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« Hommage à Gaston Leroux »

Posté le 28 février 2015

Hommage à Gaston Leroux qui paru dans le N° 88 du Jeudi 6 Janvier 1927 de la revue « Le journal des voyages » à l’occasion de la sortie en feuilleton de son roman « Les chasseurs de danse »

« Que nul ne s’y méprenne ? Si nous croyons devoir faire précéder la publi­cation des « Chasseurs de Danses » par quelques lignes consacrées à l’auteur, c’est pour rendre hommage à celui-ci, non, certes, pour le présenter à nos lecteurs. Comment, en effet, suppose­rions-nous que, parmi eux, il s’en trouve auxquels ne soient pas familières quel­ques-unes, au moins, de ces œuvres publiées par les plus grands quotidiens et dont presque toutes connurent, en outre, la gloire de la diffusion par l’affiche, par le livre, par le cinéma, par la traduction en la plupart des langues européennes ?
Gaston Leroux a inventé une formule de roman et a su, par l’étonnante souplesse d’une imagination toujours active, lui faire exprimer toutes les possibilités qu’elle recelait. Quel romancier n’aurait, avant lui, craint de se poser un problème pareil à celui du « Mystère de la Chambre jaune »: faire commettre un assassinat dans une chambre hermétiquement close et réus­sir cette gageure dans des conditions telles qu’on ne puisse apercevoir dans l’enchaî­nement des faits nulle fissure qui permette d’accuser le narrateur d’avoir, sur un point quelconque, péché contre la logique la plus exigeante ?
De plus, Gaston Leroux a créé un type, au moins, et voilà ce qui, d’emblée, l’a mis, en dépit de la hiérarchie des genres, à côté des plus qu’illustres p romanciers : Balzac a créé Goriot ; Zola, Coupeau ; Daudet, Tartarin ; Gaston Leroux est le père de Rouletabille.

Les hasards d’un voyage ont fait naître Gaston Leroux à Paris. Au Collège d’Eu, où il fit ses études, il était condisciple et ami du duc Philippe d’Orléans, amitié qui, paraît-il, se manifestait par de fréquentes et royales batailles d’où le Fils de France ne sortait pas toujours vainqueur. Inutile d’ajouter que le jeune Leroux; pour curieux qu’il fût de pénétrer les arcanes de la grammaire latine et celles -de la géométrie, s’intéressait avant tout à la littérature et qu’à l’exemple de presque tous ceux que la Muse a choisis, il rimait secrètement odes, sonnets, voire tragédies.

Venu à Paris pour y suivre les cours de l’École de Droit, il prononça, âgé de dix-huit ans, à la Conférence Pottier, son premier discours : une thèse sur le droit des femmes. Gros succès… de rire. Au lieu de traiter son sujet, le fantaisiste orateur, s’était laissé entraîner à parler de Jeanne .Aussi bien la littérature sournoisement, confisquait peu à peu, l’avocat présumé. Un sonnet, sur Lamartine, paru dans la Lyre Uni­verselle, un article intitulé : Mon premier article, inséré en première page par la revue Lutece, une demi-douzaine de sonnets sur les vedettes d’alors, publiés par L’Echo de Paris indiquèrent que Gaston Leroux obéissait à sa véritable vocation. Bientôt, en effet, il entrait, comme chroniqueur judiciaire, au Paris d’abord, puis au Matin. Tout de suite, ce fut la notoriété. Ses comptes-rendus enthousiasmèrent le public non seule­ment par leur verve, leur clarté, leur justesse, qualités que possédaient d’autres journalistes, mais aussi, mais surtout, par une technique nouvelle que Leroux a lui-même ainsi définie : « Laisser toutes les paperasses de côté, travailler avec un seul document : la vie ! la vie au jour le jour ! Ne plus évoquer le passé mais prévoir l’avenir. Laisser mes confrères s’occuper de ce qui est arrivé l’avant-veille, annoncer ce qui arrivera le lendemain ! »
En 1894, devenu chef des informations au Matin, Gaston Leroux s’adonnait au grand reportage. Il répondait sur tous les chemins de l’Europe, à l’appel de l’actualité. De Russie où il avait assisté à la première révolution, il cou­rait au Maroc, alors « barbaresque » puis revenait à Paris où, entre deux trains, il rendait compte de l’œuvre dramatique de la saison, interviewait les chefs de peuple et les artistes. Ainsi amassait-il, pour son œuvre prochaine de romancier une provision d’idées et d’images si abondante qu’il peut désor­mais y puiser sans crainte de la tarir jamais.

Nous voici arrives à la seconde pé­riode de la vie littéraire de Gaston Leroux : celle où le journaliste s’est mué en romancier, mais en romancier qui a conservé toutes les qualités du jour­naliste et à su renouveler la forme choisie de roman, comme, naguère, il avait su transformer sa rubri­que de chroniqueur judiciaire en une sorte de roman, vrai sans doute, mais original et tout frémissant de vie.
Et commence alors la série de ces chefs-d’œuvre de la littérature d’imagination qui va du « Mystère de la Chambre jaune » au roman dont les lecteurs du Journal des Voyages vont avoir la primeur : « Les Chasseurs de Danses ». Ce n’est pas à la légère que j’ai écrit le mot « chef- d’œuvre ». Genres principaux, genres secondaires, voilà une distinction à peu près vaine aujourd’hui où l’on a fini par reconnaître que, seul, le talent importe et que celui-ci s’avère d’autant plus que la forme où il lui plaît de se manifester pourrait, à la rigueur, s’en passer. Roman-feuilleton, roman tout court, quelle différence foncière ces deux mots indiquent-ils ? Il y a de bons, il y a de mauvais livres, qu’ils soient romans – feuilletons ou romans sans épithète de catégorie.
Gaston Leroux n’en a écrit que d’ex­cellents et si l’on insinue que le succès n’est pas nécessairement un critère sûr de la bonté d’une œuvre, je répondrai qu’il faut bien, cependant, lui accorder quelque valeur lorsqu’il accompagne un auteur tout au long de sa carrière et qu’au surplus, je pourrais citer nombre de pages dans « Balaoo », ou dans « le Mystère de la Chambre jaune », ou dans « Le Parfum de la Dame en noir » ou, encore, dans « Chéri-Bibi », ou — mais je les citerais tous ! — qui, même du point de vue le plus étroitement littéraire, sont d’un écrivain authentique.
Gaston Leroux emmène ses Chasseurs de Danses (pesez ces deux mots) dans les mystérieuses forêts de l’Afrique équatoriale. Sujet splendide pour une imagination comme la sienne qui, au milieu de ses plus éblouissantes fantai­sies, ne perd jamais contact avec le réel. A quelles , merveilleuses aventures n’allons-nous pas assister ? »
H. C.

gaston Leroux

Un entrefilet paraitra par la suite  dans le N° 96 de la revue « Le journal des voyages » ( Jeudi 5 Mai 1927)

Nos lecteurs ont sans doute appris par les quotidiens, la mort de Gaston Leroux, dont ils lisent actuellement dans le Journal des Voyages un roman inédit : Les Chasseurs de Danses.Dans notre numéro du 6 janvier 1927, où nous annoncions la prochaine publication de cette œuvre, nous avons dit toute notre admiration pour l’écrivain qui, depuis Le Mystère de la Chambre jaune, était unanimement considéré comme le maître, en France, du roman d’imagination. Nous avons aussi rappelé la carrière étonnamment brillante qu’il fournit dans le journalisme, d’abord comme chroniqueur judiciaire, puis comme chef des informations au Matin, enfin comme reporter au long cours, poursuivant, sur tous les chemins de l’Europe, le fait sensationnel et gros d’éventualités importantes, telle la Révolution russe que Gaston Leroux a prédite plus de vingt ans avant sa réalisation.Mort prématurément, en pleine possession de son talent, il laisse un grand vide non seulement dans le cœur de ses nombreux amis, mais dans celui des milliers d’inconnus qu’il avait su conquérir et retenir par le charme d’une imagination sans cesse renouvelée. Au nom de nos lecteurs, qui ont le funèbre privilège de lire dans Les Chasseurs de Danses la dernière œuvre de l éminent romancier, et en notre nom personnel, nous adressons à la famille de Gaston Leroux l’expression de nos plus sincères

les chasseurs de danse

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