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Archive pour août 2020

Jan Marcus Bodichiev: Un Détective à Vapeur Digne de ses Prédécessurs!

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souvenirs d'un détective à vapeur logo

Fils de l’historien Viatcheslav Pavlovitche Koulikov, Olav Koulikov retrouve des documents réunis par son père et relatant certaines enquêtes du célèbre détective Jan Marcus Bodichiev et dans un univers où l’Empire anglo-russe domine la majeure partie du monde depuis le mariage de la Reine Victoria et de l’Empereur Constantin,certaines enclaves de contestation socialisantes européennes comme la France poursuivent la lutte afin de garder une indépendance toute relative. Mais le crime reste encore une denrée courante en l’an 3000 de cette nouvelle ère et les méthodes à l’ancienne sont parfois bien plus efficaces que science et techniques de pointe!

Je dois avouer ne pas être un grand spécialiste de littérature policière, veuillez pardonner mon ignorance, je suis un lecteur tardif et donc je suis dans l’ignorance de certains grands classiques du genre.Pourtant, il m’arrive parfois de m’abandonner au genre surtout lorsqu’il est estampillé Les saisons de l’étrange .Il faut dire qu’avec ces Souvenirs d’un détective à vapeur  nous voilà transposé en terrain presque conquis, dans un territoire qui sied plus à mes tocs de lecteur à savoir un univers dystopique rétrofuturiste, mais pas que ! J’avais déjà eu l’occasion d’apprécier la plume de André-François Ruaud lors d’un volume précédent dans les saisons de l’étrange 1 et je dois avouer que la lecture des suites des aventures de Jan Marcus Bodichiev confirme cette délicieuse impression éprouvée initialement. Dans les 6 nouvelles que constituent ce recueil (je ne compte pas le chapitre 4 notes et fragments.) nous faisons plus ample connaissance avec ce détective spécialiste en informatique et dont le flegme So British n’a d’équivalence que le flair et la logique incroyable avec laquelle il vient résoudre les meurtres qui ensanglantent ses enquêtes. Mais ce qui fait surtout la force de cet ouvrage, ce ne sont pas les énigmes à proprement parler, bien que deux d’entre-elles relèvent des amateurs de l’étrange : L’affaire du lac et des poissons et Le cas de la pluie de sang, non, pour moi c’est avant tout la façon dont l’auteur nous plonge au cœur du mystère avec cette plume entre poésie et nostalgie où il prend le temps de nous décrire le cadre dans lequel se déroule les enquêtes, comme si notre détective, avant d’être ce privé aux talents de déduction redoutable, était avant tout un personne doué d’une extrême sensibilité (ce qui est le cas) et capable, en piéton infatigable, de vous révéler toute la beauté et le charme de tout ce qui vous entoure. Ainsi dans L’affaire du lac et des poissons c’est la Provence de Giono qu’il nous fait découvrir avec ravissement et dans Saint-Francisbourg la forme d’une ville c’est la visite d’une mégapole fantasmée que nous découvrons au hasard des pérégrinations du héros qui, tel un piéton attentif et poétique nous donne la vision d’une ville à l’architecture parfaite (qui sera d’ailleurs la base du mystère des nombreux assassinats) mais il faut dire que l’auteur fut « coupable » d’un ouvrage symptomatique de son amour pour les villes tentaculaires et pleines de mystère :  Londres une physionomie et London noir. Mais plein d’autres surprises vous attendent dans ces aventures et la dernière nouvelle, Les trafiquants de couleurs au titre étrangement beau, va certainement plaire aux amateurs de cinéma avec l’apparition d’un réalisateur célèbre et qui ne pouvait pas mieux convenir dans cet univers en parfait décalage: Tatichiev, cela vous dit-il quelque chose?
En résumé, Bodichiev est une personnage fort sympathique, un être débonnaire à l’apparence flegmatique, mais dont les aventures nous révèlent un personnage sensible en parfaite adéquation avec son temps à savoir si nous sommes plongés dans une dystopie avec un bouleversement géopolitique fort original, l’unité de temps au final reste assez flou , en tout cas les repères que l’auteur sème au fil des pages sont suffisamment vagues pour que le lecteur se retrouve dans un univers où le détective , avec son coté très Hercule Poirot, puisse y évoluer comme un poisson dans l’eau, avec ou sans fourrure, celles et ceux qui connaissent le livre comprendront.

Hâte donc de retrouver les prochaines aventures de ce fin limier, outre le coté très divertissant de toutes ces nouvelles, l’écriture d’André-François possède quelque chose d’apaisant et de diablement addictif.

« Souvenirs d’un détective à vapeur » d’André-François Ruaud, Les saisons de l’étrange saison 2 , couverture de Melchior Ascaride. 2019

bodichiev

Souvenirs d'un détective à vapeur couverture

 



Sturkeyville: Lieu Géométrique de (presque) Toutes les Terreurs

Sturkeyville logo

Sturkeyville, lieu géométrique de toutes les terreurs…..et dire que, pour un peu, nous passions à coté de cet auteur majeur du fantastique ! Merci donc à l’éditeur et au magnifique travail de traduction de Nathalie Duport Serval, pour ce recueil de 6 nouvelles, toutes plus admirables les unes que les autres qui varient entre horreur pure, science-fiction, fantastique et fortement saupoudrées de cette poésie que l’on retrouve dans les écrits de Sturgeon.

C’est une véritable bouffée nostalgique qui s’est emparée de moi à la lecture de cet ouvrage. Une écriture ciselée où l’auteur prend le temps du détail, s’arrête sur des éléments qui ne paraissent pas importants, mais qui au final nous permettent d’aller au plus profond de cette horreur à l’apparence si banale qui se cache dans cette petite ville. Un ambiance proche de celle de Lovecraft, oui, mais en mieux, car il y a cette dimension humaine qui vous fait vous attacher aux personnages et vivre cette angoisse de manière plus viscérale et cette terreur qui vous colle à la peau au fil des pages.

J’ai vraiment été transporté dans une autre dimension et les différentes thématiques qui parsèment cet ouvrage (possession, maison hanté, créatures de cauchemars, paradoxe temporel….) vont véritablement vous aspirer et vous projeter dans cette petite ville à l’apparence si anodine, mais qui révèle bien des secrets, de lourds secrets….

Les nouvelles sont accompagnées de de superbes illustrations N&B et donc,si vous ne le lisez pas, c’est qu’il n’y a plus rien à faire pour votre salut !

« Bienvenue à Sturkeyville » de  Bob Leman ,Editions Librairie Scyllia, illustrations intérieures de Arnaud S.Maniak .Décembre 2019.

Bienvenue à Sturkeyville



Laurent Mantese un Auteur au Sommet de la Littérature Fantastique

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Lorsqu’il y a de cela plusieurs années, j’ai découvert l’univers de Jean Ray, je me suis tout de suite laissé guidé par son style inhabituel, sa plume de conteur né. Depuis, cette fidélité n’a jamais failli et lorsque je regarde, avec amour les étagères de ma bibliothèque que je lui consacre, je me dis que ce sont probablement les ouvrages que je garderai en priorité si un jour, j’avais à faire un choix. De cet auteur, grâce au travail acharné de certains passionnés, nous avons connaissance de plus en plus d’éléments sur sa vie et son œuvre, mais il reste tant de choses à découvrir encore ! Je me rappelle avoir lu avec avidité, il y a de nombreuses années, les fameux contes du Whisky et désiré, comme l’ensemble de toute sa production, acquérir toutes les éditions en langue française. Comme tout un chacun, j’ai commencé cette accumulation maladive par les éditions Marabout puis j’ai trouvé l’édition originale à La renaissance du livre, celle de l’Atalante, la librairie ds champs Élysée, chez Néo……..
Je collecte également tout ce qui peut concerner cet auteur et découvrir un titre, non pas de cet auteur, mais d’un écrivain qui désire lui rendre hommage, inutile de vous dire que je m’empresse de l’acquérir. Me voilà donc à passer commande chez un éditeur au nom prédestiné, Malpertuis, et dont la grande force est de nous livrer nombre de textes originaux, dont notamment des recueils de nouvelles et une fort belle série dont je suis grand fan Le club Diogéne.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la couverture de Nicollet pour ces les nouveaux contes du whisky est magnifique et représente déjà un argument d’achat. Déjà, le premier plat qu’il avait concocté pour les nouvelles éditions Oswald en 1985 était très classe. Un recueil de nouvelles hanté par la mort et la misère, les contes et les légendes, des histoires de vie et de mort où la frontière entre la réalité et les divagations de marins dont la bouche pâteuse d’avoir trop bu de cette boisson tant vénérée, est parfois difficile à évaluer : la frontière entre le réel et le fantasme est parfois extrêmement ténue. Je me rappelle de ces histoires hantées de terre et de mer où je me suis laissé emporté, fasciné par la verve de l’auteur captivé par autant d’imagination et de ce sens inné à donner le frisson à ses lecteurs. Mais ce sont aussi des histoires d’hommes, formés à la dure, à la peau burinée par les vents marins, aux mains calleuses d’avoir manœuvré tant de cordages, de voiles et de couteaux…. Un monde dur et sans pitié où les cœurs, parfois, se laissent deviner sous le cuir épais des corps éprouvés, dans cette brume délétère que dispensent ce breuvage ambré, qui délie les langues et ouvre les portes de l’imagination. Pour cette toute nouvelle « mouture » , vibrant hommage à ce personnage à l’imagination débordante, la démarche de Laurent Mantese ne peut que forcer le respect et s’embarquer ainsi à bord d’un porte-containers danois pour les eaux tumultueuses de l’atlantique nord afin d’y puiser l’inspiration nécessaire pour ce volume/hommage est également pour le lecteur une expérience unique. L’auteur, tout en restant dans un contexte moderne, est parvenu à insuffler au travers des 22 nouvelles qui composent cet ouvrage, non seulement cette part d’ombre et de mystère qui parcourt l’œuvre de Jean Ray, mais surtout cette touche subtile qui fait que bien que le lecteur soit plongé dans l’univers si particulier de l’auteur Gantois, le style conserve toutefois sa patte personnelle tout en restant fidèle à cette ambiance si particulière rencontrée dans ses œuvres les plus marquantes de son modèle.J’avais déjà exprimé tout le bien de Laurent Mantese à la lecture de son roman La mort de Paul Asseman et le lecteur pourtant boulimique que je suis, avait mis en attente Le comptoir des épouvantes et Le rapport Oberland. Inutile de vous dire qu’après cette nouvelle expérience extraordinaire à la lecture de Les nouveaux contes du whisky, je me suis précipité vers Le comptoir des épouvantes qui patientait bien sagement dans ma bibliothèque et quelle claque les amis ! Comment en effet rester insensible à des nouvelles aussi terrifiantes que L’abominable aventure de Mr Van Der Kamp ou Le démon de la passe d’Holzarte. Ce qu’il y a d’incroyable dans ce recueil de nouvelles, c’est ce mélange subtil entre le génie de Jean Ray et le talent de Claude Seignolle ! Laurent Mantese est sans nul doute le digne successeur de ces deux maîtres incontestés, une plume aussi inspirée que féconde qui jamais lors de la lecture de l’une de ses œuvres, laisse place à l’ennui.
Tout cela pour vous dire chers lecteurs et lectrices que si vous êtes amateurs d’histoires terrifiantes où se mélangent subtilement poésie et cette dramaturgie propre aux héros tourmentés par de terribles malédictions, si vous avez le désir de succomber à une écriture fluide et travaillée à la fois avec cette sensation que l’auteur se fait non seulement plaisir, mais vous fait plaisir et si enfin vous voulez lire de la littérature fantastique qui ne tombe pas dans les poncifs habituels, mais fait preuve d’une grande originalité, alors ce volume ou plutôt dirais-je ces volumes sont fait pour vous. Car voyez -vous, si vous ne succombez pas à la noirceur de Le manuscrit d’Absalom à la terrifiante Benjamin Neuville ou à la magnifique Douce petite sirène endormie, c’est que votre âme est perdue à tout jamais et qu’il ne vous restera plus qu’à lire cette littérature fantastique de masse dont on essaye de nous abreuver. Mais quelque part, si vous venez de lire ces lignes, c’est qu’il y a encore un espoir de vous sauver.
Laurent Mantese est assurément un auteur de grand talent, une grande figure du fantastique dont il nous faut absolument suivre les prochaines sorties.

« Les nouveaux contes du whisky » de laurent Mantese. Éditions Malpertuis collection « Absinthes, éthers,opium » Couverture de J.M.Nicollet. 2020

« Le comptoir des épouvantes » de Laurent Mantese .Éditions Malpertuis collection « Absinthes, éthers,opium » Couverture de Adrien Police. 2012

les nouveaux contes du whisky

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le comptoir des épouvantes