Il y a des livres comme ça qui lorsque vous les refermez vous laissent un sentiment de satisfaction intense, de celle qui vous imprègne totalement avec cette sensation d’avoir eu entre les mains un objet unique que tout le monde a laissé filer , le laissant dans une ignorance totale et de fait vous l’approprier, le faire votre, comme un trésor caché et dont vous êtes le seul à connaître l’existence.
« La mort de Paul Asseman » de Laurent Mantese, c’est d’abord une couverture de Léo Gontier, une illustration envoûtante et qui résume bien à elle seule l’univers dans lequel le lecteur va se retrouver prisonnier, une maison, une fenêtre éclairée, une brume lactescente où l’on devine des silhouettes fantomatiques qui n’appartiennent pas à notre univers. C’est un paysage éclairé par une lune blafarde au-dessus d’une demeure aux allures d’une Malpertuis des temps modernes. Il y a déjà une ambiance qui se veut résolument fantastique et l’auteur, loin de vouloir berner le lecteur annonce déjà la couleur : le héros de l’histoire quoiqu’il arrive va mourir, ne nous reste plus qu’à découvrir de quelle manière. J’aime lire ce genre d’ouvrage où d’entrée de jeu, on ne tourne pas autour du pot sur plus de 300 pages. On sait comment tout cela va finir, mais le plus important n’est pas de savoir comment, mais surtout pourquoi. C’est ce que va faire Laurent Mantese dans ce texte qui oscille entre fantastique et roman de mœurs dans une écriture bien tassée d’un style époustouflant qui tour à tour vous plonge dans une sorte de mélancolie avec la précision toute chirurgicale de la vie des gens de la campagne dans une nature hostile et fascinante à la fois, pour passer à la terreur pure où il va justement se servir de ce cadre si propice à un climat aux différentes nuances spectrales. Une région où la rudesse des gens est le résultat d’une environnement à la fois hostile et d’une beauté sauvage. C’est l’histoire de plusieurs malédictions à commencer par celle de Paul Asseman qui après la mort tragique de sa femme et de son fils décide de se retirer loin de monde afin d’essayer de plonger dans une amnésie salvatrice, celle de cette maison, un ancien relais de poste, qui par tradition reçoit les différents médecins venus s’installer dans la région et qui abrite en son sein bien des secrets, celle des habitants condamnés à vivre dans cette région oubliée des hommes et qui renferme bien des légendes. C’est aussi et surtout l’histoire d’une médecin de campagne qui pense pouvoir changer le cours des choses, d’un étranger qui, bien que symbolisant le savoir, n’en est pas moins une pièce rapportée , un « gars de la ville » à qui l’on hésite d’accorder sa confiance . Mais c’est avant tout une histoire d’un homme face à ses responsabilités et sa condition d’être humain qui va se retrouver confronté à des situations dont l’étrangeté n’a d’équivalent que la violence par laquelle les phénomènes extraordinaires vont se manifester : tout dans sa cette nouvelle vie semble vouloir aussi bien le happer que le mettre en garde contre quelque chose d’indicible et au fil des pages qui glissent entre vos mains d’une manière effrénée, c’est toute l’originalité d’un fantastique d’une puissance incroyable qui prend forme pour se conclure d’une manière surprenante.
Dans cette nouvelle retraite, véritable entité vivante respirant au rythme de la nature environnante, le héros va tenter d’apprivoiser les murs de cette étrange demeure qui va nous livrer au fil de l’histoire bien des secrets, nous procurer bien des frissons.
Comme je vous le disais au début, Laurent Mantese est un virtuose des mots, il nous entraîne avec brio dans un récit d’une parfaite maîtrise et je retrouve là toute la puissance d’un Claude Seignolle avec ce talent si particulier de nous décrire des choses qui au premier abord insignifiantes, construisent un texte riche de descriptifs aux consonances poétiques, mais de cette poésie que seuls les gens de la terre peuvent percevoir, ressentir et dont il sont les seuls à en comprendre la finalité. Il y a de la musicalité dans son écriture, un rythme d’une sombre beauté, d’une mélancolie rare et qui vous attrape les tripes de sa poigne glacée pour vous laisser haletant, mais avec ce plaisir et ce juste avec des mots, d’être parvenu à vous faire pénétrer dans son univers et d’en partager les sombres menaces. La comparaison avec Seignolle n’est à prendre à la légère, juste placée ici pour faire plaisir à l’auteur ou inciter de potentiels lecteurs, non il y a dans son style une tradition du fantastique propre aux gens du terroir , l’empreinte d’une homme qui puise aux sources même de nos légendes ce terreau si fertile « ce murmure du vent qui se lève, la goutte du ruisseau qui passe et ce frisson de son âme afin de pétrir les choses dont on fait les histoires »
Lire « La mort de Paul Asseman » c’est la garantie de fleurter avec la plume inspirée d’un grand écrivain qui est parvenu à insuffler une âme nouvelle à la littérature de genre et nous donner certainement l’œuvre la plus aboutie sur la thématique de la maison hantée, entre autres, depuis de nombreuses années. Mais je ne vous en dirais pas plus les amis…..lisez le !
Remercions Philippe Gontier et « La clef d’argent » de nous avoir ainsi fait le cadeau d’une aussi belle pépite dans un aussi bel écrin, Laurent Mantese nous avait déjà témoigné de son travail d’écrivain accompli avec « Le comptoir des épouvantes » et « Le rapport Oberlander » aux éditions Mapertuis , voilà qui ne fait que confirmer qu’il est bel et bien un auteur incontournable au talent plus que confirmé.
« La mort de Paul Asseman » de Laurent Mantese Éditions « La clef d’argent » Avril 2019
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