En 1899 Paris, l’ancienne capitale de la France tombée en 1871 après la victoire des communards, est devenue un état indépendant sous le nom de Larispem. C’est une ville d’ouvrier où toute la bourgeoisie et le clergé ont été chassés, bannis, massacrés. Pourtant, la cité n’en a pas moins conservée toute idée de modernité et dans cette société qui se veut idéale, la vapeur apporte progrès et bien-être aux hommes sous l’œil bienveillant des « trois taureaux ». Car à Larispem, la viande fait loi et probablement que, en raison de privations sévères avant la révolution, elle est avec le nouveau régime le symbole de l’abondance et d’une faim toujours rassasiée. Dans cette enclave, tout s’achète avec de l’argent portant le nom de bétail à quatre pattes et travailler pour les gigantesques abattoirs est une réussite sociale que tout enfant rêve de concrétiser. Pourtant, dans cette ville bien huilée, il semblerait qu’une menace sommeille et les messages envoyés par les automates publicitaires, n’augurent rien de bon : Le sang n’oublie jamais !
Dans cette mégapole où plane l’ombre bienveillante de Jules Verne, écrivain et génial inventeur, l’auteur nous conte l’histoire de trois adolescents dont le destin va finir par les réunir pour un enjeu à la taille d’une nation et sur fond de conspiration et de trahison, un incroyable secret va se faire jour, un pouvoir d’une portée inimaginable que bien des personnes veulent enfouir à tout jamais, mais que les « mutants » de Larispem vont utiliser afin de faire jaillir d’incroyables révélations,
Ce roman, où baigne une forte sensibilité Steampunk, est sans contexte annonciateur d’une trilogie qui plaira certainement à tous les inconditionnels du genre. Astucieux et bien mené, on y trouve tous les ingrédients nécessaires à un bon roman mélangeant suspens, aventure scientifique et uchronie. L’auteur y campe des personnages forts sympathiques, très attachants, évoluant dans un univers original qui toutefois ne devrait pas trop plaire à nos amis végétariens. On soupçonne, au travers de certaines thématiques abordées , tout l’intérêt que porte l’auteur aux littératures de l’imaginaire, mais parvient toutefois à tirer son épingle du jeu en bâtissant un monde particulièrement passionnant. Les clins-d’oeil ne manquent pas et je dois avouer qu’au sortir du visionnage de « Avril et le monde truqué » je me suis trouvé en terrain familier et je crois avoir même lu le livre pratiquement d’une seule traite, tellement je l’ai trouvé captivant. Publié dans une collection jeunesse, le style y est léger et simple, mais garde toute cette fraîcheur qu’il est parfois bon de retrouver après de nombreuses lectures d’ouvrages au style parfois un peu lourds et ampoulés, pour ne pas dire plats et en manque totale d’imagination.
Lauréate du concours du premier roman jeunesse de Gallimard, nous attendons donc avec impatience la suite de cette trilogie avec, en fin de volume, un gigantesque jeu de l’oie dans la ville de Larispem où nos jeunes héros devront affronter encore bien des mystères et des dangers. Nul doute qu’il s’agira dans cette suite de plonger le lecteur au cœur d’une ville qui regorge de secret et d’après les allusions révélées au fil de ce tome 1, cette visite s’annonce d’ores et déjà intrigante et passionnante.
Une très agréable surprise, agrémentée en plus par de forts belles illustrations de Donatien Mary dont nous avions déjà apprécié le trait inspiré dans son volume intitulé « Les derniers dinosaures »
« Les mystères de Larispem » Tome 1 « Le sang n’oublie jamais » Éditions Gallimard jeunesse, 2016
On a trop souvent attribué à la littérature dite de genre un statut négatif pour ne pas dire péjoratif alors imaginez lorsque celle-ci se trouve dans le domaine jeunesse et que vos « amis » horrifiés découvrent l’objet de vos coupables lectures. Il m’arrive souvent de m’abandonner à cette catégorie et je viens de m’apercevoir au final qu’elle occupait pas moins d’une rayonnage entier de ma bibliothèque. Je m’y abandonne souvent, car c’est une lecture rafraîchissante et reposante, non pas qu’elle soit plus « simpliste » , mais parce que souvent les idées y sont plus claires, le style plus léger, mais pas forcement moins intéressant, et les auteurs qui s’y adonnent restent souvent inventifs voir peut-être même plus pertinents dans leurs idées que les écrivains d’une littérature dite plus «Adulte». Invité chez des amis Savanturiers pour quelques jours, me voilà les bagages plus lourds de trois volumes qui ne manqueraient pas d’agrémenter les longues heures de voyages en train, moyen de locomotion d’ailleurs que j’affectionne tout particulièrement tant il me permet de me laisser aller à la rêverie en regardant la diversité des paysages défiler devant moi et surtout de me plonger avec délectation dans de longs moments de lecture.Devant moi , sur ma petite tablette, trois ouvrages posés :« Les 81 frères » de Romain d’Huissier », « La machine s’arrête » de E.M.Forster et de » Le dernier songe de Lord Scriven » de Éric Senabre. Et comme vous pouvez vous en douter, je vais évoquer ce dernier titre. J’avais déjà fort apprécié sa trilogie « Sublutétia » se déroulant dans le sous-sol Parisien habité par une bien étrange civilisation et je me suis donc précipité ( avec ce retard propre à la gigantesque pile de livres à lire) sur son dernier roman au titre assez intrigant.
« Bizarre, vous avez dit bizarre ? Il n’existe pas à ma connaissance d’ouvrages en français ayant relaté les aventures d’une détective parvenant à résoudre des meurtres en se plongeant dans un profond sommeil l’auteur a déjà donc fait preuve une grande d’originalité : Son rôle consiste à surveiller le sommeil de son nouveau patron après un rituel bien spécifique réclamant un don de chanteur afin de psalmodier un sort bien particulier. Le temps de sommeil doit être précis, sinon le dormeur risque d’y laisser sa vie ou sa raison. Une expérience assez troublante pour cet explorateur des songes puisqu’il visualise tout sous forme de symbole et qu’il lui faut par la suite tout interpréter de la façon la plus proche possible de la réalité. Commence alors une singulière aventure où les deux héros vont être plongés non pas dans une simple affaire de meurtre, mais dans une gigantesque machination pouvant mettre à mal les intérêts de l’empire britannique.
Ce que j’ai le plus apprécié dans ce roman, outre le style alerte qui se laisse lire d’une traire sans presque jamais reprendre son souffle, c’est l’atmosphère si particulière qui se dégage de cet univers légèrement feutré où évolue des personnages au caractère bien trempé. La relation entre Christopher et Banerjee est particulièrement savoureuse et l’on retrouve bien souvent cette « dualité » pourtant fort bien équilibrée entre d’une coté le journaliste qui est un homme d’action et ce singulier détective, imprégné de sagesse Hindoue qui, bien que profondément déterminé, temporise son associé/disciple. Grâce à son calme qui n’est pas du tout une forme de flegme toute britannique, il parvient bien souvent à se dépêtrer de situations parfois un peu délicates. Moi qui suis un passionné de détectives de l’occulte, j’ai trouvé dans ce roman ce doux parfum de l’étrange qu’il me plaît à respirer et j’ai trouvé qu’il flotte dans cette aventure un équilibre parfait entre action , mystère et enquête policière. : L’ombre du Sâr Dubnotal et des récits spirites du début du XXéme siècle plane sur ce roman d’une grande originalité. Une enquête qui d’ailleurs va même réussir à nous plonger dans une histoire qui frôle la science-fiction avec la découverte d’une curieuse machine que je vous laisse le soin de découvrir. Une enquête qui d’ailleurs va même réussir à nous plonger dans une histoire qui frôle la science-fiction avec la découverte d’une curieuse machine que je vous laisse le soin de découvrir. on s’attache au héros, on déteste les méchants, on rigole des figures caricaturales, bref il y en a pour tous les goûts !
Au final, un roman parfaitement équilibré qui se dévore sans une once d’ennui et l’on se met à espérer qu’Éric Senabre dont nous apprécions la plume alerte et imaginative nous régalera de prochaines aventures de ce détective hors pair, grand spécialiste de la migration des âmes et qui vient, de par sa stature si particulière et bigrement intéressante, rejoindre le panthéon des détectives de l’étrange dont nous avions perdu la trace depuis quelques années. Un sacré plaisir de lecture que je ne peux que vous recommander chaudement.
« Le dernier songe de Lord Scriven » de Eric Senabre édition Didier Jeunesse . Couverture de Taï-Mare Le Thanh