Dans le numéro 690 du dimanche 20 Février 1910 de la revue « Journal des Voyages » si le lecteur se laisse emporter par la magnifique couverture de Conrad pour la nouvelle de Victor Forbin « L’infernal passage » il lui faudra toutefois être plus curieux et pousser un peu plus avant son investigation pour découvrir une autre illustration en noir et blanc tout aussi remarquable de Georges Bellenger et illustrant quant à lui un très court texte reproduit ici et relatif aux légendes de la mer. Plus qu’un conte l’auteur, un certain Bonquart, nous révèle une vision prémonitoire, une histoire futuriste par sa chute et que l’on écrivait de façon régulière dans ce genre de publication. Véritable vivier pour les amateurs d’illustrations et d’images Savanturières que nous sommes, cette revue est pleine de ressource, une époque où l’artiste pouvait exprimer son talent sans limite et surtout avec un goût prononcé pour le fantastique et le merveilleux. Pour preuve cette vision complètement décalée , choc des civilisations et de la marche en avant du progrès !
Roll, ce chef valeureux que ces compagnons ont surnommé « L’ours du Nord » , est debout, sur la plate-forme de combat élevée à l’arrière de son drake, et Roll est songeur laissant errer inconsciemment son regard sur la mer houleuse. Sur le pont du navire où il règne en maître, sont groupés ses compagnons,
Mille pensées confuses se heurtent en son esprit troublé.Qui donc lui donnera la puissance infinie qu’il rêve ?
Cette cuirasse qu’il porte, ce casque au lourd cimier, les javelots que lancent si loin et si fort son bras puissant, ce drake aux larges flancs qui le porte, tout lui semble devenu jouets d’enfant ; et Roll rêve de nefs géantes, rapides comme l’éclair et portant en leurs flancs la foudre sur lesquelles il s’élancerait à la conquête du monde.
Et il maudit la lourde barque dont il était fier et que sa voile pourtant gonflée, fait à peine glisser sur la mer.
Cependant la nuit vient, aucune terre n’est signalée encore, Roll rêve toujours….
Soudain des clameurs s’élèvent ; les vikings semblent saisis d’épouvante ; les uns s’emparent de leurs armes, les autres, trop affolés de terreur pour songer à la lutte, cherchent un abri dans la cale et tous se heurtent dans un désarroi indescriptible.
« Qu’y a-t-il ? Et pourquoi craignez-vous ? S’écrie Roll, n’êtes-vous plus les farouches vautours du Nord, et ne suis-je pas Roll, votre chef ?
- Vois, lui dit un de ses compagnons, montrant du geste une vague silhouette qui s’avance vers eux menaçante.
Et Roll regarde, et Roll voit…..
Une masse gigantesque court sur les flots et grandit encore ; de hautes tours la dominent, et de ces tours s’envolent en un mugissements de lourds nuages d’une fumée noire que rougissent des lueurs de flammes. De ses flancs sortent, par des embrasures, de longs tubes d’acier, des barques aux formes étranges sont suspendues autour de ses bords sur de longs bras de fer . Et partout on voit passer ces ombres noires, nautonniers de cette barque infernale. La mer se brise en volutes énormes sur son avant, comme poussée par la tempête. Et le colosse , rapide, semble courir sur la mer….
Roll dans une extase revoit son rêve et ses compagnons groupés autour de lui, respectueux de son admiration pour l’étrange vision, l’entend dire tout bas :
« Voilà l’avenir qui passe ! »
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