paul se retira la mort dans l’âme, mais il s’était juré à lui-même de n’avoir d’autre femme qu’Annabel.
Mystérieux inconnu
Cependant, il semblait que la mort du brave Jonas eût été le prélude d’une série de crimes effroyables et mystérieux. Chaque matin on relevait des cadavres toujours dépouillés de leur argent ; mais sans qu’aucun d’eux portât trace de violence.
On parlait de maléfices diaboliques. Un Canadien affirmait avoir vu un soir un passant poignardé par un squelette qui lui avait enfoncé un fer rouge dans le cœur.
Ces événements donnèrent beaucoup à réfléchir à Paul Martin.
Il n’était pour son compte nullement superstitieux ; il devina que les meurtres qui épouvantaient les constructeurs de la ville n’étaient dus qu’à un criminel habile, savant même, et bien informé, puisqu’il choisissait toujours ses victimes parmi les gens riches.
Paul se jura de découvrir l’artiste ès-crimes et de venger le père d’Annabel
Il allait, de découragement, renoncer à sa poursuite, lorsqu’un des ouvriers électriciens lui fit part d’une découverte singulière.
Certaines nuits, l’éclairage électrique des chantiers, en dépit du bon fonctionnement des appareils, pâlissait et menaçait de s’éteindre. Une fois même, une seule fois, les riveurs de boulons qui parachevaient la carcasse d’un quinzième étage, furent plongés dans l’obscurité et faillirent être précipités dans le vide.
Paul était sûr que les machines ne présentaient aucune défectuosité ; alors comment expliquer les interruptions ?
A force de réfléchir, il commença à discerner quelques vagues lueurs dans ce ténébreux mystère; chaque fois que la lumière ou l’énergie s’étaient affaiblies pendant la nuit, un crime avait été commis. Il y avait corrélation entre les deux faits.
« Il est certain, se dit Paul, que l’on assassine les gens, qu’on les électrocute plutôt ; il ne s’agit que de savoir comment : cela je le saurai ! »
Le justicier
Dès lors il annonça à tout son entourage qu’il était gravement malade. Ostensiblement, devant ses noirs et sa gouvernante, il se couchait de bonne heure, toussait et se plaignait ; mais dès que tout le monde était endormi, il s’habillait, s’armait et s’aventurait dans les décombres et les terrains vagues.
Il se cachait derrière les tas de charbon, à l’abri des piles de solives d’acier; mais il ne découvrait toujours rien : il rentrait à l’aube furieux, exténué, couvert de boue jusqu’aux épaules, sans avoir vu autre chose que de banales querelles d’ivrognes.
Et, comme pour le narguer, presque régulièrement à la suite de ces escapades, son chef d’équipe venait lui annoncer une interruption de courant. Il était sûr ensuite de n’avoir qu’à ouvrir la feuille locale, imprimée sous un hangar de carton goudronné par d’audacieux reporters, pour y lire le récit d’un nouveau crime.
Enfin sa patience fut récompensée. Une nuit qu’il s’était caché dans un vieux wagon oublié sur ses rails pourris de rouille au milieu d’un enclos, à quelques pas de l’unique passerelle qui traversait le Jorgell-Creek, il assista à un terrible spectacle.
Un homme s’avançait en titubant légèrement, comme pris de boisson ; il portait un portefeuille de maroquin rouge. Paul reconnut un des inspecteurs du syndicat un des personnages importants de la nouvelle ville.
Une ombre s’élança soudain d’une encoignure, une ombre pareille à l’image même de la mort, avec une face hideuse et décharnée et un crâne poli. Un éclair bleu jaillit de la main du spectre, l’homme roula à terre foudroyé, fut dextrement dépouillé, puis tout rentra dans le silence.
Paul avait maintenant tout compris ; il prit ses dispositions en conséquence.
Il arriva de bonne heure au cercle, porteur lui aussi d’un gros portefeuille de maroquin ; et il annonça joyeusement qu’il venait de recevoir de son banquier de Paris une jolie liasse de banknotes. Il but quelques coupes de Champagne, perdit au jeu quelque argent, enfin se montra d’une loquacité inaccoutumée.
— Le pauvre Frenchman cherche à s’étourdir, murmura le docteur Karl avec une bienveillance bourrue ; depuis la rupture de son mariage, il n’est plus le même.
Quand Paul se retira, il titubait légèrement ; mais l’ivrognerie est en Amérique un vice presque national ; personne ne songea à s’offusquer de l’incorrecte tenue du jeune homme.
Une fois dehors, Paul sans cesser de simuler la démarche extravagante d’un homme pris de boisson, se dirigea lentement vers la passerelle du Creek.
A sa grande satisfaction il s’aperçut bientôt qu’il était suivi.
Cependant, à la faveur de certains angles sombres, Paul s’efforçant de n’être pas aperçu de l’inconnu qui le filait, procéda à une toilette spéciale. De sa volumineuse serviette, qui d’ailleurs ne contenait pas la moindre banknote, il tira successivement des gants de métal treillissé, une sorte de casque dont il se coiffa après l’avoir agrafé à une tunique de mailles métalliques qu’il portait sous son « over coat ».
Bien lui en prit d’avoir revêtu cette espèce de cuirasse.
Au moment où il arrivait près du pont, un homme se jeta sur lui, brandissant une sorte de massue et lui porta au défaut de l’épaule, un coup violent, heureusement amorti par la cuirasse : au même instant Paul se trouva entouré d’une véritable auréole de lumière électrique. On eût dit saint Georges ou quelque archange terrassant le dragon, tel qu on le voit dans les anciennes peintures.
A la lueur du nimbe électrique dont il était entouré, Paul reconnut le docteur Karl Kramm.
Avant que Paul fût revenu de sa surprise, son adversaire s’était rué sur lui : la lutte fut courte.
Paul fit rouler à terre son ennemi d’un coup de pied dans l’estomac. Le docteur ne donnait plus signe de vie, Paul crut la lutte finie et* respira longuement ; il épancha le sang qui coulait d’une blessure au bras, et pendant quelques secondes il se reposa sur un tas de pierres.
Cet instant de faiblesse lui fut fatal ; le docteur n’avait pas été aussi grièvement frappé que Paul l’avait cru ; il avait réussi à s’emparer du revolver qui, de la poche de son adversaire, avait glissé dans l’herbe.
Au moment où Paul essayait de délacer son casque pour respirer un peu, le docteur se rua sur lui et lui appuya le revolver contre la tempe : la vie du jeune ingénieur ne tint en cette seconde suprême qu’à quelques graviers qui s’étaient glissés dans le ressort de la gâchette lorsque l’arme était tombée dans la boue.
Nerveusement le docteur fit fonctionner le ressort ; Paul comprit qu’il allait mourir, que son nom allait s’ajouter à la liste des victimes de l’assassin mystérieux.
Mais tout à coup, ses doigts palpitants rencontrèrent dans l’herbe un cylindre de verre.
— L’isolateur ! bégaya-t-il d’une voix rauque.
Et d’un geste instinctif il saisit le cylindre et le porta au visage de son ennemi ; une petite lueur jaillit, le docteur s’écroula sur son adversaire, foudroyé, mort de la même mort dont il avait fait périr tant de victimes.
Après des efforts inouïs, Paul parvint à se dégager du cadavre qui l’oppressait ; et il constata que le manchon de verre qu’il n’avait pas lâché, était relié par un fil aux gros câbles électriques qui alimentaient de lumière et d’énergie toute la ville.
Gomme il l’avait deviné, le docteur foudroyait ses victimes.
En France, on aurait d’abord constat r l’identité du cadavre ; en Amérique, on est plus pratique ; les magistrats commencèrent par perquisitionner au domicile du docteur. Dans un méchant coffre-fort encastré dans le mur, on trouva pour plus de trois millions iè dollars; et chose curieuse, l’assassin avait étiqueté chaque valeur du nom de sa victime ; c’est ainsi que Paul put lire sur une grosse liasse de banknotes : « Jonas Frickwell, 17 décembre »
Paul Marin s’es: marié et il est en passe de devenir un de ces rois de la matière industrielle que la vieille Europe envie au nouveau monde.
Major Carl Bell
Le docteur Aristide Cordat parti de Paris sans fortune, a fait naufrage en Sardaigne ; il rencontre une famille de pécheurs dont le fils a mystérieusement disparu. Aristide part à sa recherche. Il arrive devant des ruines réputées maudites et tombe subitement dans un sommeil profond, victime d’une « rosée parfumée » aux pouvoirs anesthésiants. Lorsqu’il se réveille il est attaché sur une table de dissection, à ses cotés un étrange personnage recouvert d’une cagoule vient de pratiquer une incision le long de son bras. L’individu, s’apercevant que son patient est en vie, referme la plaie, visiblement il le réserve pour des expériences plus ambitieuses. Profitant d’un moment de solitude, Aristide en profite pour s’échapper. Dans ce refuge mystérieux, il découvre tout un réseau de galeries et fait la rencontre d’un gigantesque empire de fourmis de petites tailles qui se livrent à une mystérieuse besogne. Quel est c’est empire fait de formidables salles souterraines généreusement éclairées et chauffées où se pratiquent des expériences pour le moins curieuses ? Avant de sortir des lieux, il remarque de longues rangées de briques qui renferment d’énormes pierres précieuses. Conscient d’avoir découvert un véritable trésor, il retourne de ce pas dans la maison des pécheurs. Ces derniers pensaient que lui aussi avait disparu à jamais. Le lendemain, un individu se présente à leur domicile, il est recouvert d’une cagoule et le Dr Cordat reconnaît sans peine son anatomiste, il fait feu, la créature s’écroule. Aristide profite de son inconscience pour le transporter à bord de son Yacht. Il découvre alors qu’il s’agit en fait d’une gigantesque fourmi qu’il va s’efforcer de ramener à la vie. S’apercevant que son captif émet des secousses sous formes de vibrations de la même nature que celle du télégraphe morse, c’est par ce curieux mélange de « T.S.F » et de télépathie (les antennes de l’insecte agissant comme une antenne radio) ils parviennent à échanger une sorte de langage. Constatant le potentiel immense qu’il pourrait tirer de cette découverte, Cordat fait un pacte avec la créature afin de mettre en commun leur savoir scientifique : un opération bénéfique pour les deux personnages. Il est donc décidé que la fourmi géante du nom de Spiridon, qui se fera appeler le Baron Tasimoura, accompagnera le Dr Cordat à Paris pour le présenter au monde scientifique. Mais comme il ne peut se monter à la population sous cette apparence, il lui ait fabriquer un masque et tailler des vêtements appropriés grâce auxquels le colossal insecte épouse parfaitement une apparence humaine.
Avant de quitter la Sardaigne il retourne une dernière fois dans la caverne de Spiridon et lors de son exploration retrouve les restes du jeune pécheur, disséqué sur une table d’opération. Il apprend alors la terrible nouvelle à sa famille.
Arrivés en France dans la capitale,nos deux amis inséparables s’installent par la suite dans un luxueux hôtel du bois de Boulogne.
Pour tout le monde, la créature est le baron Tasimoura ou Spiridon le Muet. Les opérations chirurgicales de Spiridon ont bouleversé le monde scientifique et son savoir suscite l’admiration du monde scientifique, mais nul ne connait sa véritable identité. Un prosecteur de la Faculté, Joël Le Berquin fort jaloux des talents de Spiridon, lui propose de visiter la Faculté, et quand la fourmi géante pénètre dans une des salles, Le Berquin l’attaque à l’improviste, le renverse et le « chloroforme ». Quand il se réveille l’ami du docteur Cordât est immobilisé sur une table d’anatomie. Joël Le Berquin a donné trois heures à sa victime pour lui dévoiler le secret de ses miraculeuses opérations.
Pendant ce temps au bois de Boulogne,Aristide est tout étonné de trouver chez lui, le pêcheur Sarde et sa fille Pia dont il a fait connaissance lors de sa croisière. La jeune fille est venue à Paris pour venger la mort de son frère qui a servi de sujet d’expérience au docteur Tasimoura. Elle expose ses projets à son hôte et lui raconte que son père a fait sauter la demeure de Tasimoura. Cordat est épouvanté lui disant qu’il avait ainsi fait disparaître des secrets irremplaçables pour l’humanité toute entière.
Retour à la faculté ou Spiridon que nous avons laissé en bien mauvaise posture est parvenu à s’échapper grâce à la complicité d’un garçon de la salle. Mais laissant libre court à ses instincts ou tout simplement par désir de vengeance, le corps de Le Berquin sera retrouvé plus tard, bien proprement disséqué sur la table même ou ce dernier comptait réaliser une opération similaire . Le docteur Cordât se voit obligé d’aller avertir le Procureur général de ce qui vient de se passer. Le magistrat se transporte sur les lieux et ne peut que constater la mort de Joël Le Berquin. Après avoir révélé au Procureur la personnalité de Spiridon, Aristide rentre chez lui accompagné du chef de la Sûreté, il aperçoit alors son hôtel en flammes. C’est l’œuvre du baron Tasimoura qui, dans un accès de fureur, a mis le feu à la demeure du docteur Cordât. Pia raconte qu’elle s’est vengée de son ennemi Spiridon en le tuant de « plusieurs coups de hache.
Au cours des constatations judiciaires, comme pour faire honneur aux histoires les plus tragiques,Pia prise de remords se tue sur le corps de Spiridon, et le père de la jeune fille se donne la mort en se Jetant du haut d’un escalier. La presse s’empare de l’événement et calomnie vivement le Dr Cordât. Le seul moyen de se réhabiliter aux yeux de tous et surtout de la communauté scientifique est de recommencer les expériences extraordinaires qu’il fit jadis avec Spiridon. Aristide se rappelle fort heureusement que Spiridon a laissé dans son laboratoire les fioles et les formules des préparations médicales. Il convoque toutes les sommités scientifiques à l’autopsie de Tasimoura qu’il précède d’une conférence où il raconte les extraordinaires expériences effectuées par le défunt et annonce qu’il va recommencer l’une d’elles sur un cœur de mouton placé sur la table d’autopsie. Sous l’action de la préparation chimique de Spiridon, le cœur se contracte et bat. La stupéfaction est générale, mais le professeur Bordier, un des ennemis du jeune médecin, demande que le docteur Cordât recommence, l’expérience sur Spiridon lui-même, qui gît inanimé sur la, table d’autopsie.
Cette nouvelle expérience est alors programmée, un des bras de la créature sera disséqué et après avoir repéré ce qui semble être une artère nourricière, le puissant liquide, résultat de la magnifique science de Spiridon, sera injectée à son propre créateur. La substance réalise son œuvre et toute l’assistance assiste médusée à la résurrection de cette fourmi extraordinaire. Mais si la créature semble bien revenir d’entre les morts, du moins physiquement, son esprit semble être définitivement ailleurs et toute forme de communication est désormais impossible. Spiridon va vivre ainsi comme une sorte de mort vivant dont l’intérêt ne semble que s’accrocher à l’activité des nombreuses fourmis qui peuplent le Jardin du Dr Cordat. Celui-ci d’ailleurs ne désespère pas de trouver la formule du liquide régénérateur, composé en grande partie d’un dérivé de l’acide formique et ce concentre désormais sur l’élevage de milliers de ces petites créatures insignifiantes mais qui pourtant sont la source d’un des progrès techniques le plus bouleversant du siècle. Spiridon terminera sa vie dans un silence total, simple fourmi à taille humaine, lointain descendant d’une race fabuleuse qui probablement jadis peupla les entrailles de la terre.
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Probablement le roman le plus célèbre de l’auteur, de son véritable nom Paschal Grousset,et certainement le plus original mettant en exergue le descendant d’une race de super fourmi ayant évoluée dans les entrailles de notre planète. Il est d’ailleurs assez dommage que l’auteur reste assez peu loquace sur les origines de ce Spiridon et de ces véritables intentions. Elle nous est présentée comme froide et implacable, d’une intelligence hors norme qui n’est poussée que par la seule volonté d’arriver à ses fins. Hélas l’auteur ne parviendra pas à aller au bout de cet immense potentiel Cette créature est en quelque sorte et ce en raison de sa taille, le roi de son peuple à la tête d’un gigantesque armé de fourmis travailleuses dont il tire une puissante substance faite d’acide formique aux propriétés revitalisantes et régénératrices absolument stupéfiantes. Une fois de plus c’est la cupidité et la bêtise humaine qui auront raison de cette sensationnelle découverte, Spiridon ou du moins son « cerveau » ne survivra pas à cette scientifique résurrection. Il ne restera plus qu’à son ami de la première heure, à essayer de retrouver le principe de cette potion miracle, dans cette quête sans fin de l’homme à la recherche de la vie éternelle.
Ce petit bijou conjectural fut fort heureusement réédité en 2008 par l’éditeur « Des Barbares », une occasion inespérée pour une nouvelle génération de lecteurs d’apprécier tout le charme de cette œuvre certes non exempte de défauts mais qui reste tout de même en l’état un fort belle réussite
- « Spiridon le Muet » De André Laurie. Publications Jules Rouf et Cie. Illustré par Eugène Damblans. Pas de date sur le volume mais il semblerait que l’ouvrage fut publié vers 1906/1907.Il existe plusieurs cartonnage de cette éditions dont un avec couverture muette et titre sur le premier plat et une autre avec une vignette dessinée par Eugène Damblans représentant Spiridon.
- « Spiridon le Muet »De André Laurie paru parallèlement avec l’édition en volume le roman sous forme de livraison dans la revue « Le Globe Trotter ». Du N° 253 (Jeudi 6 Décembre 1906) au N°269 (Jeudi 28 Mars 1907)
Egalement illustré par Eugène Damblans mais avec des planches en moins par rapport à l’édition en volume. S’agit-il d’une pré-originale ?
- « Spiridon le Muet » De André Laurie Editions « Des Barbares » 2008. Présentation et notes de Christian Soulignac. Reprise des illustrations d’Eugène Damblans
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