« Voyage à la lune et au-delà » de Charles L’Andelyn. Éditions « Connaître » à Genéve.1959.131 pages, illustré par Roland Arnold.Tirage imité à 1000 exemplaires
Stéphane Duval, fils d’un clerc de notaire était destiné à un bien triste avenir : devenir le successeur de son père. En revanche, celui-ci lui donna le goût à la lecture et aux voyages… dans sa tête. A la mort de ses parents pourtant il lui était impossible de ne pas reprendre le flambeau paternel, il faut bien vivre. Heureusement un matin le destin frappe à sa porte l’obscur fonctionnaire devient l’unique héritier d’un richissime oncle d’Amérique. Commence alors une vie de voyages et de loisirs.
Privilège des riches, le monde lui semble étroit, sans surprise Le hasard fait de nouveau bien les choses, nous sommes à l’époque de la conquête spatiale et la lune est une terre de tourisme. Duval achète donc un billet et après 36 heures de « locomotrice», arrive sur notre satellite La première personne rencontrée est un marchand Juif, écoutons le savoureux dialogue :
- « Quoi ! Israël a déjà pris pied sur la Lune
- Il faut bien mon bon monsieur, depuis que l’on nous a chassés de la Terre.
- Comment êtes-vous venu échouer ici ?
- Vous savez que l’Allemagne a promis une subvention de 10 000 marks à chaque Juif qui irait s’établir dans la Lune. – Et l’Allemagne vous a-t-elle payée ?
- Pas encore, elle éprouve des difficultés financiers momentanées ».
Petit détail, l’air est respirable ! Après une nuit passée a «l’Hôtel de la Lune et des Etats-Unis» en compagnie des autres passagers, notre milliardaire trouve la lune triste, aride, déserte… Grâce à la rencontre d’un ingénieur Suédois Olaf Tunga, les horizons s’élargissent. Le savant à mis au point un moteur révolutionnaire permettant de franchir des distances considérables en un rien de temps. Mars en un mois, Jupiter en neuf, Saturne en dix-huit. De retour sur Terre les préparatifs s’organisent.
Le voyage se fera en présence des mêmes personnes présentes lors du raid Terre-Lune : Miss Lovidale et ses deux filles, Eva Gaudente, Ralph Roze le médecin, Tunga, Duval, Fence, deux Canadiens Leroy et Planchette, deux mécaniciens et le pilote. La fusée de 13 étages (avec salle de bain, cuisine, salon, etc…) décolle un beau matin pour un long et pénible voyage : «Les jours et les nuits passèrent, tous les mêmes à travers l’immensité noire». La pression monte, l’humeur devient morose. .
Enfin arrive le 30 octobre, Jupiter est en vue. Après une habile manoeuvre le vaisseau se pose sans encombre dans une région désolée, envahie par les glaces. On teste la température : – 4° et hop ! une petite doudoune, un masque à oxygène (au cas où…) et les voilà dehors. Par bonheur, l’air est respirable, mais pas âmes qui vivent. Nouveau départ un peu plus au Sud et là, c’est le jardin d’Acclimatation de l’espace, le Van Vogt de « La Faune de l’espace » avant l’âge :
- «Tout à coup, sortant de cette forêt, un animal se montra, un quadrupède à la fourrure blanche, à la tête allongée à la manière d’un ours arctique, mais dont il différait par les pattes, de minces pattes hautes de trois mètres».
Va suivre un safari des plus étrange où les trophées n’ont rien à envier aux créatures de Bernie Wrighston. Découverte d’une flore tout aussi exubérante avec ses célèbres champignons géants, plantes aux couleurs multicolores,…. La cerise sur le gâteau sera la découverts de pierres taillées en cubes :
- «Robinson Crusoé n’éprouva pas plus d’étonnement ni plus d’inquiétude dans son île quand il aperçut sur le sable l’empreinte d’un pied humain.»
Par contre «Vendredi» est un peu plus «exotique» «Haut de 3 mètres, peau rouge, deux yeux, deux oreilles, une bouche mais pas de nez». Le premier contact est assez burlesque, l’unique son venant de sa bouche est : «oôa !». Un à un d’autres Joviens arrivent, qui par gestes les invitent à les suivre. Leur destination, une ville souterraine dont l’accès se fait par un immense ascenseur. Inutile de vous préciser que cette fameuse cité, est une merveille de technologie où tout fonctionne à…. l’électricité.Hélas à la suite d’un malentendu, éclate une altercation et seul Duval parviendra à rejoindre son vaisseau. Tout le monde connaît très bien les divergences qui opposent les terriens avec les joviens.
Trois membres du corps d’exploration sont donc prisonniers. Une équipe de secours décide donc de repartir, composée d’Ingrid et des deux mécaniciens. La malchance est de rigueur, Douby disparaît, Lobster se fait ouvrir le crâne et Duval lui, se retrouve paralysé par un des tubes dont chaque homme rouge est équipé. A son réveil, il est enfermé et seul. Un des gardes (l’infirmier?) lui apporte médicaments et nourritures. Grâce à ces visites régulières, Stéphane se lance dans l’apprentissage de la langue «Oua ». Les leçons sont raides :
- «Ma connaissance du Français, de l’Anglais et de l’Espagnol m’aidait peu».
Bref, le Terrien est un bon élément et en quelques jours il maîtrise la langue. Première question de Ouoïh le Jovien :
- « D’où venez-vous ?
- De la Terre.
- La Terre ? Qu’est-ce cela ?
- Une planète, qui comme Jupiter tourne autour du soleil.
- Je n’en avais jamais entendu parler »
Inutile de vous dire, devant tant de mauvaise foi, que l’on est mal parti. Par la suite, le prisonnier passe devant le conseil des Sages (une habitude dans la production de l’époque) Tout le monde le prend pour un fou :
- «La Terre, mais personne ne peut y vivre !».
La permission lui est alors donnée de revoir ses amis captifs et de se promener librement dans la cité souterraine. Un point intéressant toutefois à signaler : sur Jupiter il n’existe qu’un seul sexe, la reproduction se fait par «bourgeonnement» grâce à une vitamine vendue par l’état, ceci dans le but de maîtriser le taux des natalités. Dans cette société la vie est identique à quelque chose près à celle de la Terre : religion, culture, théâtre, cinéma, prison et usine. Résumons par une phrase de l’auteur :
- « Il serait trop long de décrire ces choses qui, par beaucoup de leur aspect, rappellent les nôtres et qui par d’autres en diffèrent profondément.»
Belle pirouette non !
Les Joviens ne possèdent pas le sens de l’odorat, parlent mille langues différentes et sont répartis en six ou sept races correspondant aux couleurs de l’arc en ciel. Entre elles existe une haine farouche, la race supérieure est bien sûre celle de leur hôte Euôoh, de couleur rouge, majoritaire sur Jupiter. Après bien des péripéties, le vaisseau sera enfin retrouvé ou plutôt les rescapés du vaisseau car une mutinerie a éclatée à bord et celui-ci sans le commandement de Douby (le traître n’avait pas disparu) est semble-t-il retourné sur Terre. Heureusement c’était une fausse alerte, leur appareil vient d’être signalé au dessus de l’île d’Aou, dans le territoire des Hommes Verts. Nouveau départ, quelques jours d’un pénible voyage, leur vaisseau est finalement repéré.
Leur étonnement face aux Hommes Verts est encore plus grand : même taille, possèdent trois yeux, deux bouches et quatre bras avec un air des plus redoutable. Par l’intermédiaire d’Euôoh, Duval apprend que le restant des occupants de la navette, sont prisonniers dans la capitale. Il n’est pas question de les relâcher. La situation devient grave d’autant plus que le conseil des Rouges refuse toute intervention de leur part :
- «Que nous importe votre sort ! Épouser les intérêts d’inconnus venus d’une planète infime que nous n’apercevons jamais ?»
Il leur faut donc trouver un autre moyen, Euôoh apporte la solution : se faire de nouveaux alliés ! Les Hommes Bleus sont les seuls envisageables. Destination le royaume d’Iria en quête de nouveaux amis. (Comme vous pouvez vous en douter, autre couleur, autre morphologie :
- «Le premier Bleu que j’aperçus me fit l’effet d’une apparition infernale, d’un diable échappé d’un des cercles de Dante Alighieri, ou d’une de ces difformes créations auxquelles se sont plu les mythologies de l’Egypte ou de l’Asie. De loin cet être me parut un Centaure, car il avait quatre jambes et ses jambes s’étendaient sur une longueur double de celle de son buste. Enfin le visage, bleu de cobalt, dépassait le reste en monstruosité avec ses deux bouches, ses deux narines et ses quatre yeux disposés en forme de trapèze; la tête entière, s’allongeait horizontalement comme une courge peinte et percée de trous pour des enfants».
Ce bon vieux centaure ! Il fut aisé de convaincre le chef de ces horribles créatures, guerriers dans l’âme d’aller en découdre avec cette bande de dégénérés à la peau verte. La bataille qui se déroula quelques jours plus tard fut courte et sans gloire. Les Verts, moins armés et surtout moins barbares (les bleus égorgent les rescapés) durent capituler. La ville était à eux :
- «Les Bleus agissent au début par curiosité, puis la soif du pillage et du carnage les poussent, ils seront tout disposés à envahir la ville.»
La libération des prisonniers fut chose facile, mais à quel prix ? Douby le traître sera jugé et condamné à l’exil sur Jupiter. Le retour au vaisseau sera difficile car il existe encore des poches de résistance. Leur participation à la bataille coûtera la vie à Planchette, mort le crâne fracassé, mais la victoire est inéluctable. A présent il faut songer au départ et aller rendre la politesse aux Hommes Rouges. Seulement le dédain qu’ils éprouvent vis à vis des Terriens est proportionnel à leur taille en un mot : Allez au diable ! L’alliance Terre Jupiter n’est donc qu’une chimère… Nous laisserons le mot de la fin à l’auteur avec une de ses phrases dont il a le secret :
- «Heureux qui comme Ulysse à fait un beau voyage»
Mais peut-être n’est-ce pas lui qui en fut l’auteur !
La terre est une idée
Comme vous pouvez le constater le roman de l’Andelyn est loin d’être une réussite; les incohérences sont légion, les situations ridicules, l’intrigue plus que mince. La description des paysages fait peine à lire et les habitants de Jupiter me font penser quant à eux aux créatures d’E. R. Burroughs du cycle de la lune (souvenez-vous des Centaures). L’exubérance de la diversité de la faune et de la flore de la planète, peut à la limite sauver quelque peu un certain manque d’inspiration général, même si, à cette, époque d’autres écrivains passèrent ce type d’examen avec beaucoup plus de succès. On se rappellera par exemple les créatures qui peuplent les différentes planètes de la saga de Nizerolles « Les aventuriers du ciel, voyages extraordinaires d’un petit Parisien dans la stratosphère, la lune et les planètes » (Éditions Ferenczi de 1935 à 1937), celle de Jean de le Hire « Les grandes aventures d’un boy-scout » ( Éditions Ferenczi 1926)ou encore « Aventures fantastiques d’un jeune Parisien » par Arnould Galopin (Éditions Paul Duval 1908) en faisant un petit crochet par le monde souterrain de « Un descente au monde souterrain » de Pierre Luguet ( Librairie nationale d’éducation et de récréation )
De plus les allusions sur la discrimination raciale sont de très mauvais goût : le burlesque des juifs exilés dans l’espace, la notion d’une race supérieure (les Rouges), l’extermination d’une race à des fins personnelles. Autant de « tics » qui malgré une certaine fréquence dans les productions de l’époque, finissent par lasser.
L’ensemble du roman n’est qu’une aventure pouvant tout aussi bien se passer sur la Terre, seules les physionomies changent. Ne parlons pas de l’aspect «scientifique» : ce voyage se réalise dans un «obus» digne de Jules Verne, l’air est respirable sur toutes les planètes du système solaire, dans la civilisation Jovienne tout fonctionne à l’électricité, etc.., Le texte date de 1959 ne l’oublions pas.
L’auteur a-t-il écrit un roman pour la jeunesse ? Rien ne le précise. Les personnages et situations rencontrées sont pitoyables de niaiseries, mais il fallait en parler, le but de ce blog n’est-il pas de partager le meilleur comme le pire (à la lecture de cette analyse, la suppression de l’adresse de cette page est interdite !)
Ce texte possède tout de même une grande qualité, l’humour, souvent involontaire. La plaisanterie est-elle de mise dans ce roman ? Tout comme le film de Besson « Le Cinquième Élément », il nous sera impossible de le savoir (mais le ridicule ne tue pas !). Finalement, il n’y a rien d’étonnant au comportement du Conseil des Sages face à cette triste représentation de l’être humain : La lecture de ce roman en est une preuve suffisante. Voila pourquoi la Terre ne peut exister, n’est- elle qu’une idée pour la civilisation Jovienne….
Je n’ai pas encore lu les autres textes de l’auteur (« Les Derniers jours du monde », « La Prodigieuse découverte de Georges Lefranc », « Le Réveil d’Alexis Deschamps ») mais espérons qu’ils soient de meilleure facture. Mais en excellent maniaque que je suis, bon ou pas, ils resteront toujours à encombrer mes étagères.
Bibliographie
- « Les derniers jours du monde » Éditions A.Julien. Genève.1931.
- « La prodigieuse découverte de Georges Lefranc » . Éditions Figuiére .1935.
- « Nara le conquérant »Éditions Victor Attinger.1939.
- « Entre la vie et le rêve » Éditions Perret-Gentil. Genève 1943.
- « Le réveil d’Alexis Deschamps » Éditions de l’Aigle.1948.
- « Voyage dans la lune et au-delà » Éditions Connaître. Genève 1959.
- « Il ne faut pas badiner avec le temps » Éditions Perret-Gentil. Genève 1964.
« Avietta nageuse aérienne » suivi de « Amnes, l’homme à la mémoire inversée ». Par Henry de la Tombelle. Imprimerie Michelet. Sarlat.1938.103 pages.
Un beau matin un paysan découvre dans les branches d’un chêne une enfant abandonnée. Lors du sauvetage, celle-ci manque de tomber mais par un phénomène tout à fait incroyable, le petit être ne tombe pas lourdement sur le sol, mais vient à se poser délicatement, telle une feuille décrochée de l’arbre, aux pieds de l’homme abasourdi. De retour au village, tout le monde est alors charmé par cet « ange » venu du ciel, et décide de l’adopter. Elle portera le doux nom de « Avietta » Toutefois comme un commun accord, nul ne devra divulguer ce formidable secret. Le temps passe et notre petit « plus léger que l’air » perfectionne son style pour devenir une véritable spécialiste du crawl aérien. Malheureusement, il existe toujours un fruit pourri dans le panier et un des habitants, peu scrupuleux, divulgue aau monde l’existence de cette merveille de la nature. La presse, les scientifiques, les cinéastes, tout le monde se précipite dans ce lieu hors du temps, afin de contempler ce prodige et de pouvoir en tirer un maximum de profit. Avietta apeurée décide de prendre le large, d’une façon quelque peu maladroite et sera aussitôt capturée. Comme on ne laisse pas un tel oiseau en liberté, elle sera enfermée dans une cage, certes dorée, mais dont la porte ferme à double tour. On vient alors l’admirer comme une bête curieuse, une aberration de la nature, un phénomène de foire. Un des geôliers, charmé par sa beauté et ne voulant pas être le complice d’une telle ignominie, va lui ouvrir la porte de la liberté. Une horrible partie de chasse s’ouvre alors. Une foule de prétendants en mal d’amour, organisent une bien singulière traque aérienne, afin de conquérir le cœur d’un si magnifique volatile : Il y eut « Fulgur » et sa machine volante à pédale, »Robur » un conquérant en herbe, adepte des biscotos avec son avion actionné à la force des bras, »Idéo » et son planeur, « Sylphise »……Et bien d’autres encore. Mais leur échec fut à la mesure de leur projet insensé et tous périrent écrasés qui dans l’herbe ou contre un rocher. De son coté, « Avietta » frôlée de si prés par les « ailes du désir », décide de trouver refuge à proximité d’une chaumière. Le propriétaire, un modeste paysan ignorant tout du secret de la belle, l’accueillit avec toute la simplicité des petites gens. Elle voulait connaître l’amour, mais cet être au cœur si pur, aux gestes si délicats, fut probablement impressionné par les ardeurs d’un homme voué depuis longtemps à l’abstinence. L’histoire ne nous le dira pas mais il n’empêche qu’elle s’envole et que personne ne la revit jamais. Rêve ou réalité ? Fut-elle la cristallisation soudaine des rêves et des désirs de chacun, subissant depuis fort longtemps la pression douloureuse et continue de la réalité. Phantasmes des hommes qui sur terre regardent avec des yeux d’envies évoluer les gracieux volatiles ? Ils diront alors que c’était un mirage, une hallucination collective. Seuls les poètes clameront les louanges de cette « Avietta » proclamant haut et fort la réalité de son existence.
Amnes, l’homme à la mémoire inversée.
A sa naissance, Amnes semblait un enfant comme tous les autres et pourtant…Au fil des mois et des années, parents et proches remarquèrent une « différence ». Il lui était en effet impossible d’apprendre la lecture, alors qu’il avait l’usage du langage ; ne reconnaissait ni ses parents, ni les lieux et les objets familiers. La famille s’inquiète d’un éventuel retard intellectuel et l’inquiétude laisse place à l’incrédulité lorsqu’ils découvrent ses étranges facultés. Un don très maturel pour saisir spontanément le devenir de la matière : « Le fer devait rouiller, le bois pourrir et l’homme mourir ! ». La nature lui avait donné ce qu’il faut de mémoire à l’animal ou la plante pour durer et lui avait refusé la mémoire particulière qu’il faut à l’homme pour s’instruire. Elle développa pourtant en lui, cadeau suprême des dieux, le don prodigieux d’enregistrer l’avenir : Il était l’homme à la mémoire inversée ! Point d’images du passé n’encombraient son cerveau, seulement les redoutables visons de l’avenir.
Il eut un jour la vision d’une femme avec qui, il connaîtrait les délices de l’amour et cette image le hanta. Non pas pour l’acte qu’il allait accomplir, mais de l’importance de cette créature sur sa destinée. Le temps passa, pimenté de quelques péripéties liées à son étrange faculté, surhomme oblige, jusqu’au jour où il rencontra la fameuse Lucette. Sa vision « captée » depuis déjà longtemps, se révéla exacte et de l’union de se tendre amour, comme délivré de son lourd fardeau, sa malédiction, il perdit son incroyable don, tout en retrouvant celle, Ô ! Combien misérable et commune à tous les hommes : La mémoire. Il vit au fond des yeux de Lucette les vestiges de son passé et de sa trahison avec un autre. Lui qui espérait tant dans sa loyauté, sa pureté. Cet homme, lui avait volé le peu de conviction qu’il avait en l’humanité. La mémoire voyait en arrière de lui, aussi clair qu’au travers d’un cristal. Mais derrière cette transparence, à la limpidité douteuse, il distingua cette bête monstrueuse : La jalousie. En deux années il dilapida la fortune amassée grâce à son talent. Comme il avait entre temps, apprit à lire écrire et compter, une petit place de comptable lui échut dans une modeste entreprise de province. L’homme qui faillit un instant posséder la foudroyante intuition de l’éternité du temps, aligne des chiffres au fond d’une salle obscure et laide.
« Connaissant l’avenir, Amnes n’était en possession que d’un fragment du réel inerte et froid , tandis que les infirmes que nous sommes ont inventé,eux, de poétiser la réalité (qu’ils ignorent), en la transformant en je ne sais quoi de faux mais de grand qu’ils appellent : Vérité. »
Cette petite plaquette probablement tirée à compte d’auteur, s’approche plus de l’histoire merveilleuse que de la pure science fiction, bien que la thématique du second texte lui appartienne corps et âme mais….. Car il y a toujours un mais dans notre domaine, l’auteur s’enlise trop souvent dans de sombres histoires philosophiques et pour notre plus grand désespoir, sentimentales. Dommage car la thématique du « surhomme » dans « Amnes », pouvait aboutir sur une nouvelle vraiment intéressante, d’autant plus que cette faculté de « mémoire inversée » était tout à fait originale et jamais abordée dans cette littérature. L’auteur, une fois n’est pas coutume, n’a pas versé dans la facilité en terminant son récit par le classique « ce n’était qu’un rêve », il assume jusqu’au bout le pouvoir extraordinaire du héros, un don bien réel (souvenez vous du roman « Jean Arlog, le premier surhomme » analysé dans les pages de ce blog) qui n’est pas le fruit de l’imagination. Cependant, De la Tombelle ne voudra pas trop forcer le destin de Amnes, préférant lui attribuer un statut d’être humain classique, faible et vulnérable et dont la faiblesse de cœur le ramènera à des normes bien insignifiantes Son destin hélas, basculera tout comme Avietta, le jour où son cœur deviendra plus fort que sa raison.
Voilà pourquoi, en dépit d’une trame véritablement conjecturale et d’une thématique particulièrement passionnante, l’amour une fois de plus vient tout gâcher,avec un auteur préférant une explication rationnelle et sentimentale, en misant sur le fait que son lectorat sera beaucoup plus sensible à une histoire d’amour, qu’à une histoire extravagante ( bien que souvent les deux ne soient pas incompatibles). L’imagination encore et toujours sacrifié sur l’autel de la logique et des sentiments
Manque d’inspiration, ce qui ne semble pas être le cas,peur d’aller trop loin et de rebuter les lecteurs? Avec « Amnes » Henry de la Tombelle était « à deux doigts » non pas de la fin du monde, mais de nous livrer une longue nouvelle vraiment originale s’il avait pris la peine de développer jusqu’au bout les tenants et les aboutissants de cette incroyable faculté. Il n’exploitera hélas pas à fond cette thématique si passionnante du surhomme, bien que déjà traitée avec brio: « Caresco surhomme » de André Couvreur, « Le sceptre volé aux hommes » de H.J.Proumen, « Trois ombres sur Paris » de H.J. Magog et le trop peu connu « Les chasseurs d’hommes » de R.Thevenin. Tout en utilisant un format( la nouvelle) lui permettant d’éviter d’interminables longueurs pour ne se consacrer qu’au thème de l’être supérieur.
Mais ne soyons pas trop injuste avec nos pères, l’important n’est-il pas de participer, et dans ce domaine, l’auteur vient d’apporter une nouvelle pierre à notre édifice,
« Les Stas, journal d’un dieu » de Raymond Caen. Éditions des trois mousquetaires.1950 Broché in-12 de 222 pages. Jaquette illustrée.(Bulletin des amateurs d’anticipation ancienne et de littérature fantastique N°1.Avril 1997, article augmenté et modifié)
Tout commence, comme il se doit par un pur concours de circonstances, appelons cela : le hasard ! Un événement extraordinaire qui conjugue la rencontre simultanée de différents produits, associée à l’absorption d’un fromage en conserve. Le résultat de cette étonnante combinaison, n’en est pas moins édifiant puisqu’elle va permette à une famille entière de se « stabiliser ». Curieux terme, pour un bien singulier processus dont nous allons ici même tenter d’en définir les différentes conséquences.
L’histoire nous en est ainsi racontée par le dernier des « stabilisés » ou « Stas », vivant au 28éme siècle soit en l’an 3214 après Popoff ! Les pages de son journal nous exposent ainsi l’extraordinaire longévité de ces immortels à travers une bien curieuse histoire de l’humanité. Un témoignage assez cocasse où va défiler toute une galerie de personnages hauts en couleur et dont le destin ne pourra que prêter à une franche rigolade. Il y est question de Léopold, le dernier de sa race qui témoigne des affres de la vie de Hector, frappé de « stabilisation » dans une situation somme toute assez flatteuse, mais gênante lorsqu’elle est définitive! De guerre lasse, il finira par se brûler vif. Celui de sa femme, Juliette qui au moment du phénomène, était enceinte de 7 mois et que le serait resté éternellement si une audacieuse intervention chirurgicale ne l’avait fait accoucher d’un « prématuré » après cinquante ans de gestation. Sans oublier Marie, la servante, héroïne et victime de la conquête spatiale à l’age de 1080 ans. Mais on y apprend surtout l’extraordinaire aventure du père Léopold, qu’un changement d’ère en fit devenir un dieu (Popoff) pour finalement conclure sa brillante carrière en tant que martyr. Il fut brûlé vif comme sorcier, par une peuplade primitive. Comme vous vous en doutiez, les « Stas » ne vieillissent pas, ne mangent ni ne boivent. Ni fatigue, ni repos et toute leur vie se retrouve ainsi rythmé par le long défilé des siècles.
Cette incroyable longévité va leur permettre d’assister impassibles, aux progrès de l’humanité, son envolée vers les étoiles, la découverte d’autres mondes, d’autres civilisations. Hélas, toute médaille à son revers et l’ère de prospérité, laissera place à une ère de destruction et de chaos. Une guerre sans précédent éclate entre les terriens et les Adraniens au sujet de Melpoméne, une toute petite planète sans grande importance. Les conséquences n’en seront que plus effroyables, les armes de destruction sont d’une puissance incroyable et il en résultera une atomisation pure et simple de toute la surface du globe. L’humanité vient alors de disparaître en un battement de paupière. Seul survivant, Léopold va errer sur une planète pratiquement stérile, il sombre presque dans la folie jusqu’au jour ou, par le plus pur des hasard, il découvre, perdu au fin fond de l’Afghanistan, une peuplade qui l’accueillera comme un dieu.
Ainsi, comme annoncé dans les prophéties, un nouvel âge va débuter. Popoff, nouveau patronyme de l’illustre personnage, devient le messie, celui que tout le monde attendait, le sauveur de cet embryon d’humanité. Sage d’entre les sages, il rayonne par son aura, fera prospérer son peuple, contrôlant son évolution afin que le progrès ne viennent à nouveau corrompre cette civilisation renaissante. Au terme de 500 ans de paix et de prospérité, un conflit d’intérêt éclate avec une tribu belligérante. L’homme étant ce qu’il a toujours été, la haine et la convoitise ne pouvant s’effacer à jamais de nos misérables cervelles, le dernier des « Stas » sera fait prisonnier. Refusant de se soumettre à la volonté de ses gardiens, il clamera haut et fort son immortalité et son statut de dieu vivant. Coupant court à ce manque de modestie il sera condamné à brûler vif sur un bûcher : L’histoire n’est qu’un éternel recommencement.
Ainsi se termine ce « journal d’un dieu », découvert tout à fait par hasard par un groupe d’explorateurs, vingt huit siècles après les tristes événements relatés plus haut. Après cette stupéfiante lecture, les hommes du futur portèrent un regard tout à fait différent sur cet immortel qui fut en son temps considéré comme un dieu tout puissant, le créateur de cette civilisation renaissante. Un simple être humain, frappé d’une étrange malédiction, un simple petit bourgeois que rien ne prédestinait à cette existence hors du commun, mais qui parvint à force de sagesse et de bon sens, à se hisser à la hauteur de son exceptionnel destin. Il fut l’élément déterminant, la pièce maîtresse qui fit la liaison entre l’ère chrétienne et la sienne, celle de Popoff. Le mot de conclusion revient à une des archéologues, témoin embarrassé de cette improbable découverte :
« Grâce aux « Stas » et singulièrement à Popoff, nous savons maintenant en tout humilité que l’in n’invente rien. On recrée tout au plus. Le progrès hisse et hissera à chaque époque l’homme vers les sommets et une fois atteint, il contemple un instant avec orgueil le chemin parcouru. IL se délecte et… plouf ! C’est la chute vertical dans les ténèbres et la nuit. Jusqu’au suivant de ces messieurs. Le cycle recommence…. Les ères se suivent et se ressemblent »
Dans la préface de ce roman parfaitement délirant, l’auteur nous livre en outre une recette miracle afin de rédiger un livre dans les meilleures conditions possibles, tout en restant sur un ton humoristique. Il nous explique ensuite pourquoi il choisit pour son premier roman, un texte d’anticipation : Par frustration ! Il nous livre alors une analyse fort passionnante des auteurs de son époque qui certes, on un goût pour l’imaginaire, mais fortement entravé dans le carcan du « politiquement correct ». Tous ces auteurs sont pour lui trop sérieux, exaspérants même dans leurs retenues. Il leurs manquent ce soupçon de folie, ces montées de bouffées délirants qui font que le lecteur éprouve un plaisir coupable à se délecter de leur imagination débordante. Trouvant leur sérieux trop déprimant, il décide alors de prendre la plume.
Dans la lignée de Frédéric Brown, Robert Sheckley ou Roland C.Wagner, Caen nous livre un roman tragique, délirant, inventif et hilarant où le grotesque de certaines situations, nous offre des passages mémorables et savoureux de cocasseries. Un simple intro suffit à donner le ton de l’ouvrage : « Nous sommes effectivement en 229 après moi ». Sans oublier cette mémorable scène de bataille :
« La réplique fut rapide, le lendemain un engin Adranien e qualité et d’efficacité contestable, atterrissait un peu brusquement aux environs de Melbourne et atomisait l’Australie qui pour la circonstance disparaissait pudiquement et définitivement sous les flots. Après ces hors-d’œuvre prometteurs, ce fut le chaos,le cauchemar, le feu d’artifice dans toute sa splendeur. Les continents pétaient comme des châtaignes, la carte du monde changeait à chaque instant. Un coup bien placé fit de Brive-la-Gaillarde un port de mer, l’atlantique s’était engouffré dans une crevasse ouverte par une explosion atomique, entre le massif central et Arcachon. »
. J’en passe et des meilleures…Lisez « Les Stas », je vous assure vous ne le regretterez pas, c’est tout simplement extraordinaire. Dans la lignée des « Cinq sens » (Grasset 1927) de Joseph Delteil, que nous verrons très prochainement ou du roman de O. de Traynel « Élisabeth Faldras » où l’on trucide à tour de bras dans un délire le plus total, il est à croire que l’humour et l’imagination des auteurs trouve une forme de catharsis dans la thématique de la guerre totale et universelle.Un humour d’ailleurs que l’on retrouvera tout au long de l’œuvre monumentale de Albert Robida qui fut un précurseur en la matière et dont on ne clamera jamais assez le génie inventif doublé d’un satiriste souvent corrosif. Je dois avouer également un faible pour Cami dont la verve « anticipatrice » et complétement loufoque est un véritable plaisir pour celui qui se laisse emporter dans son tourbillon rocambolesque (« Les aventures de Krik robot », « Le scaphandrier de la tour Eiffel »...)
Saluons une fois encore, toute cette bande de joyeux drille dont le cabotinage et la verve sans pareille nous offrirent, hélas à trop petites doses, des œuvres d’une telle qualité inventive et humoristique.
Extrait de la préface
« Pourquoi ai-je choisi pour ces obscurs débuts, le roman d’anticipation ? Et bien voilà. C’est un complexe, le résultat d’un refoulement.
Si en temps qu’auteur, je ne suis qu’un apprenti ; je suis un lecteur acharné, convaincu et assidu. J’ai un appétit féroce. Je dévore quotidiennement, plus spécialement, nocturnement, car mes festins livresques ont lieu le soir et se prolongent tard dans la nuit ; je dévore donc facilement mes deux cent pages par vingt quatre heures. Mes menus sont variés. Je vais des amuses gueules, tels que romans policiers noirs ou blêmes, jusqu’aux somptueux plats de résistances que m’offrent les philosophes modernes ou anciens et les éternels classiques pour terminer les sucreries des auteurs comiques et libertins.
Dans tous ces genres, le trouve largement mes délices. Mais il est une spécialité qui me laisse sur ma faim. C’est justement la branche « anticipation ».
Naturellement, je ne veux englober dans cette critique ; les anciens anticipateurs (si l’on peut dire) devant lesquels je m’incline bien bas. Mais ces derniers, qu’ils se nomment : Verne ou Wells, ne font ou ne feront bientôt plus figure d’anticipateurs, tant ils surent lire avec justesse dans le marc de café de l’avenir.
Restent les modernes, les contemporains, les jeunes. Ils sont rares et qu’ils m’en excusent, je ne les trouve pas très dynamiques.
oilà des gens qui travaillent la pâte la plus malléable de la littérature, celle qui permet toutes les fantaisies,et ces messieurs pondent des œuvres,oh ! bien écrites, bien construites, mais sans lâcher la bride à leur imagination,sur un terrain, qui pourtant le permettrait.
Alors ne trouvant pas à ce rayon la chaussure à mon pied, j’ai tenté d’écrire un roman d’anticipation.
J’ai voulu, dans ma folle prétention en faire un Verne rabelésien, teinté d’un scepticisme désabusé à la Bergeret et rehaussé de quelques touches légères « d’Helzapoupinerie Pierredacquoise »
Les débutants de la littérature se signalent presque toujours par un premier ouvrage qui n’est souvent q’une autobiographie. Puis ayant vidé leur sac, s’étant racontés, parfois avec bonheur ;la source de leur inspiration se trouve tarie et les rejetons qu’ils engendrent péniblement ensuite, ne sont que de lamentables pantins sans vie et sans âme.
Je ne veux pas présager de l’avenir, quant à moi. Mais je puis affirmer qu’il n’y a dans ce roman, aucun personnage qui pourrait être, même de loin, mon « alter ego ». Et que suivant la formule consacrée : Toute ressemblance avec des gens vivants ou ayant vécus, ne peut-être que fortuite et involontaire.
Vous voici donc averti, mis en alerte, introduit dans les coulisses où naquit cette histoire.
Ami lecteur, à vous de me dire ce que vous en pensez. »
Sur L’auteur
Raymond Caen est né à paris en 1905.Il occupe dans la vie divers emplois tout comme un « writteman Américain : employé de commerce, représentant en cirage, en cartonnage puis en engrais ; journaliste sportif, bijoutier…Pendant la campagne 39/40, il se couvre de lauriers par de remarquables performances en course à pied. Parti comme caporal, il termine sa carrière militaire en qualité de soldat de 2éme classe. Nous savons très peu de choses sur cet écrivain, dont le style enjoué et cabotin est une pure merveille. Un domaine ou les références sont assez rares. Décédé prématurément en 1957, il écrivit un autre roman oscillant entre humour et anticipation : « Ma boule » Editions G.Vandevelde.1954.
« En l’an 2125 » de Raoul Le Jeune. Bibliothèque de « La mode familiale » collection « Fama ».1928. 126 pages. (Bulletin des amateurs d’anticipation ancienne et de littérature fantastique N° 23 Juillet/Aout/Septembre 1999). Article modifié et augmenté.
Nous sommes en 2125 dans la ville de Retokos. Sur la place principale, une foule immense attend de pied ferme l’arrivée de Théo Cérem, un audacieux explorateur qui, à bord de « L’aviteromer » revient des zones inexplorées au-delà de l’île de Vesper. Vesper ! Une île paradisiaque, surgie de l’Atlantique après la disparition totale de l’humanité. Les premiers Vespériens étaient de hardis astronautes qui,au péril de leur vie quittèrent leur lointaine planète pour venir s’échouer sur cette portion de terre après la destruction de leur appareil. Une colonie fût ainsi crée qui se développa et prospéra au fil du temps. Explorateurs dans l’âme, leur soif de découvrir d’autres horizons les poussèrent finalement à se lancer dans la découverte du reste du monde. C’est une race très amicale et malgré leur appartenance à Jupiter possèdent toutes les caractéristiques morphologiques des terriens.
Mais revenons à notre singulier appareil qui se pose au milieu d’une foule en délire. Un bien curieux engin qui possède de multiples fonctions : il roule, il vole, flotte et explore les fonds sous-marin…..mais par contre ne fait pas le café ! Réunis en conseil extraordinaire, le président de la république, ministres et savants vont ainsi écouter le récit de Théo :
« Messieurs, j’ai exploré une ville du nom de Dijon, située dans un pays, la France ! Architecture Bizarre et jonchée de milliers de cadavres »
Dans sa musette, un journal que les savants s’empressent de traduire. Par une curieuse coïncidence, le Français tout comme le Vespérien…est une langue latine ! Le texte révèle ainsi que les Etats-Unis d’Europe furent envahis par une race « jaune » qui détruisit toute trace de l’humanité au moyen d’une redoutable arme chimique très toxique. Seigneur ! Il existe bel et bien d’autres contrées au large de Vesper. Un deuxième expédition s’organise et notre pilote en profite pour embarquer Colomette sa douce et charmante épouse. Il est convenu qu’un contact se fera par radio toutes les heures.
Après un nouvel « Aviteromissage », nos aventuriers débarquent cette fois à Brest, dernier bastion de la race blanche. Rapide visite de la cité Bretonne en ruine et retour à domicile, les cales chargées de preuves, histoire de convaincre les plus septiques. En effet certains scientifiques refusent encore de croire à l’existence d’une autre civilisation. Dans ces fameuses « pièces à conviction », il y a des journaux récupérés dans la ville où les savants découvrent avec stupéfaction le récit des dernières années de la résistance Bretonne, date : 1950. Avant de tous rendre l’âme, les « Blancs » inventèrent également un terrible gaz meurtrier qui décima à sa tour toute la race belligérante. Les témoignages de batailles aériennes et navales terrorisent les Rétokosiens. De ce fait de singulières rumeurs commencent à enfler et l’on évoque l’idée d’une probable invasion de ces redoutables guerriers.
Afin de tuer dans l’œuf de telles inepties, on se prépare à une troisième expédition et supervisée par six génies locaux : Rolcit,Colla,Maretial,Coupix le chirurgien, Pécum le pharmacie. A cet effet un appareil plus conséquent est mis en chantier, il prendra le nom de L’hyménius. Un dernier occupant sera dépêché à la hâte et non des moindres puisqu’il s’agit de Coupefil, reporter au »Petit Rétokosien ». Nouvelle arrivée dans le port de Brest, la bonne humeur est de rigueur mais le dèclenchement par accident d’un canon de gros calibre d’un des anciens cuirassiers de la rade perturbe la visite de ce site archéologique. On décide alors de se diriger vers l’ancienne capitale : Paris !
Une visite en règle y est de rigueur et chacun s’efforce de découvrir un des monuments qui fit sa renommée. Mais un incident vient perturber leurs flâneries. En retournant à leur appareil, un des groupes s’aperçoit que l’appareil s’est volatilisé avec Colomette à son bord. Un rapport est aussitôt envoyé a la capitale et l’on ordonne le départ du « jumeau » de L’hyménius : L’hespérios. Mais pour faire le jour à cette mystérieuse disparition, il est utile de faire un petit voyage dans le temps et régler notre machine sur 1950.
En effet à cette époque, un navire de guerre commandé par Lucien Théoul ; parvint à échapper à l’extermination. Après un tour du monde à la recherche de survivants, ils ne découvrent qu’une petite communauté de Lapons. Dans ces terres hostiles, l’équipage du vaisseau va installer une colonie afin de commencer leur « éducation ». Après deux années de vie commune, ils décidèrent de sélectionner 200 représentants des deux sexes afin de retourner dans leur mère patrie :
« Ainsi nous nous chargerons mes amis et moi d’en faire des hommes qui seront les maîtres de la France, et leur descendants, à leur tour, seront les maîtres de toute l’Europe d’abord et du monde entier ».
De son mariage Théoul eut deux enfants, Georges et Lull. A la mort de Lucien, son fils poursuivit l’œuvre paternelle. En 1987 cette nouvelle communauté comptait prés de 500 membres. En l’an 2125, le chef de cette population Parisienne renaissante, n’est autre que Jean Théoul,quatrième descendant de Lucien et quel ne fut pas l’étonnement de son fils Paul, de voir débarquer un beau matin le magnifique « Avitéromer » des savants de Rétokos. Après une réunion d’un conseil provisoire (pratique également courante dans cette communauté) Paul propose de se rendre, en compagnie de son frère Marc, au devant de ces mystérieux occupants. Sur place ils ne rencontrent que la belle Colomette qui sera capturée et l’un des frères, par mégarde ou stupidité, actionne la mise en route de l’appareil. Pilotage automatique oblige, les occupants se trouent propulsés à quelques kilomètres de Paris.Lorsque le reste de l’équipage, continuant son exploration de la capitale, sera capturé, le dialogue sera fort heureusement possible grâce à l’intervention d’un des « Parisiens » qui parle le Latin. Un dialogue s’installe et après six longues heures d’un pénible entretien, la vérité se fait dans les deux camps.
De son coté, le naufragé involontaire, reprend le contrôle de sa « prison volante » et survole de nouveau Paris pour terminer sa course en s’écrasant de façon lamentable sur l’obélisque. Tout espoir de retour pour les Rétokosiens est ainsi réduit à néant. Sur l’île natale, l’Hespéros commandé par Anvol, décolle enfin. Il sera par contre moins chanceux que l’appareil précédent puisque ce dernier explosera sous l’impact d’un violent éclair et ce, juste au dessus de Londres. Ne restera plus alors qu’a essayer de réparer l’Hyménius, mais avec un obélisque sur le travers…ce n’est pas gagné d’avance.
Fort heureusement, la solution viendra de la grâce elle-même, puisque Colomette lors d’une visite de la tour Eiffel découvre une T.S.F…en état de fonctionnement. Un message est alors envoyé de toute urgence à la ville mère. De l’autre coté,c’est Callas qui lui répond mais d’une voix empreint de terreur et d’angoisse. Il lui fait en effet une annonce terrible, une gigantesque météorite se dirige sur Vesper. Trop tard pour évacuer, le pire est à craindre. Tout le monde se presse alors sur l’appareil tout juste réparé et décolle en direction de toutes ses vies en péril. Mais une fois sur place, ils doivent se rendre à l’évidence : La capitale à été complètement engloutie.
De retour sur Paris, le sort semble s’acharner une fois de plus sur les malheureux car une hélice explose en plein vol, l’Hyménios tombe sur un récif, la quasi-totalité de l’équipage va y passer. Ne resteront comme survivant que Colomette et son mari. L’ouvrage se termine ainsi de la manière la plus abrupte :
« Que se passera-t-il en 2129 ? »
Pour un péril jaune de plus!
Voilà une fin qui nous laisse sur la notre et un appel est lancé aux érudits du genre : Existe-t-il un « En l’an 2129 » ? Quoiqu’il en soit sacré nom d’une pipe en bois, le peuple Asiatique à vraiment une dent contre nous : Gastine (« La ruée des jaunes » Baudiniére 1934), Robida (« La guerre infernale » Méricant 1905),O.de Traynel (« Elisabeth Faldras » Ollendorff 1909), Parabelum (« Banzai » Nillson 1908), Norton (« Les flottes évanouies » Pierre Lafitte 1911)Eugène Jonchére (« Clovis Bourbon » Lacroix,Verboeckhoven & Cie 1868) sans oublier le « Pape » de la Xénophobie le capitaine Danrit (« L’invasion jaune » Flammarion 1926). Mais il faudrait y consacrer un billet entier tant le sujet est vaste et les références nombreuses. Comme quoi le fameux « péril jaune » ne date pas d’hier.
Par contre et contrairement à une majeure partie de la production de l’époque, dans le roman de Le Jeune ils sont finalement parvenus à leurs fins et par la même occasion de la leur, puisque le résultat final est une éradication presque totale de la gente humaine. Hélas, si le ton de ce roman « apocalyptique » se voulait des plus dramatique, le coté insupportablement naïf des Vespériens et de leur manque de technologie, placent ce roman au raz des pâquerettes : des Jupitériens (c’est plus imagé que Joviens) qui jurent en prononçant les noms de Zeus et de Vénus. L’auteur voudrait-il nous faire croire que Jupiter est une ancienne colonie Grecque ou Romaine ?
Fort heureusement cette lourdeur de style et les incohérences qui parsèment ce roman sont largement compensées par des idées assez délirantes quoique très fantasques et l’humour (involontaire ?) dont fait preuve l’auteur en ce qui concerne les patronymes des protagonistes est assez jubilatoire : « Anvol » le pilote, « Lunax » l’astrologue, « Coupix » le chirurgien….on se croirait sur une grille de départ d’une course de la série « Les fous du volant !
Le Jeune n’est pas en mal de « pirouettes » scénaristiques et arrive toujours à retomber sur ses pieds en nous livrant des théories aussi farfelues les unes que les autres. Dommage car cette thématique d’une colonisation de la terre par des naufragés de la planète Jupiter, tourne vite court par leur manque affligeant de technologie (les nefs volantes semblent être le seul élément des avancées de la science et encore qu’elles semblent souvent être en proie à de nombreuses avaries) et dont la vie ressemble comme deux gouttes d’eau à la vie de n’importe qu’elle communauté Européenne de ce début de 20éme siècle. L’histoire se termine dans un Paris détruit en 1950 mais dont l’auteur nous livre une description d’une capitale début de siècle. Le Jeune n’était certes pas à cour de bonnes idées, mais n’était en aucune manière un visionnaire et encore moins un véritable « anticipateur ».Il semblerait d’ailleurs qu’une bonne partie des écrivains de cette époque projetaient les espoirs d’une science toute puissante en se focalisant sur le « plus lourd que l’air » et que la concrétisation de l’avancée technologique se résumait à la fabrication d’un appareil volant « révolutionnaire » au multiples caractéristiques (roulant, flottant et submersible).Pour preuve où une fois de plus dans ce « En l’an 2125 » l’engin volant où « Aviteramer » symbolise la substantifique moelle d’une technologie « extra-terrestre ».
Faisons cependant une nouvelle fois preuve d’une certaine indulgence puisque certaines idées, hélas fort mal développées, restent intéressantes et représentent une sorte de « condensé » de la production de l’époque : Fin du monde, Péril jaune, Habitants d’une autre planète s’établissant sur la terre, Récit des derniers survivants, roman gravitant autour d’une invention extraordinaire (ici en l’occurrence « l’Avitéromer). Sûrement s’agissait-il de la part de notre auteur d’une petite fantaisie écrite par un romancier peu habitué à ce genre d’exercice et dont l’imagination ne pouvait se libérer une fois de plus du « carcan » de son époque. Il reste cependant un bel exemple et une pièce supplémentaire à verser sur le compte de ce travail d’archéologue du merveilleux scientifique ( bien qu’ici le terme de scientifique soit un peu usurpé), un apport supplémentaire à verser dans la thématique « Des ruines de Paris » et surtout un témoignage supplémentaire dédié à tous les passionnés du genre, fidèles ou non à ce modeste blog.
Pour ceux que cela intéresse le livre est disponibles sur « Priceminister » ( on dirait un nom Vespérien!).Trois prix différents vous sont proposés…je vous laisse choisir ! Comme quoi dans ce domaine, on ne recule devant rien.
Une couverture très « Belle époque » nom de Zeus!
« Celui qui se ressuscita » De Léon-Marie Thylienne. Editions Schaert, Bruxelles 1924. Tiré à 200 exemplaires numérotés et paraphés par l’auteur.(Bulletin des amateurs d’anticipation ancienne et de littérature fantastique N°22 Février 1999, article révisé et augmenté))
Lamersy, un austère chercheur en linguistique vient de terminer après 20 années de dur labeur, un volumineux ouvrage consacré à la classification définitive des sourates du Coran. Et il le savoure cet instant suprême de félicité, ce bénédictin des saintes écritures. Sans contexte un savant spécialiste des ouvrages sacrés, mais le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ? Avec ses 38 ans, le cheveu grisâtre, l’oeil vitreux et le dos voûté de trop ce pencher sur de poussiéreux volumes, il est certes encore jeune mais il a l’impression que ses belles années sont loin derrière lui. A la phase d’euphorie, va suivre un intense moment de déprime, une remise en question sur l’utilité de son travail, qu’un autre chercheur de plus ne tardera pas à démolir. Il est ainsi l’heure de trouver un sens à sa vie, une utilité de son existence.
Son unique ami Laumaille, écrivain décadent dont la vie n’est que plaisirs, tente de lui ouvrir les yeux sur son quotidien terne et morose. Un nouvel lamersy renaît alors de ses cendres. Conscient en cela de l’énorme retard accumulé lors des longues et laborieuses heures passées dans les bibliothèques, à se voûter tel un vieillard sur d’antiques grimoires. Sa curiosité pour le monde qui l’entoure s’éveille enfin, tout y passe, lectures de revues scientifiques, journaux, romans. Il ira même se passionner pour les anciennes études de son père, électricien de génie, mort en laissant à l’état de pièces détachées une singulière machine. Hélas la reconstruire semble impossible, les notes sont éparses, les plans incertains. Un jour pourtant par un curieux effet du hasard :
« D’après les notes qui lui avaient d’abord parues inintelligible, il était parvenu à assembler un certain nombre de pièces détachées de la machine inconnue et ayant lancé un courant alternatif dans les bobines et les fils qui lui semblaient l’âme, il avait vu s’estomper vaguement, dans une lentille concave surmontant l’appareil, un spectre dont il ne parvenait pas à préciser les contours. Il crut avoir rêvé, et, de nouveau, lança le courant dans la machine incomplète. Derechef, l’imprécise apparition se silhouette au creux de la lentille. Mais c’est en vain qu’il manipula les pièces ajustées au petit bonheur d’une compréhension arbitraire, le spectre lumineux ne s’accentua pas d’avantage. Mais comme il activait un petit engrenage, il l’aperçut distinctivement dan l’espace. » (Pages 42/43)
Blasé de ce nouvel échec, le savant en herbe préfère retourner vers des plaisirs plus charnels. Il quitte alors son domicile pour habiter Bruxelles. Son ami écrivain vient en effet d’écrire une pièce ayant un certain succès et invite de ce fait Lamersy à se rendre à une des représentations. Dès cet instant, sa vie va basculer, transformée par l’idylle inespérée avec l’une des danseuses de la fameuse pièce. Diantre ! Que voilà la vie de notre célibataire, fort de ses 38 ans d’abstinences, opérer un brusque retournement de situation. Est-ce là cette fameuse « résurrection » dont le titre excita notre ardeur conjecturale ? Pourtant le titre fut annoncé à la fin du seul et unique volume de la collection « Polmoss »
Fort heureusement, page 144 un paragraphe vient apaiser mes doutes. Il s’agit d’une note de Lamersy père, griffonnée en toute hâte et découverte au fond d’un tiroir :
« Le principe de la vie est éternel, si nous mourons c’est d’avoir épuisé trop vite la source de nos forces dynamique. L’age, la fatigue, la douleur et la joie, la souffrance et le plaisir, font grincer en nous les ressorts compliqués que la nature nous a donnés. L’homme qui se résignerait simplement à vieillir dans l’ignorance absolue des émotions contradictoires qui sont la vie active, atteindrait la vieillesse fabuleuse des héros des anciennes fables : une vieillesse légère et vigoureuse qui ne serait, somme toute, que l’affirmation d’une existence très longue. Il se ne passerait plus, mais ce seraient les choses qui passeraient autour de lui. En dernière analyse, les Dieux ne sont des vieillards immortels et toujours jeunes que parce qu’ils ignorent l’usure humaine. Or, c’est à cette usure apparue jusqu’aujourd’hui comme absolument inéluctable, que j’ai mis un terme définitif en inventant les rayons O et la machine à…. » (Pages 144/145)
Toutefois l’utilisation de la machine reste encore un mystère. Il tente alors une ultime investigation en retournant à la demeure familiale, sans omettre comme par un bizarre pressentiment, de régler avant de partir ses affaires les plus urgentes. Avant de partir, il laisse quelques consignes à sa gouvernante et son meilleur ami. S’il ne manifeste aucun signe de vie sous 15 jours, des instructions précises sont enfermées dans son secrétaire. Une fois sur place, il précède sans plus attendre aux préparatifs de l’expérience et se livre à une séance d’autosuggestion. Il découvre ainsi une niche secrète à l’intérieur d’une pièce dont le père s’était efforcé d’en vider le contenu. Cette dernière contient sur le sol d’étranges symboles mathématiques. Dans une petite alcôve se trouve enfermé de singuliers fragments métalliques, probablement servant a compléter la machine. Plusieurs rouleaux de papier accompagnent le précieux butin. Sur le premier, un titre assez prometteur : « La machine à ressusciter, calcules et commentaires ».
Ainsi son père avait bel et bien découvert un moyen de prolonger la vie. A la lecture du manuscrit, les plans se révèlent assez simples. La seule condition est la réalisation de l’appareil à l’endroit où sont dessinés les symboles sur le sol. Chaque partie en est minutieusement délimitée et l’assemblage ne doit souffrir d’aucune erreur de positionnement. Des chiffres, des calculs, des équations et des diagrammes viennent ainsi noircir les pages manuscrites. Tout cela semble abstrait au jeune homme, mais il sent dans cette incroyable théorie de formule un logique implacable dont l’enchaînement mathématique semble conduire en théorie à la solution finale. En mécanique pourtant rien n’est simple et l’application finale reste une énigme. Pas pour longtemps, l’auteur fait croître le suspens et nous dévoile la découverte de l’ultime feuillet. A l’intérieur, commentaires, l’explications ultimes, la clef d’une invention de génie.
Le chercheur en herbe décide alors de tenter l’expérience sur lui-même après élaboration de la fameuse machine. Tout est calculé, mesuré et au final il se trouve face à une sorte de « robot » automatique ayant pour fonction de réaliser à sa place les délicates manœuvres lors de l’expérience :
« C’est pourquoi j’ai imaginé quatre machines automatiques qui me remplacent à merveille et dont la précision ne me fera point redouter l’erreur toujours possible d’un homme impressionné par une mise en scène qui peut-être tragique. »
Malheureusement le fils ne sera pas à la hauteur du père, l’expérience échoue, mais il ne veut pas renoncer si facilement. Avec l’aide de deux experts en électricité, la machine sera reconstruite et notre futur Lazare planche de nouveau sur les instructions manuscrites et s’enferme de nouveau dans la grande salle pour l’ultime expérience. Il s’allonge et l’appareil « VKP » prévu pour l’injection du fluide mortel, fait son office. Il est en effet indispensable pour la bonne réussite de l’expérience, que le sujet meure. C’est la condition capitale pour que les rayons « O » puissent agir. Sept minute après, l’homme meurt, dans un silence quasi religieux, avec juste en bruit de fond, le petit bruit métallique des décharges électriques dont les étincelles traversent l’atmosphère.
« Tout à coup, un frisson secoua le savant. Mais lentement, ls rayons O continuaient leur œuvre pénétrant par tous les pores , circulant par tous les vaisseaux, s’infiltrant dans toutes les artères, ressuscitant peu à peu le système cardiaque et cervical de l’orientaliste. Imperceptiblement il sentait s’éveiller en lui les effluves régénératrices d’une vie neuve et surnaturelle et, par sursauts gradués, ses membres raidis par une mort momentanée, reprenaient leur souplesse. Les traits de son visage rosirent, une palpitation agita ses paupières et il ouvrit lentement ses yeux émerveillés. Aussitôt, la YCP cessa de vibrer : les décharges électriques s’espacèrent peu à peu pour s’éteindre enfin l’une après l’autre, tandis que le moteur continuant de tourner avec le bruit de ses respirations régulières. » (Pages 169)
L’homme venait donc de vaincre la vieillesse et la mort ! Lamersy poussa alors un cri de triomphe qui s’étouffa soudain dans sa gorge. Le lendemain, Laumaille inquiet découvre en pénétrant dans la salle mystérieuse, le cadavre de celui qui « se ressuscita », broyé par une lourde pièce détachée du complexe appareil. Le secret fut ainsi perdu à jamais.
Comment vaincre la mort
Si le thème de l’immortalité se rencontre fréquemment dans notre domaine, soit par remplacement d’organes avec des artifices mécaniques ou autres, soit par un quelconque « fluide d’immortalité », le thème de la machine à ressusciter se rencontre toutefois de façon plus anecdotique. Pourtant il existe bien des machines « à prédire la mort » (Roman de Charles Robert-Dumas, librairie Arthème Fayard 1938). Pour mémoire on se rappellera de celle de Paul Arosa déjà rencontrée dans les pages de ce blog : « Les mystérieuse études du Professeur Kruhl » ou de la non moins incroyable machine de René Berton « L’homme qui a tué la mort ». Il eut également une curieuse « machine à régénérer » dans le roman de Jean-Marie Defrance « La lumière ou la prodigieuse histoire de trois inventeurs , Roman Utopiste »où les intentions de l’auteur n’étaient pas très précises quand à la fonction exacte de cette machine.
Voici donc une nouvelle pierre à rajouter à ce petit édifice. Il faut dire que le roman reste assez difficile à trouver. Annoncé comme le troisième titre à paraître dans la collection « Le roman scientifique » (voir billets précédents) cette histoire d’immortalité peut nous sembler en tout point déroutante. Thylienne est un doux rêveur à l’esprit quelque peu fantasque, porté à la fois sur les histoires sentimentales et expérimentales. Quoique les deux puissent parfois faire bon ménage, comme il nous le prouvera dans son deuxième roman « La maîtresse mécanique ». Visiblement un personnage quelque peu cabotin et il suffit de relever en début d’ouvrage la liste des ses œuvres pour s’en convaincre : « Les voluptés », « L’heure sentimentale », « L’anneau captif », « Baisers d’après-midi », « Petite fille de 16 ans », « Bel amour »….j’en passe et des meilleures.
Son goût pour le sexe faible se fera écho dans ses œuvres conjecturales, car la femme aura toujours une place primordiale, soit sur le destin du héros, soit en jalonnant son parcours de manière caractéristique et souvent tragique. Comme nous venons de le voir dans « Le secret de ne jamais mourir » » Northman, créature immortelle, cherche la femme idéale pour lui tenir compagnie dans son éternité, mais trouve un fin tragique à la suite de sa « transformation ». Ainsi dans « La maîtresse » mécanique », tout comme Lamerssy, après des années d’abstinence, Mr Pouille embaumeur de son état, décide au bout de 35 ans de rattraper le temps perdu. Il va tomber éperdument amoureux de la douce Rita. Mais fou de jalousie et voulant se la garder à lui tout seul, il va l’assassiner, l’embaumer et par un astucieux mécanisme fait de rouages et d’électricité, il va en faire une sorte d’automate, de poupée vivante capable d’assouvir ses moindres désirs.
Dans « Celui qui se ressuscita », l’auteur va également faire preuve de son « penchant » pour le dit « sexe faible » et nous montrer quelques peu ses « travers » peu recommandables, en nous proposant un héros lorgnant du coté de Mr Hyde. En effet voulant lui aussi combler son retard en la matière et se découvrant une certaine attirance pour la gente féminine, il ne va pas hésiter à user de son pouvoir d’autosuggestion afin de violer la fille de sa servante. Un homme vraiment peu recommandable. Tout comme le roman précédent, il nous faudra attendre la dernière partie de l’ouvrage pour que pointe enfin le nez de notre bonne vieille machine à ressusciter. Curieuse coïncidence pour assurer la transition, son fameux rayon s’appelle « O ».
L’hypothèse de cette régénérescence de notre « fluide vital », qui fut une théorie déjà utilisée à maintes reprises, non pas en nous rajeunissant mais en prolongeant notre vieillesse, ne manque pas de charme, même si elle manque d’originalité. Par contre, rarement le détail d’une telle machine nous fut donné avec tant de détails et de précisions. Thylienne est donc un partisan des ressources fluidiques de notre organisme, théorie qui, par une étrange coïncidence, avait déjà été ébauchée dans le recueil de Pasquier « Le secret de ne jamais mourir ».
Décidemment, il semblerait que ce fut une obsession chez les écrivains Belges. Mais on peu dire qu’ils avaient à mon avis un certain sens de l’humour noir et de la chute inattendue comme en témoigne également cet ouvrage qui bascule littéralement vers la fin dans le conte « absurde ». Un mélange de roman de mœurs mélangé à un postulat fortement conjectural avec cette petite touche personnelle et fort bien à propos, dans ses toutes dernières lignes.
En résumé, un roman assez long dans sa première partie et qui ressemble fort à un « faux amis ». Seulement l’expérience nous prouve une fois de plus que dans notre domaine qu’il est plutôt sage d’être patient et acharné. D’ailleurs, la chute me rappelle cette nouvelle de E.M.Laumann « La cage de verre » (« Je sais tout » N°195 15 Mars 1922) ou c’est ingénieur qui construisit une machine ultra perfectionnée dans une usine d’assemblage, mort d’une façon atroce dans les bras articulé de sa propre invention. Mais Laumann en véritable virtuose comprit que le format de la nouvelle aurait plus d’efficacité .
Pour cette raison hélas, le roman de Thylienne souffre parfois de certaines longueurs qui portent préjudice au roman qui se perd parfois dans des considérations un peu trop « frivoles » Mais la morale reste identique, l’homme de science dans sa toute puissance et sa vanité veut absolument se croire l’égal de dame nature, défier Dieu, dominer les éléments, pour se rendre compte qu’il ne reste qu’un misérable être humain. Un homme me direz- vous presque immortel dans le cadre du roman, mais égal aux autres sous la pression de quelques kilos de ferraille. Il ne sortira décidemment jamais de sa condition de simple mortel et les écrivains qui hantent les pages de ce blog nous le prouvent de manière quasi systématique.
Jean-Marie Thylienne se consacrera au moins encore trois fois à la conjecture « L’onde Hallucinante » et « L’étrange aventure de Mr Saint-Ardant » dont je ne connais rien et « Le Docteur Génitrix » où il sera question de fécondation artificielle.
« Les hommes oiseaux » de Eric Townsend. Editions R.Simon. La voile collection d’aventure. In 12° broché.1939. Illustrations de Claudel. (Traduction du roman Anglais : « Lair of the bird man », Harrap. Londres 1938)
Claude Galloway, dandy explorateur sirote un verre à Ensillada, petite ville de l’équateur. En compagnie de son ami Lindy Ransonne, le but de sa présence dans ce trou perdu, est la recherche d’un mystérieux trésor caché dans cette partie de la cordillère des andes. Mais l’expéditions semble être compromise par la présence de son rival de toujours, le fourbe Bullman, associé au tout aussi peu sympathiques Rattlesnake Quinn et Shark-tooth Sorell (remarquez l’originalité des noms). Mais les dés son jetés et Galloway compte bien prendre ses rivaux de vitesse.
Après un périple sans histoire (au descriptif monotone) les deux aventuriers arrivent sur la zone indiquée sur la carte. Mais sur place, fini la tranquillité, ils sont en effet pris à parti par d’étranges et peu amènes créatures : les homme oiseaux ou hommes condors. De formes humanoïdes et de très petite taille, ces derniers sont entièrement recouverts de poils. Les indiens de la région pensent qu’ils sont une menace pour leurs tribus et veulent s’en débarrasser. Mais il semble exister quelque chose de bon en elles et Galloway est persuadé que pour arriver à ses fins, son rival s’est fait un plaisir à semer le trouble dans les populations, probablement dans un but peu recommandable. De plus en apprenant que Bullman à occis le chef du clan, il pense que la chance vient de tourner en sa faveur. Fort heureusement, un des hommes oiseaux (ancien phénomène de foire d’un cirque dont nous tairons le nom) parle plusieurs langues et propose de servir de guide. Claude lui demande alors de les conduire à l’entrée d’un gigantesque puits, en réalité un endroit sacré pour toute la communauté. Accrochés ensemble les deux hommes font une descente assez remarquée…en parachute ! C’est pendant leur plongée qu’ils aperçoivent « de bien curieuses créatures ».
Arrivés a destination, ils parviennent au pied d’un immense lac qui serait ma foi assez banal sans la présence d’un engin assez peu courant à cette altitude : Un sous-marin ! Celui-ci semble abandonné depuis des années, mais de curieuse traces au sol attirent leur attention. En les suivant, arrivés à l’entrée d’une grotte nos explorateurs découvrent Sorrel au prise avec un crabe gigantesque. Au même moment, Bullan se pose en catastrophe sur le plan d’eau, attaqué quand à lui par les hommes oiseaux. Le malheureux saute à l’eau et se noie. Alors les événements s’enchaînent et à un rythme incroyable puisqu’un autre avion amerrit sur le lac avec à son bord deux prétendus « chasseurs d’images ». Un véritable club touristique ce coin, pourtant la cordillère en cette saison….Du coup Lindy et Gallowau retournent au sous-marin pendant que Sorell en profite pour jouer les filles de l’air.
A ce stade le roman est un véritable cauchemar où les situations sont tirées par les cheveux. Le plus important dans l’affaire est de savoir que le trésor existe bel et bien car finalement ils ont fait le voyage pour lui non ? En lisant le journal de bord du submersible ils vont an apprendre un peu plus sur sa localisation, mais aussi que l’ancien équipage s’est entre-tué pour d’obscures raisons. Quoiqu’il en soit, les richesses sont enfouies dans une cité au fond du lac. On parvient à remettre le véhicule en marche et nous voila au beau milieu du lac à faire des ronds dans l’eau.
Pendant ce temps,équipé d’un solide scaphandre un des deux hommes descend à la découverte de ces ruines fabuleuses et comme tout a un prix, il lui faudra affronter une sèche géante, une variété spéciale vivant sous les eaux calmes de l’altiplano…si !si ! Alors que le pauvre bougre affronte la bête, le sous-marin lui se heurte à une des parois du lac, créant une énorme brèche. Pas de chance, le lac se trouve au bord d’un gouffre, toute l’eau s’échappe de l’orifice et tout ce joli petit monde se retrouve un étage plus bas. Comme le lac est entièrement vide, les explorateurs peuvent enfin partir à la découverte du trésor. Ils seront assistés par les « hommes condor » pendant qu’un drôle de quidam en tenue de scaphandrier se démène comme un diable dans la vase d’un lac complètement asséché.
Dernier détail stupéfiant de l’histoire, le trésor est bien localisé, il est fait d’or et d’argent servant à équiper les canalisations de la citer Inca. Un roman édifiant !
Pour un « Nanar » de plus!
La vieille SF est parfois une histoire d’argent mais surtout de patience. Patience pour trouver de façon quasi maniaque ce qui fait la fierté de nos bibliothèques mais surtout pour avoir le courage de supporter jusqu’au bout la lecture d’ouvrages qui fileraient une indigestion à une autruche. Dans ce domaine il y a pas mal de résidus et je dois avouer que celui là …..C’est un gros ! J’ai vraiment failli me perdre à jamais dans cette histoire ou tout le monde se croise, avec des gentils, des un peu moins, des méchants et des gentils méchants, des méchants qui ne savent pas qu’ils sont gentils ou le contraire. L’horreur à imaginer d’être prisonnier à l’intérieur d’un tel ouvrage.
Au final un roman d’aventure assez insupportable ou, mis a part la présence des hommes oiseaux et des crabes géants (qui en fait sont morts depuis belle lurette) l’ensemble ne pèse pas bien lourd. Mais la politique du blog est de parler du bon comme du mauvais, sinon on me taxerait de prosélytisme. L’auteur nous laisse pourtant deviner la présence de « curieuses créatures » sans toutefois développer. Il préférera se rabattre sur l’existence de cette sèche géante dans un lac de la cordillère. Heureusement que les inepties se sont arrêtées là car je pense que nous aurions eu droit au lapin à dents de sabre ou à un éléphant volant…qui sait ?
L’explication finale concernant le trésor en or et en argent des canalisations Inca, vient clôturer de façon magistrale un livre qui finalement ne sera bon à conserver que pour les quelques qualités esthétiques de sa couverture. Je pense que l’auteur avait sérieusement séché les cours d’histoire ou alors Jacob Delafon appartenait aux « Peuples du soleil ». Seul Férocias pourra nous éclairer sur la chose.
Pendant que certains en « pincent » pour les uns, d’autres papillonnent de plaisir, mais les apparences sont trompeuses
« La cellule de la mort » de Pierre Straitur. Editions Fleurus. Collection « Cœur vaillant » .1947. (Bulletin des amateurs d’anticipation ancienne et de littérature fantastique N° 28. Juin 2002)
Jean Prot , génial inventeur et Parisien de surcroît, vient de mettre au point une arme révolutionnaire : La cellule de la mort ! Celle-ci est capable de produire un rayon terrifiant plus connu sous le nom de « onde de la mort ». A petites doses, elle assomme ses victimes, en tournant un petit peu plus le bouton : C’est la muerte !
Mais tout ceci serait d’une banalité affligeante, si entre autre qualité, il ne possédait pas celle de stopper net tous les véhicules, qu’ils soient électriques ou à essence. En bon patriote, le savant offre ses services à la défense nationale, qui va ainsi lui débloquer un budget colossal. A court terme, l’objectif sera de construire un engin possédant un rayon d’action de 50 Kms, mais également de produire un blindage spécial afin de protéger nos propres véhicules. Pour cette formidable entreprise, le professeur trouvera une aide précieuse en la personne de Pierre Bonal, un brillant polytechnicien. Orphelin, ce dernier sera adopté par Prot, histoire de livrer un passage riche en cascades lacrymales.
Mais dans l’ombre comme il se doit, une autre grande puissance complote et s’organise : « La ligue universelle révolutionnaire internationale », dont le mot d’ordre est « Partout et nulle part ». Forte d’un réseau aux multiples ramifications, véritable pieuvre dont les tentacules s’étendent sur toute l’Europe, son unique désir est de s’approprier la formidable invention. Dépêchant deux agents « Poltok » et « Koutak » dans une tentative des plus audacieuse, la mission se soldera par un échec cuisant, éveillant ainsi l’attention de ses adversaires. Le temps passe, trois appareils vont être construit dans le plus grand secret.
Les premiers tests sont plus que concluants. Postés sur la tour Eiffel, les deux savants, sous le regard ébahi de l’état major, parviennent à immobiliser un bataillon de chars et à clouer au sol toute une escadrille. Les militaires exultent, la machine est opérationnelle sans compter qu’on leur livre en plus une cote de maille ultra légère pouvant protéger hommes et matériel. Hélas, profitant de l’euphorie générale et d’une baisse de la sécurité, la « LURI » capture nos deux inventeurs. Ils se retrouvent ainsi prisonniers à 100 mètres de profondeur prés du massif de la Sainte Baume. Trop de pression ou folie passagère ? Prot change son fusil d’épaule et se rallie à la cause des gredins.
Peut-être se laisse t-il facilement influencer par ses ravisseurs qui lui affirment que les intentions de l’état était de se débarrasser d’eux une fois l’invention entre leurs mains. Les savants sont de grands naïfs, les bandits touchent sa corde sensible et lui affirment qu’ils utiliseront sa machine pour le bien de l’humanité. Mais le but véritable est tout autre, ils veulent tout simplement lui faire fabriquer un appareil suffisamment puissant pour attaquer la capitale en immobilisant dans un premier temps, tous ces moyens de locomotion. Un troisième ingénieur va donc se joindre à eux, pour accélérer la fabrication de l’appareil.
Au départ Bonal voit tout cela d’un mauvais œil, pour finalement se laisser amadouer par le sympathique petit nouveau. Un rapport de confiance s’installe entre les deux hommes et un jour Rapten décide enfin à se confier. Destiné à une brillante carrière celui-ci avait un terrible défaut : Le jeux. Il lui fallait de ce fait de l’argent dans les plus brefs délais et se laisse donc convaincre par les propositions de la « LURE ».C’est une homme bon qui se dévoile ainsi et pour gagner le prix de sa rédemption, il se décide à aider Robert à s’évader. Ils s’occuperont du Professeur plus tard, car sa confusion risque de porter préjudice à la mission La fuite se fera par une rivière souterraine, peu gardée et facilement accessible .
Après maintes péripéties, les évadés débouchent dans une immense grotte sur un plateau proche de la Sainte Victoire. Les autorités seront aussitôt alertées, mais il va falloir « jouer serré » car Jean est toujours captif. Des hommes de l’espionnage Français repèrent rapidement la cache des bandits qui utilisent une ferme comme quartier général. Afin de ne pas éveiller l’attention et s’approcher du professeur, les deux hommes se font passer pour des Américains, représentants en machines agricoles. Bonal sera vite démasqué, ficelé et conduit, une cagoule sur la tête, dans le laboratoire de son père adoptif. Profitant de la confusion de savant un des malfrats fait croire à Prot que l’homme cagoulé est un opposant à sa merveilleuse invention. Naïf, il va prendre la mouche et décide de tester son invention sur un être vivant.
Fort heureusement l’armée va se ressaisir et donner l’assaut de la ferme,invulnérable grâce à son équipement spécial. Un commando pénètre dans le « labo »….trop tard ! le décharge vient de fuser sur la malheureuse victime. Par un coup du sort incroyable, le rayon était trop faiblement dosé et la victime ne sera que légèrement commotionnée. En découvrant son nouveau fils, le savant manque de succomber à une crise cardiaque.
Au final, tout est bien qui finie bien, une médaille sera décernée à chacun des protagonistes, les « Luristes » sont condamnés à « perpette », Pierre reçoit l’ordre de la nation, Jean la légion d’honneur : le gouvernement n’est vraiment pas rancunier…remarquez elle est décernée à des sportifs alors…. Terminons par cette phrase hautement profonde sans laquelle le roman perdrait tout son charme et son attrait :
« Mais la plus grande récompense de Pierre fut d’avoir ramené à la foi et aux pratiques chrétiennes de leur enfance.Jean Prot et Yves Rapten. La croix avait vaincu le rayon de la mort. Elle les avait rassemblés pour toujours autour de celui qui a dit « ceux qui ont confiance en moi, ne périront pas, ils triompheront même de la mort »
Scouts toujours!
Ce roman est un véritable sommet de l’endoctrinement catholico patriotique, plein à raz bord de bons sentiments religieux et d’un permanent esprit de « bon petit scout » qui ne vient pas arranger les choses. Le modèle exemplaire de ces publications d’après guerre dont le but était de polir les cervelles malléables de nos chers petits enfants. Il ne faut pas s’étonner à la lecture de telles monstruosités, que certains ouvrages furent mis au ban (Les aventures de « Fantax » qui viennent juste d’être rééditées et dont je vous parlais dans un billet précédent), car jugés déstabilisants et trop pernicieux pour l’épanouissement d’une jeunesse pure et vierge de toutes pensées malsaines.
Seule la foi et le patriotisme avaient un droit de regard sur l’imagination de ces jeunes lecteurs. Une époque où il ne fallait pas rigoler avec la censure qui, dans les publications destinées aux adolescents, passait au pilori tout ce qui n’était pas conforme aux valeurs judéo-chrétienne. En résumé une mise à plat et un modelage uniforme de toute une génération que l’on voudrait exemplaire. Il y aurait beaucoup à dire sur cette époque ou la soi-disant « bonne morale » voulait tout interdire, tout contrôler par des méthodes allant à l’encontre des libertés de chacun.
Bon d’accord en ouvrant un ouvrage avec un titre de collection pareil, je n’ai eu que ce que je méritais…mais tout de même, l’ouvrage est un véritable lavage de cerveau. Prenons le professeur par exemple :
« Vous avez raison Pierre, beaucoup de science m’a prouvé que dieu existe, je n’en avais jamais douté du reste, mais maintenant je crois, je vois, je suis certain que sa bonté m’assiste par sa providence »
A chaque page nous avons droit à un sermon ou à un personnage larmoyant face aux bonnes actions que chacun fait, et je passe sous silence la flamme patriotique qui anime l’ensemble des chapitres.
Que retiendrons nous de cet ouvrage, car il faut tout de même lui accorder quelques petites qualités, aussi minimes soient-elles. Un rayon qui paralyse les moteurs (et qui devrait plaire à notre ami de BDFI) pouvant si besoin est de tuer son monde, une association internationale dont seul le nom original peut nous faire sourire malgré leur fâcheuse tendance à saluer comme les nazis. Dommage, l’auteur nous liquide tout cela en l’espace d’un chapitre, car il ne faudrait surtout pas générer un semblant de fascination pour l’incarnation du mal, aussi passionnante soit-elle. Au contraire la seule véritable bonne parade est de vouloir nous faire avaler que « le mal aussi puissant soit-il ne peut rien face à la détermination de la foi » Ce n’est plus un roman, c’est une véritable croisade !
Remarquez moi je n’ai rien contre la bonne morale mais à trop vouloir s’en servir pour se donner bonne conscience (le roman fut rédigé après la guerre, ne l’oublions pas) il se dégage de tout cela un petit je ne sais quoi de malsain. Finalement il n’y a pas que le rayon qui soit mortel dans ce roman.
Allez les p’tits gars, vive la France…catholique comme il se doit !
Le portrait type du savant en pleine réflexion: encore un rayon mortel à inventer!
« Les buveurs d’océan » de Yves Derméze. La nouvelle édition Française. 1943. 127 pages. (Bulletin des amateurs d’anticipation ancienne et de littérature fantastique N° 22 Février 1999).
Suite au naufrage du « Gypsie » Francis Carbier, mousse de son état, agonise en compagnie de trois autres personnages, à bord d’un canot, au milieu d’une mer déchaînée. Soudain alors que tout espoir semblait s’amenuiser, un immense quadrimoteur s’immobilise au dessus de l’esquif et un éclair fugitif embrase le dessus de la carlingue. La lueur de couleur bleuâtre, fuse de part et d’autre du canot et sous son action, les vagues « s’écartent, se décomposent, s’évaporent : l’eau avait bel et bien disparue ! Le radeau s’enfonce alors au milieu d’une muraille liquide, prête à se refermer sur eux. Fort heureusement, un filet est envoyé de la carlingue et trois des naufragés se trouvent hissés à bord de l’appareil. Francis, le seul resté à bord ne devra son salut qu’à une chance extraordinaire. Un message sera envoyé à la hâte, le naufragé sera récupéré à son tour.
Quelques jours plus tard, il raconte sa formidable aventure à son ami Max. Les deux hommes pêchent tranquillement au bord d’un étang. Brusquement, le même scénario se reproduit, l’appareil surgit de nulle part, projette son rayon bleu, assèche l’étang et tente de capturer les deux hommes. L’appareil s’éloigne aussitôt mais une écharpe tombe de l’engin, celles de Jacques l’un des trois amis disparus en pleine mer, preuve qu’ils sont encore en vie. D’après les calculs de Francis, lors de sa première rencontre, l’avion se dirigeait vers le Groenland. Il va donc affréter un navire le « Faring » et se lancer à la poursuite du ravisseur. Malheureusement, alors qu’il voulait que cette expédition soit tenue secrète, une journaliste Florence J.K, eut vent de l’opération. Il faudra donc compter sur sa présence à bord (les charmes de la gente féminines sont irrésistibles). Une fois arrivés au port de Angmagsssalite c’est en compagnie de deux Canadiens et du nouveau « pot de colle » que l’aventure polaire peut commencer.
Mais avant d’aller plus loin, effectuons un réglage sur notre machine à voyager dans le temps, en effectuant un petit retour en arrière, les choses pourront ainsi devenir plus limpides. Le responsable du mystérieux appareil, se nomme Stéphane d’Anec, professeur génialissime, un être supérieur rejeté par une humanité trop ingrate, blablabla…..en bref le prototype du savant fou qui ne rêve que d’une seule chose : Anéantir la terre !
« Me venger !…pour cela puisque le monde me repousse, je repousserai le monde ! Je l’anéantirai, je le détruirai ! Il ne restera plus sur la terre qu’un seul homme, moi !…je suis le destructeur du monde ! »
Comme le disait le général De Gaulle : Vaste programme !
En fait un bonhomme pas très sympathique qui va mettre son projet en route grâce à un redoutable rayon de son invention, le Rayon « M » dont la propriété est de transformer l’eau en oxygène et en hydrogène. Son objectif sera d’assécher la terre entière, en condamnant l’humanité à une mort horrible : La soif ! Mais sa folie meurtrière ne se s’arrête pas là, car non content d’avoir mis au point cette arme ravageuse, il produit en simultané le Rayon « M bis », qui lui possède la propriété de rendre fou. En résumé un diabolique personnage qui du coté invention ravageuse, en connaît….un rayon ! L’extravagant personnage nourri depuis toujours une haine viscérale à l’encontre de Max (on ne sait pas trop pourquoi dans le livre) et compte bien utiliser « le rayon qui rend fou » sur lui.Mais les plans du gredin vont se jouer à un petit détail prés, un des hommes capturés lors de la première expédition, va réussir à s’échapper d’une manière tout à fait rocambolesque, comme nous le verrons plus tard.
Revenons à présent sur notre petite expédition polaire. Un voyage somme toute bien monotone, mais une gaffe de la journaliste vient pimenter un peu l’ordinaire. Depuis leur départ, elle avait caché sur elle un minuscule appareil émetteur/récepteur, lui permettant ainsi de transmettre au jour le jour à son journal un compte rendu des événements. Bien évidemment, d’Anec intercepte les messages. Non seulement il est au courant de leur position mais également du projet d’attaque de sa base secrète. La chance sera pourtant de leur coté, car c’est au moment au le professeur se dirige avec son avion vers le groupe de Carbier,Lucien arrive à sauter de l’avion et non content d’être sain et sauf, « tombe » tout à fait par hasard sur notre petite expédition punitive. On s’embrasse, on saute de joie, lorsque Lucien sort de sa poche un flacon dérobé au hasard avant de quitter l’appareil. A l’intérieur un précieux liquide dont la vertu est de stopper l’action de terrible rayon « M ». Tous pourront donc boire à satiété lors de l’approche du repère de l’infâme crapule, en effet le rayon évapore tous les liquides…même la salive.
Il dés à présent urgent de préparer l’attaque du bastion du « buveur d’océan », car nos amis reçoivent des nouvelles alarmantes de l’Europe où le niveau des eaux commence à baisser sur certaines cotes Françaises et Anglaises. Pas de quoi prendre peur mais tout de même de façon significative. Le plan est simple, il suffira de faire exploser l’énorme stock d’essence entreposé par les gredins. Hélas, les messages de Francis seront une fois de plus interceptés, l’attaque échoue et toute l’équipe capturée. La sentence est implacable : La mort ! Fort heureusement notre belle Florence va user d’un excellent stratagème. Elle flatte le mythomane et propose de lui organiser un reportage en mettant en avant le génie inégalé du savant :
« Pensez à la répercutions qu’auraient les éditions spéciales indiquant en gros titres : Le maître de l’usine triomphe ! L’humanité est menacée de mort ! Le rayon « M » va s’étendre sur toutes les régions du monde ! Ce serait l’affolement, l’épouvante ! Je vois cela comme le plus fort tirage qu’on ait jamais réussi !…. »
Mais le lecteur avisé comprend entre les lignes le but de cette manœuvre. La journaliste accède pour cette opération à son émetteur portable et entre en contact avec la centrale d’Angmagssalik. Grâce au système du radioguidage, il sera possible d’envoyer de puissants bombardiers qui réduiront ainsi à néant la redoutable usine et ses armes destructrices. Les héros sont sains et saufs mais malheureusement pour le sommeil paisible des citoyens, l’ombre sinistre du savant fou risque de planer une fois de plus sur l’humanité, son corps ne fut jamais retrouvé dans les ruines gelées de son repère.
Pour quelques rayons de plus !
Les habitués de ce blog finissent par être familiarisés avec le thème du savant, sujet récurent et majeur s’il en est. Une fois n’est pas coutume, l’arme suprême utilisée ici est le célèbre et incontournable « rayon » qui à l’instar de la fameuse« pilule nutritive » ou du non moins célèbre « moteur électrique » est la véritable star de la conjecture ancienne. Formidable rayon destructeur, le « rayon de la mort » pour les intimes, sans lequel la vie des maîtres du monde serait bien triste. Mais cette puissante arme, fruit de la recherche de cervelles dérangées est aussi l’apanage de civilisations extra-terrestres très développées et qui l’utiliseront principalement à des fin « militaire » et de domination de la planète terre (« La guerre des mondes » de H.G.Wells ») toutefois cette thématique fut principalement utilisée dans la science-fiction Américaine qui avait un vision plus « agressive » et « radicale » des intentions des êtres venus de l’espace.
Alors nous avons droit dans ce domaine à tout un panel de cette formidable invention, inventée pour notre plus grand malheur ou bonheur suivant les cas de figure : Le porteur d’énergie (« L’étrange aventure de Pierre Fontramie » de J.L Gaston-Pastre), celui qui désintègre, le plus fameux (« Les condamnés à mort » de Claude Farrére, « Elisabeth Faldras » de O. Traynel), activant des explosifs à distance (« Le semeur de feu » de André Falcoz) qui donnent des maladies (« Les rayons ensorcelés » de H.Allorge) sans oublier celui qui rend amoureux ( A.Seuhl « L’amour par T.S.F ou Le rayon de l’amour ») etc.…. Encore une thématique qu’il serait un jour intéressant de lister dans les pages de ce blog.
En dépit d’une structure des plus anarchique et de situations les plus invraisemblables les unes que les autres (frôlant parfois même l’incompréhension), l’originalité du texte de ce texte reste sans nul doute ce rayon « M bis », le petit nouveau dans la famille, celui qui rend fou et dont les radiations semblent avoir touchées par mégarde la cervelle du pauvre d’Anec. Plus fort que H.J.Magog (ou du moins beaucoup facile et commode) qui voulait dans son roman « Les buveurs d’océan » ( Réédité sous le titre « Le secret du Pacifique » ) assécher le globe par le feu central terrestre, ce rayon à décomposer les liquides et à évaporer la salive reste une idée particulièrement délirante et qu’il serait utile de connaître afin d’abréger la logorrhée de certaines personnes médiatiques qui « envahissent » notre quotidien.
Hélas, cette histoire destinée comme le titre de la collection l’indique « Pour les moins de 18 ans », manque de rythme, personnages trop stéréotypés, avec cet insupportable petit relent de patriotisme de mauvais aloi, qui marqua un trop grand nombre de textes à cette époque. Un « petit Derméze » donc à lire dans le bus ou entre deux clients chez votre coiffeur, tout en lui accordant une fois de plus l’avantage de vous divertir sans jamais véritablement vous ennuyer.
Je ne sais pas vous, mais je commence curieusement à avoir la bouche sèche !
Deux titres identiques mais aucun plagiat à déplorer…cependant l’ouvrage de Magog reste dans nos favoris!
« Le voyageur immobile » de Alain Saint-Ogan et Camille Ducray. Les éditions sociales Françaises. 1945.190 pages. (Bulletin des amateurs d’anticipation ancienne et de littérature fantastique N° 11, Novembre 1992).
L’histoire va se passer sur une période relativement courte, puisqu’elle débute et se termine sur quatre nuits. Le narrateur y relate les faits racontés par un ivrogne, du romantique nom de Lafleur. Ce dernier, ancien journaliste d’un obscur quotidien, était un peu l’homme à tout faire, le tâcheron sans ambition à qui l’on confiait les tâches les plus ingrates. Pourtant sa « fibre » journalistique n’en était par pour autant évaporée et lorsqu’il prit connaissance d’une affaire insolite survenue dans un petit village du pays Basque, son sang ne fit qu’un tour !
Fortement intrigué et intéressé par d’étranges rumeurs, le journaliste se rend sur les lieux. Sur place il écoute d’une oreille attentive les élucubrations des villageois qui racontent qu’un homme, à l’accoutrement bizarre, s’est matérialisé subitement dans un champ de maïs. Pris aussitôt en charge par le comte Liversac le savant local, ce « Martien » comme l’appellent les gens du coin, ne fera par la suite que de brèves apparitions dans le village. Une aura de mystère flotte autour de ce mystérieux invité du comte. Tout ceci ne fait qu’accroître la curiosité de notre émule de Rouletabille et fort d’une certaine audace, parvient à se faire embaucher au château et obtenir un poste de confiance.Une véritable aubaine grâce à l’intervention providentielle d’un ami avec qui il s’est lié d’amitié,Antoine Saguet, le secrétaire de « Monsieur le comte ».Trop inconscient et loin de se douter à qui il avait à faire, ce dernier remettra dans les mains du reporter un rapport concernant une curieuse machine. Stupéfait, Lafleur découvre alors l’identité de l’homme mystère.
Il s’agit en réalité d’un Atlante, plus précisément d’un Halcarmendien, véritable nom donné à cette légendaire civilisation. Son arrivée dans ce petit village est le produit du plus pur des hasards, alors qu’il était aux commandes d’une machine expérimentale permettant de voyager dans le temps. C’est justement les plans de celle-ci que le Journaliste tenait dans ses mains. L’étrange invité se prénomme Owha et, d’une intelligence peu commune, il est parvenu à maîtriser notre langue avec une rapidité tout a fait surprenante. Il explique ainsi son arrivée dans un si modeste petit village, suite à une erreur purement technique. Dans un chapitre assez conséquent de l’ouvrage, l’auteur va lui permettre de nous brosser un tableau édifiant des merveilles technologiques de sa puissante civilisation (voyage dans les airs, énergie solaire et atomique….)
Le reporter complètement désemparé face à une telle découverte fera preuve d’un manque de prudence et sera finalement démasqué. Le comte n’étant pas un criminel, il ne lui reste plus qu’à passer un accord avec lui et de lui promettre une entière discrétion. Il faut dire que l’événement qui se prépare est de taille puisque aidé par un autre savant, le Pr Descaufli, Liversac va tenter de remettre la machine de l’Atlante en marche. Il est en effet impératif que Owha retourne dans son monde. Un départ qui sera plutôt bien accueilli par Saguet car, une fois n’est pas coutume, notre brave secrétaire est amoureux de la nièce du comte qui elle est amoureuse du bellâtre Halcarmendien.
Seulement la pratique est loin d’être aussi simple que la théorie et l’expérience est vouée à l’échec. Pourquoi ? Laissons plus instruit que nous nous donner une explication :
« Nous nous trouvons dans l’impossibilité philosophique à laquelle je viens seulement de songer….Pour revenir à son époque,Owha devrait franchir l’année qu’il vient de passer avec nous. Or, les choses sont ce qu’elles sont et ne peuvent être autrement. La machine était arrêtée et Owha jouissait pendant ces onze mois de l’illusion du temps qui s’écoule. Il ne put être à la fois sur sa machine et parmi nous, pas plus que celle-ci ne peut dans le même temps fonctionner pour être stoppée. Il eut dû pour retourner en arrière, repartir sans même laisser une fraction de temps s’écouler. Mais alors, revenant au moment même ou il mettait son appareil en route, il serait reparti fatalement vers notre siècle. Ce voyage d’aller et retour se serait poursuivi indéfiniment, prisonnier qu’eut été le voyageur entre ces deux mondes infranchissables »
En fait….une explication très logique où la philosophie parvient à expliquer un formidable paradoxe temporel ! Mais ici ce voyageur du temps est littéralement « immobile » car visiblement il ne voyage que dans le temps et non dans l’espace. Bref face à cette déconvenue, le secrétaire pensant se débarrasser de son rival par machine interposée, poussé par un excès de jalousie, se jette sur son rival. La prétendante voulant les séparer, bascule avec les deux hommes sur l’immobile engin, actionne un levier par mégarde et Pfutt ! Plus rien, le néant, le vide absolu, tous trois projetés vers …l’éternité (la bagatelle de 100.000 années). Ne pouvant retourner en arrière Descoufli, allez savoir pourquoi (une lubie de scientifique) programma la machine vers le futur. En tout cas, ce brave Antoine qui au départ refusait de « partager » son amour improbable, sera donc condamné à une passion à trois dans les méandres du temps : mais qui va tenir la chandelle ?
Ainsi se termine cette étrange histoire, au fait j’allais oublier que Lafleur, trop prés lors du départ de la machine, se retrouva stigmatisé sous la forme d’une brûlure ressemblant a si méprendre à un soleil, symbole de l’Atlantide. Comme frappé d’un terrible malédiction, à l’image de ces créatures de la nuit, il sera condamné à ne plus pouvoir supporter la lumière du jour. Vingt cinq ans après le drame, les deux personnages à qui nous devons ce récit, auront toutes les peines du monde à recoller les morceaux pour comprendre avec exactitude l’importance de cet épisode tragique. D’après leurs renseignements, les personnes rescapées ce jour-là moururent, victimes d’un mal étrange.
De nos jours il ne reste plus que la propriété, sinistre maison laissée à l’abandon car les gens du pays la disent hantée. Souvent la nuit, par temps d’orage on aperçoit de loin derrière les grilles, des ombres et des lueurs qui s’agitent. On raconte que ce sont les anciens propriétaires qui reviennent. Il nous sera impossible de savoir ce que nos « voyageurs immobiles » ont vraiment découverts sur cette terre Basque du futur. Mais peut-être restent-ils à tout jamais condamnés à « flotter » dans le présent, dans un repli de notre réalité qu’il leur est à présent impossible de rejoindre. A notre grand regret, nous ne le saurons jamais.
Un Atlante qui prend tout son temps !
Dans la lignée de la fameuse trilogie de Charles Magué (dont je vous parlerai très prochainement) ayant pour thème l’Atlantide, j’utiliserai en guise d’introduction une célèbre phrase remise au goût du jour : « Si tu ne viens pas à l’Atlantide, l’Atlantide ira à toi ! » et pour cause…
Une fois n’est pas coutume, l’auteur va mélanger de façon habile roman policier et conjecture pour aboutir à un texte où deux thèmes vont également se combiner de manière astucieuse : Le voyage dans le temps, et le mythe de l’Atlantide. Ce « voyage immobile » qui pourrait rappeler le titre d’un certain Maurice Renard, est cependant fort différent car là où « L’aérofixe » effectuait un vol stationnaire dans l’espace, certes il pouvait se « déplacer» géographiquement tout en étant immobile, mais sa machine n’avait aucun des caractéristiques lui permettant de se « déplacer dans le temps ».
Dans la nouvelle de Renard, c’est la terre qui bouge et la machine qui reste stationnaire, dans le roman de Saint- Ogan/Ducray, la machine reste immobile et c’est le « temps » qui se meut. La spécificité de « Le voyageur immobile » c’est qu’il va se servir du prétexte d’une thématique peu rencontrée en conjecture ancienne, à savoir situer le pays Basque comme ancienne terre d’asile de l’Atlantide. Utiliser ainsi une machine à « Voyager dans le temps » afin de valider une telle hypothèse, est assez séduisant et l’on se laisse facilement convaincre. L’auteur apporte ainsi sa pierre à l’édifice de la mystérieuse origine de la langue Basque.
Il faudra toutefois avoir une petite pensée émue pour le pauvre journaliste qui une fois de plus pensait dénicher le scoop de sa vie, lui permettant ainsi de sortir de l’anonymat et de sa vie de misère. A la place il ne gagne qu’une terrible malédiction, qui vient lui marquer le front de sa coupable curiosité, condamné à se terrer telle une larve et de fuir la lumière du jour.
Une œuvre assez originale, entretenue par une hypothèse audacieuse et novatrice. Dommage que les trois explorateurs ne soient jamais revenus, il me plait à imaginer le récit de leurs audacieuse et involontaire aventure, peut-être ont-ils rencontrés les Elois ou les Morlocks de Wells ?
Camille Ducray a déjà collaboré avec Alain Saint-Ogan pour un autre ouvrage intitulé « Le gouffre de la nuit » mais pour ce volume la participation de l’auteur se bornera uniquement aux illustrations (Editions sociales Françaises, 1946). Dans ce passionnant roman, il est question de la découverte d’une race de créatures souterraines, totalement dépourvues du sens de la vue. Cette fabuleuse contrée située entre Solutré et la Suisse se nomme la « Spélaïonie » (pour plus de renseignements sur ce sympathique roman, consulter la « bible » des terres creuses de nos amis Guy Costes et Joseph Altairac)
Dans « Le voyageur immobile » l’auteur s’est inspiré d’une nouvelle de Saint-Ogan parue en 1940 dans « La revue des deux mondes » et intitulée « Le sauvage de l’océan ». Camille Saint-Ogan est surtout connu comme le dessinateur des célèbres « Zig et Puce » dont la création date de 1925. Ils sont en outre les premiers héros d’expression Française à s’exprimer par les fameuses « bulles ». Les deux personnages nous intéressent particulièrement car nombre de leurs aventures relèvent de la conjecture et certains titres sont d’ailleurs très évocateurs :
- « Zig et Puce au 21éme siècle » Paru dans « Dimanche illustré » du 17 Décembre 1933 au 14 Octobre 1934,1935 en volume chez Hachette. Le volume le plus fameux en ce qui nous concerne.
- « Zig et Puce et le Professeur Médor » Paru dans « Cadet revue » à partir du 1er Avril 1939 interrompu par la guerre, en volume chez Hachette en 1941)
- « Zig et Puce et l’homme invisible ». Paru dans « Zorro » de 1947 à 1948, en volume chez Hachette en1949)
- « Zig et Puce et le cirque » Paru dans « Zorro » de 1948 à 1949, en volume chez Hachette en 1951,où l’auteur évoque l’Atlantide.
Il sera également le créateur de « Mitou et Toti » dont certaines aventures « taquinent » également notre domaine :
- « Les nouvelles aventures de Mitou et Toti » feuilleton illustré paru dans « Cadet revue » du N°46, 15 Novembre 1934 au N°59, 1er Juin 1935. Réédité en volume sous le titre « Mitou et Toti à travers les ages » Hachette 1938, collection « Les âges ».
Autres aventures conjecturales :
- « Le rayon mystérieux » bande dessinée dans « Cadet revue » du N°116, 15 Octobre 1937, au N°150, 15 Mars 1939. Réédité dans la revue « Phénix » 9 et 10.
- « Cric et Crac à travers les siècles » série en 13 fascicules Chavane éditions.
« Elisabeth Faldras » de O.de Traynel. Librairie Paul Ollendorff. Paris 1909. Un des 25 exemplaires sur vélin de couleur (Bleu). Illustrations de G.Dupuis. (Bulletin des amateurs d’anticipation ancienne et de littérature fantastique N° 11 Novembre 1992).Tirage 140 exemplaires
Je dois avouer avoir été fortement déçu à la lecture d’un texte au titre pourtant prometteur « La découverte du Dr Faldras». Qui plus est avec une couverture des plus attrayante qui pouvait en dire long sur le contenu du précieux et rare ouvrage. Hélas l’attente était loin d’être justifiée et si le gros volume malgré ma déconvenue lors de sa lecture, est bien rangé dans ma bibliothèque à coté des volumes de Léon-Marie Thylienne (je sais, j’ai une idée particulière du rangement), je dois avouer qu’à l’époque je n’étais pas peu fier d’y joindre également celui qui semblait sa suite logique : « Elisabeth Dr Faldras ».
Pour cet ouvrage, j’étais tout de meme plus serein car il suffit de jeter un œil sur les superbes illustrations de G.Dupuis pour en conclure que cette fois on gravite sur du lourd : Combats de croiseurs aérien, hommes volants, rayon de la mort, péril jaune….diantre que du bon et de l’excellent même ! Une fois le premier chapitre entame, c’est le délire total et les idées péniblement esquissées à la page 292 de « La découverte du Dr Faldras » sont ici bien concrètes et pas dans la demi mesure. Jugez par vous-même.
Nous sommes en l’an 2096 et le docteur Faldras, noble vieillard de 240 printemps, fête son anniversaire entouré des 800 membres et descendants de sa longue lignée. Depuis la découverte de son sérum, certes dans le monde on succombe moins aux sévices de la grande faucheuse, mais il faut reconnaître que la surpopulation commence à se faire ressentir. Comme quoi un bienfait n’est jamais récompensé. Le progrès est sans contexte une bonne chose et l’humanité toute entière de ce fait bénéficie des dernières évolutions. Bien évidemment tout fonctionne à l’électricité, les déplacements se font par les airs ou au moyen de patins électriques, mais une rumeur de plus en plus persistante commence à grossir et tout le monde s’interroge sur un problème fondamental : La bouffe !
Toute médaille à son revers, un homme dans la force de l’age atteint désormais la centaine, mais à force de ne plus mourir, on commence à jouer des coudes et les ressources naturelles ne sont pas inépuisables. Dans sa ville natale, Sens, une cité d’acier et de cristal, Faldras est plongé dans une intense réflexion. En Orient, la révolte menace, la Chine, le Japon, la Corée…accusent les états confédérés Européens. En effet ces derniers n’acceptent pas le blocus de l’Afrique, devenu le grenier alimentaire de la planète et dont les nations « blanches » ont le monopole exclusif. Car les « blancs » en Arpagon de la boustifaille sentaient depuis longtemps poindre cette terrible pénurie alimentaire en faisant de ce fait alliance avec les nations Africaines. Du coup….c’est la guerre !
C’est alors un déchaînement de fureur et de violence. Face à la technologie Européenne, la supériorité numérique des peuples Asiatiques est un facteur déterminant et de ce fait la « chair à canon ne manque pas ». Les hommes sont ainsi envoyés au « casse pipe » que l’auteur nous décrit avec force de détails qui frôlent un passage de l’apocalypse. Face à cette incroyable marée humaine, la France doit s’incliner et penser coûte que coûte à la sauvegarde de leur génie national, Faldras. En signe de représailles, et devant un péril (jaune) qui se précise de plus en plus, les états confédérés font un embargo sur l’exportation du sérum de jouvence, géniale invention du célèbre docteur. Les résultats ne se font pas attendre avec pour résultats des Asiatique qui tombent comme des mouches en raison du sevrage de sérum frais que l’on doit s’injecter de façon régulière.
La pression monte crescendo du coté de l’agresseur qui veut frapper vite et fort sur le système névralgique de l’Europe. Il faut donc préserver Sens, la ville du génial inventeur et pour ce faire on s’active à son transfert dans une fortification souterraine, à plus de 300 mètres de profondeur. Parallèlement, le Docteur s’active à une autre de ses inventions qui, selon ses dires mettra un terme définitif à cette guerre ridicule. De son coté, l’armée ennemie progresse, engloutissant tout sur son passage, telle une déferlante humaine, hurlante et destructrice. La région se trouve encerclée par la plus puissante armada jamais rassemblée de mémoire d’homme. Tout semble perdu….non ! Un ingénieur de talent et inventeur d’un puissant explosif, va par un coup de dés impensable réussir à percer la croûte terrestre, provoquant ainsi l’éruption d’un gigantesque volcan dont la puissance formidable détruira tout dans un rayon de deux kilomètres.
L’armée de l’empire céleste sera ainsi défaite, à moitié brûlée, morte de faim et vieillissante. En raison de sa grande profondeur, la capitale provisoire des peuples libres « Electrica » sera saine et sauve. En signe de « gratitude » Faldras offre au monde sa nouvelle et formidable invention : La pilule nutritive ! Passons sur les explications de cette ingénieuse formule pour en arriver au résultat final, à savoir 40 g d’extraits chimiques essentiels à l’organisme dont les composants sont faciles à faire, à extraire, à avaler. La guerre va donc se terminer, un peu aussi faute de combattants, pour laisser place à un accord passé avec les nations Asiatiques, prémisse d’une longue période de paix et de prospérité. Quarante années après ces terribles événements, Faldras va mourir de sa belle mort, l’action du sérum n’étant pas illimitée. C’est ainsi de va disparaître ce génial personnage, avec le sentiment d’une vie bien remplie et du devoir accompli, sous les ovations de millions d’estomacs atrophiés et de palais agueusiques.
Les magnifiques compositions de G.Dupuis…….les ailes individuelles et les destroyers aériens tout se passe dans les airs en 2096
Une suite bien plus prometteuse!
Il y a tellement de choses à dire sur cet incroyable roman que la meilleure chose à faire…c’est de le lire ! Et si vous vous dépêchez un peu il y a encore moyen de le trouver sur le net à un prix assez raisonnable. Il faut dire qu’une fois n’est pas coutume et dans le cas présent, la fille est vraiment meilleure que le père. J’entends par là que la suite est largement supérieure au premier volet et si ma déconvenue fut grande à la lecture de « La découverte du Dr Faldras », il était pratiquement impossible de me décoller de sa suite « Elisabeth Faldras ». Remarquez, il parait que pour conquérir le cœur d’une fille, il faut s’attirer les bonnes grâces du père. Mais dans le cas présent il vous suffira de vous attaquer directement à la descendance, je vous assure que vous gagnerez du temps.
Le roman ne propose aucun temps morts et aborde joyeusement plusieurs thématiques dont l’immortalité, le péril jaune, la terre creuse, les guerres futures etc.…. avec un délicieux mélange d’humour fort bien approprié. Retenons ce passage où seront massacrés des centaines d’ennemis belliqueux et aux intentions peu louables, par un trio de vieillards de 210 ans, bien installés dans leurs fauteuils et aux commandes d’un puissant rayon de la mort. Et tout cela à distance s’il vous plait !
Le texte fourmille d’inventions délirantes, la technologie y est reine et puis quoi de plus enrichissant pour le progrès qu’une bonne guerre bien enlevée. Mais le terme de guerre est un bien faible mot, disons massacre à l’échelle mondiale. L’auteur avait le sens de la démesure et de l’exagération. Danrit à coté est une véritable midinette et pour cause, même une bombe atomique à coté de l’apocalypse finale ressemble à un bâton de dynamite. La thématique reste assez conventionnelle, mais le ton du roman, les illustrations d’excellentes factures et les excès de délire de l’auteur, me laissent un souvenir des plus agréable que j’avais partagé à l’époque avec la lecture simultanée d’un autre roman tout aussi extravagant : Le Fulgur !
O de Traynel serait le pseudonyme du Marquis de Jean de Neltray, de lui nous connaissons également un autre ouvrage « La boussole merveilleuse » éditions Boivin & Cie, 1923 avec des compositions de W.A.Lambrecht (Sources Bdfi)
La couverture du premier volume est superbe mais la démesure et l’extravagance sont au rendez-vous du second.