Posté le Lundi 24 août 2020
Lorsqu’il y a de cela plusieurs années, j’ai découvert l’univers de Jean Ray, je me suis tout de suite laissé guidé par son style inhabituel, sa plume de conteur né. Depuis, cette fidélité n’a jamais failli et lorsque je regarde, avec amour les étagères de ma bibliothèque que je lui consacre, je me dis que ce sont probablement les ouvrages que je garderai en priorité si un jour, j’avais à faire un choix. De cet auteur, grâce au travail acharné de certains passionnés, nous avons connaissance de plus en plus d’éléments sur sa vie et son œuvre, mais il reste tant de choses à découvrir encore ! Je me rappelle avoir lu avec avidité, il y a de nombreuses années, les fameux contes du Whisky et désiré, comme l’ensemble de toute sa production, acquérir toutes les éditions en langue française. Comme tout un chacun, j’ai commencé cette accumulation maladive par les éditions Marabout puis j’ai trouvé l’édition originale à La renaissance du livre, celle de l’Atalante, la librairie ds champs Élysée, chez Néo……..
Je collecte également tout ce qui peut concerner cet auteur et découvrir un titre, non pas de cet auteur, mais d’un écrivain qui désire lui rendre hommage, inutile de vous dire que je m’empresse de l’acquérir. Me voilà donc à passer commande chez un éditeur au nom prédestiné, Malpertuis, et dont la grande force est de nous livrer nombre de textes originaux, dont notamment des recueils de nouvelles et une fort belle série dont je suis grand fan Le club Diogéne.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la couverture de Nicollet pour ces les nouveaux contes du whisky est magnifique et représente déjà un argument d’achat. Déjà, le premier plat qu’il avait concocté pour les nouvelles éditions Oswald en 1985 était très classe. Un recueil de nouvelles hanté par la mort et la misère, les contes et les légendes, des histoires de vie et de mort où la frontière entre la réalité et les divagations de marins dont la bouche pâteuse d’avoir trop bu de cette boisson tant vénérée, est parfois difficile à évaluer : la frontière entre le réel et le fantasme est parfois extrêmement ténue. Je me rappelle de ces histoires hantées de terre et de mer où je me suis laissé emporté, fasciné par la verve de l’auteur captivé par autant d’imagination et de ce sens inné à donner le frisson à ses lecteurs. Mais ce sont aussi des histoires d’hommes, formés à la dure, à la peau burinée par les vents marins, aux mains calleuses d’avoir manœuvré tant de cordages, de voiles et de couteaux…. Un monde dur et sans pitié où les cœurs, parfois, se laissent deviner sous le cuir épais des corps éprouvés, dans cette brume délétère que dispensent ce breuvage ambré, qui délie les langues et ouvre les portes de l’imagination. Pour cette toute nouvelle « mouture » , vibrant hommage à ce personnage à l’imagination débordante, la démarche de Laurent Mantese ne peut que forcer le respect et s’embarquer ainsi à bord d’un porte-containers danois pour les eaux tumultueuses de l’atlantique nord afin d’y puiser l’inspiration nécessaire pour ce volume/hommage est également pour le lecteur une expérience unique. L’auteur, tout en restant dans un contexte moderne, est parvenu à insuffler au travers des 22 nouvelles qui composent cet ouvrage, non seulement cette part d’ombre et de mystère qui parcourt l’œuvre de Jean Ray, mais surtout cette touche subtile qui fait que bien que le lecteur soit plongé dans l’univers si particulier de l’auteur Gantois, le style conserve toutefois sa patte personnelle tout en restant fidèle à cette ambiance si particulière rencontrée dans ses œuvres les plus marquantes de son modèle.J’avais déjà exprimé tout le bien de Laurent Mantese à la lecture de son roman La mort de Paul Asseman et le lecteur pourtant boulimique que je suis, avait mis en attente Le comptoir des épouvantes et Le rapport Oberland. Inutile de vous dire qu’après cette nouvelle expérience extraordinaire à la lecture de Les nouveaux contes du whisky, je me suis précipité vers Le comptoir des épouvantes qui patientait bien sagement dans ma bibliothèque et quelle claque les amis ! Comment en effet rester insensible à des nouvelles aussi terrifiantes que L’abominable aventure de Mr Van Der Kamp ou Le démon de la passe d’Holzarte. Ce qu’il y a d’incroyable dans ce recueil de nouvelles, c’est ce mélange subtil entre le génie de Jean Ray et le talent de Claude Seignolle ! Laurent Mantese est sans nul doute le digne successeur de ces deux maîtres incontestés, une plume aussi inspirée que féconde qui jamais lors de la lecture de l’une de ses œuvres, laisse place à l’ennui.
Tout cela pour vous dire chers lecteurs et lectrices que si vous êtes amateurs d’histoires terrifiantes où se mélangent subtilement poésie et cette dramaturgie propre aux héros tourmentés par de terribles malédictions, si vous avez le désir de succomber à une écriture fluide et travaillée à la fois avec cette sensation que l’auteur se fait non seulement plaisir, mais vous fait plaisir et si enfin vous voulez lire de la littérature fantastique qui ne tombe pas dans les poncifs habituels, mais fait preuve d’une grande originalité, alors ce volume ou plutôt dirais-je ces volumes sont fait pour vous. Car voyez -vous, si vous ne succombez pas à la noirceur de Le manuscrit d’Absalom à la terrifiante Benjamin Neuville ou à la magnifique Douce petite sirène endormie, c’est que votre âme est perdue à tout jamais et qu’il ne vous restera plus qu’à lire cette littérature fantastique de masse dont on essaye de nous abreuver. Mais quelque part, si vous venez de lire ces lignes, c’est qu’il y a encore un espoir de vous sauver.
Laurent Mantese est assurément un auteur de grand talent, une grande figure du fantastique dont il nous faut absolument suivre les prochaines sorties.
« Les nouveaux contes du whisky » de laurent Mantese. Éditions Malpertuis collection « Absinthes, éthers,opium » Couverture de J.M.Nicollet. 2020
« Le comptoir des épouvantes » de Laurent Mantese .Éditions Malpertuis collection « Absinthes, éthers,opium » Couverture de Adrien Police. 2012