De par mon métier, je suis en rapport constant avec la mort, mais nous ne sommes jamais assez préparés lorsqu’il s’agit d’un proche ou d’un ami. Je viens d’apprendre la mort d’une grande figure de la SF. Jean-Pierre Laigle vient de nous quitter, fauché par une putain de défaillance cardiaque, aussi soudaine qu’imprévisible. Qu’elle ironie du sort pour quelqu’un qui avait énormément de cœur à l’égard de cette littérature pour laquelle j’ai rarement vu autant de passion et d’engagement. Pendant très longtemps, nous fûmes voisin, il habitait à quelques kilomètres de chez moi et la première fois que j’ai entendu parler de lui, c’était lors d’une investigation dans une librairie toulonnaise à la recherche de mes premiers Néo. Le vendeur voyant mon intérêt pour cette littérature m’avait alors parlé de ce couple de passionné, un peu marginaux, à l’époque, il vivait avec Martine Blond. Je me rappelle être allé leur rendre visite dans leurs villa « Magali » chemin de la Calabro et de suite je me suis rendu compte que j’avais affaire à de singuliers personnages, toujours habillés à l’emporte-pièce, mais d’une grande érudition et d’une générosité sans faille. J’étais un débutant dans le domaine et je fus grandement impressionné par son immense savoir. Par la suite, j’ai eu l’occasion de le voir assez souvent, non seulement chez lui, mais de manière impromptue dans certains vide-greniers. Il s’intéressait à tellement de chose…….sa passion le poussa à apprendre plusieurs langues car dans cette magnifique et unique revue que fut « Antares » il releva le défi de traduire des textes rares, dans des langues peu habituées à la SF mais qu’il avait pourtant l’intention de faire partager avec un public le plus large possible.
Je me rappelle de nos longues discussions sur la SF ancienne et toute l’admiration que j’avais pour cet homme d’une grande simplicité, qui ne se mettait jamais sur le devant de la scène. Une humilité que bien des personnes devraient prendre en exemple. Cette boulimie le conduisit à diriger, infatigablement, plusieurs collections dont il était le rédacteur en chef en publiant dans diverses collections, des textes rares perdus dans d’introuvables revues ainsi que de nombreuses bandes dessinées riches de quelques perles et enfin accessibles à un public de passionnés. Il a toujours travaillé pour la réhabilitation d’une science-fiction boudée pendant des années par des spécialistes ne faisant pas toujours preuve de délicatesse.
Jean-Pierre, c’était l’incarnation même du fan avec tout ce que cela comporte de noble et de beau. Il organisa plusieurs festivals dans notre région et je garde avec émotion et nostalgie bon nombre de ces affiches sur laquelle on peut découvrir tout cet amour qu’il avait pour le genre. Ces derniers travaux, concernant les planètes pilleuses sont une mine pour les amateurs, il avait écrit une extension à cet ouvrage publié à l’œil du sphinx. Hélas le public toujours à contester que rien ne sorte en librairie, mais qui boude la parution d’ouvrage aussi essentiels, a fait que ce texte fut publié sur mon site « Sur l’autre face du monde », car l’échec commercial du premier volet découragea l’éditeur de poursuivre l’aventure. Ce fût un immense honneur et une joie extrême.
Sa vie, il l’a menée en véritable passionné, bouffant à plusieurs reprises de la vache enragée, car à cette époque, le monde de l’édition « amateur » était bien difficile, mais c’est un choix qu’il avait choisi et assumé jusqu’au bout.
Grâce à lui j’ai découvert bien des merveilles ensevelies dans d’obscures revues car il fut le tout premier à réhabiliter cette littérature qualifiée de « mauvaise » par certains critiques peu ouverts d’esprit. Les nombreuses collection dont il fut à l’origine sont la preuves de cette foi qui l’a toujours animé et de cette passion qui jamais , jusqu’à son dernier souffle, ne l’a quitté. Il fallait une certaine dose de courage pour oser rééditer des textes comme « Une invasion de macrobes » de couvreur ou le sublime « Un monde sur le monde » de Lanos et Perrin. Jean-Pierre lui, il y croyait et dans la chaleur étouffante de son petit local où il faisait tourner sa rotative, c’est toute l’histoire du fandom qui prenait vie
C’est une grande perte pour le monde de la SF, un grand homme de l’imaginaire un précurseur en bien des domaines ne serait-ce que par le fait d’avoir créé la première revue d’une telle qualité avec un tel nombre d’auteurs de talent et totalement inconnus du public.
Cette nouvelle m’a bouleversée, car, même si je ne le voyais plus trop depuis quelques mois, un travail très prenant exigeant bien des sacrifices, je l’ai toujours gardé dans mon cœur, symbole d’une résistance farouche entre la qualité et la quantité, éternel combat entre l’ombre et la lumière
Je regrette que de son vivant il ne fut pas plus reconnu et mis à l’honneur à de nombreuses manifestations bien souvent vides de toutes substances. Je ne remercierai jamais assez Jean-Luc Rivera de l’avoir invité lors d’un festival à Sèvres, Jean-Pierre était si content de pouvoir à nouveau évoluer dans un milieu qu’il a toujours défendu avec force, courage et obstination.
Sa mort me touche, nous touche, car avec lui, disparaît un défenseur acharné du genre, une bien belle personne qui aura toute sa vie durant défendu les valeurs classées pendant de décennies comme maudit. Je suis certain qu’il brille maintenant au firmament d’un monde meilleur, étoile parmi les étoiles, début d’un grand voyage dans les immenses galaxies dont il a durant toute sa vie, admiré l’étrange beauté et la possibilité de la pluralité de leurs mondes habités.
Toutes nos pensées s’envolent vers sa famille et Martine Blond, complice de toujours.
Depuis quelques jours l’univers de la SF Française vient une nouvelle fois de perdre un fidèle ami, mais il continuera à faire briller en nous cette petite lumière chaleureuse et réconfortante d’un univers aussi riche que passionnant.
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