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« L’Evangile Cannibale » de Fabien Clavel

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Curieux roman que celui de Fabien Clavel, auteur dont j’avais fait un coup de cœur pour son magnifique ouvrage « Feuillet de cuivre » , nous révélant tout le talent d’un écrivain protéiforme à l’imaginaire riche et parfaitement structuré. Tout comme celle du vampire, la thématique du zombi à maintes fois était utilisée, usée jusqu’à l’os pour rester dans l’ambiance et ce qui m’a poussé à me rendre acquéreur de ce volume réédité par l’excellente collection de poche « Hélios », c’est avant tout la couverture et par voie de conséquence retourner le livre, lire le résumé et l’acheter immédiatement. Il y avait dans ces quelques lignes ligne ce fameux « je ne sais quoi » qui souvent fait la différence et surtout un sujet, certes classique dans la littérature de genre, mais surtout ce petit plus qui ne pouvait que valoriser encore plus le roman : le fait d’utiliser des retraités comme héros. L’exercice avait été traité avec brio dans le roman de Brice Tarvel « Le bal des iguanes » et quelque part, j’avais envie de me replonger dans cet univers encore plus décalé que celui des zombis : celui des vieux !
Pour avoir travaillé en leur compagnie en tant que soignant, c’est un univers que je connais bien et contrairement aux croyances populaires, je sais que c’est un monde particulier, où l’on est parfois loin de l’image du sage, bourré d’expérience, de patience et de bon sens…….. Non le vieux peut se révéler souvent acariâtre, obsessionnel, paranoïaque, sournois et con au possible ! Je le sais nous sommes tous condamnés à y passer ! Cet état de fait ne fait qu’accentuer l’ambiance du roman où Fabien Clavel use de beaucoup d’humour et de lucidité afin de nous présenter les personnages de la pension du mûrier où une poignée de locataires va vivre un road-movie post-apocalyptique au rythme lent de leurs fauteuils électriques face à des adversaires certes tout aussi lent qu’eux, mais vachement plus vénères.
Le roman est réalisé sous la forme d’un témoignage audio réalisé par le héros/narrateur constituant le périple de cette poignée de survivants, face à un monde complètement cannibalisé par les effets à retardement d’un traitement aux vertus soi-disant rajeunissantes, mais qui se révèle un véritable fléau pour l’humanité. C’est un témoignage fortement corrosif sur une société, pas si loin que cela de la nôtre, où il n’y a ni bon, ni méchant, seulement des êtres humains qui agissent d’un bord comme de l’autre pour assurer leur survie. En décidant de se cloîtrer sur tout un étage de leur maison de retraite, condamnant toutes les issus, cette communauté de vieux révoltés sous la houlette d’une grabataire aux soi-disant dons de voyance, va ressortir au bout de quarante jours,constater que le monde n’est plus ce qu’il était et livré à une population complètement zombifiée, qui au fil du récit va se révéler de plus en plus vindicative et…….. affamée ! Le groupe d’ancêtre traverse alors Paris au rythme lent de leurs fauteuils électriques sous les assauts permanents de créatures qui n’agissent que par un seul et unique désir : manger !

Fabien Clavel nous livre alors un roman d’une cruauté sans concession, parsemé d’un humour décapant sous les actions parfois complètement décalées de ces vieillards qui agissent souvent plus par égoïsme que par charité . C’est un roman sur la paranoïa d’un homme qui se proclame être le seul à sauver l’humanité et décider de repeupler la terre avec une nouvelle génération en usant de procédés qui font froid dans le dos. Cet évangile cannibale se révèle d’une grande lucidité face à la nature humaine qui, lors de situations extrêmes , se met à nu tout en faisant ressortir ses faiblesses, sa folie et son incroyable connerie et au final, on ne sait plus qui est qui , toute cette clique dépenaillée, les habits déchirés et salles, les couches pleines de matières organiques se fond dans le décor : des survivants, des mutants comme les autres !

Mais c’est également un roman amusant où l’auteur joue sur les travers de la personne âgée en les sublimant lors de passages savoureux qui mettent certes beaucoup de cynisme mais un peu de douceur dans ce monde de brute. Certains passages y sont tout simplement hallucinant comme la toute première rencontre du zombi dans le parc monceau ,le chapitre où les rescapés trouvent refuge dans le jardin du Luxembourg tentant en vain d’organiser une retraite confortable jusqu’au jour où ils seront contraint d’évacuer face à une marée putrescente et ce final d’apocalypse dans un champ de mars bombardé par des avions militaires qui tentent , en vain, de mettre fin à cette abomination grouillante……Le final est sans concession, à l’avenant du roman qui reste à mon avis un petit ovni du genre avec un parfait équilibre entre humour et horreur , deux « h » qui vont dominer tout au long de cet « évangile cannibale » , car voyez-vous même chez les personnes « civilisées » la faim justifie les moyens et avec ou sans dents l’homme peut se révéler bon, mais dans le sens culinaire du terme.

En résumé, un portrait au vitriol de notre société qui certes relègue nos vieux dans des mouroirs, mais finalement, valent-ils mieux que ceux qui les y mettent ?

Une belle réussite , un roman qui vient mettre un peu de fraîcheur dans une thématique qui commençait à prendre un sérieux coup de vieux !

En plus de la magnifique couverture de David Hartman, qui je ne sais pas pourquoi me rappelle furieusement certains dessins de Jean Solé, vous trouverez en fin de volume une interview de l’auteur où il s’exprime sur son choix, sa source d’inspiration et le lien qui existe entre certains des personnages du livre et l’ensemble de sa production. Un excellent moyen de découvrir un auteur particulièrement intéressant.

Extrait:

« On a toujours nos blouses blanches.Ridicules.Elles ressemblent plus à  rien.Des traînées sales de sueur.Les gribouillis noirs des goules.Et puis, moins glorieux, des traces de merde au cul, d’urine jaunâtre sur le devant.

Mais on est des survivants!

C’est nous les anges, les messagers.On vient apporter la bonne parole, ce nouvel évangile des morts, l’évangile cannibale.Le temps nous lavera de nos souillures.On reviendra immaculés, NOUS SERONS JUGES! »

 

« L’évangile cannibale » de Fabien Clavel éditions Mnémos collection « Hélios », couverture de David Hartman. Mars 2018. Parution originale en Janvier 2017 chez ActuSF.

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« Sous Terre Personne Ne Vous Entend Crier » de Gilbert Gallerne : Un polar Fantastique Noir et Effrayant!

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Hasard des lectures , en classant les livres de ma bibliothèque, je tombe sur un ouvrage de la collection « Gore » le N°36 « Cauchemar à Staten Island » de Gilles Bergal , dont je parlais il y a peu dans la malle de l’étrange. Ce qu’il y a de plus curieux, c’est que je connaissais le Gilles Bergal écrivain de fantastique alors que je connaissais peu Gilbert Gallerne, plus auteur de polars . Honte à moi, il s’agit en fait de la même personne et comme j’apprécie énormément cet auteur dont je me rappelle l’anthologie parue chez Corps 9 « Créatures des ténèbres », je commande son dernier ouvrage « Sous terre personne ne vous entend crier » aux éditions French Pulp (qui ressortent entre autre « La compagnie des glaces » et la mythique série de Benoit Becker consacré au cycle « Frankenstein ») et me lance donc en simultané dans la lecture de ses deux romans.Deux signatures mais une même plume, avec toutefois 32 ans de décalage et en plus avec une thématique non pas similaire , mais une toile de fond identique puisque les deux romans abritent dans les entrailles de la terre (les égouts en l’occurrence) des sortes d’aberration de la nature, Mais les similitudes vont s’arrêter là (si l’on excepte le personnage principal, une commissaire de police n’ayant pas froid aux yeux) , les deux romans traitant d’une sujet assez éloigné, la survivance de monstruosités proche des profonds de Lovecraft pour le premier et d’un tueur en série pour le second , malgré une tare physique que le lecteur découvrira à la toute fin du roman . Ce qui m’a frappé lors de la lecture du « Gore », c’est la rapidité avec laquelle l’auteur vous place dans l’action, ici pas de fioriture, seuls les faits compte et il vous décrit avec une certaine habileté des personnages assez falots en apparence, mais dont la vie va basculer rapidement dans l’horreur la plus pure. L’ex inspecteur Coogan, marqué dans sa chair par la disparition d’un être aimé n’a plus rien à perdre, c’est un solitaire, un flic dont la carrière n’est pas exempte de belles réussites, mais il se retrouve seul face à une situation extraordinaire et son habileté va lui permettre de faire admettre l’impensable : l’existence de créatures mutantes avides de chair humaine. Dans cette ambiance de docks battus par une pluie incessante, il va provoquer cette horde de dégénérés, donnant lieu à un chapitre fort réussi où il se trouve acculé sur le toit d’un bâtiment, encerclé par les monstres, pour ensuite se conclure par un final d’apocalypse en affrontant avec une poignée de policiers mal préparés, l’antre de ces créatures qui vivent dans un labyrinthe de canalisation servant à évacuer les eaux usées. Un combat éprouvant où peu survivront et permettant de révéler l’incroyable vérité aux autorités sans pour autant prendre les mesures qui s’imposent.

Déjà avec ce roman, l’auteur nous révèle ses qualités , dans un roman qui certes trouve sa place dans une collection « Gore » mais qui à mon avis n’en est pas un pour autant ( avec une couverture assez hideuse et qui ne reflète pas l’esprit du livre) et je ne peux que féliciter les éditions « Rivière Blanche » d’avoir ressorti ce roman dans une collection se rapprochant plus du genre fantastique, car ce « Cauchemar à Staten Island », trouve plus sa filiation dans cette catégorie, lui donnant à mon avis , une meilleure chance de sortir un peu de l’oubli. À noter que ce fort volume contient en outre une autre aventure inédite De Coogan « « La nuit des hommes loups » , ainsi que l’intégralité du recueil de nouvelles cité plus haut « Créatures des ténèbres » .

A la lecture de ce roman fort sympathique, nous avions là, les prémices d’un auteur doué pour  l’imaginaire avec une écriture fluide, baignée de cet univers propre à la littérature de genre avec ce sens de l’urgence dans la description de ses personnages : quelques lignes suffisent à les mettre en place, on sait à qui on a à faire, les caractéristiques des individus et du décor qui les entoure sont presque cinématographiques ! Une même qualité d’écriture que nous allons retrouver bien des années plus tard, avec cet excellent roman policier mâtiné de fantastique, un genre qui semble le revêtir comme une seconde peau. Dés les premières pages, le constat est flagrant, l’homme n’a rien perdu de son plaisir d’écrire et de nous présenter des personnages qui présentés par d’autres, perdraient tout leur attrait et leur charme. Gilbert Gallerne parvient à les rendre vivant et terriblement crédibles, avec leurs forces et leurs faiblesses, leurs passions dévorantes, leurs faiblesses…….leur humanité ! Il se fait ici le porte-parole de ses quidams que l’on croise chaque jour dans la rue et pour lequel nous n’attachons pas d’importance, mais qui peuvent se révéler terriblement passionnant si l’on s’arrête un peu sur l’histoire de leur vie. Dans ce roman, des vies, on en croise plus d’une et il se fait ainsi le biographe de ces personnages insignifiants, mais dont le destin va faire qu’un jour, leurs routes vont se croiser et changer leur vie à tout jamais. Dans un style toujours aussi vif et saccadé, le roman se prend comme une rame de métro, tout va à toute vitesse, les stations s’enchaînent avec parfois quelques arrêts, mais uniquement pour mieux repartir, prendre de la vitesse, encore et encore afin d’arriver au terminus complètement dérouté par le bruit et les secousses !
Dans ces pages, on croise des flics scrupuleux, des flics obtus, une hiérarchie pas toujours efficace, de malheureuses victimes, de pauvres hères en mal d’identité et un tueur qui nous révulse et nous fascine. Dans cette enquête haletante, Jonzac , le héros, va se retrouver face à une terrible situation, rattrapé par son passé qu’il croyait loin derrière lui, mais qui vient lui exploser à la figure comme une bombe à retardement. En suivant, au plus profond de l’âme humaine et des profondeurs du métro parisien, le périple de cet homme qui va le conduire aux portes de l’enfer, l’auteur nous livre le portrait d’un héros de l’ombre qui se veut inébranlable de part sa fonction, mais qui risque de se retrouver déstabilisé face au terrible secret que « le meurtrier des catacombes » cache en lui. C’est une course contre la mort, une course contre la vie qui débute alors et dans une atmosphère oppressante, faite de souterrains putrides, de squats immondes et de débris humains rejetant une société qui lui ferme ses portes, le flic se retrouve alors face à ses propres fantômes, ses propres doutes et peut-être même ses regrets.
C’est également le roman de la nostalgie, de la fin d’une époque et l’annonce dans le texte du transfert du 36 vers les Batignolles et l’arrivée des « jeunes » qui portent certes un regard plein de respect vers leurs illustres pionniers faisant tout pour bousculer une police qui doit évoluer avec son temps, est le signe évident qu’une page vient de se tourner et que cette littérature de genre que nous aimions tant, avec ces grandes figures qui marquèrent toute une génération vont disparaître à tout jamais dans l’ombre des ruines de cet emblématique quai des orfèvres. Il est d’ailleurs surprenant et plaisant à la fois de voir combien l’auteur semble être dans un univers familier, un peu comme si lui-même, dans une autre vie peut-être, à fait partie de « la maison » .
Un roman policier donc, haletant et addictif, à la limite de ce genre crépusculaire qu’est le fantastique et qui nous laisse penser que Gilbert Gallerne est un véritable coureur de fond, que les années ne semblent pas altérer et dont le souffle puissant continue à stimuler l’imaginaire des lecteurs. Si je connais mieux sa part de ténèbres avec toute sa production fantastique qui trône en bonne place dans toutes les bonnes bibliothèques qui se respectent, je viens de découvrir son autre facette, celle d’un auteur profondément humain et dont l’œuvre reflète une personnalité attaché à des valeurs essentielles qui font que dans certaines situations il n’y a pas que des bons et des méchants, seulement des individus qui luttent pour leur survie et prêts à payer au prix fort leurs erreurs passées.
Si vous ouvrez « Sous terre personne ne vous entend crier » je pense qu’il se produira un phénomène assez curieux, il vous sera impossible de la lâcher et en ce qui me concerne, commencé dimanche après-midi un petit break pendant la nuit et terminé le lendemain matin ! Espérons que nous retrouverons Lionel Jonzac lors de prochaines aventures dans l’OCRVP « qui a entre autres pour mission d’élucider les veilles affaires non résolues » , un service qui s’annonce prometteur pour nous amateurs des « X Files » ,
Un grand chapeau pour terminer à cet éditeur « French Pulp » qui pour ce roman nous a fait les faveurs d’une fort belle couverture avec têtes de mort en relief et qui, lorsque l’on regarde son catalogue, nous régale d’aussi belles rééditions.
Alors il ne vous reste plus qu’à vous armer d’une puissante lampe torche, de bottes en caoutchouc et de vous enfoncer dans la moiteur et la noirceur des catacombes, à la découverte d’un univers insoupçonnable à la fois horrible mais terriblement passionnant.

« Sous terre personne ne vous entend crier » de Gilbert Gallerne. Éditions French Pulp, collection « Polar » . Juin 2018

Pour Commander l’ouvrage cliquez sur le lien ci-dessous:

http://frenchpulpeditions.fr/catalogue/polar/

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la nuit des hommes loup

cauchemar à staten island

 

 



« Monstres Cachés » Une Anthologie ImaJ’nère

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La peur est l’une des émotions la plus forte de notre organisme au même titre que la joie et la tristesse. Sa fonction principale est de nous protéger en plaçant notre corps en état d’alerte et de vigilance afin de se prémunir d’un danger extérieur. Ses manifestations peuvent varier d’un individu à l’autre en effet pour certains, elle peut être un stimulateur, mais pour d’autres elle sera source de paralysie pouvant se révéler catastrophique. Mais la peur peut également être source de plaisir, vous savez, ce petit frisson qui vient descendre le long de votre échine et vous procurer cet agréable picotement lors d’une sensation forte. La peur peut « donner des ailes » , vous faire agir de manière surprenante où elle vous procurera le courage nécessaire à réaliser des actes que vous jugiez jusqu’alors irréalisable ou elle sera capable de vous faire commettre les actes de pire lâcheté !
Mais qu’est-ce qui provoque la peur ? Elle est présente depuis que l’homme possède cette lueur d’intelligence et surtout capable d’analyser un phénomène, mais je crois que ce qui terrifie le plus les bipèdes que nous sommes, c’est la peur de l’inconnu. Depuis des temps immémoriaux, l’homme s’est évertué à bâtir des légendes, construire des mythes, des territoires peuplés de créatures fantastiques et redoutées. Son imaginaire sans limite a construit la forteresse de ses propres peurs et son inconscient, baigné de ces histoires extraordinaires, est condamné à cette éternelle crainte de ce qu’il ne comprend pas, de ce qu’il ne peut voir ou pire encore ce qu’il se plaît à créer de toute pièce. Cette peur est étroitement liée à deux phénomènes que l’on retrouve dans toutes les cultures, qu’elle que soit l’époque, qu’elle que soit la religion ou la couleur de peau : les monstres et la peur du noir ! Les deux sont étroitement liés, car dans cette obscurité impénétrable, manteau de ténèbres dont se dégage tous les méphitiques remugles de notre cerveau primitif, le monstre reste tapi, attendant bien patiemment l’erreur fatidique qui nous fera mettre un pied dans cette zone de non-retour qu’est l’obscurité. Probablement par masochisme ou tout simplement pour ressentir ce petit courant qui électrise notre épiderme, des hommes, probablement des envoyés des ténèbres que l’on appelle écrivains, s’évertuent depuis des siècles à inventer des histoires où ils lâchent, diaboliques qu’ils sont, une horde de monstres assoiffés de sang sur les pauvres humains que nous sommes. C’est ainsi qu’ils vont se repaître de nos peurs et alimenter cette conscience populaire et faire que les monstres existent bel et bien et que les auteurs en sont les biographes attitrés. Riches de ce statut, ils viennent donc hanter nos demeures, nos caves et nos greniers, les placards de nos enfants, les malles de nos grands-mamans, s’affirmer dans les endroits les plus improbables, dans les campagnes et les mégapoles, dans des régions baignées par le soleil ou les recoins les plus obscurs de notre planète. Le monstre n’a pas de frontières, il règne partout où l’on croit à sa toute-puissance et l’écrivain n’est là que pour pérenniser ses hauts faits et instiller encore plus le doute dans la misérable cervelle du lecteur qui subrepticement, se fera le porte-parole de cette vile créature dont il nous est impossible pourtant de nous passer. Car le monstre alimente les histoires, perpétue les légendes, alimente l’imaginaire de cette créature si fragile mais tellement attachante.
Dans cette anthologie proposée par la merveilleuse équipe d’ImaJ’nère , vous avez l’occasion unique de tenir entre les mains un condensé de tout ce que l’on peut rencontrer en matière de monstres et si le titre ne laisse planer aucun doute en étant bien souvent « cachés » , c’est pour mieux vous effrayer, vous déstabiliser, vous faire douter. Vingt-trois nouvelles qui possèdent toutes un charme particulier en raison de la différence de sensibilité des auteurs qui vont venir aborder le sujet, mais aussi parce qu’elles nous montrent l’aspect protéiformes du monstre. Il ne s’agit pas simplement de cette créature hideuse qui se terre dans la noirceur de votre placard ou dans les recoins humides de votre cave, non, le monstre est en chacun de nous et bien souvent il pourra donc revêtir l’enveloppe d’un simple mortel à l’aspect pas forcément repoussant.
C’est dans cette optique que réside toute l’intelligence et la pertinence de cette anthologie et les auteurs vont y faire preuve d’une certaine malice, prendre parfois la thématique à contre-pied, y ajouter une dose d’humour, de méchanceté, de poésie et d’horreurs cosmiques …….mais toujours avec panache et talent !
Comme de coutume pour ce genre d’ouvrage, il y a des nouvelles qui sortent à mon goût plus du lot, mais c’est un avis personnel, qui n’engage que moi, interdépendant de ma propre sensibilité. Le plus important à retenir est l’extrême variété des monstres que vous allez y rencontrer et ce n’est pas ce qui manque avec le classique du monstre dans le placard : « Un si beau costume » (B .Greene) une terrifiante variation sur l’ami imaginaire, les vielles légendes racontées dans les tranchées : « Une si jolie chose » (Cédé) faisant appel aux veilles légendes ,  le monstre qui sommeille en nous : « « Regarde vers l’ouest » (L.Davoust), nouvelle la plus atypique de l’anthologie et « Bleu » (Julien Heylbroeck) et son étrange et fascinant tueur, « La spécialité de Charcoin » (C.Ravat), un régal dans tous les sens du terme, « East End November » (D.Verdier)ou comment revisiter l’histoire d’un certain Jack, « Mon pire ennemi » (A.Cuidet) où certains pouvoirs qui sommeillent en nous peuvent se révéler dévastateurs . Il nous arrive parfois d’être victime de notre propre curiosité avec la tragique et japonisante nouvelle « Mort dans l’œuf » (S.Chauderon), petit hommage à une nouvelle de Matheson avec la magnifique « Des choses au fond des yeux » (C.Rodmacq) , un peu d’humour avec la très drôle « Une histoire de loyer » (J.A.Reeves) et la tout aussi sympathique « Les morts ont toujours tort » ( R.Dambre) un fort plaisant nouvelle sur une variation du tueur à gages. Petite incursion dans la fantasy avec « Un monstre se cache la dedans » ( S.Sanahujas) , pour les nostalgiques de « Creepshow » et autres contes de la crypte (c’est-à-dire moi.) , nul doute que « Les elligrées » (M.Leroy-Rambaud) va ranimer d’agréables souvenirs, par contre, ne vous fiez pas à « Mon très cher Monsieur Lapin » (A.Calviac) dont le titre assez charmant va vous révéler l’aspect redoutable d’un mangeur de cauchemars. Les amateurs d’histoires de spiritismes « Old School » vont trouver leur compte dans « Mémento Mori » ( P.M.Soncarrieu). C’est une histoire d’amour et de SF que l’on retrouve dans l’ univers psychédélique et oppressant de « AIRE3 » (C.Luce) alors que « Le monde selon Minos » (T.Geha) nous parle d’un autre futur où les hommes sont monstrueusement modifiés, tout comme la nouvelle « Mais….Qu’avez vous fait gober à Solange » ( S&R.Mallet) certaines drogues peuvent générer certaines modifications assez….abominables. Le monstre peut également être généré par la magie vaudou comme en témoigne « Tanatot » (F.Carpentier). Pour la fin de cette anthologie, je vous réserve le plat de résistance puisque pas moins de quatre nouvelles vont graviter autour de Lovecraft et le mythe de Cthulhu…..à tout saigneur toute horreur !
« Le chant » du profond » (C.Leboulanger ) est une très belle variation du mythe avec comme fil conducteur un virtuose de la musique qui va payer à ses dépens un lourd tribu à la cause des profonds et se transformer en monstres, « La petite chose de Yuggoth » ( J.Verschueren) ou l’on va suivre de « l’intérieur » la naissance de ces horribles créatures et de la façon , peu orthodoxe, dont on peut s’en débarrasser, « La maison de cuir » (B.Tarvel) nous dévoile une fois encore l’immense talent conteur de l’auteur dans une histoire particulièrement horrible qui ne démériterait pas dans la défunte collection « Gore », du grand art ! Terminons avec la nouvelle la plus longue du recueil « Phenomenae » (J.H.Villacampa) ou l’auteur s’amuse allègrement des codes du mythe pour transposer sa propre réalité à celle du mythe( bourré de clins-d’oeil et de la mise en scène de personnages et de lieux faisant partie intégrante de sa vie) dans une enquête sur fond de jeu de rôle ou la statue de la liberté est utilisée à des fins originales et jamais rencontrées en littérature, excellent !
L’ensemble des nouvelles est entrecoupé de temps à autre par une « Brève » de Patrick Eris, de savoureuses (très) courtes nouvelles ou l’auteur nous expose sa propre expérience avec les monstres.
Si l’on rajoute à ce copieux album de presque 500 pages, la magnifique couverture couleur d’une Caza plus que jamais inspiré et d’une représentation en N&B d’un « monstre » pour chaque nouvelle, d’une préface de l’illustrateur, d’une postface de Jean-Hugues Villacampa, d’un dictionnaire des auteurs, il vous sera alors possible de prendre toute la mesure de cette anthologie qui se révèle indispensable à tout amateur qui se respecte.
Avec neuf anthologies au compteur, toutes plus passionnantes les unes que les autres, nul doute qu’Imaj’nère possède un bel avenir devant soi et que le résultat final pour chaque volume est à la hauteur de tout ce que l’amateur éclairé de l’imaginaire peut espérer: plaisir de lecture, plume affutée, imaginaire débridé!
Alors un grand bravo à toute l’équipe, aux auteurs et aux illustrateurs, de la bien belle ouvrage faisant honneur à nos bibliothèques et surtout ne perdez jamais de l’esprit que « Nous sommes tous des monstres », à vous de trouver qu’elle sera votre catégorie !

« Monstres Cachés » une anthologie ImaJ’nère. Couverture couleur et illustrations intérieures N&B de Philippe Caza. 2018

Pour commander cette anthologie…….ou les autres , cliquez sur le lien ci-dessous

https://imajnere.fr/anthologies/

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« Un Eclat de Givre » D’Estelle Faye…..Un Eclat de Beauté Pure!

Je m’estime modestement être un lecteur aguerri et donc d’avoir lu quantité de livres parfois insipides, manquant souvent d’originalité, d’être de pales copies de tels ou tels auteurs ou bien, fort heureusement, de tomber de temps à autre sur un écrivain original, d’une sensibilité extrême et surtout d’un talent pour ces territoires de l’insolite que nous aimons tant, non seulement en parfait accord avec ce que je recherche, mais qui surtout va laisser dans ma mémoire une trace indélébile. Depuis quelque temps, je ne cesse de clamer haut et fort toute l’originalité de l’imaginaire Français et Estelle Faye avec « Un éclat de givre » mérite de fait ma plus haute estime et toute la reconnaissance d’un lecteur aux appétits féroces. Brillante écrivain d’une sensibilité extraordinaire et d’une puissance telle qu’elle est parvenue à créer un univers unique et original, sans tomber dans la redite ni la copie, un roman pot-apocalyptique aux relents de fantasy urbaine en y incluant des personnages hauts en couleur, d’une ambiguïté telle que ce que l’on va prendre pour de la fragilité, se révèle une force incroyable. De ce héros au destin peu enviable en apparence, travesti la nuit, aventurier malgré lui le jour, nous retiendrons une âme à fleur de peau, un écorché vif, dont les amours vont se retrouver sans cesse remis en question dans un univers baroque, un Paris métamorphosé où cohabitent enfants mutants et sirènes, où un hôpital transformé en centre expérimental abrite des êtres trouvant leur rédemption dans la souffrance des autres, où « Notre dame », cours des miracles des temps modernes , est transformée en gigantesque usine à méthane dirigée par une population tzigane qui compte bien protéger son territoire jusqu’à la mort. Un univers hallucinant et halluciné que l’auteur nous fait partager avec une rare générosité et un talent inné pour l’écriture et dont le lecteur, devenu addicte, ne pourra se satisfaire qu’en se jetant sur une autre de ses œuvres ! Oui, Estelle est une auteure rare, une de ses perles pétrie d’émotion et d’imagination, de celles que l’on range précieusement dans sa bibliothèque et dont on va suivre avec intérêt le parcours et la date de sa prochaine publication. Une grande auteure de l’imaginaire qui vient de me faire un immense plaisir de lecture, aussi coupant et incisif que son titre, mais avec cette sorte de don qui confère à certains talents, la certitude d’un brillant avenir. Mais sa production est là pour en témoigner, c’est pour cela que je vais dans peu de temps entamer « Les Seigneurs de Bohen»
Il m’a fallu un moment pour arriver au bout de ma pile de livres en attente (qui est la preuve que le mouvement perpétuel existe) le livre d’Estelle s’y trouvait et pour mon plus grand plaisir, j’ai fini par l’y en extraire…….comme quoi tout arrive, même de trouver encore après toutes ses années des ouvrages qu’il nous est impossible de lâcher.
Une magnifique perle dans un admirable écrin, une lecture plus que recommandable, indispensable !
« Un éclat de givre » de Estelle Faye « Les Moutons Électriques » éditeurs

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« Les Fakirs Du Pays Vertical » Horreur sur le toit de monde!

les fakirs du pays vertical logo

Trois personnes se retrouvent au beau milieu de l’Himalaya, deux se connaissent, mais qui est la troisième ? Un oculiste venant de Dheli , maigre à en pleurer, à faire peur, mais pour l’heure, il faut survivre. Par quelle puissante magie se retrouvent-ils ainsi perdus en pleine montagne avec pour seuls vêtements, ceux qu’ils avaient sur le dos lors de leur mystérieuse abduction ! Trois personnes se retrouvent dans une situation bien périlleuse, deux sont d’anciens alpinistes ayant défiés le toit du monde, mais qui est la troisième ? Un intrus, une erreur ou pire encore, une réincarnation ? Commence alors une lutte pour la survie et profitant de leur connaissance du terrain, les anciens montagnards vont retrouver de quoi se vêtir et se nourrir, un bien piètre répit puisque leur destin va basculer lorsqu’ils vont rencontrer « Les trois fakirs du pays verticale » et être confrontés à « L’œil dans la crevasse ».
Une seule personne va se retrouver au beau milieu de l’Himalaya……. Qu’est-il arrivé aux deux autres : meurtre, vengeance ou pire encore ? Ce qui est certain, c’est qu’à des milliers de kilomètres de là, on s’interroge encore sur l’évaporation de ses trois individus si loin physiquement, mais si proche spirituellement. Rêve, cauchemar, vengeance post-mortem…… Les dieux, seraient-ils devenus fous ? Ou peut-être ont-ils envie d’aller un peu d’ aller se dégourdir les jambes du côté des simples mortels? Une bien étrange affaire me direz vous, pas étonnant à une telle altitude et dans un pays aussi mystique.
Mystère sur le toit du monde, une dramatique et passionnante aventure dans la collection du même nom, le numéro 16 pour être précis, et en renouant avec ces bons vieux Ferenczi d’antan, le Carnoplaste vient ici encore faire un clin d’œil avec une tradition qui jamais ne s’effacera de nos mémoires, celle du roman populaire qui, avec un zeste de mystère, un soupçon de fantastique et une pincée d’imagination, pouvait transporter le lecteur en de lointaines contrées tout en restant bien assis dans son fauteuil, à rêver peut-être d’une autre vie moins monotone.
Que de questions dans ce sympathique fascicule illustré avec bonheur, mais il est encore une que je me pose en tournant la dernière page : qui se cache derrière le mystérieux (se) Phara Chibh ? Des fakirs, une transmutation de corps, une entité monstrueuse……Je crois que j’ai ma petite idée. En tout cas, une collection à suivre, une fois de plus chez cet éditeur !

« Les Fakirs du pays vertical » collection aventures N° 16. Le Carnoplaste éditeur de fascicules. Couverture de Fred Grivaud,

Dans la même collection :

  • « L’horloge à cinq doigts » de Nelly Chadour
  • « Les frères Swamp » de Julien Helbroeck
  • « Les visiteurs de l’étoile naine » de Dominik Vallet

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« Les Chroniques De Pulpillac » tome 1 « Quand Les Poules Avaient Des Dents » de Jean-Luc Marcastel

 

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Pour tout Savanturier qui se respecte, il n’est nuls territoires qu’il nous faut ignorer et je ne cesse de le répéter, faire un petit crochet par le rayon « jeunesse » ne peut que se révéler bénéfique. En effet, nombre d’auteurs de cette catégorie se font les émissaires des littératures l’imaginaire et bien souvent, avec bien plus de convictions que certains écrivains réservés à un public plus « adulte » . Ce n’est un secret pour personne, Jean-Luc Marcastel est un auteur que j’admire et respecte beaucoup car, non seulement c’est un forçat de l’écriture, mais il se fait le porte-parole de ce vaste domaine en abordant tous les genres avec cette verve que nous lui connaissons, celle d’un enfant nourri au merveilleux et au fantastique. Nul doute qu’une gentille fée a eu la bonne idée d’effleurer de ses lèvres cet enfant d’une région riche en légende et d’en faire en quelque sorte un émissaire du pays de l’imaginaire. En regard de sa bibliographie aussi généreuse que riche en thématiques, nous avons là l’itinéraire d’un enfant gâté par l’inspiration et ce n’est pas le modeste lecteur que je suis qui viendra s’en plaindre. Nous avons eu l’occasion de nous régaler dans le rayon « jeunesse », de ses deux passionnants romans de la série « L’auberge entre les mondes » (dont vous pouvez lire une critique dans les pages de ce blog), récit de science-fiction mâtiné de fantastique , qui n’est pas sans nous rappeler le célèbre roman de Clifford D,Simak « Au carrefour des étoiles » et comme son esprit fébrile n’est jamais au repos, voilà qu’il nous concocte une nouvelle série « Les chroniques de Pulpillac » avec deux titres prometteurs aux consonances qui fleurent bon les contrées de l’imaginaire: « Quand les poules avaient des dents » et « La nuit des ponotes ». Pour le Savanturier que je suis et fidèle admirateur du Dinoblog animé par deux paléontologues aussi brillants que sympathiques et possédant un magnifique musée des dinosaures à Espéraza, je ne pouvais que me précipiter sur ce roman qui pourrait fort bien se nommer « Pulpillac Park » .
Dans ce sympathique roman d’aventure, nous faisons la connaissance d’un groupe d’amis : Samir, Atsuko, Aurore, Aurélien et Jean-Martial qui, lors d’un Week-end plein air à la campagne, vont découvrir que bien des mystères se cachent dans une bourgade à l’apparence tranquille. Tout commence par une action aussi anodine que d’aller acheter des œufs dans une coopérative agricole afin de réaliser une omelette géante, pour finir par l’affrontement avec des créatures surgis des temps préhistoriques. Vont se succéder une suite d’éléments extraordinaires où nos jeunes amis vont devoir affronter leurs peurs, mais surtout se découvrir mutuellement et partager un esprit d’équipe qui je le pense, va devenir la marque de fabrique de ce « club des cinq » des temps modernes en passe de devenir une référence du genre. Car notre ami Jean-Luc, en élevé appliqué soucieux de savoir appuyer là où c’est sensible, utilise avec beaucoup d’intelligence ce qui peut susciter l’intérêt des jeunes aventuriers. En effet, qui ne rêve pas de voir « pour de vrai » ces redoutables mais curieuses créatures qui terrifient mais qui fascinent ? Un rêve d’enfant qui ici va prendre corps mais pour lier tout cela, il ne suffit pas d’être un adepte des films de Spilberg ou de cette vague de films de dinosaures qui à une certaine époque à fait les choux gras de toute une génération de geek, encore, faut-il rendre tout cela attrayant et surtout l’intégrer dans un contexte ou la littérature pour la jeunesse doit également faire passer certains messages. En réunissant cette bande de copains d’origines diverses , qu’il s’agisse de l’Asie, du Maghreb ou de la Martinique, l’auteur fait de ce groupe de sympathiques jeunes adolescents un bouillon culturel où il n’y a pas de place pour la différence. Ce n’est pas l’origine qui prime, mais les qualités de chacun. Il casse en outre certains codes ou la jeune « minette » coqueluche de tout le lycée n’est pas la potiche de service qui ne vaut que pour sa beauté, mais une redoutable aventurière qui se révèle forte et courageuse. Le message est clair pour les jeunes : ne jamais se fier aux apparences !
En outre le message écologique sur le traitement odieux des poulets de batteries et le danger de la manipulation génétique à des fins lucratives y est également très clair, avec des symboles à la portée d’un jeune public ,ce qu’il exprime n’est d’aucune ambiguïté et Jean-Luc se fait ainsi le porte parole d’une production raisonnée tout en respectant le consommateur d’une part sans oublier une attention toute particulière à la « matière première » d’autre part. Le ton y est assez humoristique ( les granules « Superpouic » sont à l’origine de ces naissances contre nature) mais le message reste clair !
Le roman est donc agréable à lire, bourré de références cinématographiques par le biais de notre geekette de service, l’explosive Atsuko, sans pour autant oublier quelques classiques de la littérature, petit clin d’œil à son tout premier roman « Le galoup » et bien évidemment le classique des classiques en la matière « Le monde perdu » de Sir Arthur Conan Doyle, avec un final digne de ce célèbre roman. Humour, action, aventure et mystère, les maîtres-mots d’un roman que les jeunes lecteurs vont sans nul doute apprécier et qui révèlent une fois de plus l’extraordinaire talent de cet homme-orchestre de la littérature. Point d’orgue de ce passionnant premier volume, outre le montage de la couverture d’une grande élégance et des magnifiques illustrations intérieures N&B de Jean-Mathias Xavier, fidèle artiste de l’auteur, les amoureux des dinosaures trouveront en fin de volume un fort passionnant petit dossier sur les dinosaures en littérature, au cinéma et d’un petit voyage dans le temps pour expliquer finalement ce qu’est un dinosaure et surtout pourquoi il fut une époque ou les poules avaient réellement des dents.
A l’image de la série de Stéphane Tamaillon, un ouvrage que j’aimerai un jour faire découvrir à mes petits enfants, car ils sont drôles,inventifs, pleins de références, en bref le parfait objet pour de la graine de Savanturier……Cot!Cot!Cot!

« Les chroniques de Pulpillac » volume 1 « Quand les poules avaient des dents » de Jean-Luc Marcastel . Editions Lynk 2018. Couverture de Mathieu Reynes et Valérie Vernay, Illustrations intérieures N&B de Jean-Mathias Xavier.

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« Le Meurtre de L’enchanteur » Jacques Baudou

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Après « La lisière de bohème » et « Au grenier des sortilèges » parus respectivement aux « Moutons Électriques » et chez « Rivière Blanche » voici que vient de sortir le troisième roman de Jacques Baudou aux éditions « Le Pythagore » et intitulé « Le meurtre de l’enchanteur » .
Je dois avouer avoir été ravi de ce nouveau roman, car j’adore cet auteur, tant sur le plan humain qu’au niveau de son écriture, mais s’il faut en croire le vieil adage « qui se ressemble s’assemble » pouvait-il en être autrement de la part d’un homme d’une aussi grande sensibilité de cœur et d’esprit qui a consacré toute sa vie aux littératures marginales, qu’il s’agisse de celles relevant du policier que de l’imaginaire. On ne présente plus un tel personnage, tout amateur des domaines précités le connaissent en tant que fin spécialiste et s’il fut un brillant critique pour la revue « Le monde » sa passion le poussera à rédiger bon nombre d’ouvrages de référence aussi bien pour le polar que pour la fantasy , le cinéma et la science-fiction : l’une des grandes figures de ces fameuses littératures de mauvais genre !
J’avais adoré son avant-dernier roman « Au grenier des sortilèges », tant pour sa thématique mélangeant avec brio tous les domaines qui nous passionnent et surtout pour la justesse de son écriture, toute en nuance chargée de cette sensibilité qui ne fait pas dans le sensationnel,mais dans la simplicité, où le lecteur prend la pleine mesure de cette connexion, que peu d’écrivains possèdent, entre le cœur et la plume. La lecture de ce « Le meurtre de l’enchanteur » vient confirmer cette impression et une fois notre esprit envahi par toute la magie du titre et de la beauté de la couverture réalisée par Caza, il ne nous reste plus qu’à nous laisser emporter par le tourbillon des mots qui vont nous plonger dans une aventure qu’il nous sera impossible d’abandonner.
C’est une histoire dans une histoire, une enquête policière, dont le héros, un inspecteur à l’apparence banale et amateur de littérature de l’imaginaire, va se retrouver à élucider un mystère en chambre close et dont la victime n’est autre que son auteur favori. Au fil de l’enquête, il va connaître un peu mieux ce personnage à la double existence un peu trouble et qui, jusqu’à sa mort aussi brutale qu’incompréhensible, va entretenir une aura de mystère. Un homme vivant à l’abri des regards dans une immense propriété, adoré par une gouvernante d’une fidélité à toute épreuve et d’un secrétaire qui se révèle bien plus qu’un simple chargé aux comptes. Certes un « enfant du pays » mais porteur d’une réputation au comportement peu affable, évitant tout contact avec les petites gens. C’est en creusant un peu plus dans son passé énigmatique que le policier va remonter aux sources de son inspiration et de comprendre comment et pourquoi il rédigea son grand œuvre, les trois tomes de « Le maître des maléfices ».
Chaque chapitre du roman, commence par un extrait de cette trilogie et qui trouve un certain écho dans ce que va vivre l’inspecteur Géraud. Le lecteur se trouve ainsi plongé dans un roman policier, un roman à énigme mâtiné de fantasy , un parcours initiatique où le héros va en quelque sorte donner un sens à sa vie et parvenir à apporter bien des réponses à ces trois volumes qui lecture après lecture, ne cessèrent de l’obséder, comme un envoûtement duquel il ne pensait pouvoir jamais s’arracher.
On se laisse alors prendre d’une réelle amitié pour cet enquêteur qui minutieusement va ordonner le puzzle de cet auteur tant adulé par ses admirateurs pourtant repoussé par son entourage et se laisser imprégner de cette mélancolie, toute en apparence, que l’auteur se plaît à instiller afin de nous conduire vers un final quelque peu « subversif » et parfaitement à sa place. Une fois encore avec ce roman, Jacques Baudou nous témoigne non seulement tout son amour pour ses domaines de prédilection, mais il le fait avec toute la délicatesse et la sensibilité d’un homme profondément humaniste, permettant au lecteur de faire un peu office d’un pèlerin,cheminant vers une destination dont il s’est fait un défi, sur les tortueux chemins de l’étrange à la découverte d’un univers profondément enraciné dans le terroir, subtilement nimbé de ce halo fantomatique donnant une vision légèrement trouble d’une réalité que nous pensions immuable.
J’aime sa vision d’un monde à l’apparence anodine recelant bien de secrets avec cette façon si particulière de nous prendre délicatement par la main et de tirer ce fin voilage de la réalité afin de nous montrer que le monde peut se révéler bien plus étrange qu’il n’y paraît.
Jacques Baudou dont l’écriture se fait trop rare est l’un de ces conteurs qui nous envoûte par l’ambiance de ses romans en demi-teinte et par le biais de ce « meurtre de l’enchanteur » signe un roman fort plaisant à l’image de sa vie qu’il consacra aux domaines de l’imaginaire, à l’image tout simplement d’un personnage passionnant et attachant.

Note de l’éditeur :


« Confrontée à ce qui a tous les aspects d’un crime en chambre close, la gendarmerie d’Estrevant, un petit bourg de l’Est de la France, demande l’aide de la police. Chargé de l’enquête, l’inspecteur Géraud ne tarde pas à découvrir que la victime Gaétan Davenac, n’est autre que Gabriel Destrange, l’auteur d’une trilogie de fantasy qui a beaucoup comptée pour lui, qui a été son viatique durant des années sombres.
Mais qui l’a tué ?
Et Pourquoi ?
Est-ce parce que « Le meurtre de l’enchanteur » pourrait tout aussi bien s’appeler «Le crime de l’enchanteur»?

« Le meurtre de l’enchanteur » de Jacques Baudou. Éditions Le Pythagore. Couverture illustrée de Caza.

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« Un rat dans le crâne » de Rog Phillips

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Avec ce recueil composé de quatre nouvelles de Rog Phillips ( pseudo de Roger Philips Graham), notre ami Richard D.Nolane, vient d’avoir l’excellente idée de publier un auteur peu connu du public Français, mais pourtant doté d’une belle plume imaginative et non dépourvue d’une certaine originalité. Les amateurs de la première heure, se souviennent de son seul et unique roman traduit dans la mythique collection « Fleuve noir Anticipation » sous le titre « Piège dans le temps » N°30 (1954) où il était question d’une scientifique qui , ayant découvert une machine à voyager dans le temps, se porte au secours de notre civilisation future dominée par une race d’extraterrestre belliqueux : les Vargiens !
La lecture de ce petit volume, « Un rat dans le crâne » m’a immédiatement fait pensé à quelques scénarios échappés de la série de Rod Sterling « La quatrième dimension » tellement nous sommes proches de cette science fiction typique d’une certaine époque, très originale au point de vue thématique et avec toujours un peu de cette part de poésie et d’humanisme et propre à cet âge d’or d’une SF qui souvent nous révélait, non pas les méfaits de la science, mais de prendre garde à ne pas trop vouloir en user et abuser. J’ai franchement aimé le contenu de ce recueil certes pour l’originalité des textes, mais également pour cette forme de mélancolie qui s’en dégage. Si « Un rat dans le crâne » fait preuve d’une certaine noirceur dans son final, le propos employé par l’auteur fait froid dans le dos et plus que d’intelligence artificielle, il ouvre le débat sur l’utilisation des animaux de laboratoire à des fins expérimentales et des lourdes conséquences pour l’homme à vouloir se prendre pour un dieu créateur. Rehaussé par la superbe illustration de Emsh en couverture , cette nouvelle sera grande découverte pour le public Français. Si « Les anciens martiens » la nouvelle suivante, reste classique dans le fond, l’auteur y utilise avec habileté la thématique de la civilisation extraterrestre supérieure, mais surtout celui du contrôle de l’état pour s’approprier, ou faire disparaître, une technologie dont il pourrait tirer partie. Le final me fait penser au film « Les aventuriers de l’arche perdu » et à ce hangar gigantesque où sont entreposées des Découvertes dont il faut taire l’existence afin de ne pas perturber celle des simples mortels. La troisième nouvelle « La galerie » est à mon avis la plus originale du volume .Là nous sommes vraiment dans une ambiance pur jus de la « Quatrième dimension » avec l’histoire de ce personnage qui rend visite à sa tante après un message désespéré de celle-ci. Arrivé dans cette petite ville typique des États-Unis, tout semble normal jusqu’à ce qu’il découvre un étrange cadre dans sa chambre et surtout la présence d’une bien singulière boutique de photographies…….je vous laisse découvrir la suite tout à fait vertigineuse et réellement originale. Pour conclure, avec « Les parias » une fois de plus l’auteur fait montre d’un réel attachement pour son prochain et explore sur cette courte nouvelle le problème délicat de la différence.Certes de nombreux écrivains ce sont essayés à cet exercice mais dans le cas de Rog Phillips, il nous prouve que science-fiction et poésie font bon ménage et qu’une histoire d’amour peut très bien se lier harmonieusement avec un cadre flirtant entre l’horreur et la science fiction. Une nouvelle touchante qui vient conclure une collection, « Vintage fiction » que nous souhaitons prolifique et qui manquait cruellement aux amateurs du genre. L’effort admirable de Richard D.Nolane dont le bon goût en matière de l’imaginaire Américain n’est plus à démontrer et nous ne le remercierons jamais assez de nous donner ainsi la chance de découvrir des auteurs inaccessibles pour le lecteur moyen et qui plus est incapable de lire une nouvelle dans une langue étrangère.

Visiblement un prochain volume est annoncé : « Dérapages temporels » de Murray Leinster et Philip M.Ficher Jr

« Un rat dans le crâne » de Rog Phillips, Recueil de nouvelles inédites présentées par Richard D.Nolane. Traduction de Martine Blond,Éditions de l’œil du Sphinx « Vintage Fiction »

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« Loyola de la Jungle » de Jean-Hugues Villacampa

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Lorsque vous êtes, comme moi, un nostalgique de cette époque où fascicules et journaux accordaient une place de choix aux récits d’aventures souvent mâtinés de SF et de fantastique, nul doute que l’arrivée de cette nouvelle collection chez notre ami du Carnoplaste ne peut que susciter un enthousiasme plus que justifié. En nous proposant quatre petites livraisons, comme au bon vieux temps des Ferenczi et de sa mythique collection « Mon roman d’aventures », le fin gourmet de littérature populaire que je suis, avait de quoi jubiler : belles couvertures, titres intrigants, récits courts et enlevés et le must, en fin de volume une petite vignette « points bonus » à retourner à l’éditeur pour recevoir une surprise !
Je viens donc d’entamer la lecture de ces « mini-formats » par le texte de Jean-Hugues Villacampa et je dois avouer que je n’ai pas boudé mon plaisir de suivre les péripéties de ce mystérieux « Ignace » ( qui est un petit nom charmant) arrivé comme par miracle sur le seuil du modeste logis de la bonne d’un curé de campagne lors d’une rude hiver de 1854. Après une jeunesse sans histoire, où presque, un peu mis à l’écart par ses compagnons de jeux qui le jugent un peu « spécial » il deviendra après quelques années d’études studieuses, un homme  grand et fort à la chevelure claire , avec une étrange lueur dans le regard. En possession d’un étrange pouvoir, rien ne le destinait à faire carrière dans les ordres. C’est pourtant le chemin qu’il va suivre et comme les voies du seigneur sont impénétrables son destin va le mener à accompagner un escadron de ulhans noirs, redoutables guerrier de l’empire germanique pour une mission d’exploration au plus profond de l’Afrique de l’Est. Il faut dire que notre géant avait lié une profonde amitié avec Gotthold , redoutable militaire avec qui il partage une passion commune pour les armes blanches. Embarqué à bord d’un magnifique Zeppelin, le corps expéditionnaire va affronter bien des périples, dont un dans les airs qui s’apparente à un épisode de la 4éme dimension, jusqu’au naufrage de ce géant des airs dans une contrée hostile où la végétation et la maladie ne sont forcément pas les adversaires les plus à craindre. Certains concours de circonstances font qu’il est parfois nécessaire de réécrire l’histoire et dans celle-ci entre autre, l’auteur qui nous avait déjà auparavant montré quelques signes d’accointance pour l’Afrique et ses mystères, nous révèle une histoire qui risque, d’une façon tout à fait inhabituelle, de refaire celle des territoires de l’imaginaire. C’est ainsi que naissent les légendes et celle-ci les amis, nous ne sommes pas prête de l’oublier !
Oscillant entre le récit d’aventure, d’exploration, des civilisations disparues, de la dystopie et de la science-fiction ( tout cela dans un petit fascicule de 28 pages, chapeau maitre!) , voilà un récit plein d’humour et d’imagination qui se déroule à une vitesse vertigineuse pour aboutir à une final apocalyptique à la mesure du personnage qui en est le héros. Jean-Hugues y fait preuve d’un solide sens rythme et de l’urgence de l’écriture en installant dès les premières lignes un climat de tension palpable et de ce doux parfum d’exotisme, d’aventure et de mystères que nous cherchons tous dans ce genre de publications. Une bien belle petite réussite qui ne fait qu’augmenter le plaisir que nous avons à acquérir les publications d’un éditeur qui ose une aventure éditoriale sans précédent et que nous soutenons de tout cœur, car la Savanture ce n’est pas que des mots, ce sont aussi des actes et ne voilà t-il pas une plus belle preuve d’engagement pour ces valeurs que nous défendons tous ?

Bravo Jean-Hugues on en redemande encore!

« Loyola de la jungle » de Jean-Hugues Villacampa éditions du Carnoplaste « Collection Aventures N°2 »

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« L’alchimie de la Pierre » de Ekaterina Sedia

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S’il y a un thème qui fut de nombreuses fois abordé dans l’imaginaire ancien ou récent, c’est bien celui du rapport de la machine avec son identité. Depuis que le premier inventeur eut l’idée de donner un semblant de vie à une assemblage d’engrenages et de balanciers, son rêve le plus ardent fut celui de lui donner une conscience. Je vous invite pour un historique de cette thématique, à vous reporter sur les quelques articles rédigés pour mon site « Sur l’autre face du monde » et plus particulièrement « Le secret de ne jamais mourir » de Pasquier où je dresse une petite liste des ouvrages traitant de cette thématique. Ce qu’il y a d’intéressant, c’est non seulement l’universalité du sujet, mais de constater à quel point les auteurs « modernes » restent attachés à cette problématique qui pousse à une profonde réflexion.
« Ai-je une âme, Père ? » , voilà une question méritant que l’on s’y arrête et si cette réflexion philosophique sur la condition de la créature ( organique ou mécanique) peinant à trouver sa place dans une société qui l’a créée est toute légitime, peu d’auteurs réussirent à aborder le sujet avec tout le discernement et la gravité qui s’imposait. Deux magnifiques exemples me viennent en tête, « L’automate de Nuremberg » de Thomas Day, ou nous retrouvons une thématique un peu similaire d’un automate affranchi par son maître et en quête d’une certaine « légitimité » de son existence en tant qu’être vivant et « La Vénus anatomique » le puissant roman de Xavier Mauméjean se posant une tout autre question sur les tous les champs du possible en matière de création et surtout des limites de la science. En effet, un problème se pose alors : comment devons nous considérer le produit de nos chimères ?
En ce sens, le roman de Ekaterina Sedia que les éditions du Bélial eurent le bon goût de nous faire connaitre au travers de son fascinant « L’alchimie de la pierre », est tout simplement vertigineux ( comme les deux précédents romans cités) car il se veut non seulement distrayant et inventif, mais il pousse jusqu’à ses derniers retranchements la problématique de la créature artificielle à la recherche de sa véritable identité. Dans ce monde décalé où elle évolue, sorte de moyen- age alternatif où existe de nombreuses guildes , deux se trouvent en rivalité constante : les alchimistes et les mécaniciens. L’une symbole d’un savoir ancestral, d’une passé certes obscur, mais pouvant apporter des solutions naturelles aux maux des populations, l’autre, tournée vers l’avenir, car capable de fabriquer des créatures artificielles mais construites non pas pour réfléchir, mais pour vaquer aux tâches ingrates du quotidien.
Mattie est l’une d’entre elles, elle fut créée jadis par Loharri, un célèbre mécanicien, mais qui possède une chose rare : une conscience ! De plus, c’est une affranchie, son maître lui a accordé sa liberté, ce qui lui a permis, point paradoxal, de se lancer dans l’apprentissage de l’alchimie. Toutefois, un lien tenace existe entre l’homme et sa créature, il lui procure lorsque celui-ci se détériore un visage de porcelaine, celui de Mattie est recouvert de rouages et d’engrenages, mais surtout, il possède la clef qui de temps à autre lui permet d’être remontée et donc de lui insuffler un délai supplémentaire de vie ! Ce double aspect d’ailleurs de visages « interchangeables » et de pouvoir de vie ou de mort sur le produit de sa création sont déjà dés éléments qui revêtent une importance intéressante, car appuyant de manière significative sur l’importance de l’identité/visage ( Mattie préfère un masque lisse dénué d’expression, recherchant en cela une certaine neutralité) et de l’impermanence de la vie.

Sur fond de révolution fomentée par un groupe d’opposant au régime en place, travailleurs exploités durement dans les mines de charbon et mécaniciens voulant faire table rase sur un passé révolu, Mattie découvre une autre singulière communauté, celle des gargouilles, créatures frappées d’une malédiction et dont l’automate est la seule à pouvoir trouver le chemin de leur libération. Non seulement, elle va tout faire pour récupérer cette fameuse clef afin d’acquérir une totale liberté ( Loharri joue avec elle avec un raffinement décadent, mais ô combien calculé) , essayer de comprendre et d’aider les monstres minéraux et trouver une réponse à sa principale interrogation : malgré mes différences, suis-je un être vivant à part entière ?
Sa quête va la mener dans une ville où plane bien des mystères, où rodent de bien curieuses créatures dont une qui sera pour elle d’une aide précieuse, la mémoire vivante de cette cité fantastique, Ilmarekh le fumeur d’âmes, celui qui les emprisonnent dans son corps lorsque leur enveloppe charnelle vient à disparaitre. Il y a aussi la belle Iolanda, la maitresse de Loharri qui lui promet de lui obtenir cette fameuse clef en échange de petits services, dont la création d’un singulier homoncule qui sera prêt à sacrifier sa vie au service de son créateur. Car ce qu’il y a d’étonnant dans ce roman aux multiples visages ( en cela celui interchangeable de Mattie est une métaphore sur l’identité et l’apparence) c’est de se retrouver à un moment donné sur plusieurs niveaux de la création où l’homme créé une machine qui créée un organisme vivant. Jusqu’au jour où Mattie rencontre Sébastien, un mécanicien rebelle et fugitif et dont la présence va la troubler jusqu’au plus profond de sa complexe mécanique et ressentir ce que nul automate n’avait perçu jusqu’à ce jour : l’amour !
Complot, manigances, ordres occultes, science archaïque et machines infernales…..Ce roman inventif et original est impossible à abandonner une fois que vous l’avez commencé. La complexité de son héroïne de métal et le trouble qui ne cesse de la traverser au sujet de son identité, en font un personnage attachant à tel point que vous finissez par oublier sa condition de machine et éprouver une réelle empathie pour ce personnage à la fois extrêmement fort, mais d’une grande fragilité et d’une touchante sensibilité. L’auteure est parvenue à créer un monde particulièrement fascinant traversé de fulgurance narrative d’une grande beauté et d’une extrême noirceur comme cette scène sensuelle entre Mattie et Sébastien ou celle apocalyptique de l’attentat lors du passage royal dans une artère de la capitale.
Après avoir délivrée les gargouilles de leur malédiction, il ne restera plus qu’à Mattie à trouver une liberté totale en se libérant une fois pour toutes de la servitude de son maître qui joue avec elle comme le ferait un enfant capricieux avec son plus beau jouet. Je vous invite à découvrir ce roman d’une grande poésie en lisant de toute urgence ce gros coup de cœur qui va se conclure dans un final apocalyptique par l’émergence d’un projet fou conçu par les mécaniciens projetant de conquérir la ville, mais aussi d’une grande beauté avec le destin de cette femme mécanique qui, tout au long de ce magnifique et trop court roman, ne cesse de nous fasciner et de nous émouvoir.
Certainement, un roman à acheter de toute urgence, foi de Savanturier, vous ne le regretterez pas et je pense que la traduction de Pierre-Paul Durastanti y est pour quelque chose.

Une fois n’est pas coutume, saluons le magnifique travail de couverture de Nicolas Fructus et de ses illustrations en noir & blanc

« L’alchimie de la Pierre » de Ekaterina Sedia, éditions du Bélial , couverture et illustrations intérieures de Nicolas Fructus, traduction de Pierre-Paul Durastanti.2017

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