Posté le Vendredi 9 août 2019
Teddy Verano m’a tellement marqué depuis de nombreuses années que je l’ai adopté comme pseudonyme sur de nombreux sites et forums. J’espère que Maurice Limat voudra bien pardonner cet emprunt, signe de toute l’affection et la fascination que j’ai toujours eu à l’égard de cet attachant personnage.
Il y a toujours en nous, lecteurs infatigables de l’imaginaire, cette part de phantasme que l’on accorde à des œuvres souvent oubliées de toutes et de tous et qui dorment parfaitement alignées dans quelques bibliothèques de collectionneurs jaloux de leurs trésors ou pire, à moisir dans des caves obscures, se déliter dans d’anonymes containers à ordures. Rien n’est plus terrible que cette disparition programmée, cette amnésie collective pour une littérature jugée trop insignifiante pour attirer l’attention de quelques mécènes de l’édition pour qui rentabilité est plus importante que sauvegarde d’un certain patrimoine. Un gros éditeur ne prendrait pas trop de risque à se lancer dans ce travail de mémoire, ce sauvetage salutaire qui se doit d’être réalisé maintenant avant que ne disparaisse les derniers dinosaures d’un monde suranné aux accointances littéraires qui frôlent la démence tant elles sont considérées comme obsolètes. Pourtant et fort heureusement, il existe certaines exceptions à la règle où des éditeurs, animés par cette douce folie qui n’affecte que les gens de goûts, prennent des risques et n’écoutant que la simple envie de plaisir et de se faire plaisir, entreprennent des chantiers colossaux aux allures de paris insensés en proposant aux lecteurs les plus attentifs des rééditions pour le moins inespérées.
Les Moutons Électriques sous la direction d’André-François Ruaud c’est un peu comme Don Quichotte l’archétype du personnage idéaliste et généreux qui se pose en redresseur de torts et en défenseur des causes perdues. Car il faut être animé d’une belle et noble cause pour oser nous proposer depuis quelques années des textes condamnés à un oubli probant et exhumer des textes, voire des séries entières, qui ne seraient plus qu’un souvenir, une vague réminiscence, une impression de déjà entendu, sans leur devoir de mémoire. Avec un catalogue déjà bien rempli de textes à ce jour introuvables ou jalousement gardés par des maniaques du vieux papier, notre patrimoine populaire se trouve à présent riche de la nouvelle sortie de l’intégrale, ou presque, des aventures d’un détective hors du commun, dont les enquêtes se mêlent souvent avec cette envoutante fragrance de fantastique, j’ai nommé Teddy Verano.
Une carrière hors du commun pour cet illustre personnage, connu seulement par quelques initiés et dont on raviva la mémoire en décembre 82 dans le N°12 de la défunte et sublime revue « Le fulmar » lors d’un double numéro consacré aux « Détectives de l’incroyable ». À l’occasion de la sortie de ses deux revues devenues introuvables, l’infatigable François Ducos réserva une place de choix à notre célèbre inspecteur et l’occasion pour moi de faire connaissance avec cette branche inconnue de la littérature fantastique : le détective de l’étrange ! Imaginez, à l’époque de sa sortie, j’avais 22 ans et depuis cette passion ne s’est jamais éteinte.
Il faut dire que depuis la lecture de ce fameux numéro, je n’ai eu de cesse de trouver l’intégralité des aventures de Teddy Verano et l’affaire n’était pas gagnée d’avance, pensez donc pas moins de 70 aventures qui s’échelonnent entre 1936 et 1981 et publiées dans des formats et des collections aussi diverses que variées, entre le roman populaire, policier, d’aventure et de science-fiction en passant par le simple fascicule de format minuscule , le petit broché, ou le format roman de gare….. Un véritable casse-tête pour le collectionneur !
Au final une série qui s’annonce bien difficile à trouver et si des années d’acharnement me permirent d’en retrouver la quasi-totalité, certains titres restent encore inaccessibles. Dans cette perspective, il nous faut donc saluer le travail immense réalisé par les Moutons Électriques qui ont bien compris toute l’utilité de fonctionner de manière collective et d’utiliser les liens étroits tissés dans la communauté des amateurs du genre en lançant un appel à la mobilisation générale de manière à regrouper l’ensemble de la production des Teddy Verano. Toutefois, réussir la gageure de réunir tout le support papier n’est qu’une première étape, encore faut-il numériser et retravailler tout cela : caractères souvent illisibles, si ce n’est pas effacé, fragilité de certains ouvrages, difficulté à ouvrir certains livres comme les « Angoisses », car il y a dans ce travail de réédition un respect à avoir pour les ouvrages prêtés (les collectionneurs sont des maniaques……) Un boulot donc de titan, réalisé avec brio par de petites mains agiles et le résultat se révèle stupéfiant devant nos yeux empli d’une certaine émotion car le défit se révélait impossible, ou du moins la tache très ardu. Au final, le résultat est là, une intégrale en 9 volumes, sous une couverture sobre mais efficace du talentueux Melchior Ascaride et dont la marque de fabrique se symbolise par un V comme Verano certes, mais aussi comme Victoire. Cette intégrale est dotant plus louable, c’est que non seulement elle a pour vocation la réhabilitation d’un auteur et d’une partie de son œuvre, mais elle permet en outre de regrouper en quelques volumes une intégrale qui, comme je vous le précisais plus haut est pratiquement impossible à trouver complète en raison de sa rareté. Le lecteur avisé ne s’y trompera pas et ne laissera pas passer une telle aubaine d’autant plus que le tirage est limité, malgré le nombre d’amateurs qui, ne nous faisons pas d’illusion, diminue comme peu de chagrin. Pourtant quelle joie de se plonger dans cette littérature de genre, peuplée de sales trognes, de tueurs implacables, d’esprits dérangés, de spectres affamés de vengeances, dans un univers unique en soi qui finalement n’est pas si éloigné que cela de notre quotidien. Le genre d’auteurs et de personnages qui alimentent notre soif d’aventures, de mystères et de fantastique !
Chaque volume comporte la même illustration, mais avec une couleur différente et la typo du titre sur fond noir avec ces deux corbeaux dont un prenant son vol est du plus bel effet et confine à cette série un coté sobre, mais terriblement classe. À l’intérieur des volumes en début de chaque aventure vous y trouverez la couverture d’origine, mais il faut surtout saluer la magnifique introduction de notre ami Francis Saint-Martin dans le premier volume. Cet érudit des littératures populaires, grand archiviste devant l’éternel et dont l’érudition en la matière n’est plus à prouver, nous offre une passionnante présentation de l’auteur avec surtout la genèse de Teddy Verano et son parcours sur 45 ans d’existence avec certains petits points de détail sur son œuvre qui font toute la différence, donnant à cette préface un atout indispensable voire incontournable. Une approche méticuleuse de l’auteur et de son œuvre probablement la moins connue, car elle n’intéressait jusqu’à présent qu’une poignée de spécialistes amoureux de cette catégorie pendant fort longtemps restée dans l’ombre : le détective de l’étrange !
Concluons par cette phrase que je me permets d’emprunter à Francis et qui vient conclure sa très belle préface :
« Maurice Limat, est mort le 21 janvier 2002 à Sèvres, en regrettant, malgré sa bonhomie, d’être un auteur un peu oublié malgré une œuvre importante. Nous ne doutons pas qu’il et été heureux de voir rééditer, même dans une édition limitée, les exploits de son alter ego, son détective des fantômes, le sympathique Teddy Verano »
Un grand bravo à toute l’équipe des Moutons, un risque une fois n’est pas coutume de leur part, qui n’est pas évident à prendre, mais on ne vit qu’une seule fois et si ce n’est pas maintenant qu’il faut agir et surtout se faire plaisir, après il sera hélas trop tard.
Merci pour nous et merci pour Maurice Limat, l’ombre du grand Teddy veille sur vous les amis !
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