À peine sortions nous quelque peu époustouflés par la monumentale somme qu’est le « RétroFictionS » des ami Guy Costes et Joseph Altairac, qu’une rumeur venait poindre le bout de son nez, annonçant la parution prochaine d’un ouvrage consacré à la « Science-fiction » en France dans les années 50. Rumeur vite confirmée par l’éditeur avec la présence d’une somptueuse couverture rétro à souhait et un lettrage de couverture digne de cette époque bénie qui au final n’avait été que rarement évoquée occultant de fait toute l’importance que ce « mauvais genre » avait exercé sur notre pays. Pour les lecteurs et modestes chercheurs que nous sommes, cet ouvrage représentait beaucoup pour nous, en raison des faibles documents existants ou du moins de façon éparses dans diverses et rares revues ou sur des sites internet, mais ce, de façon très parcellaire, voire incomplète. Notre ressenti fut donc plus que positif et pour cause, en plus de paraître chez Moltinus et distribué par les Moutons Électriques , éditeur dont nous connaissons tout l’engagement en ce qui concerne les rééditions d’œuvres populaires ayant sombré dans un oubli total avec des ouvrages d’excellentes qualités, mais de surcroît réalisé par un grand spécialiste en la matière, mémoire vivante et fin connaisseur de la littérature populaire et surtout grand collectionneur devant l’éternel. Il faut dire que nous avions déjà beaucoup apprécié sa plume alerte et féconde dans diverses études, « Les pulps l’âge d’or de la littérature populaire Américaine », « Bob Morane, profession Aventurier » les deux volumes parus dans la collection « Travaux » de chez Encrage et mesuré de fait sa grande érudition en la matière. De l’érudition, il en fallait pour mener à terme cette entreprise assez compliquée car dans les années 50, juste après cette frontière symbolique entre « roman scientifique » et/ ou « Merveilleux scientifique » , les balbutiements du genre furent assez chaotiques et dans cette pléthore d’éditeurs, aussi bien dans les magazines que dans les collections spécialisées, il fallait un formidable défricheur de cette période afin non seulement d’y mettre bon ordre mais surtout de le restituer de façon cohérente et plaisante à lire, tout cela afin de ne pas perdre le passionné comme le simple profane.
A la lecture de ce magnifique ouvrage rouge sang sous une délicate parure de velours, le lecteur va pouvoir s’abreuver jusqu’à plus soif de ces quelques trois cent pages où fourmillent détails surprenants, anecdotes étonnantes et surtout un regard lucide et parfaitement maîtrisé sur une folle décennie, laboratoire formidable d’une genre qui cherchait ses marques , terrain d’expérimentation pour tout un public abreuvé par une production majoritairement étasunienne mais qui ne tarderait pas à accorder ses bonnes grâces à une production nationale qui peu à peu va finir par s’affirmer et acquérir ses lettres de noblesses.
Il vous suffira de jeter un œil sur le sommaire de cet ouvrage véritable bible du genre, pour vous apercevoir du minutieux travail de fouille « archéobibliographique » réalisé par Francis Saint-Martin et de voir à quel point cet incroyable chercheur est allé déterrer au plus profond de ses précieuses archives afin de nous exhumer l’histoire de cette décennie fondamentale pour l’histoire de la science-fiction Française .Si la qualité ne fut pas toujours au rendez-vous, il s’agissait plus du tâtonnement d’éditeur parfois peu scrupuleux en quête d’une manne providentielle pour assouvir leurs intérêts personnels que de rechercher une réel public avide d’une genre qui paradoxalement n’avait pas encore pris de réelles marques. D’ailleurs dans un chapitre fort instructif, comme l’ensemble du livre, et intitulé « L’apparition du mot science-fiction » l’auteur nous précise la genèse de ce mot tant outre Atlantique que sur notre bon vieux territoire.
Au final, nous voilà donc en présence d’un ouvrage unique et indispensable où rien n’est oublié. Ainsi de la revue « V magazine » en passant par « Bolero » le royaume des éditions « Del Duca » celle d’Hauteville, les débuts de « Richard-Bessière » et de « Keller-Brainin » de Jimmy Guieu , de Brantonne et Jeff De wulf, la genèse des éditions Fleuve noir ( tous genres confondus) de la revue Fiction , des petits publications comme « Le trotteur » « Grand Damier » « Série 2000 » ou les plus connues comme « Le rayon fantastique » ou « Présence du futur » , c’est la porte ouverte vers un univers merveilleux que nous découvrons et que l’auteur nous propose avec toute sa modestie, son érudition mais surtout cet art de savoir diriger une livre à vocation historique en l’écrivant comme un roman tellement passionnant qu’il nous est impossible de le lâcher. Cela fait bien des années que je manipule ces précieux petits volumes sans me douter un moindre instant de leur fabuleuse histoire qui fut bien souvent le fait d’un hasard incroyable pour ceux qui les ont écrit et d’une plus mouvementé pour ceux qui les publièrent.
En le lisant, j’ai appris une quantité incroyable de choses, mais ce qui fait la force principale de l’ouvrage, ce sont les détails que Francis Saint-Martin nous livre sur des figures légendaires avec cette lucidité et cette bienveillance propre aux passionnés de l’histoire de la SF et nous livre une foule de détails sur des noms aussi célèbres que Pacifico Del Duca, Georges H.Gallet, Maurice Renault , Michel Pilotin, Jacques Bergier …….. Tout un univers dont nous ignorions l’existence et dont les portes viennent s’ouvrir devant nous et dans laquelle nous pouvons nous engouffrer avec plaisir et ravissement. Voilà une année qui se termine des meilleures façons qui soit car notre histoire de la Science-Fiction en France était orpheline d’un tel ouvrage à la fois didactique, plaisant à lire et un ouvrage précieux pour celles et ceux cherchant des éléments précis , des points de repaires indispensables sur ces auteurs, ces éditeurs et bien souvent ces illustres inconnus qui contribuèrent à l’édification d’une genre.Que ce soit par passion pour la littérature ou par appât du gain, voilà ainsi offert à notre curiosité toute une période de notre histoire populaire qui depuis trop longtemps était resté dans l’ombre et qui vient par ce magnifique ouvrage remettre sur le devant de la scène plus qu’un courant littéraire mais toute une période incroyablement palpitante, tumultueuse et terriblement novatrice.
Saluons une fois de plus Moltinus d’avoir pris le risque de publier un tel ouvrage qui, en raison de son faible tirage reste malgré tout un petit peu cher et que certaines personnes pourraient fustiger pour le manque de reproduction en couleur. Comme tout passionné, je dois avouer regretter le manque de présence de cette imagerie souvent naïve, avec l’éclat chatoyant de certaines couvertures qui vous pètent à la figure, mais je suis aussi partisan de cette bonne vielle phrase « peu importe le flacon….. » et je pense franchement que l’ivresse est là de part le magnifique écrin dans lequel l’ouvrage a été placé et par la qualité exceptionnelles des informations qui se trouvent à l’intérieur , et ça les amis, croyez moi, cela n’a pas de prix !
« La Science-Fiction en France dans les années 50 » de Francis Saint-Martin. Éditions Moltinus collection « Le rayon vert ».
Ce qu’il y a de bien chez des auteurs comme Brice Tarvel c’est que le lecteur est certain de trouver suffisamment d’intérêt pour passer un agréable moment de lecture. Peu importe le genre qu ’il aborde, c’est l’imagination qui fait loi et qu’il s’agisse de romans de Fantasy, de romans jeunesse, de fantastique, d’horreur pure ou de détective de l’occulte, on sent derrière tout cela un homme de terrain , habitué depuis sa plus tendre enfance à parcourir les territoires de l’imaginaire. Il n’y a pas de meilleur spécialiste en la matière que celui , infatigable, arpente les méandres cauchemardesques de son imagination pour nous livrer des romans qui à l’image de « La murène » fleure bon cette marmite du populaire où mijote depuis des décennies une bien curieuse pitance qui vient régaler les affamés que nous sommes.
Il y a dans son style peu conventionnel et comme il me plaît à la signaler à chaque fois, cette patte incomparable qui fait que, pas de doute, nous sommes en présence d’un roman de cet auteur. Entre délire de l’imaginaire et style d’écriture aux expressions qui n’appartiennent qu’à lui, chaque roman est une aventure incomparable où, le temps de quelques heures le lecteur va perdre pied et se retrouver dans un univers hors de l’espace et du temps. Pourtant, dans ce roman paru chez Rivière Blanche, nous serions en droit de croire que tout va se passer d’une manière conventionnelle…..Que nenni ! Ne vous fiez pas à l’allure flegmatique du lascar, c’est une véritable tempête qui s’agite sous son crâne, de celles qui ne cessent jamais et qui poussent notre auteur à écrire encore et toujours de folles histoires. Pour preuve donc, l’histoire de Peggy Hammer qui depuis sa plus tendre enfance suite à la rencontre douloureuse avec une murène, s’est retrouvée forte d’un bien étrange don : celui de pouvoir modifier sa peau comme bon lui semble. Mais le fort caractère de la drôlesse ne lui dicte pas à devenir un « super-héros » de pacotille dont les pouvoirs seraient au service du bien, mais plutôt une bien curieuse souris d’hôtel afin d’assouvir ses petites fantaisies…..il faut bien vivre ! Pour son malheur, la charmante créature est liée par les liens de la cambriole avec le responsable de la brigade de vigilance rouge, mystérieuse organisation de l’état, chargée des affaires délicates et dont personne ne connaît l’existence. À sa tête, Lucien Verary qui entend bien utiliser la belle mutante afin de dénouer un sombre affaire de savant fou dont le projet insensé n’en est pas moins la destruction de monde afin d’asseoir son autorité : la routine quoi !
Nous voilà donc embarqué dans un folle histoire se déroulant en partie dans les égouts de Bordeaux, pour finir dans les vignobles de cette belle région, notre belle aventurière accompagnée d’une toute aussi délicieuse créature au don de prémonition, va devoir affronter bien des dangers avant de remettre un bon d’ordre dans ce gigantesque bazar. D’ailleurs profitant de cette escapade dans la région Brice en profite pour faire allusion à un personnage bien connu du monde de l’édition…..je vous laisse découvrir qui !
Entité protoplasmique, rats mutants, horde de Bécassines déjantées, laboratoire secret, végétation mutante, invention folle capable de modifier de climat……Ce livre est un festival de situations rocambolesques où le seul mot d’ordre est de divertir le lecteur et croyez moi, chaque chapitre apporte son lot de surprises tant l’imagination de Brice ne connaît aucune limite.
J’ai toujours aimé les histoires de savants fous, figure emblématique d’une certaine littérature d’avant-guerre où cet esprit vif, mais ô combien dérangé savait assouvir sa soif de vengeance avec des inventions toutes plus folles les unes que les autres et c’est avec cette thématique que le roman vient ici nous divertir, mais avec ce grain de folie supplémentaire propre aux auteurs, justement nourris à cette littérature. Je vous le disais plus haut, à chaque livre signé par l’auteur , c’est une surprise sans cesse renouvelée, on se frotte les mains à l’idée de ce que l’on va découvrir, on salive d’avance à chaque nouveau personnage qui vient enrichir son univers peuplé de ces héros de l’ombre qui viennent acquérir de fait une part d’immortalité. Avec la parution de ce roman chez Rivière Blanche, c’est au final la parfaite symbiose entre un éditeur qui a toujours encouragé la littérature de genre et conservé cet esprit populaire dans le sens noble du terme et un auteur qui porte en lui les derniers germes d’une génération ou écrire est plus qu’un art, mais toute une tradition au service du plaisir du lecteur.
Ce livre par son coté complètement décalé, l’enchaînement dément des situations que vont vivre les personnages (attendez de voir le cambriolage avorté de « La murène » au début du livre.) et cette espèce de « je ne sais quoi » qui confère à l’histoire cette agréable sensation de baigner dans un univers qui nous colle bien à la peau, est la preuve que la littérature populaire, loin de s’étioler retrouve un souffle nouveau que certains auteurs s’efforce de faire (re)vivre avec cette fraîcheur vivifiante et ce devoir de mémoire dans un pays où le genre connu son heure de gloire, un certain déclin et une renaissance source, de la part du lecteur que je suis, d’un émerveillement sans cesse renouvelé.
Pour conclure, la couverture bien que représentant une femme à l’air farouche n’est pas désagréable à voir (nous avons connu pire.) , une illustration plus dans le ton du roman eut été parfait ou alors , à la place du « S » sis sur la casquette de la belle aventurière , un « M » eut été le bienvenu.
Mais ne boudons pas notre plaisir, l’ensemble reste cohérent et nous ne remercierons jamais assez Rivière Blanche de tant d’implication dans les littératures de genre et de nous faire partager d’aussi bons moments de lecture.
« La Murène » de Brice Tarvel, Éditions Rivière Blanche . Collection Blanche N°2183. Illustration Mike Hoffman
À l’heure actuelle, pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas l’œuvre de Brice Travel, deux possibilités : soit ils viennent de la planète Mars, et encore, soit ils viennent d’un lointain exil ou d’un long séjour passé dans quelques obscures geôles hyperboréenne ! Il faut dire que sur la scène du fantastique et de la fantasy française, nous avons là un auteur incontournable qui depuis quelques années marque notre littérature de l’imaginaire à l’encre indélébile. Une encre faite d’une tradition populaire dont le lecteur averti parviendra à déceler la moindre trace, la plus petite allusion, de ces petits riens que l’auteur va pétrir avec tout cet amour de la langue française pour nous offrir tout ce talent dont on fait les bonnes histoires. En ce qui me concerne et bien que sa verve n’a jamais cessé de m’enchanter depuis fort longtemps, j’ai relevé un tournant décisif dans son style inimitable, lorsqu’il publia le premier tome de « Ceux des eaux mortes » et intitulé « L’or et la toise » . J’avais à l’époque publié un article enthousiaste lors de sa parution tellement le style m’avait touché de plein fouet, dans un univers éditorial qui manquait un peu d’originalité. La suite « Au large des vivants » fut à l’avenant de ce premier tome et il fut fort dommage que le public soit passé à coté d’une telle explosion de talent, lui coupant un peu l’herbe sous les pieds et empêchant de fait la parution d’un troisième volume qui eut été le fort bien venu. Après ce coup de maître dans le domaine de la fantasy, n’oublions pas qu’il fut scénariste de plusieurs bandes dessinées dont l’excellente série « Mortepierre et « Les traine-ténébres », nous le retrouvons dans un texte complètement déjanté , un roman post-apocalyptique « Une camionnette qui servait de volière » , où nous retrouvons son univers décalé bien loin des classiques du genre, un univers où le grotesque des situations se double d’une originalité dans les thèmes abordés que peu d’auteur à ce jour parviennent à rivaliser. Même constat pour son roman « Pluie de plomb sur Pluton » paru chez l’incontournable « Carnoplaste » où là aussi nous retrouvons cet univers qui au fil des années va s’étoffer d’une savoureuse consistance, construit par strates successives et assemblé avec l’intelligence de ces auteurs qui savent tirer le meilleur de cette culture de l’imaginaire acquise au cours d’innombrables lectures et restituée de la plus belle manière qui soit. Puis en 2017 arrive cet Ovni aux « Moutons Électriques » , annoncé par un bandeau « La rentrée de la fantasy Française ». Ce roman vient un peu bousculer le monde de l’édition et devient rapidement une œuvre majeure dans ce domaine. Par bonheur, la critique va être unanime et le roman de Brice devient vite une pièce incontournable de cette « fantasy française » qui vient, sans nul doute, trouver ici la clef de voûte du genre.
Comme cet auteur est un arpenteur infatigable des routes de l’imaginaire, un comble pour quelqu’un qui aime surtout vivre dans son bureau , entouré de ses livres et de ses auteurs préférés, il se laisser de nouveau guider par le souffle épique de son univers et nous propose une nouvelle œuvre atypique où vont à nouveau se croiser son imaginaire puissant et cet amusement qu’il déploie à utiliser une langue dont il s’est fait le créateur et qu’il est le seul à utiliser avec un don inimitable pour la gouaille et des aventures aussi insolites qu’absurdes. Mais de cet absurde qui font que les situations sont toujours en décalage complet avec ce que le lecteur à l’habitude de lire dans ce genre de roman, mettant en scène des personnages qui marquent les mémoires, du personnage falot et secondaire, jusqu’à celui ou celle, car dans les romans de Brice il est souvent question d’héroïne, qui dans la tourmente d’une aventure ne manque jamais de piquant portent le roman à bout de bras pour en faire un incroyable morceau de bravoure. Comme cet auteur est un arpenteur infatigable des routes de l’imaginaire, un comble pour quelqu’un qui aime surtout vivre dans son bureau, entouré de ses livres et de ses auteurs préférés, il se laisser de nouveau guider par le souffle épique de son univers et nous propose une nouvelle œuvre atypique où vont à nouveau se croiser son imaginaire puissant et cet amusement qu’il déploie à utiliser une langue dont il s’est fait le créateur et qu’il est le seul à utiliser avec un don inimitable pour la gouaille et des aventures aussi insolites qu’absurdes.
Je ne sais pas ce qui se passe dans la tête de l’auteur, mais qui pourrait croire en regardant ce personnage à l’apparence si calme et sereine, que se cache un monde incroyablement riche et complexe, possédant ses propres règles, son propre langage, sa propre logique. Alors ne me demandez pas de vous raconter l’histoire de « Astar Mara » son dernier petit bijou digne d’un orfèvre de la fantasy, un roman pareil, c’est comme un ouvrage de Jean Ray, de Georges Simenon, de Léo Mallet ou de serge Brussolo, cela ne se raconte pas, cela se lit , cela se vit ! Il y a des moments dans la vie d’un lecteur où l’admiration pour un auteur va au-delà des mots, car la lecture est une expérience unique, une expérience propre qui se ressent plus qui ne se raconte. Alors certes, dans « Astar Mara, » il est question d’un univers incroyablement riche, à la fois sombre et coloré. Vous y croiserez des personnages détestables et fascinants évoluant dans un monde où il vous faudra oublier toute logique. Un monde à la fois étrange et terrible, fait de légendes murmurées à voix basse de peur de réveiller des forces qui dépassent l’entendement. Vous y croiserez d’étranges pirates dont le bateau renferme une bien mystérieuse cargaison et si les périls que va traverser notre héroïne sont à la mesure d’un monde ne répondant à aucune logique, c’est pour mieux dérouter le lecteur, l’envelopper d’une puissante brise marine et l’entraîner dans les profondeurs d’un océan comme vous n’en avez jamais exploré. Il s’y trouve, parait-il, des hommes qui tentent désespérément d’en vider le contenu, vivant sur des îles artificielles faites de la récupération de bateaux naufragés et maintenues à flots par la mystérieuse puissance d’un fragment de lune jadis tombé sur la terre. Ainsi les dangers se font plus terribles et si la perfide sirène qui tente de récupérer un insolite bijou aux propriétés magiques reste en soi une sombre menace, ce livre est peuplé de mauvaises rencontres, de sélénites voraces qu’il ne faut surtout pas toucher, Tout est fait ici pour nous rappeler que la mer est peuplée de bien des mystères qui alimenteront à tout jamais notre inconscient collectif générant ainsi une pérennité dans ce vaste terreau fertile que sont les contes et les légendes. Mais face à un tel déploiement d’inventions, essayer de vous en extraire toutes les géniales trouvailles serait une mission aussi vaine qu’impossible.
Ce roman est la rencontre de l’univers de Jean Ray et celui de Serge Brussolo mais avec la toute puissance d’un souffle nouveau, de ceux qui vous obligent à rester à bord, quoiqu’il arrive , car l’aventure c’est aussi cela , s’embarquer à bord d’un rafiot pourri , à braver les plus terribles légendes, surmonter ses peurs , prêt à en découdre avec les êtres les plus vils engendrées par cet océan qui effraie et qui fascine : Homme libre, toujours tu chériras la mer !
« Astar Mara » ce n’est pas seulement les chemins d’eau que va parcourir Nalou, c’est également pour le lecteur une incroyable odyssée dans un univers marin qui est la parfaite synthèse de toutes ces légendes de pirates et de créatures marines que nous imaginions à la lecture des grands classiques des récits maritimes. J’espère juste, et ce sera là ma seule remarque, que Brice nous prépare une suite à ce magnifique roman, car je dois avouer être un peu resté sur ma fin lors de la conclusion et que la captivité et probable évasion de Nalou seront les prémices à de nouvelles aventures dans un monde d’une richesse inouï où l’on se laisse submerger avec délice par cette forte odeur d’iode et de bourrasques chargées de toute la puissance des embruns d’une imagination sans limite.
Saluons la présentation soignée du volume et la magnifique couverture de Melchior Ascaride qui, une fois de plus, offre un véritable écrin à cette perle sauvage, la plus pure qui soit , qui certes ne se cultive pas, car sauvage de nature, mais n’en est pas moins le résultat d’une imperfectible maturation et d’un talent sans faille.
Extrait
« L’aigle d’écume n’ayant à son bord aucun piège à mailles, on pouvait se demander comment il conviendrait de s’y prendre pour faire razzia de cet or, de ces trésors convoités par l’équipage et son capitaine. Il est vrai qu’il y avait soi-disant ce quartier de lune tombé du ciel, cette masse engloutie sur laquelle on comptait pour faciliter la tache. Était-ce une espérance bien sérieuse ? La lune, ce satellite qui n’avait toujours su qu’apporter un peu de lumière aux nuits terrestres et qui n’avait que pour fonction de gérer le rythme des marées, était-elle apte à faire jaillir des richesses qu’il suffisait à cueillir?C’était difficile à croire, mais il y avait tant de choses extraordinaires dont Nalou n’avait eu que récemment la révélation….. »
« Astar Mara, les chemins d’eau » de Brice Tarvel, Les Moutons Électriques « La bibliothèque voltaïque », Couverture de Melchior Ascaride.
Publié en 2015 ce volume de Philippe Foerster, demeure pour moi mon préféré, et ce, à plus d’une raison . Tout d’abord le contexte conjectural : Un fragment de lune se détache de notre satellite et vient pile-poil se ficher sur la centrale nucléaire de Tchernobourg . En forme de croissant de lune, il confère non seulement au paysage environnant un air d’apocalypse, mais entraîne de part son impact de nombreuses fuites en provenance des cuves radioactives et une contamination de la population qui, bien que continuant à vivre comme si de rien n’était, n’en génère pas moins son lot de mutants aux caractéristiques assez inattendues. Ensuite, il y a ce dessin inimitable qui plonge à chaque fois le lecteur dans un univers cauchemardesque et si parfois le réel imprègne l’une de ses planches, c’est pour vous plonger de manière plus abrupte au cœur de quelques sombres demeures d’où vous ne ressortirez pas vivant.
C’est donc l’histoire, où plutôt les cinq histoires racontées par un singulier personnage qui s’est auto-proclamé prêtre et qui recueille les confessions d’étranges paroissiens pour qui mutation est synonyme de malédiction. Il faut dire qu’en présence de ce représentant du seigneur de pacotille, les langues se délient vite en raison de son don un peu exceptionnel. Pourvu de tentacules en lieu et place de ce qui lui tenait de jambes, chaque fois que l’un de ses appendices touche une personne, celle-ci se sent submergée par une irrépressible envie de raconter son histoire : une bien étrange manière de se confesser !
Nous voilà donc les témoins de ces cinq histoires dont les titres débutent toujours par celui qui…., cinq histoires où le rire se mêle à l’effroi et qu’il s’agisse du récit de cette limace qui se prenait pour un top-modèle, cet homme aux étranges mains d’araignées, de ce chasseur de spectres impitoyables, d’un enfant capable de générer des explosions à l’envie ou de celui possédant cet étrange pouvoir d’engloutir les ectoplasmes, toutes baignent dans un climat surréaliste, imprégnées del’univers si particulier de Philippe Foerster. Car l’homme est non seulement doué pour nous conter des histoires d’un macabre taillées dans du diamant, mais il nous délecte de son coup de crayon inimitable aux perspectives parfois vertigineuses en jouant habilement avec la bichromie histoire d’accentuer le coté glauque et spectral de certaines situations. Cet auteur est pour moi la quintessence même de toute cette littérature fantastique dont j’ai été nourri et tout particulièrement Jean Ray bien entendu, mais également Thomas Owen et Gérard Prévot en passant par Kafka et Topor. Tout un univers de personnages falots, parfois insignifiants, mais qui vont être confronté à un destin souvent abominable, comme si ce dernier, dans un excès d’acharnement voulait leur montrer qu’il peut y avoir des choses bien pires qu’une vie triste et insignifiante. L’univers de cet artiste, c’est une galerie de portraits incomparables, de Freaks aux sourires désabusés, entre la caricature et la sombre réalité qui nous entoure, le quotidien de ses petites gens qui un jour va basculer dans un fantastique pur et dur avec un humour souvent corrosif mais avec toujours un soupçon d’humanité . Il est parvenu à insuffler une dimension fantastique à notre vie quotidienne en donnant juste un petit coup d’épaule pour nous faire comprendre que, d’un claquement de doigt tout peu basculer et qu’au final l’imaginaire n’est qu’une question de point de vue.
Sans nul doute un album excellent qui ne devrait pas vous laisser indifférent tant par le texte que par l’image, j’y ai personnellement trouvé beaucoup de talent, de génie et de cette sensibilité qui lors du dernier dessin de la dernière histoire ne pourra pas vous laisser de ce marbre de la pierre tombale.
« Le confesseur sauvage » est un album à consommer sans modération et de toute urgence, car une chose est certaine, c’est que vous n’en sortirez pas indemne et qu’il exercera sur vous cet étrange pouvoir attractif de ces ovnis de l’imaginaire qui se font rares par les temps qui courent.
« Le confesseur sauvage » par Philippe Foerster. Éditions Glénat 2015.
Note de l’éditeur :
Les monstres aussi ont leurs états d’âme !
Dans la ville de Tchernobourg, suite à une catastrophe nucléaire, une partie de la population se retrouve transformée en d’effroyables mutants. Résultat : des limaces géantes, hommes-araignées et toutes autres sortes de monstruosités côtoient à présent les citoyens lambda. L’un de ces mutants, un poulpe empathique, remarque un fait étrange : lorsqu’il s’assoit près de quelqu’un, l’un de ses tentacules se met inéluctablement à venir tapoter amicalement l’épaule de son voisin qui se met aussitôt à se confesser. C’est ainsi que notre ami poulpe va s’improviser prêtre et venir à la rencontre des habitants de Tchernobourg recueillir des témoignages tous plus délirants les uns que les autres.
Il existe certains auteurs qui me font penser à cette catégorie de réalisateurs dont l’immense talent leur permet de créer des films culte et ce, quel que soit le genre abordé. Estelle Faye est un peu de la trempe de types comme Stanley Kubrick ou Robert Wise dont le génie leur permet de réaliser un chef-d’œuvre dans des domaines aussi variés que le western, le polar, le film de science-fiction, de guerre ou la comédie musicale. Lorsque l’amateur éclairé se penche sur la carrière de cette auteure, il lui sera possible de se rendre compte de la diversité des genres qu’elle aborde dans ses romans : Fantasy, Roman post-apocalyptique, roman historique, roman pour la jeunesse et dernièrement space opéra…..et tout cela avec le même talent, la même délicatesse d’écriture et surtout ce don inné pour raconter de belles et prenantes histoires afin de capturer le lecteur et de le tenir en haleine de la première à la dernière page.
Déjà lauréat de nombreux prix, son dernier roman « Les nuages de Magellan » vient de revoir le prix « Rosny aîné » pour cette petite merveille de space opéra et l’on se félicite que le jury ne soit pas passé à côté d’un texte écrit comme il se doit avec toute la maestria dont elle sait faire preuve. Dans ce roman , Estelle en restant fidèle aux bonnes recettes du genre , est parvenue à lui insuffler sa propre respiration en sachant doser efficacement ce qu’il fallait d’aventure, de mystère, de passion de sensibilité et de baston dans un monde en pleine mutation où la conquête de l’espace n’est plus que l’apanage des grandes compagnies à la solde d’un pouvoir dictatorial voulant imposer sa propre loi aux hommes qui ne demandent qu’à vivre librement et assouvir eux aussi leurs besoins d’explorer de nouveaux horizons , d’aller au-delà de ce que peut leur permettre une vision étriquée. C’est l’histoire d’une civilisation opprimée se raccrochant à de vieilles légendes d’un monde meilleur, de pirates de l’espace et de capitaines courageux. L’histoire d’un mythe, d’un légendaire vaisseau de pirate qui tente fièrement de se dresser contre le pouvoir en place et qui vient narguer les dirigeants d’un univers qui ne fonctionne pas comme il le devrait. Avec ce récit, Estelle revisite également nos bonnes vieilles histoires de pirates où jambes en bois et bandeau sur œil crevé sont remplacés par des jambes artificielles et des yeux bio ioniques. Vous allez y retrouver avec délectation l’histoire d’une belle héroïne, Dan chanteuse de jazz qui, la tête toujours dans les étoiles, va croiser le chemin de Liliam, véritable légende vivante et embarquer avec elle dans une incroyable histoire qui va les mener aux confins de la galaxie à la recherche de leur « Île au trésor » la mystérieuse Carabe , havre de paix où la richesse se matérialise sous la forme d’une liberté sans condition .
Le lecteur que je suis, nourri aux classiques du genre, va se délecter à la découverte de ces mondes mystérieux, peuplés d’étranges créatures et de personnages hauts en couleur qui vont croiser le chemin de nos deux héroïnes et participer à une aventure qui rapidement va se révéler exaltante mais terriblement dangereuse. « Les nuages de Magellan » c’est aussi le retour en force de véritables héroïnes, prenant leurs destinées en main, et prouvant avec beaucoup de panaches et de subtilité, qu’un bon roman du genre n’est pas uniquement bourré de testostérones. Un roman qui prône la tolérance et l’acceptation des différences non seulement des rapports entre humains mais aussi entre l’homme et de fait femme avec la machine.
J’aime toute cette délectable sensibilité dans l’écriture de l’auteure, elle a cette faculté de vous emporter de sa plume délicate mais virile à la fois, car ce n’est pas une main puissante mais molle qu’elle vous tend mais des doigts délicats et fermes. Il y a de l’inventivité dans les mondes qu’elle nous propose, des idées excellentes qui viennent titiller notre cervelle de lecteurs aguerris et nous procurer ce plaisir jubilatoire que recherche l’amateur du genre lorsqu’il ouvre un nouveau livre. Quelle belle idée que celle de ce capitaine lié à son vaisseau par un lien organique, un bras artificiel en l’occurrence, et lui permettant cette fusion parfaite que seule une amputation sera capable de rompre définitivement. Ce livre regorge idées, comme cette mystérieuse planète faite de sel et cette autre construite sur plusieurs niveaux….. alors embarquez à bord du « Carthagéne » , vous verrez que vous ne serez pas au bout de vos surprises ! Cet ouvrage est en effet une véritable porte ouverte vers des mondes étranges qui jadis peuplaient les étals des marchands mais qui peu à peu ont laissé place à une littérature insipide, formatée où l’aventure n’est plus que synonyme d’ennui mortel, à suivre les fades exploits de héros de plus en plus conventionnels. Il y a dans son style ce plaisir que nous éprouvions lorsque, à l’époque où le space-opéra était un genre divertissant et surtout plaisant à lire, nous prenions l’un de ces précieux volumes tout en sachant que, quoiqu’il se passe, nous allions nous évader, la tête dans les étoiles, pendant quelques heures de pur bonheur,
J’ai retrouvé dans ce texte ce même plaisir de lecture, je me suis laissé emporter par son aisance d’écriture et je me suis retrouvé le temps d’un clignement de paupière, tellement le texte est prenant, à cette époque où je découvrais avec ce plaisir mâtiné de ce petit frisson de l’aventure ces bons vieux romans de pirates et de trésors cachés, de princesses aux prises avec des super méchants de l’espace, de toute cette littérature qui a bercé notre enfance et qui quelques années après nous procure avec ce volume, des sensations identiques .
Voilà un univers qu’il ne reste plus qu’à exploiter, car il y a plein d’éléments qui nous laissent présager peut-être une suite à l’aventure et de toute façon en l’état, il est impossible à Estelle de nous laisser prisonnier d’un univers aussi riche et plein de promesses et de nous y abandonner sans nous donner la possibilité d’y vivre de nouvelles épopées. C’est le seul reproche que je peux avoir à l »encontre de cet ouvrage, c’est de nous avoir ouverts l’appétit sans nous avoir complètement rassasié. Mais c’est là un de mes défauts, une gourmandise insatiable qui me pousse, lorsque je suis accro à quelque chose, d’en vouloir encore toujours plus,
Mais en l’état, « Les nuages de Magellan » se suffit à lui-même, une incroyable et belle odyssée , pleine de sensibilité, d’inventivité et de toutes ses petites choses qui dans un travail d’écriture font que dès que vous lisez les premières lignes, vous savez que vous allez être prisonnier, pas par obligation, mais par choix délibéré car c’est vous-même qui avez fermé la porte et jeté la clef afin que personne ne puisse vous faire sortir , et ça, ce n’est pas donné à tout le monde !
Un superbe dernier roman à rajouter à un palmarès déjà d’une grande richesse.
« Les nuages de Magellan » de Estelle Faye éditions Scrineo, Couverture de Benjamin Carré
Il y a des livres comme ça qui lorsque vous les refermez vous laissent un sentiment de satisfaction intense, de celle qui vous imprègne totalement avec cette sensation d’avoir eu entre les mains un objet unique que tout le monde a laissé filer , le laissant dans une ignorance totale et de fait vous l’approprier, le faire votre, comme un trésor caché et dont vous êtes le seul à connaître l’existence.
« La mort de Paul Asseman » de Laurent Mantese, c’est d’abord une couverture de Léo Gontier, une illustration envoûtante et qui résume bien à elle seule l’univers dans lequel le lecteur va se retrouver prisonnier, une maison, une fenêtre éclairée, une brume lactescente où l’on devine des silhouettes fantomatiques qui n’appartiennent pas à notre univers. C’est un paysage éclairé par une lune blafarde au-dessus d’une demeure aux allures d’une Malpertuis des temps modernes. Il y a déjà une ambiance qui se veut résolument fantastique et l’auteur, loin de vouloir berner le lecteur annonce déjà la couleur : le héros de l’histoire quoiqu’il arrive va mourir, ne nous reste plus qu’à découvrir de quelle manière. J’aime lire ce genre d’ouvrage où d’entrée de jeu, on ne tourne pas autour du pot sur plus de 300 pages. On sait comment tout cela va finir, mais le plus important n’est pas de savoir comment, mais surtout pourquoi. C’est ce que va faire Laurent Mantese dans ce texte qui oscille entre fantastique et roman de mœurs dans une écriture bien tassée d’un style époustouflant qui tour à tour vous plonge dans une sorte de mélancolie avec la précision toute chirurgicale de la vie des gens de la campagne dans une nature hostile et fascinante à la fois, pour passer à la terreur pure où il va justement se servir de ce cadre si propice à un climat aux différentes nuances spectrales. Une région où la rudesse des gens est le résultat d’une environnement à la fois hostile et d’une beauté sauvage. C’est l’histoire de plusieurs malédictions à commencer par celle de Paul Asseman qui après la mort tragique de sa femme et de son fils décide de se retirer loin de monde afin d’essayer de plonger dans une amnésie salvatrice, celle de cette maison, un ancien relais de poste, qui par tradition reçoit les différents médecins venus s’installer dans la région et qui abrite en son sein bien des secrets, celle des habitants condamnés à vivre dans cette région oubliée des hommes et qui renferme bien des légendes. C’est aussi et surtout l’histoire d’une médecin de campagne qui pense pouvoir changer le cours des choses, d’un étranger qui, bien que symbolisant le savoir, n’en est pas moins une pièce rapportée , un « gars de la ville » à qui l’on hésite d’accorder sa confiance . Mais c’est avant tout une histoire d’un homme face à ses responsabilités et sa condition d’être humain qui va se retrouver confronté à des situations dont l’étrangeté n’a d’équivalent que la violence par laquelle les phénomènes extraordinaires vont se manifester : tout dans sa cette nouvelle vie semble vouloir aussi bien le happer que le mettre en garde contre quelque chose d’indicible et au fil des pages qui glissent entre vos mains d’une manière effrénée, c’est toute l’originalité d’un fantastique d’une puissance incroyable qui prend forme pour se conclure d’une manière surprenante.
Dans cette nouvelle retraite, véritable entité vivante respirant au rythme de la nature environnante, le héros va tenter d’apprivoiser les murs de cette étrange demeure qui va nous livrer au fil de l’histoire bien des secrets, nous procurer bien des frissons.
Comme je vous le disais au début, Laurent Mantese est un virtuose des mots, il nous entraîne avec brio dans un récit d’une parfaite maîtrise et je retrouve là toute la puissance d’un Claude Seignolle avec ce talent si particulier de nous décrire des choses qui au premier abord insignifiantes, construisent un texte riche de descriptifs aux consonances poétiques, mais de cette poésie que seuls les gens de la terre peuvent percevoir, ressentir et dont il sont les seuls à en comprendre la finalité. Il y a de la musicalité dans son écriture, un rythme d’une sombre beauté, d’une mélancolie rare et qui vous attrape les tripes de sa poigne glacée pour vous laisser haletant, mais avec ce plaisir et ce juste avec des mots, d’être parvenu à vous faire pénétrer dans son univers et d’en partager les sombres menaces. La comparaison avec Seignolle n’est à prendre à la légère, juste placée ici pour faire plaisir à l’auteur ou inciter de potentiels lecteurs, non il y a dans son style une tradition du fantastique propre aux gens du terroir , l’empreinte d’une homme qui puise aux sources même de nos légendes ce terreau si fertile « ce murmure du vent qui se lève, la goutte du ruisseau qui passe et ce frisson de son âme afin de pétrir les choses dont on fait les histoires »
Lire « La mort de Paul Asseman » c’est la garantie de fleurter avec la plume inspirée d’un grand écrivain qui est parvenu à insuffler une âme nouvelle à la littérature de genre et nous donner certainement l’œuvre la plus aboutie sur la thématique de la maison hantée, entre autres, depuis de nombreuses années. Mais je ne vous en dirais pas plus les amis…..lisez le !
Remercions Philippe Gontier et « La clef d’argent » de nous avoir ainsi fait le cadeau d’une aussi belle pépite dans un aussi bel écrin, Laurent Mantese nous avait déjà témoigné de son travail d’écrivain accompli avec « Le comptoir des épouvantes » et « Le rapport Oberlander » aux éditions Mapertuis , voilà qui ne fait que confirmer qu’il est bel et bien un auteur incontournable au talent plus que confirmé.
« La mort de Paul Asseman » de Laurent Mantese Éditions « La clef d’argent » Avril 2019
Je viens enfin de terminer le deuxième tome de « L’héritage du Dr Moreau », ayant pris un retard considérable sur ma pile en souffrance, et je dois avouer que, tout comme le premier volume, je n’ai pas été déçu par cet ouvrage qui vient ici conclure la lutte du célèbre docteur à la tête de la fameuse « Compagnie des intelligences botaniques »au prise avec de bien mystérieuse créatures, les Vril-Ya, réveillées d’un sommeil séculaire et qui ne rêvent que d’une chose : conquérir le monde. Mais ce n’est pas la seule menace qui pèse sur le monde. Les Martiens ont en effet prit possession de l’Angleterre et compte bien eux aussi asservir l’humanité au moyen de leur technologie aussi puissante que meurtrière, Albion est ainsi isolée et il faudra toute l’audace et le courage des créatures au service du Dr Moreau et de son fils pour venir à bout de ces deux terribles menaces qui mettent en danger l’équilibre de la planète.
Nous évoquions lors du colloque sur le Merveilleux-Scientifique de la continuité du genre et lors d’une intervention fort appréciée de Jean-Guillaume Lanuque responsable des superbes anthologies chez Rivière Blanche « Dimension Merveilleux-Scientifique et Robert Darvel éditeur de la célèbre revue « Le Carnoplaste » et écrivain chevronné, nous étions d’accord sur le fait que le genre devait probablement se tourner plus vers l’humour ou la parodie et aller chercher son lectorat dans l’originalité. Nul doute que Jean-Claude Renault nous prouve avec éclat qu’il est encore possible de nos jours de faire du moderne avec de l’ancien et parvenir à dynamiser un genre que l’on croyait obsolète ou en tout cas trop désuet pour parvenir à tenir en haleine un public. En deux épais volumes avec un style énergique et bien rythmé, il parvient sans défaillir à nous tenir en haleine en faisant intervenir une multitude de personnages qu’il prend le temps de développer, à rendre sympathique ou fort méprisable, Bien entendu il se sert de figures emblématiques du M-S en réutilisant certains codes du genre , mais en les modernisant et en parvenant à faire preuve d’originalité comme cet arbre gigantesque qui pousse en plein Paris, se nourrissant d’électricité et capable de fournir de singuliers livres mémoires qui seront d’une utilité capitale dans la lutte contre les envahisseurs. Personnages de fiction croisent des figures historiques dans un habile mélange qui certes rappelle le concept des « compagnons de l’ombre » , mais avec une fort belle originalité qui, sur plus de 600 pages, force le respect.Jean-Claude Renault connaît ses classiques , il les utilise avec un sens du rythme qui pousse le lecteur à aller de plus en plus en avant dans l’histoire, générant chez lui une forme d’addiction et qu’il quittera avec regret à la toute dernière ligne avec un dernier clin d’œil que j’ai particulièrement apprécié. Il y a de l’action, des scènes de batailles titanesques, des armes redoutables, des mutants, des êtres étranges repoussants et attachants et une lutte de pouvoir entre puissances étrangères qui nous plongent à la fois dans le roman extraordinaire, d’espionnage et d’aventures scientifiques pour nous entraîner dans un récit audacieux et foutrement bien construit. Un auteur que l’on n’avait pas vu arriver, en tout cas en tant que continuateur d’un genre que l’on croyait démodé et qui trouve en l’espace de ces deux volumes riches de belles couvertures de Pierre Droal l’espace suffisant pour nous prouver que le genre peut se renouveler d’une fort belle manièr .
Merci aux éditions Nestiveqnen de nous avoir donné l’occasion de passer un aussi agréable moment de lecture, mais il faut dire qu’il nous a bien habitué à quelques auteurs plus que recommandables comme avec les deux volumes de Paul Martin Gal et les deux derniers que je viens de recevoir : « Le Möbius Paris Venise » de François Darnaudet et « L’envol de Moby Dick » de …..Jean-Claude Renault, en somme que du bonheur !
Pour en savoir plus sur les ouvrages de l’auteur et de sa très sympathique Compagnie des intelligences botaniques c’est ici: http://www.lacompagniedesintelligencesbotaniques.com/
« L’héritage du docteur Moreau » tome 1 et 2 de Jean-Claude Renault, Parus en Novembre 2018 aux éditions Nestiveqnen, Couvertures illustrés par Pierre Droal
Fraîchement admis dans le très prisé « Club des inventeur » , Samuel Prothero jeune aliéniste dont la réputation reste à prouver est contacté par Jeffrey Richmond à la réputation sulfureuse. En effet, en cette fin du XIXéme siècle on voit d’un mauvais œil un homme aussi génial, vivre dans un quartier mal famé, entouré de miséreux et qui plus est dans un maison ayant servi de bordel pendant de longues années. Richmond lui propose d’asseoir sa réputation en proposant au jeune psychiatre une expertise qui pourrait se révéler déterminante pour sa réputation. En prenant ses quartiers dans l’étrange bâtisse, il découvre alors l’invention que son hôte vient de réaliser, une colossale machine capable de purifier l’air. Mais ce qu’il va découvrir rapidement, c’est que cette structure possède une propriété bien particulière, celle de faire revenir les morts ! Commence alors une étrange aventure où l’aliéniste découvre peu à peu l’étrange relation de Richmond avec sa défunte sœur, Christine, dont le spectre vient hanté la maison et du terrible secret lié à sa disparition prématurée. Commence alors un pénible travail de psychanalyse, ballotté entre une ancienne prostitué dont il tombe éperdument amoureux, un spectre qui supporte mal sa condition immatérielle et son frère qui cache un passé bien plus terrible qu’il n’y paraît. L’aliéniste, plus que sa raison, risque d’y perdre la vie dans un final d’apocalypse où « L’attracteur de Rose Street » devient une porte ouverte sur le monde des vivants .
Dans ce court roman inédit proposé par la magnifique petite collection « Un heure lumière » , nous avons un texte, bien soigné, admirablement écrit et nous racontant la mise en abîme d’un homme qui va se retrouver détruit par sa propre invention. Au delà de cette thématique du « savant fou » , c’est une histoire d’amour et de mœurs que nous propose ici l’auteur dans un cadre victorien fort bien à propos, venant renforcer l’atmosphère délétère et de déchéance qui flotte dans cette sinistre demeure. En se faisant côtoyer plusieurs thématiques, histoire de fantôme et de maison hanté, c’est aussi un roman à caractère sociologique où nous est dépeint un société machiste complètement gangrenée par le cadre étriqué de la bienséance et du « quand dira t-on », du moins en apparence. Mais ce roman est avant tout une formidable histoire de possession, doublé d’une histoire d’amour où les personnages vont se retrouver prisonniers non seulement de leurs sentiments mais des remords d’un passé qui leur est impossible d’effacer. Malgré la taille de l’œuvre, les personnages ont une belle consistance et Shepard est parvenu à créer une véritable atmosphère étrange , proche de l’ oppression. Cependant, une question se pose à la lecture de ces 128 pages : Le roman dégagerait-il une telle force s’il avait été traduit différemment ? En effet il nous faut saluer ici le talent de Jean-Daniel Brèque dont on retrouve toute la minutie du choix des mots avec ce style qui lui est propre et que l’on retrouve avec délectations dans sa collection Baskerville, consacrée exclusivement au polar Victorien.Sous sa plume inspirée, le roman se révèle être d’une lecture plus qu’agréable, elle bonifie un texte qui à mon avis demandait un grande subtilité de traduction en regard de la thématique et de l’époque où se situe le roman . Certes, c’est un exercice dont il a grande habitude, toutefois un roman contemporain situé dans le passé avec le style de l’époque , voilà un défit qu’il était difficile à relever et les deux écrivains ont réussi à le relever haut la main et je puis vous assurer que « Les attracteurs de Rose Street » est la meilleur histoire de fantôme que j’ai eu l’occasion de lire depuis fort longtemps.
Sous une magnifique couverture d’Aurélien Police, voilà un petit roman dont le prix ridicule ne grévera pas votre budget et qui marquera certainement votre esprit de lecteur féru d’histoires de fantômes.
« Les attracteurs de Rose Street » de Lucius Shepard, Éditions Le Bélial collection « Une heure lumière » N° 15. Couverture d’Aurélien Police.
Lorsque Thomas Cazan est contacté par une riche excentrique afin de se lancer sur les traces d’une curieuse machine à dialoguer avec les morts, septique au départ, il va par la suite se laisser entraîner dans une bien singulière aventure , jonchée de mystère, mais surtout d’un grand nombre de cadavres ! Il faut dire que l’on ne plaisante pas avec les morts et le héros du livre sait de quoi il parle, un drame douloureux lors d’une précédente enquête lui ayant ôté la présence du seul être au monde pour qui il avait un réel attachement. Mais la quête de cette mystérieuse machine ne va t-elle pas l’entraîner dans une histoire bien plus complexe qu’elle n’y paraît ? Pourquoi des hommes meurent-ils foudroyés par une fantomatique apparition, pourquoi une correspondance entre le célèbre Camille Flammarion et Thomas Edison suscite t-elle tant de convoitise, quels bénéfices la « Fondation Edison pour le Progrès » comptent-elle tirer de la découverte du fameux nécrographe et d’ailleurs cet appareil existe t-il vraiment ? Autant de questions que va essayer de résoudre le journaliste de la revue ENIGM , aidé en cela de manière indirecte par son ami policier le capitaine Bennoum qui va également faire les frais de cette incroyable aventure où se mêle d’une manière inextricable réalité et fiction, avec des enjeux pouvant avoir des retombées lourdes de conséquences, tant sur le plan scientifique que mystique.
Passionné des détectives de l’occulte et fortement impressionné par les deux précédents volumes d’Éric Bony (dont vous trouverez une chronique du premier volume « Le tombeau du diable » sur les pages de ce blog) j’étais donc impatient de me replonger dans les mystérieuses enquêtes de ce journaliste de la revue ENIGM . Fébrilité se mêlant avec une curiosité toute justifiée par la lecture récente d’un ouvrage de Philippe Baudoin, grand spécialiste de spiritisme, consacré au célèbre inventeur Thomas A.Edison et de sa peu connue machine à communiquer avec les morts : le nécrophone. Dans ce volume intitulé « Le royaume de l’au-delà précédé de Machines Nécrophoniques » l’auteur nous révèle le mystérieux parcours de cette invention hors norme et de la relation existant entre le milieu scientifique de l’époque (nous sommes au début du XXéme siècle.) et le monde spirite, mais surtout les différentes « machines » qui furent imaginées afin d’établir un contact avec le monde des morts. D’ailleurs, Eric Bony ne manque pas de remercier Philippe Baudoin, de lui avoir révélé par l’intermédiaire de cet ouvrage, l’existence du nécrophone et par voie de conséquence d’avoir contribué quelque part à la réalisation de « La voix des morts ». Mais une simple idée ne suffit pas à écrire un bon roman, encore faut-il tout le talent d’un auteur pour réaliser ce subtil mélange permettant au lecteur de se faire happer dès la première page et de le tenir en haleine jusqu’à la dernière. Il y a des talents comme ça qui réussissent ce pari de cette curieuse alchimie entre les genres et construisent une aventure qui vous accroche dés le premier chapitre en vous disant que, quoi qu’il arrive, vous ne lâcherez pas le livre.
Probablement, qu’il a joué sur la corde sensible du Savanturier que je suis depuis fort longtemps , mais il faut avouer que tous les ingrédients sont réunis pour me satisfaire tout en poussant de petits gloussements de satisfaction .L’amateur de curiosité littéraire trouvera donc dans ce volume de 300 pages, un habile mélange de polar ésotérique, de fantastique, d’aventure et de ……merveilleux scientifique ! Car voyez-vous les amis Eric Bony s’est fait plaisir en introduisant des éléments historiques pour agrémenter son récit, on y parle entre autre de la découverte d’un ancien tunnel sous la manche, mais le lecteur stupéfait va également se trouver au cœur d’une intrigue sous l’emprise d’une puissante société occulte, sans oublier l’intervention de personnages ayant marqués il y a fort longtemps les esprits scientifiques et littéraires, dont Camille Flammarion et Jules Verne en sont les plus célèbres représentants. Que le lecteur avide de situations qui frisent le rocambolesque et le populaire se frottent également les mains, car le personnage le plus charismatique du roman d’aventures y trouve également une place de choix avec une découverte sensationnelle qui va ajouter un énorme plus à ce roman déjà riche en rebondissements.
En jouant habilement avec les grands classiques du genre, l’auteur nous livre dans cette troisième enquête de Thomas Cazan, digne successeur de Carl Kolchak (les amateurs de la série « Dossiers brûlants comprendront) un roman digne de figurer dans toutes les bibliothèques des Savanturiers, car il est la synthèse de tous les genres que nous apprécions tous et dont la thématique du détective de l’occulte et du merveilleux scientifique en son les saveurs probablement les plus appréciées des amateurs.
Le seul bémol reste la couverture, qui ne rend pas hommage à ce magnifique bouquet d’imaginaire que nous propose Eric Bony. Son coté photo montage « cheap » tenterait plutôt à décourager si nous ne connaissions pas ce nouveau héros des détectives de l’étrange et de tout le talent de cet auteur dont nous attendons avec impatience la suite de ce très plaisant « La voix des morts »
« La voix des morts » d’Eric Bony. Edition City Thriller 2018.
Dans la même série lire également « Le tombeau du diable » et « La musique des ténèbres » les deux précédentes aventures de Thomas Cazan, journaliste de l’étrange.
- « Ne dirait-on pas des bris de céramiques géantes ? Avança Hary Foote,
- Plutôt des caillots noirs vomis par les ruptures hémorragiques d’une civilisation cyclopéenne, non ? Lui opposa le chirurgien Erving »
Lorsque le 24 Juillet 1911,Hiram Bingham « découvre » les ruines du Machu Picchu, il était loin de percevoir l’impact de cette incroyable et improbable mise au jour du site archéologique le plus célèbre au monde. Car voyez vous l’histoire a pour malice de nous révéler que les choses qui restent en surface et loin de vouloir gratter au plus profond de ses couches successives, elle préfère nous raconter l’aspect le plus crédible des choses, tout ce que le public sera prêt à recevoir sans un haussement de sourcil ou une rire sarcastique. Chers Amis, les livres d’histoire nous mentent ! Pour preuve cette immense farce qu’est la découverte de l’Amérique et comme il est plus compliqué de revenir sur des prérequis vieux de plusieurs décennies, le choix sera de vouloir se cacher la face et continuer de nous bercer de la douce illusion de nos petits acquis intellectuels. Fort heureusement, il existe des hommes qui prenant leur courage à deux mains, n’hésitent pas à révéler à un public souvent naïf, l’incroyable vérité, au risque d’émousser sérieusement leur solide réputation. Robert Darvel est de cette trempe-là et, armé de toute une pile d’ouvrages scientifiques, d’études ardues pour le commun des mortels et de vieilles cartes qu’il vous faut déplier avec d’infinies précautions, cet homme disais-je, va se plonger au cœur même de l’aventure et suivre les trace de cet intrépide explorateur dont une poignée d’individus à peine, connaît la véritable histoire des « Femmes d’argile et d’osier ».
C’est avant tout un roman d’aventure avec un grand « A » que nous livre ici l’auteur, loin des artifices et des phrases maintes fois rabâchées, car plus que se faire le biographe d’un intrépide explorateur, il va réaliser un tour de force graphique, mais pas n’importe lequel car voyez-vous, l’écriture ça se mérite comme il en va de même avec cette génération d’hommes intrépides qui firent la gloire du cinéma et de nos bibliothèque. Ouvrir un tel roman, c’est vivre de fait une double expérience, celle de suivre les traces imaginaires de ce qui est peut-être arrivé (thèse valable à défaut de preuves contraires) mais surtout ne faire qu’un avec le style inimitable de cet explorateur du vocabulaire, savanturier hors pair de la narration qui vous emporte dans son verbe aussi enivrant que les fleurs exotiques qui abondent dans la jungle de ces contrées lointaines. Bien entendu, comme je l’ai déjà lu sur la toile à propos de son roman, on pense aux films de Herzog et au tout récent « The lost city of Z » de James Gray, tant dans le roman, la foret est perçue comme une entité vivante, prête à nous engloutir à notre tour, mais ce serait trop réducteur et ne pas regarder également du côté du réalisme fantastique sud-américain et de ces auteurs qui sonnent à nos oreilles comme autant de promesses de savoureuses et hallucinantes lectures, une erreur impardonnable : Borges, Marquez, Sepulveda,Varga Llosa………
Tout dans cette aventure fleure bon les auteurs de ces pays que l’on a tendance à oublier, mais qui pourtant imprègne notre imaginaire d’une façon pérenne tant leur style narratif est d’une puissance rare et leur approche de l’imaginaire est en parfaite osmose avec cette nature qui à l’image du shintoïsme au Japon, est partout et ce bien avant que n’apparaisse la toute première ébauche de l’homme. Pour avoir passé quelque temps au Pérou, j’ai retrouvé avec plaisir l’odeur de la terre et de la végétation, la fureur et la majesté de l’Urubamba , le contact avec les habitants locaux, si fiers de leurs racines et qui portent encore sur leur visage toute la noblesse et la beauté d’une civilisation à la gloire passée, éradiquée par un pays « civilisé » affirmant son arrogance de conquérant à coup de mousquets et de crucifix. Le roman de Robert Darvel possède cette particularité de nous transporter dans un univers incroyablement bien construit , « dicté par une logique où effectivement des éléments perçus et décrétés comme magiques , surnaturels, voire irrationnels surgissent dans un environnement défini comme réaliste, à savoir un cadre historique, géographique, ethnique, social ou culturel avéré », mais avec sa manière à lui baignée dans un onirisme qui lui est propre, généreux en diable lorsqu’il lui faut placer ses personnages dans des situations où cette fameuse frontière entre le réel et l’imaginaire nous enveloppe de cette brume d’une formidable densité tant sa matière est chargée des mystères de la terre. C’est un roman unique où le réel s’imprègne peu à peu de toute la magie d’une civilisation ayant toujours entretenu un rapport étroit avec la nature, où les dieux reposent d’un sommeil tout relatif et dont les rêves projettent les vivants dans un univers fait de femmes aux corps parfait d’argile et d’osier. On se laisse emporter par cette frénésie surréaliste et si l’action laisse souvent la place à un exercice de style où la beauté des décors n’a d’équivalent que les situations extrêmement bizarres dans lesquelles se débattent nos intrépides explorateurs, cet univers à la fois dangereux et fascinant est une porte ouverte vers un monde insoupçonné, régit par ses propres lois, sa propre logique.
Franchir cet œil du monde pour évoluer dans « l’en deçà », c’est mettre les pieds où le lecteur doit abandonner tout ses repères, admettre l’impensable, écouter parler les pierres, tomber sous le charme de femmes aux corps subtils que seuls les initiés peuvent discerner, affronter les terribles gardiens du temple, hommes de métal et de rouille et atteint d’un mal encore plus dévastateur : une terrible malédiction qui va les obliger à renaître encore et toujours et rester prisonnier de leur misérable carcasse, ossature de métal grossier dans un monde aux fragrances subtiles. Lire une telle aventure, c’est admettre qu’un homme, unijambiste, trouve sa force dans un scaphandre trouvé en pleine jungle et terminer son formidable périple par un nouveau membre accordé par dame nature et qui tel un lierre doué d’une conscience propre va finir par l’assimiler et ne faire qu’un avec lui. Poupées dotées de conscience, muletier capable de se dissocier tel un pantin de bois…….. Une imagination sans limite, poussée dans ses plus magnifiques retranchements afin de sublimer une expédition de légende dans un cadre hostile et sans concession, mais pouvant se révéler d’une grande richesse pour celui qui parviendra à ouvrir ses propres portes de la perception.
Heureux lecteur se laissant aller à cet inoubliable périple, se fondre dans la masse et plonger au cœur de cette forêt aux multiples facettes, il lui sera alors possible de ressentir la métamorphose des protagonistes de l’histoire, pris au piège de cet univers qui vous hypnotise et vous paralyse tout en les laissant s’imprégner de cette douce chaleur, cataplasme onirique apaisant leurs muscles endoloris. Leur devenir ne sera plus le même en prenant pleinement conscience que les ruines du Machu Picchu ne sont que futilités face à la délicatesse d’un monde qu’ils seront probablement les seuls à revendiquer.
Nul doute qu’une fois de plus, l’auteur nous livre ici un roman d’aventure avec ce qu’il possède de plus noble et de plus jouissif pour le lecteur qui se respecte ,une merveilleuse pépite, un ovni littéraire, serti dans un écrin de la plus belle élégance que les amateurs éclairés n’hésiteront pas à enfermer dans leur coffre à bijou/bibliothèque.
Une magnifique légende vient ici de naître, celle des femmes d’argile et d’osier dont je viens de tomber amoureux et qui pendant fort longtemps, viendront entretenir cette passion pour l’imaginaire français qui de marquer un grand coup.
Qu’il est bon de temps à autre de sortir, à l’image de Hiram Bingham , des sentiers battus et de se laisser aller à découvrir des territoires vierges, mais riches d’une prose et d’un imaginaire rarement rencontré.
Robert Darvel me fait penser à un volcan, calme en apparence mais bouillonne intérieurement et lorsque jaillit l’éruption c’est pour nous submerger d’un feu intérieur , une coulée de mots d’une beauté époustouflante et qui avance inexorablement mû par une force tranquille et dont le passage ,bien des années après,laisse les traces de son extraordinaire puissance.
« Femmes d’argile et d’osier » de Robert Darvel. Publié par les moutons éclectiques sous une magnifique couverture panoramique de Melchior Ascaride.