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Archive pour janvier 2020

« Désolation » Le Duo Jaworski/Ascaride: Un Roman Graphique Au sommet Du Talent!

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Lorsqu’en 2017, les Moutons Électriques publièrent leur premier roman graphique « Tout au milieu du monde » avec le trio de choc qu’est Melchior Ascaride, Julien Bétan et Mathieu Rivero, nous avions déjà là l’amorce d’une catégorie de livre qui allait marquer durablement ma vie de lecteur en publiant le tout premier livre graphique de la collection. Deux années plus tard, les trois complices récidivent en réalisant « Ce qui vient de la nuit » , ouvrage dont je n’ai pas eu le temps de faire l’éloge, mais qui venait asseoir le talent de ces jeunes artistes avec cette histoire de Fantasy baignée de magie de malédiction et de terreurs ancestrales. En priorisant le jaune, Melchior Ascaride est parvenu à appesantir encore plus l’atmosphère étrange de ce texte sombre et sans concession, comme une brume lactescente qui progressivement semble vouloir sortir d’entre les pages, vous agripper de ces doigts glacés et fantomatiques pour vous attirer dans cette campagne bretonne du temps jadis, pétrie de légendes et de haut fait d’armes. Une fois de plus, texte et images sont en parfaite corrélation et l’on sent dans la technique utilisée par l’artiste un tournant déterminant comme pour vouloir encore plus imprégner le lecteur de toute la magie de l’histoire.
Fidèle au vieil adage « jamais deux sans trois » l’éditeur vient de renouveler l’expérience avec le tout aussi percutant « Désolation » écrit cette fois par une figure emblématique de la Fantasy, Jean-Philippe Jaworski et dont le texte vient coller comme une ombre au magnifique travail pictural d’un Melchior Ascaride plus inspiré que jamais. Tout d’abord, ce qui frappe l’esprit du lecteur que je suis, avide de belles couvertures, c’est le travail effectué une fois de plus pour cette édition et de la typographie du titre qui vient parfaitement se marier avec les circonvolutions de cette créature mythologique que l’on pourrait aisément confondre avec un vers à l’aspect redoutable. Ensuite, ce que j’ai aimé dans ce court roman, c’est le choix de l’auteur de commencer cette aventure de manière aussi abrupte qu’elle se termine. Une sorte de tranche de vie dans des temps reculés et/ou imaginaires, pétri lui aussi d’histoires terrifiantes traversé par la fureur du métal qui s’entrechoque et de l’odeur du sang versé. Certes comment ne pas penser à l’univers de Tolkien père fondateur de toutes ces terres de magie et de mystère, mais si Jean-Philippe Jaworski excelle à nous rappeler l’univers du maître, son talent parvient largement à prendre le large et nous livrer son univers qu’il est capable de construire en quelques pages et le peupler de figures inoubliables pour qui le tranchant d’un épée et plus éloquent que bien des discours. Il nous plonge ainsi dans une quête extraordinaire, une course contre la montre obligeant un puissant seigneur et toute sa horde bardée de fer et lourdement chargée de victuailles de porter secours à un fief voisin assiégé de toute part et risquant de plier l’échine face à un impitoyable ennemi. Pour cela, une seule issue possible s’il veut arriver à temps, passer à travers une montagne maudite, abritant selon les légendes un redoutable dragon et résister aux attaques de hordes de Gobelins commandés par un chef à la sanglante réputation : Le dévoreur !
Aidé de son fidèle Radswin le diseur de loi, Hjalmberich accompagné de 20 guerriers nains et de trente gnomes, vont traverser le massif du Kluferfell et braver la terrible région du Wyrmdale et il faudra bien plus que le savoir de maître Skirfir « Brûle-gueule » l’artificier de la troupe pour mener à terme une expédition qui va découvrir un secret bien plus incroyable que celui de l’existence d’un dragon !

Ce qui fait le charme incroyable de cette odyssée, c’est son coté quelque peu décalé en marge d’une Fantasy certes très codifiée avec les grandes figures classiques du genre, mais en y insufflant cette touche personnelle où le tragique des situations se mélange avec bonheur au comique de certains personnages. Ainsi Skirfir cité plus haut, spécialiste en explosifs et Littyllytig le contremaître des gnomes, sont les deux personnages qui régulièrement vont interagir dans les moments clef de l’aventure en y injectant la quantité suffisante espièglerie , de malice et d’humour afin de créer un tout homogène et particulièrement savoureux. Une expédition, sans cesse accompagnée par le bruit des armes et la fureur de la bataille, car « Griffus », « viandars », « panses de fer » et autres « Konomor » le konungr des Uruk Maug , ne cessent de harceler cette troupe hétéroclite aussi peu nombreuse que déterminée.

Pour un peu j’aurai presque l’envie de vous présenter ce volume une corne remplie d’un alcool fort et à brailler des chansons paillardes!


Ainsi donc, pour ce troisième roman graphique Melchior Ascaride articule toute son œuvre sur des tons oranges et noirs et nous propose une fois de plus un travail qui vient éveiller nos rétines et accroître de manière déterminante cette sensation éprouvée au fil de la lecture, comme si le lecteur, sous le joug d’une magie ancestrale, pouvait se retrouver en parfaite symbiose avec les aventures qu’il est en train de lire. Toutes les pages sont baignées de cette atmosphère unique où texte et images œuvrent dans une symbiose parfaite pour le plaisir du lecteur et si nombres de ses dessins me poussent bien après la lecture du livre à revenir dessus pour le seul plaisir des yeux, je ne peux qu’éprouver un profond respect pour la parfaite cohésion entre le texte, l’image et la mise en pages qui d’une manière spectaculaire trouve sa substantifique moelle entre la page 104 et 115 lors de la traversée de la cité sous la montagne : quand le dessin se fait langage on comprend mieux alors pourquoi il est un art qui ne connaît aucune frontière !
Au final nous voilà donc en présence d’une pièce majeure chez cet éditeur en ce qui concerne le roman graphique et du rouge roman initiatique en passant par le jaune des vieilles malédiction, nous voici dans l’orange du fracas des batailles où les deux talents vont jouer de talent et d’originalité afin de nous plonger dans une épopée inoubliable, une descente aux enfers où la verve de l’écrivain n’aura d’égale que la sublime inspiration de l’artiste qui l’accompagne.
Sans nul doute un très gros coup de cœur et je ne pourrai trop que de conseiller aux lecteurs amateurs de beaux objets, de belles histoires et d’une plongée dans un art graphique d’une grand originalité, d’acquérir cette trilogie qui je l’espère est annonciatrice d’autres ouvrages d’une telle qualité et d’une telle intensité,
Bien que cela n’enlève rien à la qualité du travail réalisé, pour quand un ouvrage relié dans le même esprit, mais avec cette fois-ci des plages entières et non coupées par le milieu de manière à dévoiler de manière plus percutante le travail de l’artiste ?

« Désolation » Roman graphique paru aux Moutons Électriques, collection « La bibliothèque dessinée » texte de Jean-Philippe Jaworsky , dessins de Melchior Ascaride. 2020.

Tout au milieu du monde

ce qui vient la nuit

Désolation

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désolation 2



« Celui Qui Chuchotait Dans Les Abysses » Aux Origines Du Mythe!

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Sans être un grand spécialiste, je suis, à l’image des passionnés de littérature fantastique, amateur de ce nouveau genre appelé terreur cosmique et me délecte de temps à autre d’ouvrages écrits par toute une génération d’auteurs vouant un culte innommable au grand-maître de Providence. Depuis quelques années en effet, les éditeurs ne cessent de nous régaler de « pastiches » plus ou moins réussis s’affiliant au redoutable cycle de « Cthulhu » et ma bibliothèque peut ainsi se vanter de totaliser quelques dizaines d’ouvrages de formats variables arborant fièrement sur leurs couvertures d’indicibles visions qui, si elles ne vous rendent pas fous, suscitent une certaine admiration tant l’artiste s’est immergé dans l’univers cauchemardesque de H.P.Lovecraft. Pour exemple le dernier volume paru chez Bragelonne « Les montagnes Hallucinées » magnifiquement illustré par François Baranger. Ici point de roman « a la manière de…. » , la reprise d’un classique, mais revêtu d’un habit de circonstance qui force le respect : grand format sous couverture rigide avec un dessin en transparence et un lettrage couleur argent du plus bel effet, jaquette couleur, illustration à l’identique à chaque page voire en double page ! En bref, si vous me lisez et que cet ouvrage n’occupe pas une place d’honneur sur vos étagères, vous savez ce qu’il vous reste à faire ! Tout cela pour en venir au fait qu’actuellement ce n’est pas la réédition des œuvres de Lovecraft qui sont importantes, bien que nous attendons le super méga collector de la mort proposé par Mnemos en huit volumes , mais de la nouveauté originale de la part des continuateurs et surtout que l’éditeur nous propose une présentation sympathique et originale pouvant ainsi se démarquer des éditions « classiques » pour ne pas dire un peu trop conventionnelles. Chers amis, si vous êtes à la recherche d’un tel objet, j’ai ce qu’il vous faut et croyez moi, en matière de « Collector » je n’ai pas le coup de cœur facile.
J’ai découvert les éditions « Le miroir aux nouvelles » d’une façon assez tardive…..Honte à moi qui suis souvent à la recherche du modeste petit éditeur , proposant des produits originaux. C’est en furetant sur le net, comme tout bon Savanturier des temps modernes qui se respecte, que je tombe par hasard sur leur site : peu de livres, mais sacré bonsoir, tous attirants à souhait et vous donnant une envie folle de les avoir dans votre bibliothèque : formats peu conventionnels, illustrés, thèmes divers et variés ( polar, SF, fantastiques , curiosités littéraires…..) et tous écrits par la même personne…….Mystère ! Dans le lot, je repère un titre qui attire ma convoitise : «  47°9′ S 126°43′ W  celui qui chuchotait dans les abysses ». Mon sang ne fait qu’un tour , d’autant plus que la couverture est terriblement sympathique puisque, outre quelques tentacules, on y aperçoit l’étrave d’un navire dont le nom frappé aux initiales de « HPL » ne pouvait que m’emporter à son bord sur des mers étranges et redoutables. Ni une ni deux, je commande l’objet et j’en profite pour en demander un second , nous sommes en période de Noël et je connais un poulpesque ami qui sera content de ce présent. Bien entendu, je pousse l’impertinence jusqu’à demander une dédicace !
Deux jours après, je reçois une gentil mail de l’auteure, Chrystel Duchamp, qui me dit combien elle est heureuse de cette commande et que, bien entendu les ouvrages seront dédicacés par ses soins, mais également par l’illustrateur Eric Barge : une première approche plus que prometteuse !

Moins d’une semaine plus tard, les ouvrages arrivent et quel bonheur, l’objet est de doute beauté : Grand format, couverture souple frappé d’une blason à tête tentaculaire, recouvert de son élégante jaquette aux dégradés de vert, à l’intérieur de superbes illustrations pleines pages en N&B, et à la toute fin de l’ouvrage la première page d’un journal fictif plié en quatre qui……Mais, n’anticipons pas !
L’histoire donc. Un journaliste est contacté par un mystérieux professeur, risée du monde scientifique, lui proposant de servir de biographe à une formidable expédition organisée dans la zone la plus isolé du pacifique, le point Nemo,c’est-à-dire le point de l’océan le plus éloigné de toute terre immergée. En effet, un son étrange en provenance de cette surface d’Océan se fait entendre depuis quelque temps et a défaut de lui trouver une explication la communauté scientifique le nomme « Bloop ». Mais le professeur Lewis Theobald Jr ne s’y trompe pas, il sait lui que l’origine de ce son provient d’une créature dont on veut feindre l’existence : le grand Cthulhu en personne ! Pendant des années il prépare avec soin le bateau et l’équipement de pointe nécessaire afin d’explorer les fonds marin. Le « HPL » est enfin prêt, commence alors pour notre journaliste un voyage aux enfers qui se terminera comme bien souvent lorsque l’on se frotte aux grands anciens par un placement dans un lieu où personne ne vous entendra hurler.
Raconté ainsi, vous me direz que l’histoire semble banale, téléphonée et sans surprise, mais c’est sans compter sur le talent narratif de l’auteure qui vient ici avec son style bien millimétré et diablement efficace nous apporter un plaisir de lecture que le vieil habitué des terres de l’imaginaire que je suis, aime à parcourir. En effet, Chrystel Duchamp prend le parti avec ce livre de s’adresser à un public ignorant tout de l’œuvre de Lovecraft, en parcourant sa novella,de références à son œuvre, tout en utilisant comme je le disais plus haut un style narratif pouvant charmer les plus aguerris. Il y a chez le héros de cette aventure, une mise en abîme incroyablement bien menée et de la rencontre avec le professeur et celle finale , avec Cthulhu en personne, une montée en puissance qui arrive à nous surprendre. D’ailleurs cette aversion de David Wayland pour la mer qui devient peu à peu obsessionnelle pour en devenir maladive, ne sont que les prémisses d’une horreur encore plus grande à venir. On retrouve les mêmes maux que dans les héros de Lovecraft, personnages septiques et/ou à la recherche de la vérité et qui finalement se trouvent coincés dans une spirale infernale, mais racontée d’une telle façon qu’au final, j’ai eu l’impression de redécouvrir tout ce qui fait le fondement de son cycle. Une approche certes plus moderne, mais avec un style plus léger, l’auteure va à l’essentiel et c’est justement ce qui fait la force du texte : on ne s’embarrasse pas de fioriture, on se laisse embarquer tête baissée, et ce, sans jamais le regretter.
Ce format entre la nouvelle et le court roman n’est pas un exercice facile mais nous avons ici la preuve formelle que même en utilisant un thème archiclassique, formaté et usé jusqu’à la trame, il est possible d’en faire quelque chose d’inhabituel , non seulement à lire mais agréable à regarder, avec un final assez original ou le fin mot de l’histoire nous est livré sous la forme d’une coupure de presse factice, intégrée comme preuve ultime, document plié en quatre et collé sur la dernière page, comme si toute cette histoire n’était qu’une mystification, le délire d’un fou et finalement remise en doute par plusieurs articles de presses et inséré intentionnellement dans ce récit témoignage, comme pour semer le doute dans la tête du lecteur.
Ce livre est beau, il est bien pensé, fabriqué avec amour et les illustrations d’Eric Barge, complice de l’auteure, viennent ici par la présence de ces dessin pleines pages N & B, asseoir encore plus ce statut d’objet culte , de ceux incontournables que tout amateur de sympathiques histoires et de beaux livres, se doivent d’avoir dans leurs bibliothèque,
En tout cas, le mien trône fièrement à côté de ceux de François Baranger et je voulais par ce petit article rendre hommage au travail de ces artistes de l’ombre qui œuvrent en toute simplicité pour le plus grand plaisir de leurs lecteurs. Une preuve de leur grande générosité et d’une foi inébranlable sur cette route pas toujours facile qu’ils ont choisis d »emprunter.

« 47°9′ S, 126° 43′ Celui qui chuchotait dans les abysses » Éditions « Le Miroir Aux Nouvelles » Texte de Chrystel Duchamp, illustrations de Eric Barge. 215 . Tirage Limité

Pour le commander c’est ici: https://www.lemiroirauxnouvelles.fr/

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