Trois personnes se retrouvent au beau milieu de l’Himalaya, deux se connaissent, mais qui est la troisième ? Un oculiste venant de Dheli , maigre à en pleurer, à faire peur, mais pour l’heure, il faut survivre. Par quelle puissante magie se retrouvent-ils ainsi perdus en pleine montagne avec pour seuls vêtements, ceux qu’ils avaient sur le dos lors de leur mystérieuse abduction ! Trois personnes se retrouvent dans une situation bien périlleuse, deux sont d’anciens alpinistes ayant défiés le toit du monde, mais qui est la troisième ? Un intrus, une erreur ou pire encore, une réincarnation ? Commence alors une lutte pour la survie et profitant de leur connaissance du terrain, les anciens montagnards vont retrouver de quoi se vêtir et se nourrir, un bien piètre répit puisque leur destin va basculer lorsqu’ils vont rencontrer « Les trois fakirs du pays verticale » et être confrontés à « L’œil dans la crevasse ».
Une seule personne va se retrouver au beau milieu de l’Himalaya……. Qu’est-il arrivé aux deux autres : meurtre, vengeance ou pire encore ? Ce qui est certain, c’est qu’à des milliers de kilomètres de là, on s’interroge encore sur l’évaporation de ses trois individus si loin physiquement, mais si proche spirituellement. Rêve, cauchemar, vengeance post-mortem…… Les dieux, seraient-ils devenus fous ? Ou peut-être ont-ils envie d’aller un peu d’ aller se dégourdir les jambes du côté des simples mortels? Une bien étrange affaire me direz vous, pas étonnant à une telle altitude et dans un pays aussi mystique.
Mystère sur le toit du monde, une dramatique et passionnante aventure dans la collection du même nom, le numéro 16 pour être précis, et en renouant avec ces bons vieux Ferenczi d’antan, le Carnoplaste vient ici encore faire un clin d’œil avec une tradition qui jamais ne s’effacera de nos mémoires, celle du roman populaire qui, avec un zeste de mystère, un soupçon de fantastique et une pincée d’imagination, pouvait transporter le lecteur en de lointaines contrées tout en restant bien assis dans son fauteuil, à rêver peut-être d’une autre vie moins monotone.
Que de questions dans ce sympathique fascicule illustré avec bonheur, mais il est encore une que je me pose en tournant la dernière page : qui se cache derrière le mystérieux (se) Phara Chibh ? Des fakirs, une transmutation de corps, une entité monstrueuse……Je crois que j’ai ma petite idée. En tout cas, une collection à suivre, une fois de plus chez cet éditeur !
« Les Fakirs du pays vertical » collection aventures N° 16. Le Carnoplaste éditeur de fascicules. Couverture de Fred Grivaud,
Dans la même collection :
Depuis l’aube de l’humanité, il y a toujours eu cette crainte des ténèbres qui,des cavernes de l’homme préhistorique au gratte-ciel le plus moderne, n’ont jamais cessé d’exercer sur lui effroi et fascination. Bien des choses séparent les nombreuses cultures, mais s’il en est une pour laquelle la voix se fait plus grave et respectueuse et surtout qui rapproche n’importe quel être humain le soir à la veillée, sans tenir compte de la couleur de peau ni de la condition sociale, c’est sans nul doute les histoires de fantômes. Notre bonne veille Europe peut se féliciter d’en posséder une multitude et il vous suffit de vous tourner en direction de l’Angleterre, l’Écosse ou l’Irlande pour vous en convaincre. Il est de notoriété publique que ces pays sont des terres de légendes pour les spectres en tout genre, mais il se trouve que la France n’est pas en reste, à la lecture des ouvrages de Claude Seignolle où diables ,dames blanches et autres squelettes en sabots livrent une âpre bataille aux misérables créatures vivantes qui osent les défier. Nul recoin de la planète n’est épargné, toute part de lumière possède sa zone d’ombre et lorsqu’il s’agit d’imaginer quelques créatures infernales, l’espèce humaine n’est pas en reste, bien au contraire. Pendant fort longtemps, la tradition orale fut le moyen le plus efficace pour se transmettre ces obscures et effroyables légendes, puis vint l’écriture et le livre s’accompagnant de l’habile pinceau d’une multitude d’artistes qui donnèrent un visage à toutes ces abominations. Chemin faisant, suivant la route toute tracée des progrès scientifiques, le cinéma fit son apparition et comme si cela ne suffisait pas à nos appétits insatiables, tout finit par arriver chez nous, sans que nous ayons besoin de nous déplacer, un accès illimité à tout le savoir du monde, mais générant par la même occasion une nouvelle forme de hantise, la naissance de nouvelles légendes « cyber-spectrales ».
Du fait de son éloignement et des nombreux récits d’explorations et de voyages qui fleurissaient de la fin du XIXème siècle eu début de XXéme, l’Asie n’a jamais cessé d’attiser notre convoitise, de titiller notre imaginaire, de laisser libre cours aux légendes les plus incroyables. De cette fascination doublée d’une crainte xénophobe, naquit toute une littérature qui du péril jaune, en passant par le raffinement dans l’art de la torture et les cauchemars éveillés des fumeries d’opium, elle fut la terre d’asile de bien des mystères, qui pendant des décennies furent l’objet de nombreuses superstitions. Les frontières se sont ouvertes, le commerce devint fructueux, certains tabous se brisèrent et les vielles histoires du temps passé furent rangées dans un coin. Les spectres et les revenants n’ont de substance que par la crainte qu’ils inspirent et le monde actuel ne pouvait pas se permettre de leur accorder une place légitime, tant ce désir de cartésianisme est l’apanage de l’homme moderne …….ou du moins en apparence. Pendant fort longtemps, Yokai, Obake, Yurei et autres Oni Japonais furent laissés dans un coin des mémoires et si certains anciens en parlaient encore, un tremblement dans la voix, bien des fantômes de ce pays peuplé pourtant de nombreuses légendes, manquèrent de disparaître à jamais, si un homme n’avait eu un jour l’idée de les faire revivre au moyen d’un personnage de bande dessinée et réveiller ainsi l’attrait de tout un pays pour ces hordes infernales. Il en fut de même pour Lafcadio Hearn qui en rédigea de nombreuses histoires dans ses recueils « Kwaidan », « Au Japon spectral » et bien d’autres encore où les Européens prirent toute la mesure du potentiel énorme que possédait ce pays en matière de créatures de la nuit. De ces brumes délétères, commencèrent alors à resurgir une longue procession de formes à la démarche hésitante qui n’avait rien oublié de son insatiable appétit de vengeance. Car si, spectres et revenants ont comme fonction première de faire peur, ils sont avant tout un instrument de vengeance, le moyen de culpabiliser les vivants des fautes commises ou de payer une dette de sang. Le cinéma se fit alors le porte-parole de ces voix d’outre tombes, connu seulement que par quelques rares spécialistes curieux d’approfondir cet enseignement maudit condamné à un regrettable oubli : « Les contes de la lune vague après la pluie », « Histoires de fantômes Japonais »,« Le fantôme d’Oiwa », « Onibaba », « Kwaidan », autant de titres emblématiques qui marqueront à jamais l’esprit des intrépides chasseurs de spectres.
Tout le paradoxe de notre société, est de posséder d’extraordinaires moyens de rapprocher les hommes, de partager les informations et curieusement certains domaines restent calfeutrés dans les recoins obscurs de notre mémoire comme si la crainte soudaine de faire resurgir les vieilles superstitions pouvaient porter atteinte à notre crédibilité et rappeler à notre bon souvenir que notre civilisation s’est construite sur la peur de l’invisible. L’exposition qui vient d’ouvrir ses portes à Paris au musée du quai Branly vient donc ici réparer un préjudice qui n’avait que trop longtemps duré et au travers de ce magnifique hommage, réhabiliter tout un aspect de cette culture façonnée dans le substrat des mythes et des légendes et de lui redonner cette patine magnifique, apanage de ces objets ô combien précieux qui se bonifient avec le temps. Mais réunir ainsi toute un magnifique collection ne serait rien, et finalement à la portée du premier spécialiste, si celle-ci n’était réalisée non seulement par de brillants érudits qui maîtrisent parfaitement cette culture des choses anciennes mais surtout par des hommes de goût sachant utiliser cette matière première afin de lui donner toute sa force, doublée de ce pouvoir de crainte et de fascination qu’elles peuvent susciter. Utiliser avec discernement plusieurs pays de l’Asie et en sachant trouver un liant pouvant conduire le visiteur d’une salle à l’autre tout en conservant ce fil conducteur qui sépare le monde des vivants avec celui des morts, n’était pas une mince affaire ! Pourtant, les faits sont là, et en rendant cette promenade aux allures toutes nonchalantes, mais se révélant bien plus perturbante qu’il n’y paraît , à l’image de cette entrée dans l’enfer Thaïlandais symbolisé par cette immense bouche de démon ouverte vers un monde de souffrance et de désolation, le visiteur se retrouve à la place de ce simple mortel , condamné aux affres de l’enfer. La grande force de cette « errance dans le territoire des morts » est d’être parvenu à la rendre complètement immersive et en jouant sur les deux aspects de la tradition et de la modernité, nous faire partager pleinement l’expérience en étant plus qu’un spectateur, mais un acteur à part entière. Il ne suffit pas de montrer, encore faut-il être capable de faire participer et je dois avouer qu’à maintes reprises, il m’a semblé, tel dans un film fantastique, franchir les limites de mon petit écran , et me retrouver au cœur même de l’histoire que j’étais en train passivement, de regarder. À l’image de ce train fantôme de notre enfance, les concepteurs de cette machine à hurler de rire ou de terreur selon les pièces visitées, le spectateur subit littéralement cette forme de cauchemar éveillé, où rien n’est laissé au hasard, où toutes les dimensions de cette vaste thématique sont prises en compte, où chaque objet, chaque animation sont à leurs justes places. Tout est fait ici pour nous rappeler à notre bon souvenir, que la peur est un mécanisme primitif, pouvant vous saisir par l’épaule dans la réalité la plus banale et quoi de plus inoffensif en effet qu’une lanterne, une assiette ou une paire de sandales. Fidèle à la tradition Shintoïste, ici, c’est le moindre objet qui se révélera le vecteur d’une âme tourmenté et si la vengeance ou une dette de sang anime bien souvent cette cohorte de spectres aux visages déformés par cette inextinguible soif de vérité , le remord d’une mère pour un enfant mort-né, viendra également hanter à tout jamais, les rivages de ce marécage enveloppé d’une étoupe brumeuse : L’horreur devient alors poésie !
Dans cette culture asiatique, d’une extrême diversité et complexité, il existe autant de mauvais que de bons esprits et qu’il s’agisse de la Chine, du Japon, du Cambodge ou de la Thaïlande, dont j’ai découvert l’extrême richesse en la matière, nul doute que le visiteur va être surpris par la beauté des objets exposées et de tout le raffinement que certains artistes ont placé dans la réalisation d’objets rituels et/ou funéraires, symbole de cette relation étroite que nous avons toujours entretenus avec le royaume des morts. Ustensiles du quotidien, peintures sur soie, sculptures, jouets, livres, affiches et statues, tout un monde de ténèbres où l’on reste suspendu entre effroi et stupéfaction et qui nous laisse, une fois la visite terminée complètement abasourdis.
Que dire face à d’aussi magnifiques peintures sur soie, les Urei-Ga, représentant maints fantômes affamés aux visages blafards, face à ces deux gigantesques « Phi Prêt » qu’une simple formule magique suffirait à leur donner le pouvoir de se mettre en marche, à ces spectres Chinois dont les sauts de revenants semblent vouloir s’animer dés que vous avez le dos tourné, comment ne pas frissonner dans la partie « J-Horror » où les murs imprégnés de la spectrale Sadoko vous poussent dans une pièce où vous vous retrouvez entourés d’adolescents à la démarche saccadée et animés par une faim innommable, comment ne pas tomber sous le charme de ce théâtre d’ombre où cette femme/ féline se transforme sous vos yeux ahuris en un redoutable félin vous fixant de ces yeux terriblement humains, comment ne pas vouloir entrer dans ce décor savamment orchestré où le fantôme d’ Oiwa vous tend ces bras fantomatiques , vous suppliant de bien vouloir la prendre en pitié et damner votre âme à tout jamais ? Une visite haletante dont le point d’orgue, lieu géométrique de toutes les terreurs, se matérialise par l’enfer Thaillandais sous les hurlements des suppliciés condamnés à une escalade sans fin sur un arbre diabolique hérissée de pointes acérées qui ne dispense que souffrance et malédiction. Ici, l’enfer n’est pas pavé de bonnes intentions , il est seulement jalonné de toute la perversion et l’imaginaire des hommes qui depuis des temps immémoriaux exorcise toutes ses peurs par le biais de sa vison fantasmagorique d’un au-delà aussi repoussant que fascinant .
L’exposition se termine par une succession de lanternes, histoire d’adoucir cette infernale expérience, petit rappel à une tradition toute Japonaise, la veillée aux cent bougies, en espérant que lors de notre passage, l’une d’entre elle ne s’éteigne pas et que par l’un des angles non-euclidiens de cette magnifique exposition , un des fantômes ne surgissent pas , étreignant de ses doigts éthérés notre âme de simple mortel en quête de sensations fortes. Comme le précise si bien Julien Rousseau dans la préface au catalogue « Enfers et fantômes d’Asie » , à l’image du fantôme vagabond, « le visiteur se retrouve pris au piège entre deux mondes » , il ne lui reste plus qu’à choisir sa propre destination et s’accrocher aux aspérités de notre monde illusoire car en ce bas monde, tout n’est que vanité et faux semblants.. mais les morts eux, le savent bien !
Mon seul regret, est de ne pas habiter sur Paris afin de profiter encore et encore de ce haut lieu de créatures ectoplasmiques Asiatiques et d’en savourer à différentes périodes de la journée toute sa substantifique moelle. De retour dans ma Provence natale, il ne me reste plus qu’à compulser avec frénésie, le magnifique catalogue d’exposition disponible à la boutique du musée (et sur commande) , probablement l’un des plus beaux livres sur le sujet où texte et photos se marient dans une symbiose parfaite et vous donne un magnifique aperçu d’une exposition qui restera gravé dans les annales du genre !
Un immense bravo aux commissaires de l’exposition et plus particulièrement à Julien Rousseau et Stéphane du Mesnildot, un magnifique travail qui restera à jamais gravé dans nos mémoires d’admirateurs de ses « Enfers et fantômes d’Asie » !
Ci-joint le catalogue disponible en ligne sur la boutique du musée et/ou dans toutes les bonnes librairies,
A lire également le numéro spécial de « Connaissance des arts » spécial « Enfers et fantômes d’Asie »
Quelques photos de l’exposition