Poursuivant son exploration du système solaire, le Carnoplaste nous offre avec cette jubilatoire « Pluie de plomb sur Pluton » une nouvelle aventure haute en couleur, même si la grisaille est de mise sur cette redoutable planète : Brice est grand !
Nous sommes au milieu du xxie siècle. Un socialisme technocratique, dû au progrès de la science autant qu’à la volonté des hommes règne sur le monde, uniformise les nations et la société, planifie les idéaux et les mœurs. Plus de révolutions, plus de guerres, plus de problèmes. L’humanité tient-elle son âge d’or ? Voici pourtant que des troubles étranges, d’abord dispersés, puis de plus en plus fréquents, de plus en plus violents, s’annoncent, éclatent, se déchaînent. C’est la jeunesse qui se révolte. Dans toutes les capitales, puis dans chaque ville et village, les moins de dix-huit ans, garçons et filles, s’organisent en « gangs » en escadrons sinistres, en bandes ravageuses. D’une précocité stupéfiante, vêtus de blousons et de collants en plastique, les cheveux longs et teints, l’œil froid et fixe, déments et raisonneurs, indifférents et féroces, hagards et cyniques, ces jeunes loups refusent et bientôt réduiront en cendres la civilisation inhumaine dont eux-mêmes sont les fruits inhumains. Nous suivons, le cœur battant, la progression de ces extraordinaires événements à travers le journal de bord d’un adulte éditorialiste à la Télévision, et dont le propre fils finit par joindre une des hordes barbares. Ce fascinant récit nous entraîne au grand galop d’un « suspense » exceptionnel, mais à chaque page il nous donne à réfléchir : car cette apocalypse anticipée, les germes ne s’en trouvent-ils pas sous nos yeux ? Ne se prépare-t- elle pas parmi nous ?
Un roman prémonitoire écrit bien avant les événements de Mai 68
« Les loups dans la ville » Éditions Julliard 1962
Dans cette nouvelle publiée dans « L’almanach du Pèlerin » en 1923, force est de constater que, une fois de plus, les insectes inspirent à l’homme un profond dégoût. Dans un précédent article, j’avais fait un petit recensement de toutes ces affreuses petits bestioles ayant inspirées un grand nombre d’auteurs et remarqué à quel point elles étaient nombreuses. En voici encore une qui vient ajouter une pierre à l’édifice et ce grâce à notre ami Savanturier Joseph Altairac dont le flair en la matière est inégalable.
Nous avons tous peur de quelque chose, le héros de cette aventure en fera les frais, et même si l’illustrateur de ce texte, fut quelque peu généreux sur la taille de l’insecte, elle est certainement proportionnelle à la terreur qu’elle a engendré chez ce pauvre malheureux. Un dessin qui n’est pas sans nous rappeler d’ailleurs, le style de Pellos qui , quelques années plus tard réalisera un superbe travail pour le roman de Henri Darblin « La horde des monstres » paru dans la revue « Jeunesse-Magazine » du N° 20 ( 16 Mai 1937) au N° 26 «(27 Juin 1937).
La Peur
Vincent Kémoulet était un Pyrénéen de la grande espèce, aux yeux d’aigle, aux jambes de coq et au cœur de faucon. A le voir, on rêvait de celle forte race ibérique qui a peuplé les deux versants des Pyrénées. Jamais il n’avait eu peur. Sa tranquillité d’âme venait sans doute de ce qu’il était un chasseur émérite. Quand il avait sa carabine en main, il ne craignait plus rien ni personne, car tout animal visé était un animal mort. Aussi lisait-on de lui :
— Celui-là, quand il aura peur !…
Les occasions pourtant ne lui avaient pas manqué. Un jour, on chassant l’isard dans la montagne, Vincent avait rencontré un ours brun. L’énorme pachyderme s’était dressé sur ses pattes pour l’étouffer. Froidement, sans sourciller, Vincent Kémoulet lui avait fracassé le crâne d’une balle à bout portant.
Une fois pourtant dans sa vie, l’intrépide chasseur devait connaître la peur, non pas cette peur banale que nous ressentons tous devant le moindre danger, mais la peur atroce, en un mot, l’épouvante qui vous secoue un homme jusqu’à l’affolement et le lance dans une fuite éperdue, lui enlevant toute notion de temps et de lieu. Voici comment cela lui arriva.
Ce jour-là, Vincent Kémoulet, armé de sa carabine, vit l’idée de délaisser la montagne pour la plaine qui s’étend du côté de la mer. On était alors en hiver, mais le côte pyrénéenne connaît une douceur de climat qui rappelle un peu la côte d’azur. Celte région abritée est le refuge du petit gibier frileux et les insectes y pullulent. Au bout d’une heure de marche, Vincent arriva dans une sorte de clairière très abritée, au milieu de laquelle se dressait, isolé, un tronc de saule, de ceux dont on fait l’osier. Énorme, complètement étêté, il était roux, à moitié sec, et sa capacité intérieure pouvait bien représenter deux hectolitres. Il n’est pas rare de trouver endormies dans ces troncs d’arbres des bêtes sauvages très recherchées des chasseurs. A l’affût d’une bonne aubaine, Vincent Kémoulet s’approcha sur la pointe des pieds, la carabine en arrêt, pour examiner l’arbre creux : il était plein jusqu’au bord. Le ventre de la bête (car c’était évidemment un ventre, puisqu’on ne voyait ni tète ni pattes) palpitait, comme mû par une respiration rythmée, et faisait l’effet d’une fine bourre, comme celle qu’on voit au ventre des biches.
- Quel animal cela peut-il être? se dit Vincent. Nous allons bien voir!
Il prit une pierre et la lança dans le tas. Au lieu de rebondir, la pierre disparut dans la bourre.
Alors, il se passa une chose extraordinaire, folle, et si rapide que Vincent n’eut pas le temps de l’analyser. La bourre de l’animal gonfla comme une soupe au lait, déborda comme une écume, et se répandit à deux mètres alentour comme un flot mouvant. L’étrange écume lui arrivait à mi-jambe quand le chasseur, jusque-là intrépide, comprit enfin le mystère de ce qui se passait. Il poussa un cri terrible :
- Les araignées !
Et jetant son fusil, jetant son chapeau, échevelé, livide, hurlant de peur, il partit en courant dans la forêt. Des milliers d’araignées lui couvraient le corps, et il en avait jusque dans les yeux et la bouche.Un temps de galop l’amena au bord d’un gave : il s’y jeta. Quand il en sortit, les dents lui claquaient, mais c’était moins de froid que de peur. Tout de même, l’eau glacée et torrentielle avait eu raison des inoffensives bestioles.
Une heure après, Vincent Kémoulet rentrait chez lui, sans fusil ni chapeau, avec l’air d’un homme qui n’a plus sa raison. Sa femme le reçut avec effroi :
- Qu’est-ce que tu as ?
- J’ai eu peur.
On le coucha, et ce n’est que le lendemain qu’il put raconter son aventure terrifiante.
A. Fulcran.
Curieux auteur que ce Paul Bay et dont Versins consacre un petit paragraphe dans son « Encyclopédie » au sujet de « Descendit aux enfers » (Les éditons de la Séve 1958); J’avais lu il y a fort longtemps son recueil de nouvelles « Histoires au gros sel » (Éditions du Bourg 1922) et j’avais été étonné par la façon dont il abordait les territoires de l’étrange avec un style personnel et atypique.En regard de sa bibliographie assez conséquente j’ai recherché pendant longtemps certaines de ses œuvres aux notes conjecturales assez prononcées et je n’ai pas été déçu par son « Mélanophilos » ( Éditions Gauloise 1924) ni par son « Tritopolis, roman de la sirène Involvula, déesse de Tritopolis » (Éditions Labor 1936); Je recherche encore désespérément « Miss Gorilla, roman d’un phénomène pilaire » (Éditions J’ose 1957) et « L’homme inflammable » ( Éditions du Frêne 1955) dont les titres, à l’image des précédents, ne peuvent que attiser notre insatiable curiosité « d’archéologues du merveilleux ».
Assurément un auteur à re(découvrir) dont l’œuvre ne cesse de nous émerveiller car il y a réussi une agréable synthèse entre fantastique, science fiction, mystère et aventure.