« Un monde sur le monde »
Roman inédit de Jules Perrin et Henri Lanos. Parution dans la revue « Nos Loisirs » du N°46 à 51 (13 Novembre au 18 décembre 1910) et du N°1 au N°6 (1er Janvier au 5Février 1911) illustration de H.Lanos et P.Carrey. Réédition, Edition Apex collection « Périodica » 1993.
Dans les plaines de la Champagne, se dressent les assises d’une inconcevable et prodigieuse ville de fer, plus vaste que Paris et d’une hauteur vertigineuse. L’opinion publique s’alarme, la presse s’interroge, le gouvernement commence à paniquer : Que signifie donc cet étalage de puissance ? Le promoteur de cette colossale entreprise n’est autre que le milliardaire Goldfeller le « roi des pierreries » un excentrique plein « aux as ». Mais que cache exactement le projet démesuré de cet original ?
Le gouvernement dépêche alors une délégation qui sous couvert d’une visite officielle, compte bien y faire une enquête officieuse. Dans le groupe, un homme de l’information, un journaliste du nom de Bayoud qui loin d’être impressionné par ce projet insensé ira même qualifier Goldfeller de « Roi du bluff »…dans l’ombre des hommes vielles ! Profitant de l’inattention des guides qui assurent la visite, le journaliste commence son enquête. Celui-ci est intrigué par une gigantesque lanterne en forme d’hippocampe qui à son avis sert à autre chose que d’éclairer les recoins de cette ville de fer. Il s’égare dans les entrailles de la cité et découvre un petit havre de paix où il aperçoit de façon très fugace, les contours d’une créature de rêve. Il n’a pas le temps de pousser plus en avant son exploration, deux « malabars » l’attrapent par le collet pour le conduire sans ménagement devant le maître des lieux.
Après l’avoir conduit tout en haut de la tour centrale (1900 mètres tout de même) et de le menacer de le faire disparaître s’il refusait d’être son prisonnier, Goldfeller l’entraîne alors dans une visite personnalisée de sa création « Aéria » A bord d’un curieux véhicule fait de verre et reposant sur un monorail, Bayoud mesure l’immensité du projet :
« Dans cette clarté blanche, on voyait à l’infini s’agiter les petites ombres noires des hommes, tourner, en girations majestueuses, les ailes et les bras des machines dans une espèce d’apothéose de cette féerie du travail humain ; les gémissements retentissants du métal déchargé sans trêve pour être assemblé et battu par l’outil montaient dans ces lueurs de fournaise vers le ciel plein d’étoiles. »
– « Ainsi, pensais-je, tout ce monde d’ouvriers rassemblé ici par la volonté de cet homme y demeure, y couche, y vit, s’y distrait en dehors des heures de travail ; déjà ce colosse informe recèle dans ses flans une ville entière… »
Le but de ce diable d’homme est donc de peupler sa gigantesque mégapole avec les ouvriers qui l’on construite. Tout est prévu pour leur confort et leur bien être :
« Nous étions au centre d’une immense place,en forme de rotonde,qui me donna l’impression de la place de l’opéra,avec ses candélabres électriques,son mouvement de foule,ses magasins éclata,ts et la perspective de vastes rues qui en rayonnaient ; tout un peuple circulait sur les trottoirs,patientait aux refuges,se hâtait pour traverser la place,s’éparpillait dans les voies adjacentes ;des cars mu par des trolleys passaient pleins de voyageurs,dans de brèves sonneries de cloches et de timbres ; à l’angle de deux rues,la façade haute d’un théâtre annonçait en lettres lumineuses le spectacle du soir. »
Cette formidable entreprise, convainc le journaliste, il se laisse charmer par cet ambitieux challenge mais aussi par la gracieuse silhouette aperçue l’espace d’un instant. C’est alors une nouvelle captivité qui commence pour lui et qui va lui permettre de sa déplacer plus ou moins à sa guise dans ce « monde sur le monde » et rencontrer tout son lot de personnages singuliers, se vouant corps et âmes au milliardaire : Rassmuss le président de cet étrange « club », Kandy le préparateur spécialiste en toxicologie et en magie, Hatwig le scientifique sans scrupule :
« Eux-mêmes étaient donc autant d’espions attachés à mes pas. Néanmoins en leur compagnie, je visitai leurs laboratoires, leurs bibliothèques, leurs cabinets d’études et d’expériences et je les assistai dans l’installation des appareils merveilleux dont la destination n’avait cessé de m paraître inexplicable. »
Mais au dehors, dans les campagnes la révolte commence à gronder, cette ville gigantesque mobilise une quantité incroyable d’eau potable, sans parler des scientifiques qui se livrent à des expériences assez néfastes pour l’environnement :
« Votre œuvre fait ombre sur les campagnes, cache le soleil, dévore l’eau des pluies et des fleuves, l’autre jour vos essais de pluies et des fleuves on noyé les pauvres récoltes des paysans et vos explosions de dynamite pour le forage des nouveaux puits ont tué des enfants qui revenaient de l’école de Montepreux. Voilà la révolte ! »
Goldfeller va agir promptement et pour la première fois depuis son séjour, conduit le journaliste dans une immense salle, véritable laboratoire entièrement recouvert de manettes et de boutons à l’usage mystérieux et terrifiant. Probablement le cerveau central de la ville, le lieu des futures exactions à l’encontre des opposants à sa folie mégalomane. Aidé par Kositch, un expert des drogues et de la chimie, il commande à distance une véritable « pulvérisation » d’un gaz asphyxiant dont il observe les effets au moyen d’ingénieux écrans « vidéo ».
Le résultat de se fait pas attendre, les corps gisent inanimés dans la campagne environnante (morts ou étourdis ?). L’affaire fait bien évidemment grand bruit et l’on détache le sénateur Massicot, le préfet et tout son cabinet afin de demander des comptes. Le milliardaire les prend de haut et malgré les menaces de ces derniers sur un embargo possible de l’approvisionnement et du gel de ses capitaux boursiers et bancaire, celui-ci ne voit dans ces propos qu’une déclaration de guerre et une ouverture des hostilités. Il en profite alors pour leur révéler la puissante machine de guerre dont il est équipé, une redoutable armada de dirigeables au revêtement indestructible, armés jusqu’au dent et d’une vélocité incroyable. Mais il garde le meilleur pour la fin en leur dévoilant une autre de ses armes, la plus terrible : une machine à fabriquer les typhons !
« A ce signal convenu, un mugissement effroyable répondit. On eût dit que vingt bouches monstrueuses, s’ouvrant au dessous de nous dans les profondeurs de la tour, aspiraient l’air comme autant de ventouses. En quelques secondes, l’horizon se noircit de nuages noirs : en bas, dans la campagne, les arbres commencèrent à ployer sous un souffle de tempête ….. Sous les clameurs de l’orage,aux lueurs fulgurantes des éclairs,le vent hurlait,balayant tout sur son passage,tordant et déracinant les arbres qui voltigeaient comme de feuilles arrachant les toitures des maisons,balayant comme des mouches les curieux rassemblés et attendant au bas de la tour. Nous vîmes un escadron de cuirassiers qui manoeuvrait dans la campagne soulevé de terre et les cavaliers voltiger dans ma tourmente, avec leurs culottes rouges on eût dit des feuilles sanglantes que le vent d’automne arrache aux vignes vierges. »
Encore sous le choc de cette vision terrifiante, Bayoud est convoqué dans le cabinet de Goldfeller.En l’attendant ? il ne peut s’empêcher d’activer une manette située sous un immense écran. Emerveillé, il découvre l’image d’un magnifique jardin occupé par la charmante créature qui ne cesse de l’obséder depuis le début de son aventure. Comme il va l’apprendre par la suite, c’est la fille du milliardaire, d’une santé très délicate mais de charmante compagnie comme il pourra s’en rendre compte après une invitation faite par celle-ci. Il en tombe bien évidemment amoureux. Ainsi l’homme aux nerfs d’acier, capable des menaces les plus viles et qui gouverne son « état » d’une main de fer aurait un cœur ?
Pendant que nos deux tourtereaux roucoulent dans leur coin, en ville une autre menace ce fait de plus en plus pressante. Dans sa folie des grandeurs, le « roi de pierreries » n’avait pas prévu qu’il ne suffit pas simplement de donner des loisirs et de la nourriture à toute une population d’ouvriers. Car ces gens du peuple, intègres dans la grande majorité, abrite en son sein une minorité de fauteurs de trouble qui n’hésitent à semer la discorde dans cette société d’apparence idéale. Des rixes commencent à éclater, des assassinats même. Dans cette oisiveté survenant après des mois d’un intense travail, germait un péril inconsidérément imprévu. Une police assez brutale, hâtivement organisée et conduit un peu sans mesure, vint augmenter le désordre au lieu d’y remédier. Il fallait trouver une parade.
C’est Rassmuss qui propose la parade. En effet dit-il la construction de la ville à monopolisée des milliers de travailleurs alors que les femmes ne sont que quelques centaines, si nous voulons calmer ce peuple de travailleur, il faut leur offrir des femmes. Mais comment procéder ! Le moyen est radical et on va calmer la révolte en anesthésiant tout le monde, et pour leur réveil on leur prépare une nouvelle sensationnelle : Le lendemain soir la ville sera ouverte à toutes les femmes qui désireront en faire l’ascension. Toutes seront admises à visiter le trésor des gemmes fabriquées par le roi des pierreries, et en souvenir de cette soirée une distribution gratuite de diamants de rubis et des saphirs sera proposée :
« Depuis deux jours,disaient les journaux d’une puissance de Paris,des projections lumineuses d’une puissance inconnue promenèrent sur les trottoirs et sur les murs des maisons les annonces de cette nouvelle fantaisie de Goldfeller ;des millions de prospectus imprimés volent en l’air,tombent des rues dans toutes les mains frémissantes ;la lecture de ces folles promesses détraque les cerveaux de toute les femmes et l’on dit que déjà il y en a des milliers en route de tous les coins de France vers la tour dont le roi des pierreries semble avoir fait le pandémonium de l’extravagance et de la perversité… »
C’est alors une véritable nuit de frénésie, des bacchanales aux proportions démesurées à l’image de cette ville qui est entrain de vivre ces derniers instants de liberté. Dés le lendemain, les premières rumeurs commencent à arriver, à l’extérieur, la populace demande des comptes, tout le monde vient pour réclamer ces femmes « enlevées » la veille et retenues prisonnières. Cette fête n’a pas été au goût de tout le monde et des rumeurs de séquestration en masse, enflent de plus en plus. Aux portes de la ville les gens de l’extérieur s’amassent, vite balayés par un cyclone créé par le maître des lieux. La réplique ne se fait pas attendre, on coupe l’accès à la ville,le ravitaillement est interrompu ,le gouvernement isole Aëria : cette fois c’est la guerre ! Kositch, Hartwig, Rassmuss et Kandy sont aux anges ….L’avis est de s’enquérir au plus tôt des mouvements d’attaque possible contre la tour. A cet effet deux dirigeables sont envoyés en éclaireur, à trente kilomètres à peine le premier corps d’une armée Française est en marche. Les troupes se rapprochent est c’est face à un telle menace que les mystérieux globes observés par le journaliste lors de sa première visite, entrent en action. Situés aux quatre coins cardinaux de la ville, ils se révèlent bien plus que des simples lampes gigantesques :
« Et, brusquement, d’un seul bond, dans une détente définitive de leur organisme mystérieux, les quatre monstres s’élancèrent comme des vivants au dessus des campagnes dont ils semblaient sonder la profondeur avec des ondulation de sauriens des époques préhistoriques. Presque aussitôt une lumière implacable fut projetée au loin par les globes cerclés de feu de ces lanternes quasi vivantes qui se mirent à se tordre dans tous les sens ; dans les rayons qu’elles se lancèrent ainsi que de l’une à l’autre, on put voir qu’en arrière de ses globes, au fond d’une petite cage logée au dessus de la tête du monstre, un homme était assis. A chacune de ces bêtes, une intelligence vivante et audacieuse avait été assignée pour une œuvre encore mystérieuse de destruction et de mort. »
De destruction et de mort il va en être question car le mugissement d’une sirène se fait entendre et à ce signal infernal les globes lumineux s’entrouvrent et c’est le souffle de l’enfer qui se déchaîne dans la vallée :
« Au contact de l’air, la lumière se faisait flamme, allumait tout sur son passage, incendiant au lieu d’éclairer, brûlant instantanément tout ce qui se trouvait dans son champ. Sous l’ardeur de ces projections, l’atmosphère prit feu dans un rayon de vingt lieues : des villages entiers se mirent à flamber en avant, en arrière et tout autour de l’armée quelques instants auparavant endormie à une journée de marche d’Aëria. Jusqu’au plus lointain de l’horizon la campagne catalaunique,la Brie et L’île de France,illuminées,apparaissaient aussi nettement que l’orbe lunaire dans la clarté d’une nuit d’Orient ;sur le fond d’or de l’air en feu une multitude de points commença de s’agiter,de courir de ci de là. Surpris dans leur sommeil,les hommes et les bêtes tentaient de fuir et presque tout de suite prenaient feu à leur tour,flambaient comme des étincelles rouges,finissaient par tomber et disparaître dans la fournaise. »
C’est un paysage d’apocalypse, un massacre d’une barbarie sans précédent. C’est non sans fierté que l’on clame le pouvoir de la « Fulgurite »une invention des plus folle, une substance révolutionnaire dont la propriété est de s’enflammer au contact de l’air. C’est la première grande victoire d’Aëria et l’on se prépare à recevoir les héros, ces « Fulgurants » comme on les appelle ici.
« Ils étaient revêtus d’une espèce de costume de scaphandrier en toile d’amiante et leur tête était protégée par un casque vitré en forme de bec d’oiseau de proie dans lequel l’air respirable leur était distribué pendant out le temps de la dangereuse manœuvre qui, ouvrant la lanterne au contact de l’atmosphère, rendait celle-ci brûlante et mortelle. »
Mais il semble que Goldfeller ne semble pas vouloir arrêter là ses sinistres forfaits, un nouveau plan est mis à exécution et cette fois c’est une flottille de dirigeable qu’il envoie sur Paris afin de larguer des bombes incendiaires. La capitale réplique est c’est Aëria qui est à son tour bombardée détruisant par la même occasion un des redoutables globes. Dans la ville la colère gronde, les habitants se sentent menacés et veulent quitter la place, le « roi des pierreries »sent une perte de contrôle face à la peur qui les anime. Il leur propose un marché, lui accorder vingt quatre heures, le temps de mettre au point son ultime et coup décisif contre le gouvernement Français.
Sachant que l’armée prépare une ultime attaque, réunissant toute sa flotte aérienne disponible, Goldfeller va tout simplement gazer l’atmosphère se trouvant aux alentours de la ville. Prévenant à l’avance la population de se terrer dans les entrailles de la capitale, afin d’éviter les effets mortels de ce gaz plus léger que l’air il espère ainsi mettre toute cette armada en déroute et priver ainsi l’armée de sa force de frappe la plus dangereuse. Mais l’homme n’est pas dupe et craignant que son plan ne puisse arriver à son terme il charge Bayoud d’une bien délicate mission. Sa fille est d’une santé fragile et il craint que c’est état de siége ne la mette encore plus en dangers. Yella sera donc confiée à ses bons soins, tout a été organisé,un tunnel souterrain les conduisant à l’aide d’une voiture dans une ferme située à quelques kilomètres d’Aëria, l’hébergement à Troyes par des gens dignes de confiance, leur avenir à l’abri du besoin….
Lui qui avait tant rêvé de ce moment, se retrouve le cœur un peu serré à l’extérieur de sa prison d’acier et de la fenêtre de sa chambre regarde la flotte tricolore, tel un immense nuage noir chargé des armes les plus terrifiantes qu’il soit, se diriger vers cette Babel des temps modernes, mais un pouvoir de destruction encore plus puissant les attends
« A quel moment les émanations meurtrières commencèrent elles à agir sur les équipes qui dirigeaient les ballons ? Cela personne ne l’a jamais su ;mais il m’est permis de présumer,d’après ce que j’avais entendu dire de Goldfeller lui-même,que l’intoxication fut progressive,allant de la stupeur au sommeil pour aboutir à la mort. En tout cas,quand les aérostats passèrent au centre d’Aëria,il sembla que la vibration de l’air se fît plus forte,comme si les courants de vapeurs délétères avaient augmenté d’intensité : en même temps il y eut dans la course des dirigeables un temps d’arrêt ,un flottement ;et,brusquement,ensemble,tous se mirent à dériver dans le vent qui soufflait de l’est et,faisant demi-tour par courbes,ils reprirent leur route en sens inverse ;même il y en eut deus qui s’entrechoqérent et s’en allèrent serrés l’un contre l’autre pour l’étonnement de ceux qui regardèrent cette scène sans en comprendre le mystère. Deux heures plus tard,cette flotte désemparée,sans âme,passait au dessus de Paris,traversait l’ouest de la France pour aller avec ses pilotes morts,se perdre dans l’océan Atlantique ou le premier cyclone venu des Antilles devrait achever de l’anéantir »
La suite des événements qui se déroulèrent à l’intérieur de la ville sera décrite dans les journaux du lendemain. Visiblement la population, ne supportant plus la dictature de leur maître, se révolta, cherchant par tous le moyens à fuir ce lieu de désolation. Les scènes de paniques se succédèrent, chacun essayant de fuir par ses propres moyens, les dirigeables de la ville seront pris d’assaut, une émeute épouvantable où les morts se comptent par centaines. Yella s’inquiète sur le sort de son père, dont elle ignore les agissements. Une lettre lui sera remise, ou il s’excuse des erreurs passées tout en lui donnant sa bénédiction pour son éventuel mariage. Il est temps pour lui de payer ses lourdes fautes. Mais avant de tirer sa révérence, il a préparé une toute dernière surprise à ses agresseurs de l’intérieur, ses fous qui ont organisé cette catastrophique émeute, détruisant 0 jamais son rêve d’un monde nouveau. Bayoud se rappelle alors les dernières phrase de son geôlier : « J’anéantirai tout s’il le faut, plutôt que de Céder »
« Un spectacle effrayant et grandiose me cloua sur place : la tour d’Aëiai, se découpant carrément sur le ciel de presque toute sa hauteur, dominait la campagne comme un bloc de feu ;sillonnée d’éclairs dans tous les sens,elle s’érigeait dans la nuit comme une prodigieuse escarboucle dont le rayonnement,grandissant de seconde en seconde,se fixait par place en passant du bleu au rouge. Bientôt la masse entière fut en ignition, ce cube de métal rougeoya jusqu’à la transparence d’un colossal rubis, rayonnant jusqu’à nous une chaleur insupportable. En même temps son faite se prit à flamber comme une torche : au dessus de cette montagne de métal portée au rouge, Aëria venait de prendre feu ! »
La fin d’un monde
« Un monde sur le monde » est sans contexte un des grandes réussites des textes publiés dans les revues d’avant guerre. Annoncé à paraître dans la revue « Je sais tout » en Janvier 1907, c’est finalement la revue « Nos loisirs » qui eut l’honneur de publier ce court roman de Perrin et Lanos.
Perrin est déjà connu des amateurs du genre puisqu’il rédigea toujours pour la même revue « Je sais tout » un curieux roman « L’hallucination de Mr Forbes » (de Novembre 1907 à Février 1908). L’ouvrage paraîtra en volume la même année aux éditions Fasquelle « bibliothèque Charpentier » sous le titre « La terreur des images » :
« Un peu partout, les gens sont frappés de visions et rapidement les phénomènes s’amplifies et se multiplient partout dans le monde et comme ses « visions » sont essentiellement des faits se produisant réellement mais projetés un peu partout sur la terre il en résulte drames et bouleversements. Ce qui est de plus terrible c’est que lorsque vous pensez a quelqu’un, il « vous voit ». Le président des Etats-Unis va ainsi s’accrocher avec le Kaiser par vision interposée et va suivre une guerre, bien réelle, entre les deux pays. »
La force de ce roman, qui reste fortement fantastique,vient certainement des magnifiques compositions faites par Lanos dont celle entre autre où l’on voit le peuple Parisien assister terrifié à une gigantesque bataille navale entre cuirassiers Américains et Allemands et se projetant dans la ciel.
En ce qui concerne Lanos, je ne voudrais pas trop m’étendre sur le sujet car je compte lui réserver un jour un article complet, mais il faut signaler qu’il fut avant tout un artiste de génie, un des plus grands illustrateurs de science fiction Français du début du XXéme et qu’il effectua pour de nombreuses revues, de splendides compositions qui hélas de nos jours se retrouvent éparpillées dans des dizaines de magazines mais dont une bonne partie se trouve dans la revue « Je sais tout ». Il est regrettable que « Un monde sur le monde » fût édité par « Nos loisirs » car malheureusement la qualité du papier est vraiment exécrable et je pense que si Lanos eût été édité par « Laffitte » ses dessins auraient bénéficié d’un meilleur traitement.
Lanos, dont presque personne ne se souvient, accorde toujours à la machine un coté titanesque, une espèce de monstre créé par l’homme et qui semble à tout instant vouloir l’avaler. L’être humain est toujours écrasé par son gigantisme et si ce dernier en est le concepteur, l’illustrateur semble vouloir nous rappeler que tout n’est qu’illusion et que l’homme dans son pouvoir de conquête et sa soif de domination n’est que l’instrument vulnérable et mortel de sa toute puissance. Avec ce roman écrit en collaboration avec Perrin, il nous démontre une fois de plus que la machine conduit toujours l’espèce humaine à sa destruction.
Mais je pense que pour se donner une idée encore plus renforcée de son immense talent il faut se reporter semble t-il aux planches qu’il réalisa pour le roman de Wells « When The Sleeper Wakes » publié en 1899 pour la revue Britannique « Graffic » et dont nous ne possédons qu’une seule et unique illustration, chaque fois utilisée pour citer cette référence. Lanos collabora également comme auteur et illustrateur pour le roman « L’aérobagne 32 » avec E.Laumann (Editions Hachette « Bibliothèque de la jeunesse » 1923), illustra les hors textes du roman de Pierre Vernou « Le pirates de l’air » (Paris Librairie Hachette et Cie 1913). Pour terminer cette bibliographie sélective il écrivit et illustra deux autres romans, un peu plus destiné pour la jeunesse, tant son coup de crayon se métamorphosa de manière radicale, avec un trait plus léger et l’utilisation de la couleur ajoutant un peu plus de douceur à ses personnages :
- « Le grand raid Paris la Lune » paru dans la revue « Pierrot le journal des garçons » du N°115 au N°122 (Dimanche 14 Mars 1928 au Dimanche 22 Avril 1928).
- « Les hommes de fer du Docteur Hax » paru dans la revue « Pierrot, le journal des garçons » du N° 37 au N° 44,septième année (Dimanche 11 Septembre 1932 au Dimanche 30 Octobre 1932).
Avec le roman dont vous venez de lire le résumé, il se place à mon avis dans le groupe assez restreint des écrivains conjecturaux d’avant guerre de talents et permettant encore de nos jours de légitimer un genre qui ne fit pas toujours l’unanimité. Je ne vous cache pas que ce roman reste sans contexte un de mes préférés car il est le résultat parfait de équilibre entre l’aspect littéraire et artistique. Les thèmes abordés sont toujours effectués avec une grande imagination et un sens de la démesure assez incroyable et l’importance que donnèrent ces deux écrivains au thème de la ville, leurs permirent de nous livrer une œuvre unique et novatrice dans le genre.
Dans « Un monde sur le monde » on retourne un peu au fondement de l’utopie où le Milliardaire rêve de créer une société idéale, certes selon ses propres critères, mais s’articulant sur le principe d’un monde harmonieux et parfait. Le seul problème à sa chimère est qu’il n’avait pas prévu le facteur humain et que l’on ne dirige pas la classe ouvrière par la force et la terreur. A travers ce roman, les auteurs dénoncent le danger de la science et de la folie destructrice qu’elle peut engendrer lorsqu’elle est placée entre des mains guidées par la soif du pouvoir.
Lorsque Jean pierre Moumon réédita ce chef- d’œuvre dans sa collection « Périodica » il y voyait à raison une « anti-utopie technologique » mais là ou je ne suis pas tout à fait d’accord c’est lorsqu’il parle de « dénonciation de la prolifération urbaine incontrôlée et la dégradation des sites naturels qui en résultent » saluant même « Une œuvre écologiste avant la lettre ». Je ne pense pas que les auteurs voulaient dénoncer une urbanisation croissante, je pense que leur discourt était beaucoup plus politique, car on assiste à une véritable exploitation de la classe ouvrière par le pouvoir du capitalisme,symbolisé par un Goldfeller complètement aveuglé par son désir de puissance. Peu lui importe le destin de sa population d’ouvriers, il pensait, grâce à sa technologie asservir tout un peuple qu’il jugeait incapable de se soulever. Au final, c’est la cupidité qui va mettre une fin à ce rêve idéaliste, car les hommes qui le soutinrent dans ce projet, eux aussi contrôlés par la peur suscitée par ce maître despotique finiront par se révolter et organiser le soulèvement final.
Ce roman est une véritable analyse négative de l’âme humaine, du pouvoir corrupteur de l’argent et de la science. Car ici, la science a un rôle prépondérant et son utilisation nous démontre une fois de plus à quel point les écrivains, les intellectuels, avaient en elle une méfiance toute particulière. Je dirais même pour être moins catégorique, que lorsqu’elle est confiée à des esprits retors, elle est l’instrument idéal pour asseoir sa folie destructrice. La science en soi n’est pas malfaisante, c’est la main qui l’utilise qui détermine sa véritable fonction. Goldfeller n’hésita pas à créer des machines capables de générer des typhons et des machines produisant des rayons ardents d’une capacité destructrice inimaginable, dans le seul but d’arriver à ses fins et de s’affirmer en maître absolu. Il n’a cure des milliers de vies que vont prendre ses inventions, il veut imposer son pouvoir selon ses propres règles.
La fin est de ce fait est toute tracée et les auteurs gardant un certain optimisme quant à la nature humaine, trouve une solution non pas dans une montée graduelle du rapport de force,mais dans un final historiquement éprouvé,par la révolte du peuple. Saluons les scènes apocalyptiques de destructions en masse, rédigées par les auteurs dont certaines reprises plus hautes sont d’une violence et d’une démesure rarement rencontrée à l’époque.
Je regrette toutefois que le soulèvement de la population, ne fût pas décrit de manière plus détaillée et que les seules descriptions de la fin d’Aëria,proviennent d’un compte rendu réalisé par la presse. La ville En effet si la ville est une constante dans les œuvres d’imagination scientifique, elle ne servira bien souvent que de toile de fond au roman. Ici, le milieu urbain n’est pas un simple décor, il devient l’élément de l’action, les enjeux de l’histoire.
La ville représente le symbole d’une société, le modèle, le lien qu’utilise l’écrivain afin de donner libre cour à son imagination. En fonction du cadre dans lequel elle se situe, elle sera soit le symbole d’une technologie triomphante, le progrès au service de tous et dont tout le monde pourra bénéficier sans restriction, ou alors le reflet d’un univers technologiquement froid et impitoyable, une énorme machine gouvernée par une minorité très puissante et exploitant une majorité misérable. Ce n’est pas par hasard si Théa Von Harbou, épouse de Fritz Lang, désigna sa ville sous le nom de Métropolis. En effet dans ce nom on retrouve le mon « Métropole » et dont la racine est constitué du mot « mère ».
La ville est le reflet du progrès,d’une société sans cesse en évolution,véritable « matrice » qui enfante toute la science de l’humanité,sera le lieu privilégié d’une multitude de roman. Je repense notamment à un autre texte publié dans une autre revue « Lecture pour tous » et signé de la plume d’Octave Béliard « La journée d’un Parisien au XXI éme siècle » (Décembre 1910) et qui n’est pas sans nous rappeler les mêmes délires architecturaux d’un autre écrivain et illustrateur de génie : Albert Robida. Robida, dans un grand nombre de ces écrits et dessins, accorda à la ville une importance capitale. Sa verve complètement décalée pour l’époque, donne à toute son œuvre une impression de franche rigolade qui sera une constante tout au long de sa carrière.
L’optimisme de ses premiers ouvrages nous montre qu’il avait une certaine foi en la science, propos qui changeront du tout au tout par la suite avec son œuvre la plus pessimiste, « L’ingénieur Von Satanas ».Du reste la partie de ses écrits ou il est question de la science au service de l’armée n’est qu’une longue description de massacres à l’échelle scientifique (« La guerre au vingtième siècle » librairie illustrée 1887 et la série « La guerre infernale » avec P.Giffard Méricant 1908). Son pavé « le XXéme siècle » suivi de « La vie électrique » est un brillant exemple de la technologie future et de ces diverses applications. C’est un véritable catalogue que nous livre l’auteur où rien ne sera négligé :
L’architecture démesurée avec des immeubles immenses dont les toits font office de pont d’envol à des engins de toutes sortes, transports aériens avec son cortége d’aérocabs, aérochalets, omnibus aériens et le fameux « tube » propulsant un cylindre rempli de passagers à une vitesse folle au moyen de puissantes machines électriques. Les télécommunications avec le téléphote, le téléphonoscope, un ancêtre de la vidéo (que nous retrouverons chez Béliard et chez Verne dans son ouvrage « La journée d’un journaliste Américain en 2889 »).Les loisirs, l’armée, la politique, l’alimentation où il est question d’une « compagnie générale de l’alimentation », expédiant au moyen de tuyaux, votre nourriture à domicile. La fameuse « pilule » n’est pas encore d’actualité et il faudra attendre Boussenard et son ouvrage « Les secrets de Mr Synthés » (Marpon et Flammarion 1888) afin de voir son apparition.
Mais sa plus grande prophétie est sans contexte sa perception du rôle de la presse et de la publicité dans les années à venir. A cette époque, le journaliste est le symbole de l’homme aventureux, un être un peu sans cervelle capable d’affronter toutes les situations car de nature très curieuse et téméraire : il est le héros des temps moderne !
Quand à la publicité, Robida comprit très tôt les avantages et les inconvénients du « matraquage publicitaire ». En effet, les grandes villes sont les endroits idéaux pour le conditionnement du futur consommateur et les exemples dans ce domaine sont innombrables : « Le XXéme siècle » où les toits sont recouverts de panneaux publicitaires, « Le triomphe des suffragettes » de J.Constant où des inscriptions gigantesques sillonnent le ciel,dans « la journée d’un journaliste Américain en 2889 », ce sont les nuages qui serviront de cinéma aériens,viendront ensuite les télés géantes placées dans les rues dans le roman de Cyril et Berger « La merveilleuse aventure de Jim Stappleton ». Toutefois si les transports aériens font preuve d’une grande inventivité, au sol tout sera très banal avec la classique voiture électrique et l’indétrônable tapis roulant. L’habillement sera également des plus simple,les auteurs de ses anticipations n’étant pas de grands couturiers, se montrèrent peu inventifs avec soit des tenues très fin 19éme en plus excentrique,soit le sempiternel juste au corps très sellant.
Pour ne citer que les romans les plus célèbres, « Dans 1000 ans » de E.Calvet , un magnifique cartonnage de 1884 où l’auteur exploite également tous les domaines possible (agriculture,transport…..), « Un ville de verre » de A.Brown,ici « Cristallopolis « a été créée comme une sorte de phalanstère, Bleunard et sa « Babylone électrique »« Electropolis », qui transforme un coin du désert en oasis au moyen de l’électricité, Graffigny utilisera la même source énergétique pour alimenter son Gabriel de Tarde qui avec son « Fragment d’histoire future » situe la ville des derniers descendants de l’humanité sous terre,comme le fera d’ailleurs Pellos dans son extraordinaire « Futuropolis », l’incontournable Régis Messac,notre père spirituel à tous qui nous décrit dans sa « Cité des asphyxiés » une ville abritant un monde fait de paradoxes.
Malgré tout cela, dans ces œuvres, la ville est un centre d’activité fébrile, nécessaire à la survie de l’homme car elle symbolise soit son bien être soit sa survie où il profite de tout ce que la science à de bon à lui donner. Un centre de bienfaits et de plaisirs ouvert à tous.
Mais toute sa médaille a son revers et si bon nombre de romans respirent la gaieté et la joie de vivre, d’autres par contre nous plongent dans les entrailles de cités où la noirceur de ses artères nous fait frémir de désespoir. Les villes décrites au fil de ces contres utopies nous accablent, nous submergent d’un flot de tristesse.
Un texte qui sous des apparences trompeuses pourrait nous faire croire au triomphe de la science pour le bien de l’humanité est de celui de Pierre Souvestre avec son « Le monde tel qu’il sera » (1846). Voilà encore un texte remarquable qui mériterait une réédition ! Pratiquement introuvable, ce roman laisse déjà transpirer la crainte de l’automatisme et la peur du progrès. L’homme devient une véritable marionnette victime du progrès qui le submerge. Ville et modernisme sont étroitement liés, elle est la matrice qui engendre tout ce dont la société à besoin. Le point culminant de l’histoire venant avec la description de « L’institut pour les jeunes gens et les jeunes demoiselles non sevré ». Bien avant Huxley,Souvestre nous décrit ici un véritable centre de conditionnement où les enfants,une fois sevrés,sont dirigés en fonction de leurs protubérances crâniennes et les besoins de la ville,vers telles ou telles spécialités. Procédés qui sera réutilisé par Xavier de Langlais en 1946 dans son roman « L’île sous cloche ».
L’univers décrit est une incroyable société de consommation où, pour avoir le mieux il faut travailler plus (Bizarre cela me rappelle quelque chose..). Il faut travailler, travailler, enrichir l’état, consommer à outrance, dans un monde ou plutôt le « meilleur des mondes » où héla les inadaptés sont déportés dans l’île des réprouvés.
Dans le même style et afin de noircir encore plus le tableau, voyons un peu l’ouvrage de E.Zamiatine « Nous autres » (1920). Peut-il exister un monde plus noir, une ville plus triste que cette véritable cité de verre, aux appartements transparents, pour mieux espionner les gens, non je veux dire les numéros. Car toute identité est ici refusée, tout est contrôlé, étiqueté et surveillé. La technologie y est implacable, utilisée afin de rendre encore plus esclave sa population.
Idem pour « La Kallocaïne » (1940) de Karin Boye où les villes sont divisées par spécialités. L’histoire se déroule dans la ville des chimistes, cité dortoir servant à des fins expérimentales. L’œil et les oreilles de la police sont partout, les enfants dénoncent leurs propres parents, un chimiste inventera un sérum permettant le contrôle de la pensée : Un état policier, pour une population vivant dans la crainte…l’ombre de Big Brother n’est pas loin. Il se peut d’ailleurs que l’importance de l’ouvrage de Orwell écrit pourtant en 1949 ait complètement « étouffé » les qualités de celui de Boye.
« 1984 » possède de grandes qualités, sans qu’il soit toutefois mon préféré mais il,fait reconnaître qu’il reste un modèle du genre qui a un peu « démocratisé » la signification de l’anti-utopie avec la description de cet état totalitaire,souvent à la limite du supportable. Jamais roman ne m’avait donné une telle sensation d’étouffement (superbement porté à l’écran en…1984 par Michael Radford et une bonne interprétation de John Hurt et de Richard Burton).
Je ne vous ferai pas l’offense de vous parler du « Meilleur des mondes » de A.Huxley (1932), cette société heureuse( ?) où chacun possède une place dans un monde citadin bien confortable,peut-il être le meilleur qui soit ? (Thématique reprise avec brio dans « Quand ton cristal mourra » de William F Nolan 1967 qui donna le film « L’age de cristal »« THX 1138 » (1976) et du superbe mais glauque de Georges Lucas en 1970)
Jetons un petit coup d’œil rapide sur un autre texte moins connu de Marcel JeanJean « La merveilleuse découverte de l’oncle Pamphile ». Dans une cité de l’an 2000, les deux jeunes héros du roman découvrent tous les bienfaits du progrès et de la science. Tout ce bien être cache cependant sous de trompeuses apparences une humanité soumise à d’énormes contraintes et à un gouvernement cupide qui règne en une véritable dictature.
Un autre roman également fort intéressant, nous décrit une autre ville monstrueuse et abjecte, « L’age Alpha ou la marche du temps » de Ben Jackson (pseudo de M.Gerbault). Texte important dans le domaine mais hélas complètement oublié de nos jours. « Chrome 76 » est une ville champignon, l’apogée d’un des plus grands consortiums de la planète. Ville de plaisirs, de loisirs mais aussi de haine et de souffrance. Etat policier, peuple opprimé, elle offre ce qu’elle a de meilleur à une minorité dirigeante. Viendra le jour où une nouvelle philosophie, le « Tellurisme », renversera le pouvoir en place. Encore un gros volume excellent, difficile à trouver car extrêmement fragile, à quand une réédition ?
Comment ne pas terminer par un dernier texte, à mon avis trop mésestimé de l’excellent Claude Farrère. « Les condamnés à mort »:
Le Gouverneur, un roi du blé, règne sur un gigantesque complexe agro-industriel de six cent vingt-six usines. Homme froid et sans pitié, partisan des thèses du darwinisme social, il cherche à remplacer tous ses ouvriers par des « machines mains » nouvellement créées et qui assureront le travail à moindre coût.
Les Condamnés à mort, qui parut en 1920, est une véritable anticipation sociale, une contre utopie qui aborde les très sombres questions du devenir humain face à la mécanisation et à la toute puissance des lois économiques. Comparable en bien des points au talent d’un Wells, ce roman trop peu connu de cet auteur, nous offre la vision d’un monde terrifiant et froid rendu implacable car dominé par le pouvoir de l’argent et du pouvoir. Il y est question afin de « mater » les ouvriers qui vont tenter de se révolter contre la classe dominante d’un « rayon » qui désagrège instantanément la matière et qui calmera toutes formes velléités. Il existe une superbe édition de ce chef-d’œuvre méconnu, agrémenté de superbes compositions pleines pages de André Devambez.
Au final, une grande majorité de textes où les auteurs dénoncent les dérives de la science et des hommes peu scrupuleux qui l’utilise comme un moyen radical afin d’assouvir leur soif de puissance. Il est d’ailleurs intéressant de voir toute la différence qu’il existe entre la SF Européenne et celle produite par le continent Américain au cour de la première moitié du XXéme siècle. La science n’y occupe absolument pas la même place. Bien souvent négative et sournoise pour le premiers, triomphante et indispensable pour les seconds. Un gouffre culturel qui n’en rend pas moins le débat passionnant.
« Quand la ville dort »
Petite esquisse d’une bibliographie sélective des villes dans la conjecture ancienne.
Le sujet pourrait être vaste car bon nombre d’auteurs utilisèrent la ville comme un élément mineur du sujet de leurs histoires. Cette liste met surtout en évidence les œuvres où elle est un élément clef de l’intrigue ou tout simplement le reflet confirmé d’une certain progrès technologique et utilisée comme modèle de référence. J’ai également supprimé tous les ouvrages purement utopiques où la ville y est décrite comme le symbole d’un progrès social. Idem également pour toutes les « Atlantides » justifiant à elles seules toute une rubrique. Cette liste n’a aucune prétention d’exhaustivité car vous le savez tout autant que moi, l’anticipation ancienne est un travail de recherche de longue haleine où l’on découvre sans cesse de nouvelles références. Celle-ci évoluera donc au fil du temps, en fonction de mes propres découvertes mais également grâce à votre participation tout aussi généreuse qu’érudite.
- « Le monde tel qu’il sera » de Emile Souvestre. Edité par W.Coquebert. Illustré par MM.Bertall, O.Penguilly, St-Germain.1846.
- « Paris au XXéme siècle » De Jules Verne. Rédigé en 1863 et refusé par l’éditeur attitré de Verne (P.J.Hetzel), le manuscrit que l’on croyait perdu fut retrouvé plus d’un siècle après. Hachette « Le cherche midi éditeur » 1994.
- « Le XXéme siècle » de Albert Robida. Illustré par l’auteur. In-4. Edition G.Decaux 1883. Existe de nombreuses éditions
- « Dans 1000 ans » de E.Calvet. Librairie CH.Delagrave. Avec 140 illustrations de V.Nehlig. 1884.
- « Perdus dans les sables » de A.Brown. Librairie d’éducation de la jeunesse. Illustrations d’Albert Robida. S.d (vers 1885)
- « La Babylone électrique » de A.Bleunard. Illustré par De Montader. Paris Maison Quantin.1888.
- « Le XXéme siècle et la vie électrique » de Albert Robida. Illustré par L’auteur. In-4. Librairie illustrée 1890.
- « Une ville de verre» de Alphonse Brown. Paru dans la revue « La science illustrée » du N° 131(1 Juin 1890) au N°193(8 Août 1891. Réédité en volume La librairie Illustrée ( illustrations de Clérice).1891
- « La terre dans 100 000 ans, Roman de mœurs » Tome 1 « L’île enchantée » de A.Vilgensofer. H.Simonis-Empis éditeur.1893.
- « Fragment d’histoire future » de Gabriel De Tarde. Edition V. Giard et E. Brière à Paris, en 1896. Réédition « Ressources, Slatkine » 1980
- « Mystére-ville, Aventures Fantastiques » de William Cobb (analysé dans ce blog) Paru dans le « Journal des voyages » du N°418 (Dimanche 4 Décembre 1904) au N°434 (Dimanche 26 Mars 1905). Illustrations de Albert Robida.
- « Les découvertes de demain » Article paru dans la revue « Je sais tout » N°2 15 Mars 1905. Superbement illustré par Lanos
- « Au XXIXéme siècle : La journée d’un journaliste Américain en 2889 » de Michel Verne paru dans le recueil de nouvelles « Hier et demain contes et nouvelles » Hetzel 1910.
- « La journée d’un Parisien eu XXIéme siècle » de Octave Béliard. Paru dans la revue « Lecture pour tous » Noël 1910. Illustré par Arnould Moreau.
- « La ville aérienne, Roman scientifique d’aventures et de voyages » de H.De Graffigny. M.Vermot Editeur. Illustrations de José Roy. S.d (vers 1910).Réédité sous le titre « Les naufragés du Sahara » éditions Ferenczi « Romans d’aventures » 2éme série N5.1933
- « Le triomphe des suffragettes » de Jacques Constant. Librairie unverselle.1910
- « La merveilleuse aventure » de Cyril-Berger. Librairie Paul Ollendorff.1911
- « La cité des suicidés » de Munoz Escamez (analysé dans ce blog). Méricant « Les récits Mystérieux » s.d (vers 1912)
- « Les condamnés à mort » de Claude Farrère. Edition Edouard-Joseph et L’illustration. Paris 1920. Illustrations de André Devambez. Réédition Ernest Flammarion 1921.
- « Scientific-City » de H.DeVolta. 20éme et dernier fascicule de la série « Miraculas ».Editions Jules Tallandier « Bibliothèque Cadette ». 1221
- « La fin d’Illa » de José Moselli. Parution dans la revue « Sciences et Voyages » N° 283 (29 Janvier 1925) au N°306 (9 Juillet 1925). Illustré par André Galland. Réédité dans la revue « Fiction » N° 98 (Janvier 1962) et N°99 (Février 1962). Repris en volume aux éditions « Rencontre » en 1970
- « Métropolis » de Thea Von Harbou (épouse de Fritz Lang).Librairie Gallimard « Le cinéma romanesque » Illustré d’après le film. 1928.
- « La cité de l’or et de la lèpre » de Guy D’Armen. Parution dans la revue « Sciences et Voyages » du N°453 (3 Mai 1928) au N°479 (1 Novembre v1928). Réédition en volume dans l’anthologie de Gérard Klein « Sur l’autre face du monde et autres romans scientifiques de sciences et voyages. Robert Laffont éditeur. Collection « Ailleurs et demain Classiques » 1973
- « La cité tempérée » de Gaston Calzadilla. Editions Argo 1929.
- « Le maître de la banquise » de Pierre Agay (pseudonyme de Moselli ») Parution « Système D » (journal hebdomadaire illustré du Débrouillard) du Dimanche 8 Décembre 1929 N° 286 au Dimanche 3 Août 1930 N°320
- « Nous autres » de E.Zamiatine. Librairie Gallimard « Les jeunes Russes » 1929.
- « Electroville » de Jules D’ottange. Quatrième volume de la série « La chasse aux milliards ».P.Lethielleux éditeur 1931.
- « Le miroir du monde » Revue spécial XXXéme siècle. Noël 1933.
- « Le meilleur des mondes » de Aldous Huxley. Librairie Plon collection « Feux croisés, âmes et terres étrangères ».1933.
- « Radiopolis » de O.Hanstein. Editions Fernand Nathan. Illustrations de Maurice Toussaint. 1933.
- « Sur l’autre face du monde » de A.Valérie. Parution dans la revue « Sciences et voyages »du N°805 (31 Janvier 1935) au N°826 (27 Juin 1935). Réédition en volume dans l’anthologie de Gérard Klein « Sur l’autre face du monde et autres romans scientifiques de sciences et voyages. Robert Laffont éditeur. Collection « Ailleurs et demain Classiques » 1973
- « La cité des asphyxiés » de Régis Messac. Editions la fenêtre ouverte, collection « Les Hypermondes » 1937.Réédition « Edition spéciale » 1972.
- « Tritopolis » de Paul Bay. Editions Labor.1937
- « Futuropolis » de Pellos. Parution dans la revue Junior (1937/1938) Réédition Jacques Glénat en 1977
- « La guerre des forces » de Henri Suquet. Paru dans « Jeunesse magazine » du N° 9 (26 Février 1939) au N°14 (2 Avril 1939) Illustrations de Pellos. Réédité en volume sous le titre « Panique sur le monde » Les éditions du Clocher collection « Pour la jeunesse » 1939. Dernière édition en date Apex collection « Périodica » Association Regards « Les amis de Pellos » 1994
- « L’age Alpha ou la marche du temps » De Ben Jackson. Editions du Méridien. Avec 16 dessins de Raymond Gid. 1942.
- « L’le sous cloche » de Xavier de Langlais. Editions « Aux portes du large » 1946.
- « La Kallocaïne » de Karin Boye .Edition Fortuny « Ecrivains du monde » 1947. Réédité dans la collection « Les Hypermondes » éditions Oréa, dirigée par Francis Valéry.1988. Contient un excellent « Panorama des utopies et anticipations Scandinaves des origines à 1940 » en fin de volume et rédigée par F.Valéry.
- « Le gratte-ciel des hommes heureux » de Lucien Corosi. Fasquelle Editeurs. 1949.
Une vision de la ville du futur dans les années trente qui n’a rien à envier aux illustrateurs des « Pulps »