C’est en refermant des livres de cette nature que l’on se rend compte à quel point l’avenir d’une personne peut être tout tracé, mais encore faut-il avoir cette fureur au ventre, cette volonté indestructible qui vous conforte dans l’idée que votre voie ne fait aucun doute et ce , peu importe le prix qu’il faudra en payer. Claude Seignolle sans « S » bien qu’à l’origine son patronyme en possédait un, est de cette race des aventuriers des mots, des explorateurs de l’imaginaire , des archéologues du merveilleux qui, à l’instar d’un Jean Ray qui disait « Dans une poignée de sable de la route, j’ai mis un rayon de soleil qui brille, un murmure du vent qui se lève, une goutte du ruisseau qui passe et un frisson de mon âme, pour pétrir les choses dont on fait les histoires » est parvenu également à pétrir dans l’argile de nos traditions et dans la glaise putride des marécages de nos peurs les plus ancestrales, ce substrat indispensable et nécessaire à la mise en forme de ces poteries parfois si fragile mais qui sont autant de témoins de notre culture , un objet populaire fait pour être utilisé et non pas simplement pour servir d’apparat. J’ai appris bien des choses en lisant ce livre et je ne peux m’empêcher de retrouver dans ce gamin qu’il fut, celui que je n’ai jamais été :
« Atroce et merveilleux tableau que cette oubliette aux Anglais, germe de plusieurs nuits de cauchemars, mais humus des plus féconds dans lequel mon imagination désormais se planta et poussa »
Car c’était un gamin qui n’avait pas froid aux yeux, préférant sécher les cours pour aller creuser la terre de nos ancêtres et y dénicher de précieux témoignages ou d’aller explorer de sombres grottes au risque d’y laisser sa propre vie . Probablement est-ce l’un de ces silex qu’il trouvait en abondance dans son Périgord natal, qui lui permit d’affûter sa verve et son audace ou bien les histoires qui se colportaient dans sa famille avec autant de personnages mystérieux, d’étranges malédiction ou de morts horribles. Car cet enfant au caractère bien trempé n’ayant pas peur d’être classé au rang des « infréquentables », c’est forgé cette magnifique armure qui toutes ces années durant, le protégea des forces obscures qui depuis l’aube des temps s’infiltrent dans nos campagnes et en brave et courageux chevalier qui se respecte, à l’image de cet homme rencontré dans sa jeunesse et qui pensait avoir trouvé la tombe de Bayard, s’est fait le messager Ô combien talentueux des ses traditions orales qui un jour finiront par disparaître à jamais. Des rencontres bizarres et incroyables , il en a fait, des expériences insolites, il en a vécu, et si cet homme qui un jour de ses 15 ans affirme avoir rencontré le diable alors il nous faut le remercier de l’avoir laissé en vie et de lui avoir laissé la possibilité de poursuivre sa tache de « raviveur de mémoire »
Je suis admiratif de cet homme qui force le respect, car il est non seulement la mémoire encore vivante d’un passé que le monde moderne trop pressé semble vouloir détruire à jamais, mais il est aussi l’homme du vocabulaire , de l’ écriture sombre et poétique réalisée avec cette encre dont on a perdu la composition avec la disparition de la dernière plume, cette encre qui n’est autre que celle du talent, du mystère et de l’aventure. Peu d’hommes peuvent ainsi se vanter de laisser dans la mémoire des autres hommes, des images aussi fortes d’une incomparable beauté et d’une inégalable majesté. Un dompteur d’ombres et un charmeur de spectres, avec Claude Seignolle, la nuit ne sera plus jamais comme avant et les légendes de nos contrées vont pouvoir de nouveau se répandre comme au temps jadis, en tout cas c’est ce que nous lui souhaitons.
« Oui, il faut avoir vu et entendu ces extraordinaires témoignages pour comprendre la réelle existence du Dieu-Grand , mais fabriqué avec les petits dieux païens, toujours là,momentanément cachés et exigeants, coriaces comme des teignes en attendant leur retour victorieux. »
« Un enfance sorcière » de Claude Seignolle. Éditions Royer « Mémoire vive » 1995.Tiré à 660 exemplaires et magnifique illustré par des dessins à la mine de plomb de Bruno Loisel.